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Modes de valorisation du lait et systèmes d’élevage « ovin-lait ». La relation apporteurs / transformateurs en Corse et ses conséquences sur les pratiques d’élevage

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Modes de valorisation du lait et systèmes

d’élevage « ovin-lait »

La relation apporteurs / transformateurs

en Corse et ses conséquences sur les

pratiques d’élevage

RAPPORT DE STAGE – INRA LRDE

Laboratoire de Recherches sur le Développement de l’Elevage

Corte, France

Elsa CHAMPEAUX

CEI – AgroParisTech

Enseignant tuteur :

Sophie DEVIENNE

Encadrants :

Morgane MILLET, INRA LRDE

François CASABIANCA, INRA LRDE

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REMERCIEMENTS

Au terme de ce stage de 5 mois au sein du LRDE, je tiens à remercier

mes encadrants, Morgane Millet et François Casabianca, pour leur aide

précieuse, ainsi que l’ensemble de l’équipe du LRDE pour leur accueil. Je

tiens également à remercier tout particulièrement toutes les personnes qui

m’ont reçue pour répondre à mes questions.

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3

SOMMAIRE

INTRODUCTION 1

PARTIE I : CONTEXTE ET PROBLEMATIQUE DE L’ETUDE 2

1. Contexte 2

2. Problématique et hypothèses 6

PARTIE II : MATERIEL ET METHODE 10

1. Construction des guides d’entretien 10

2. Construction de l’échantillon 11 2.1. Laiteries 11

2.2. Eleveurs apporteurs 13

3. Méthode d’analyse 15

PARTIE III : RESULTATS 17

1. Caractérisation des enquêtés 17

1.1. Transformateurs laitiers 17

1.2. Eleveurs apporteurs et systèmes d’élevage 18

2. Relations entre apporteurs et transformateurs 25

2.1. La transaction marchande comme base 25

2.2. Caractérisation des relations par les enquêtés 27

2.2.1. Par les laiteries 28

2.2.2. Par les éleveurs apporteurs 30

2.3. Confrontation des représentations 31

3. Organisation et représentation des apporteurs au sein d’une laiterie 32

3.1. Place du collectif 32

3.2. Organisations collectives 32

4. Trajectoires des transformateurs laitiers 33

4.1. Développement des transformateurs laitiers 33

4.1.1. Développement jusqu’au années 2000 33

4.1.2. Evolutions après les années 2000, concurrence et situation actuelle 35

4.2. Changements de laiterie chez les apporteurs enquêtés 36

5. Influence des transformateurs laitiers sur les systèmes d’élevage 39

5.1. Influence des transformateurs laitiers dans les évolutions des exploitations 39

5.2. Impact des primes 40

6. Organisation et place des apporteurs au sein de la filière corse 41

6.1. Représentation du métier d’éleveur apporteur 41

6.1.1. Identité professionnelle de l’éleveur apporteur 41

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4 6.2. Intérêt et visions des éleveurs apporteurs quant à la filière 42 6.2.1. Origine du lait et certifications 42 6.2.2. Représentation des apporteurs au sein de la filière 43

PARTIE IV : DISCUSSION 45

1. Modèles locaux de fonctionnement 45

1.1. Figures du laitier 45

1.2. Critères de variation des relations 48 2. Influences de ces modèles de fonctionnement sur les pratiques d’élevage

48

2.1. Qualité du lait 48

2.2. Volumes et saisonnalité de la production 49

2.3. Influences indirectes 50

2.4. Confrontation des influences 50

3. Limites du travail réalisé et perspectives 51

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5

LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1 : Types de laiteries identifiés

Tableau 2 : Répartition des entretiens laiteries

Tableau 3 : Echantillon apporteurs, critères primaires de diversité Tableau 4 : Caractéristiques des transformateurs laitiers enquêtés

Tableau 5 : Echantillon apporteurs, répartition des entretiens selon les critères primaires de diversité

Tableau 6: Echantillon apporteurs, répartition selon les critères secondaires de diversité Tableau 7 : Changements de laiterie

Tableau 8 : Correspondances entre types structurels des transformateurs laitiers et modèles de fonctionnement

LISTES DES FIGURES

Figure 1 : Répartition des brebis-mères, RGA 2010 Figure 2 : Carte des microrégions utilisées

Figure 3 : Répartition géographique des entretiens Figure 4 : Age des exploitants enquêtés

Figure 5 : Période de collecte des transformateurs laitiers enquêtés Figure 6 : Changements de laiterie

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1

INTRODUCTION

La Corse est le 3

ème

bassin français de production de lait de brebis,

après le rayon de Roquefort et les Pyrénées-Atlantiques

[RGA 2010]

. La filière

laitière corse produit environ 9 millions de litres de lait

[Agreste SAA 2012]

et

2400 tonnes de fromages. Elle est organisée autour de trois opérateurs : les

éleveurs fermiers, les transformateurs, et les éleveurs apporteurs, qui

représentent environ 70% des élevages et produisent les 2/3 du lait ovin

corse. Les éleveurs apporteurs sont donc des acteurs majeurs de la filière ;

pourtant leur place est mal définie, vis-à-vis des laiteries auxquelles ils

apportent le lait, comme au sein des institutions de la filière. Les relations

entre les éleveurs apporteurs et les transformateurs, tout comme les

conséquences de ces relations sur les systèmes d’élevage, particulièrement

en termes de pratiques d’élevage, sont ainsi mal connues.

Le stage présenté dans ce rapport a pour but de comprendre les

natures et les évolutions des relations entre ces éleveurs apporteurs et les

transformateurs laitiers, ainsi que les impacts de ses relations sur la

construction et l’évolution des pratiques d’élevages. Il s’inscrit dans une

thématique plus large visant à comprendre les liens entre pratiques

d’élevage et mode de valorisation des produits.

Après avoir présenté le sujet d’étude, ainsi que la problématique et les

hypothèses soulevées, nous présenterons la méthode utilisée pour

répondre aux objectifs posés, avant d’analyser les principaux résultats et de

les discuter.

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2

PARTIE I : CONTEXTE ET PROBLEMATIQUE DE L’ETUDE

Une étude bibliographique, ainsi qu’une série d’entretiens auprès de personnes ressources (INRA, ILOCC, Chambres d’Agriculture, ODARC) ont permis de cerner le contexte et les enjeux inhérents à la filière corse, et d’établir nos premières hypothèses et axes de recherche.

1. Contexte Historique de la filière

L’élevage ovin laitier est un élevage traditionnel en Corse, avec une culture du pastoralisme importante, et une race locale peu modifiée au cours du temps, la brebis corse. Historiquement, le pastoralisme corse traditionnel suit une double transhumance sur des pâturages le plus souvent communaux ; en effet les troupeaux sont en estive dans les terres de montagne, muntagna, et laissés souvent en errance de fin juin à septembre, époque des brûlis pastoraux. En hiver le berger amène le troupeau dans les régions littorales, dans les terres de piaghja (plaine, plage) [Ravis-Giordani, 1983]. L’élevage est

souvent mixte, avec élevage de bovins, caprins, porcins. A partir du 18e siècle il s’inscrit

de plus en plus dans un système agro-pastoral, avec une céréaliculture extensive puis le développement de l’agriculture à partir du 19e siècle (céréaliculture et horticulture,

arboriculture, textiles…) Une semi-autarcie et une identité propre sont formées au sein de chaque pieve (unité administrative instaurée par les Génois) et communauté rurale

[Pernet, Lenclud, 1977].

Les industriels de Roquefort s’installent en Corse à partir de 1893, avec la maison Louis Rigal, suivie rapidement par la maison Maria Grimal et la Société Anonyme des Caves et des Producteurs Réunis de Roquefort (appelée communément « Société ») en 1901. Ces industriels récoltent la quasi-totalité du lait corse. Ces transformateurs ont un impact important sur les élevages corses. En effet les éleveurs deviennent de plus en plus dépendants des industriels de Roquefort, et transforment de moins en moins [Pernet, Lenclud, 1977].On assiste à une sédentarisation, qui s’accompagne d’une spécialisation des

élevages en brebis et d’une augmentation de la taille des troupeaux. Ces phénomènes sont dus en partie à l’intégration des éleveurs dans le système économique moderne et à l’ouverture des marchés, mais aussi à la ponction démographique opérée sur les populations pastorales qui se fait tout au long du XXe siècle [Pernet, Lenclud, 1977]. De plus les

calendriers de collecte instaurés par les laiteries de Roquefort entrainent une avancée des mises-bas, pour une production de lait plus précoce.

A partir des années 1960, les industriels de Roquefort participent à la structuration des exploitations et à l’introduction des innovations techniques, notamment par du conseil technique, le contrôle laitier (introduit en Corse en 1961), ou encore une incitation des éleveurs à introduire de la race sarde dans les troupeaux au cours des années 1970.

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3 Les changements de pratiques induits par la présence des industriels de Roquefort supposent des investissements pour les éleveurs. Les transformateurs ont alors joué le rôle de banquiers [Delfosse, Prost, 1998]. L’impact de ces incitations est très variable au sein de

l’île et le contrôle laitier inefficace à ses débuts [Vallerand et al., 1994]. A cette époque, ils

permettent également aux éleveurs de récupérer le lactosérum pour la fabrication du Brocciu[Prost et al., 1994]. Cependant, il y a eu peu d’échanges de savoir-faire entre les

industriels et leurs apporteurs [Delfosse, Prost, 1998].

A partir du milieu des années 70, confrontée à la surproduction dans le Rayon, les industriels de Roquefort organisent leur retrait progressif (et partiel) de Corse, en commençant par une politique de diversification, avec notamment des productions de fêta et brocciu [Ricard, 1997]. Ceci entraine notamment une concurrence avec les

producteurs de Brocciu qui se lancent alors dans la certification dans une « stratégie de défense». L’AO (Appellation d’Origine) Brocciu est obtenue en 1983[Prost et al., 1994].

Le retrait de Roquefort transforme la filière. En effet, il n’y a pas eu de reprise par des industriels, et pour écouler leur lait, certains apporteurs commencent –ou reprennent- la transformation fermière. Dans le même temps des petites laiteries indépendantes sont développées, souvent par des familles de bergers devenus collecteurs et transformateurs [Rieutort, 1995]. Certaines existaient déjà avant le retrait de Roquefort, mais

en 1970 Roquefort collecte encore 90% du lait corse [Delfosse, 2007]. Ces laiteries

commencent donc véritablement à se développer à partir des années 80. De plus, des tentatives de création de coopératives émergent [Prost et al., 1994].

Les années 1980 sont aussi une période charnière pour les systèmes d’élevage, avec notamment la mise en place d’un schéma de sélection : la FRECSOV (Fédération Régionale Corse de Sélection Ovine) est créée en 1982. La race corse est officiellement reconnue en 1987, et la FRECSOV sera reconnue comme UPRA (Unité nationale de sélection et de Promotion de Race) en 1996. Cette UPRA devient Organisme de Sélection (OS) en 2006. L’Insémination Artificielle (IA) est utilisée pour diffuser le progrès génétique. La CORSIA, Coopérative Ovine Régionale de Sélection et d’Insémination Artificielle, existe depuis 1999, et depuis 2010 la pratique de l’IA est obligatoire en CLO (Contrôle Laitier Officiel).

Les années 1990 voient s’entamer la structuration de la filière autour de l’AOC Brocciu (début des modifications en 1992 ; décret publié en 1998) et d’une interprofession. Cette dernière est créée au cours des années 1990, et reconnue depuis 2005, l’ILOCC (Interprofession Laitière Ovine et Caprine Corse). Elle est composée de trois collèges, représentés chacun par 12 délégués : le collège de producteurs livreurs, le collège de producteurs fermiers et le collège de transformateurs laitiers industriels et coopératifs. Le paiement du lait à la qualité est instauré au sein de la filière depuis 2000.

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4 La filière aujourd’hui

Aujourd’hui, la filière occupe une place importante dans l’activité agricole corse : les exploitations spécialisées la production ovine détiennent 12% de la SAU des exploitations corses, soit 20 900 ha [Agreste, RGA 2010]. 17 transformateurs sont installés en

Corse, dont une usine de Roquefort, appartenant aujourd’hui au groupe Lactalis. Les 225 éleveurs apporteurs produisent environ ⅔ du lait corse (68% [Agreste SAA 2012]), soit 6,57

millions de litres.

Au niveau départemental la situation est contrastée : en effet la part de la production des éleveurs apporteurs est de 84% en Haute-Corse et seulement 28% en Corse-du-Sud. Il faut dire que ¾ des éleveurs apporteurs sont installés en Haute-Corse [Agreste, SAA 2012].

De plus, presque les ¾ de la production laitière ovine proviennent de Haute-Corse (72%

[SAA 2012]) et 14 fromageries sur 17 sont situées en Haute-Corse, majoritairement dans la

région de Bastia et en Côte Orientale. L’usine de Roquefort regroupe 40% des apporteurs corses, qui sont organisés au sein du « Groupement des producteurs corses de Roquefort », existant depuis une trentaine d’années.

On observe en Corse-du-Sud une transformation fermière plus développée, et des troupeaux en moyenne plus petits.

La carte de répartition des 88 500 brebis-mères laitières (tous élevages confondus) en Corse illustre ce contraste (figure 1).

Si le caractère traditionnel des élevages s’est progressivement délité (élevages sédentarisés, fin de la double transhumance), ceux-ci ont tout de même conservé une part importante de parcours et de prairies. Deux tiers (66%) de la SAU des exploitations spécialisées en ovin-lait sont constitués de prairies permanentes (ou surfaces toujours en Herbe - STH1), environ 22% de prairies temporaires2 et 12% de prairies artificielles3 [Agreste RGA 2010].

Le cheptel ovin est essentiellement de race corse. La production moyenne régionale de la brebis corse est d’environ 95L/brebis traite. Cependant la race corse a un certain potentiel d’augmentation de sa production ; la production moyenne en 2014 des élevages suivis en CLO (Contrôle Laitier Officiel) en Haute-Corse étant de 140L/brebis traite et de 110L/brebis traite en CLS (Contrôle Laitier Simplifié) [CDA de Haute-Corse].

1

Surfaces comprenant les prairies naturelles ou semées depuis plus de 6 ans, et les STH peu productives pacagées composées notamment de parcours et de maquis (Statistique Agricole Annuelle)

2

Semées depuis 6 ans ou moins, base de graminées fourragères

3

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5 Figure 1 : Répartition des brebis mères, RGA 2010

(11)

6 Les enjeux

La production laitière corse ne suffit plus à répondre aux besoins de la transformation : en effet à partir des années 2000 environ, le cumul de la diminution des exploitations (avec un manque de renouvellement), de la mise aux normes des unités laitières et du développement des marchés à l’exportation a entraîné une situation de manque de lait pour la filière ovine corse. Après des « importations » de lait épisodiques, la filière commence à organiser et officialiser ses achats de lait à partir de 2006 environ. Mais cela entraîne une crise à l’interprofession, avec de vrais clivages. Certains proposent alors une gestion interprofessionnelle des importations, mais cette proposition n’est pas concrétisée. Les éleveurs fermiers s’opposent en bloc à ces importations, tandis que les représentants des apporteurs ont des avis plus divergents. En 2008, une partie des représentants des producteurs, dont l’ensemble du collège fermier, démissionne en bloc et demande la dissolution de l’ILOCC. Celle-ci n’est pas prononcée car une nouvelle association de producteurs fermiers est créée et adhère à l’ILOCC. L’interprofession est tout de même mise à mal.

Aujourd’hui on estime qu’environ 20% du lait transformé en Corse est importé de Sardaigne, d’Aveyron ou d’ailleurs [Observatoire Interprofessionnel 2013].4 Plusieurs laiteries se sont

organisées en un GIE, notamment pour regrouper ces importations.

Parallèlement, la production de lait de brebis livré à l’industrie laitière est en baisse depuis 2008 (- 9,5% [Agreste, SAA 2008-2012]). Ceci est en partie dû à un manque de

renouvellement des exploitations : entre 2000 et 2010, on observe une baisse de 32% du nombre d’exploitations détentrices d’ovins, et une baisse de 30% pour les exploitations ovines spécialisées% [Agreste, RGA 2000 et 2010]. Aujourd’hui, l’âge moyen des

éleveurs en exploitation ovine est de 50 ans [Agreste RGA 2010] et peu d’entre eux ont des

perspectives concrètes de reprise De plus, les systèmes d’élevage sont confrontés à de nombreuses difficultés, telles que la maîtrise du foncier qui fait souvent défaut et complique la valorisation des terrains, mais aussi des coûts de production élevés, qui ne sont pas toujours compensés par le prix du lait élevé : 1€24/L en moyenne sur 15 laiteries [Observatoire Interprofessionnel Campagne 2013].

2. Problématique et hypothèses

Au sein de ces enjeux, la place, la représentativité et l’organisation des éleveurs apporteurs dans la filière est mal connue, alors même qu’ils y jouent un rôle majeur.

En effet, si des travaux ont été menés la filière ovine laitière en Corse, sur les fabrications fromagères [Delfosse, 2007-Delfosse, Prost, 1998 – Ricard, 1997 – Sorba, Dubeuf, Casalta, 2004], sur la

construction collective de l’appellation d’origine Brocciu[Linck, Bouche, Casabianca, 2009 – Prost et al., 1994 – Sainte Marie et al., 1995], et sur la race locale corse et sa sélection [Casabianca et Vallerand, 1994 – Vallerand, 1994], peu d’éléments sont apportés sur les éleveurs ovins apporteurs. Nous avons

une faible connaissance de leur système d’élevage comme du rôle qu’ils ont joué dans la

4

Par la suite, nous utiliserons le terme « lait importé » pour décrire le lait venant de l’extérieur de la Corse, même si celui-ci est partiellement acheté en France continentale.

(12)

7 structuration récente de la filière, dans la mise en place des industries locales, dans l’évolution de la production… Alors qu’ils représentent la majorité des éleveurs corses. De plus l’histoire contemporaine de la filière et son organisation actuelle sont mal connues : on trouve ainsi peu de travaux à ce sujet depuis les années 2000.

Nous faisons ainsi face à une série de questionnements. Comment se structurent les relations entre éleveurs apporteurs et laitiers ? Quelles en sont les conséquences sur les pratiques d’élevage et sur les objectifs de production (quantité, qualité) ?

L’objectif de ce stage est donc d’étudier la place des apporteurs à travers les relations pouvant exister entre ces derniers et les laiteries auxquelles ils vendent le lait. On cherchera à connaître la nature de ces relations au sein de la filière ovine laitière, leurs caractéristiques et leurs évolutions, mais aussi à faire ressortir des éléments d’explication. De plus, on cherchera à déterminer les impacts que ces relations peuvent avoir sur les systèmes d’élevage des apporteurs, particulièrement sur leurs pratiques.

Après un état de l’art concernant ces relations entre apporteurs et transformateurs, on se rend compte que cette thématique a été peu étudiée. En effet, des études en zootechnie ont été menées sur les relations cause-effet entre paiement du lait à la qualité et caractéristiques d’exploitations d’élevage.

Afin d’assoir notre approche, nous faisons donc majoritairement appel à deux disciplines : la première est celle de l’économie des conventions qui nous permet de caractériser les relations existantes, la seconde est celle de la zootechnie-système, afin de caractériser les systèmes d’élevage, les pratiques mises en œuvre et leurs évolutions

[Landais et Balent, 1993 ; Vallerand et al., 1991].

Afin de pouvoir caractériser les différentes relations existantes entre apporteurs et transformateurs, nous utilisons les notions d’Economies de la Grandeur : on distingue en effet 6 cités, qui représentent des systèmes de valeurs, des « grandeurs », articulant les rapports entre les personnes : la cité inspirée, la cité domestique, la cité de l’opinion, la cité civique, la cité marchande, la cité industrielle[Thévenot, 1989 - Boltanski, Thévenot, 1991].

Dans notre étude, nous nous intéressons particulièrement aux formes de coordinations domestique, marchande, industrielle et civique, ainsi que les compromis pouvant exister entre ces formes.

La forme domestique repose sur la confiance et la connaissance, à la fois dans une dimension temporelle, par la fidélité et la répétition des relations, mais aussi dans une dimension spatiale, appuyée par la familiarité, le voisinage, la proximité, et une dimension hiérarchique qui repose sur l’autorité et l’estime. La coordination marchande est structurée par l’opportunisme et la concurrence. Elle dépend d’un moment unique et n’a donc pas de dimension temporelle. On peut la retrouver dans les lois de l’offre et de

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8 la demande, dans la construction des prix du marché. La forme industrielle repose quant à elle sur des notions de productivité et d’efficacité. On retrouve une dimension temporelle avec l’importance des investissements. De plus, cette forme tend à la standardisation des biens, notamment au niveau de l’hygiène. Enfin, la forme civique repose sur la valeur prépondérante du collectif. L’intérêt général et la solidarité structurent les échanges.

Des tensions, des « rapports critiques » existent entre ces formes. Le monde civique s’oppose par exemple dans sa dimension égalitaire et solidaire au monde domestique, supposé arbitraire, ou encore au monde marchand, plus individualiste. Mais si ces mondes s’opposent, des points d’accord et des compromis sont également possibles, les individus ne restant pas enfermés dans un monde. Le monde domestique et le monde civique accordent par exemple tous deux une place importante au respect des règles et au savoir-vivre.

Hypothèses posées

D’après les dires d’experts rencontrés et notre premier travail bibliographique, il nous est possible de cerner un certain nombre d’éléments influant sur la relation entre apporteurs et laiteries.

L’élevage corse a longtemps été structuré par les communautés rurales et les pievi. Aujourd’hui la Corse est partagée en plusieurs microrégions, qui ont chacune un patrimoine partagé, et souvent un fromage typique. Les conditions climatiques et géographiques de ces microrégions sont également très variées, des montagnes (le plus haut sommet de Corse, le Monte Cintu, culmine à 2706 m d’altitude) aux plaines littorales. Un apporteur installé en montagne, avec une exploitation éloignée de la laiterie et difficile d’accès rencontre des difficultés de collecte par rapport à un apporteur installé en plaine, à quelques kilomètres de la fromagerie. De plus les terrains en montagne seront difficilement irrigables, par rapport à des terres de plaine, et de façon générale l’alimentation des bêtes et la saisonnalité de la production sont régies par le climat. La situation géographique au niveau des microrégions et la proximité avec le transformateur font donc varier les relations et leurs conséquences sur les pratiques d’élevage.

Les éleveurs apporteurs corses sont assez « fidèles », c'est-à-dire qu’il y a peu de changements de laiterie. Ceci peut s’expliquer par l’existence de l’alternative fermière, non négligeable (⅓ des éleveurs ovins corses), et peut-être une concurrence pour les apporteurs, toujours existante malgré les importations de lait. De plus, de façon générale, on remarque que les relations entre les personnes sont souvent construites par l’histoire et les évolutions de la relation. On pose donc l’hypothèse que l’historique et l’antériorité de la relation entre un apporteur et le transformateur auquel il livre le lait font varier les relations. Elles sont par ailleurs conditionnées par le contexte de la filière.

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9 Les experts supposent également que les relations et leurs impacts dépendraient fortement de la laiterie étudiée, en particulier lorsqu’il s’agit d’une coopérative. Le gestionnaire de la laiterie et la “figure” du laitier influeraient donc sur les relations et leurs impacts sur les pratiques d’élevages. Les organisations collectives entrainent des relations et des influences particulières. On se penchera donc particulièrement sur les coopératives et le groupement des producteurs corses de Roquefort.

Qui plus est, on remarque que le paiement du lait à la qualité a été instauré en 2000. Ainsi, le lait est non seulement payé à la quantité, ce qui pousse donc naturellement les éleveurs à produire pour maintenir ou augmenter leur revenu, mais il est aussi payé selon sa composition (fromageabilité) et sa qualité bactériologique. La « façon de produire » ce lait impacte donc également le revenu des éleveurs. Le prix du lait et les modalités de la transaction influeraient donc sur les pratiques d’élevage.

Enfin, au cours du XXe siècle, les attentes des industriels de Roquefort en termes de

volumes et de saisonnalité de la production ont eu des impacts sur les pratiques d’élevage et sur la race locale corse. On suppose donc que les attentes et les objectifs des transformateurs laitiers actuels en termes de volumes et de saisonnalité de la production ont des impacts sur les pratiques d’élevage et sur la place de la race corse.

On se base donc sur deux hypothèses principales :

D’une part, l’existence de modèles de fonctionnement différents entre laiteries et apporteurs qui induisent une certaine variation dans les relations entre éleveurs apporteurs et transformateurs : l’historique et l’antériorité de la relation, des tensions dues à une situation de concurrence, et la situation géographique des apporteurs.

D’autre part, on suppose que ces modèles de fonctionnement ont des influences sur les systèmes d’élevage, notamment à travers le prix du lait, son paiement à la qualité, et les modalités de la transaction, et les attentes et objectifs des transformateurs laitiers en termes de volumes et de saisonnalité de la production.

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PARTIE II : MATERIEL ET METHODE

Nous sommes dans une posture compréhensive : il s’agit de comprendre comment les relations entre apporteurs et laiteries se construisent et comment elles peuvent impacter les façons de produire du lait. Notre travail a, par ailleurs, un caractère exploratoire : comme nous l’avons exposé précédemment, c’est un sujet qui a été peu travaillé sous cet angle jusqu’à présent. On s’appuie donc sur une récolte d’information qualitative.

De plus on cherche ici à étudier la diversité des représentations et situations existantes, et non à en faire une description exhaustive ou représentative statistiquement. On cherche également à étudier la réciprocité et les interactions inhérentes aux relations entre éleveurs apporteurs et transformateurs laitiers, on utilisera donc cette enquête qualitative à travers deux séries d’entretiens semi-directifs : auprès de laiteries d’une part, auprès d’éleveurs apporteurs d’autre part.

On choisit de réaliser les entretiens auprès des laiteries en premier, car ceux-ci permettront notamment de construire l’échantillon des apporteurs.

1. Construction des guides d’entretien

A partir des hypothèses posées lors de la prise en main du sujet et des entretiens auprès d’informateurs, nous avons défini les principales thématiques à aborder, qui sont traduites dans les deux guides d’entretien en Annexes I et II. Les guides d’entretiens ont été testés auprès de deux laitiers et de deux apporteurs afin d’être corrigés et stabilisés pour la suite de notre enquête.

Le guide d’entretien à utiliser auprès des laiteries est construit selon les thématiques suivantes :

Ø L’histoire de la laiterie et l’évolution de la structure de ses apporteurs.

Ø La situation actuelle de ses apporteurs, à travers leur localisation et l’organisation collective des apporteurs, l’organisation de la collecte, et la construction du prix du lait et de sa qualité, au niveau sanitaire et au niveau de la fromageabilité (MSU : Matière Sèche Utile).

Ø On s’intéresse ensuite à l’état des relations, en essayant de voir si des types de relations sont décrits par les enquêtés. On s’intéresse également aux changements récents de laiterie, afin de voir ce qui peut les expliquer, et au cas des apporteurs « mixtes », qui transforment une partie de leur production.

Ø Les objectifs et actions de la laiterie sont également étudiés : en termes de qualité du lait, de volumes et de saisonnalité, mais également les actions sur le plan financier (des aides pour les éleveurs) et technique, ainsi que l’implication des éleveurs.

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11 Ø Enfin on s’intéresse à la vision de la filière, particulièrement en ce qui concerne la

représentation des apporteurs au sein des instances représentatives de la filière, l’origine du lait et la place de la race corse.

Les thématiques à aborder auprès des éleveurs ont également été définies :

Ø Les évolutions de l’exploitation (structurelles et techniques), dont les changements de laiteries s’il y a lieu,

Ø L’exploitation actuelle, en s’intéressant particulièrement : au milieu humain, au troupeau, aux éléments de conduite de ce troupeau, aux pratiques fourragères et/ou pratiques de gestion du pâturage, aux équipements, ainsi qu’à la valorisation des agneaux et la transformation le cas échéant.

Ø La relation avec la laiterie, avec une construction semblable à celle des entretiens auprès des laiteries :

o au niveau de l’organisation (collecte, collectif et prix du lait),

o au niveau des attentes de la laiterie et des interactions : qualité, production, aides financières.

o L’état actuel de la relation selon l’enquêté

Ø Comme pour les laiteries, la vision de la filière, en termes de représentation, d’origine du lait, et de la race corse. On aborde de plus la question de la reconnaissance en tant que producteur pour l’éleveur.

Ø Enfin, on s’intéresse à la vision qu’a l’enquêté de son métier.

Pour les laiteries comme pour les éleveurs, les entretiens ont duré en moyenne 2h.

2. Construction de l’échantillon

A travers cette enquête qualitative, on cherche à établir des échantillons représentatifs de la diversité des situations.

Compte tenu de la méthode choisie ainsi que de la structure de la filière (17 laiteries, 225 apporteurs), nous avons cherché à construire un échantillon de taille pertinente : 7 laiteries et 20 éleveurs apporteurs.

2.1. Laiteries

En ce qui concerne les laiteries, on s’intéresse à toutes les laiteries transformant du lait de brebis en activité en Corse.

On recherche la diversité dans leur fonctionnement et dans leur nombre d’apporteurs. On a choisi 2 critères pratiques permettant d’illustrer la diversité des laiteries corses :

Ø La structure : usine d’un groupe national, laiteries corses privées (SARL, SAS...) et sociétés coopératives agricoles.

Ø Le nombre de salariés : en effet ce critère permet d’avoir une estimation de la taille de l’entreprise et de son volume de transformation. Nous avons choisi les

(17)

12 tranches suivantes : 20-49, 6-19 (regroupant les tranches 6-9 et 10-19) et 0-5 salariés[tranches d’effectif salarié INSEE].

En croisant ces critères on obtient les catégories suivantes :

Structure / Salariés 20-49 6-19 0-5 Groupe national T1 Coopératives T3 Laiteries privées (SARL, SAS, artisan) T2 T4 T5

Tableau 1 : Types de laiteries identifiés On identifie ainsi 5 types de laiteries :

Ø T1 : Usine d’un grand groupe national. Entre 20 et 49 salariés. Ø T2 : Laiteries corses industrielles privées, 20-49 salariés. Ø T3 : Coopératives, 0-19 salariés.

Ø T4 : Laiteries corses moyennes, 6-19 salariés. Ø T5 : Laiteries artisanales, 0-5 salariés.

On remarque ainsi que sur les 17 laiteries en activité en Corse, on peut identifier 5 types. Ceci traduit l’hétérogénéité élevée de ces structures.

A noter que nous avons choisi de réunir 2 catégories (« Coopérative 0-5 salariés » et « Coopérative 6-19 salariés ») pour former le T3 : en effet, une seule structure formait la catégorie « Coopérative-6 à 19 salariés », mais celle-ci est en réalité une SARL, en partenariat avec une laiterie privée. Cependant étant une ancienne coopérative et ayant gardé sa structuration et son fonctionnement coopératif dans la collecte du lait, il nous a semblé judicieux de la rapprocher des autres coopératives pour l’analyse des relations entretenues avec les éleveurs apporteurs.

Tableau 2 : Répartition des entretiens laiteries Type Entretiens laiteries

T1 1 T2 1 T3 2 T4 1 T5 2 Total : 7

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13 Nous avons choisi un représentant respectif pour le T1, le T2 et le T4, ainsi que deux représentants pour chacun des T3 et T5 (cf. Tableau 2). 7 entretiens ont donc été réalisés pour cette première série. Les deux premiers entretiens ont été utilisés comme entretiens tests afin de corriger puis valider le guide d’entretien.

2.2. Eleveurs apporteurs

En ce qui concerne les éleveurs apporteurs, la population d’étude est l’ensemble des exploitants situés en Corse dont l’élevage ovin constitue l’activité principale, et qui vendent leur lait à une des laiteries.

Afin de constituer un échantillon représentatif de la diversité des relations entre apporteurs et transformateurs, nous avons sélectionné les exploitations d’élevage ovin laitier selon plusieurs critères.

· Critères primaires

On identifie deux critères primaires de diversité au sein de cette population :

Ø La situation géographique, qui est aussi révélatrice des conditions de production (par exemple plaine ou montagne) et de la proximité aux laiteries.

On utilise pour ce critère les régions suivantes :

En Haute-Corse :

- Nord : Nebbiu, Grand Bastia (Marana), Cap Corse

- Balagne

- Centre : Niolu, Cortenais, Venacais

- Côte Orientale : Casinca, Castagniccia, Moriani, Aléria, Ghisonaccia

En Corse-du-Sud :

- Ouest : de Galéria jusqu’au Taravu

- Sud : Taravu, Sartenais (+ Alta Rocca et Porto-Vecchiais, Figari : pas d’éleveurs apporteurs rencontrés dans ces zones)

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14 En raison du faible nombre d’apporteurs en Corse-du-Sud, nous avons choisi de regrouper les régions de la Côte Ouest et du Grand Ajaccio, ainsi que celles du Grand Valinco et du Sud Corse.

Ø Le type de laiterie auquel l’exploitant vend : T1 à T5 décrits précédemment. En croisant les deux critères de localisation géographique et du type de laiterie, on a ainsi retenu 10 catégories décrites dans le Tableau 3:

T1: Grand groupe T2: Laiteries industrielles corses T3 : Coopératives T4: Laiteries moyennes T5: Laiteries artisanales Nord C1 Balagne C2 Côte Orientale C3 C5 C8 C9 Centre C4 C10 Ouest C6 Sud C7 C1

Catégories qui ne peuvent être complétées : pas d'éleveurs apporteurs y correspondant

Tableau 3 : Echantillon apporteurs, critères primaires de diversité

Localisation Type laiterie

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15 · Critères secondaires

Nous avons également défini plusieurs critères secondaires de diversité pour l’échantillon des éleveurs apporteurs. Ces critères nous ont servi à ajouter une diversité supplémentaire à l’échantillon :

- L’âge de l’exploitant

- au niveau des exploitations :

o Les pratiques fourragères et pratiques de gestion du pâturage permettent de différencier et caractériser les exploitations [Landais et Balent, 1993 ; Vallerand Choisis et Diaz, 1991] dans un premier temps, avant d’avoir réalisé les entretiens, sur la base

des dires des personnes ressources, on a donc choisi comme premier niveau de différenciation :

-Les systèmes plutôt extensifs, avec majorité de STH (Surfaces Toujours en Herbe) : plus de 60% de la SAU, et faible complémentation.

- Les systèmes fourragers plus intensifs, avec donc majorité de prairies temporaires et artificielles : superficie cumulée supérieure à 60% de la SAU, et souvent une forte complémentation.

- Les exploitations décrites comme « en transition » (souvent vers une intensification), et les exploitations intermédiaires en superficies, ainsi qu’avec majorité de STH associée à une forte complémentation.

o On recherche également une diversité au niveau du suivi technique mis en place par les Chambres d’Agriculture ou l’ILOCC : actuellement, pas de suivi, suivi technique simple, Contrôle Laitier Simplifié (CLS), Contrôle Laitier Officiel (CLO) et donc utilisation de l’Insémination Artificielle (IA).

o Enfin on a également cherché à avoir dans l’échantillon des éleveurs dits « mixtes », qui transforment une partie de leur production eux-mêmes, tout en vendant du lait à la laiterie.

Les noms et contacts d’éleveurs ont été obtenus dans un premier temps par les laiteries enquêtées, en expliquant la diversité recherchée. Cependant, la diversité obtenue n’étant pas suffisante et au vu du temps imparti, nous avons également mobilisé des techniciens des Chambres d’Agriculture comme personnes ressources.

3. Méthode d’analyse

On cherche ici à analyser le contenu des entretiens, en commençant par une analyse thématique. Pour ce faire, des grilles de dépouillements des entretiens ont été construites et corrigées sur la base des entretiens test entièrement retranscrits.

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16 L’annexe III présente la grille de dépouillement utilisée pour les entretiens auprès des laiteries. Cette grille reprend les thématiques définies pour les entretiens : un tableau résume la situation et les interactions concernant les apporteurs de la laiterie, et un second décrit la vision de la filière de l’enquêté.

L’annexe IV présente la grille de dépouillement utilisée pour la seconde série d’entretiens auprès des éleveurs. Elle est également construite selon les thématiques définies et est ainsi utilisée pour ordonner l’information par thématique, avec un tableau résumant les caractéristiques de l’exploitation et les pratiques d’élevage, puis un tableau concernant la relation et les interactions existantes avec la laiterie, avant d’utiliser un tableau concernant la vision de l’enquêté de la filière et de la place des apporteurs. Enfin, un tableau résume son identité professionnelle.

Cette grille est de plus introduite par une représentation schématique de la trajectoire de l’exploitation étudiée, en s’intéressant particulièrement aux évolutions concernant le troupeau et sa conduite, les pratiques fourragères et pratiques de gestion du pâturage, ainsi que les équipements et bâtiments. Ces évolutions sont confrontées à l’histoire de l’exploitation par rapport à la laiterie, afin de voir si un changement de laiterie ou différentes actions de cette laiterie peuvent être reliées à des évolutions de l’exploitation. Un exemple de dépouillement complet d’un entretien auprès d’un éleveur apporteur est présenté en annexe V.

Ces grilles de dépouillement serviront de base à l’analyse thématique des résultats obtenus, au sein de chaque échantillon et au sein de l’ensemble des enquêtés. Nous travaillerons et discuterons ces résultats par la suite, afin de pouvoir caractériser les relations existantes entre apporteurs et transformateurs, dans le cadre de la discussion.

(22)

17

PARTIE III : RESULTATS

Afin de présenter les résultats obtenus, on se penchera tout d’abord sur la caractérisation des enquêtés (laiteries et éleveurs apporteurs), avant d’étudier la caractérisation des relations par les enquêtés eux-mêmes. On s’intéressera ensuite à l’organisation des apporteurs au sein d’une laiterie, puis la construction des relations et les influences existantes entre apporteurs et transformateurs. Enfin, on considérera la question de la place des éleveurs apporteurs dans la filière corse.

1. Caractérisation des enquêtés 1.1. Transformateurs laitiers

Le Tableau 4 décrit les principales caractéristiques des laiteries enquêtées.

Transformateur Date d’installation (en tant que transformateur laitier) Nombre

d’apporteurs Collecte (Corse)

Volumes produits

(par an) Production Lait

Chiffre d’affaires T1 (Roquefort, groupe Lactalis) 1996 (usine actuelle) 89 2 300 000 L 20 oct. – 30 juin 700 t Brocciu, brousse, fromages frais. Pâte molle, croûte fleurie. Tomme pâte pressée, croûte mixte Lait pasteurisé, brebis 7 000 000 € T2 1948, SARL depuis 1988 70 1 700 000 L fin oct. – 20 juillet (+ lait de chèvre en été, pas de fermeture) 650 t ? Brocciu, brousse, fromage frais. Pâtes molles, tommes pâtes pressées, croûtes lavées et fleuries. Lait pasteurisé, brebis et chèvres + quelques produits en lait cru. Environ 6 200 000 € T3 (1) 1982 30 300 000 L 30 nov – 30 juin 100 t ? Brocciu, Tomme Lait pasteurisé, un peu de cru, brebis 1 300 000 € T3 (2) 1979 8 135 000 L fin nov. – fin juin 25 t Brocciu, Tomme pâte pressée, croûte fleurie Lait pasteurisé, brebis 261 000 € T4 1981 (SARL depuis 1989) 12 (+ 6 caprins) 320 000 L début oct. – mi-juin (brebis) 180 t Brocciu, brousse. Pâte molle, crôutes lavées et fleuries, pâte pressée achetée et affinée Lait pasteurisé, brebis et chèvre 2 400 000 € T5 (1) 1989 6 160 000 L début nov. – 15 juillet 50 t Brocciu, fromage de lactosérum. Tomme pâte pressée Lait cru + mélange cru et pasteurisé, brebis 640 000 € T5 (2) 1993 2 9 000 L nov. –début juillet 2 t ? Brocciu. Fromage de type “Venaco” essentiellement, tomme. Lait cru, brebis inconnu

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18 Ces laiteries sont principalement situées en Haute-Corse, cinq d’entre elles sont localisées en côte orientale. Deux laiteries sont situées en Corse-du-Sud.

1.2. Eleveurs apporteurs et systèmes d’élevage

Les critères primaires (situation géographique et type de laiterie) nous ont permis de définir 10 catégories. Suivant ces critères, on a réalisé 20 entretiens auprès d’éleveurs

apporteurs présentés dans le Tableau 5 :

Tableau 5 : Echantillon apporteurs, répartition des entretiens selon les critères primaires de diversité T1: Grand groupe T2: Laiteries industrielles corses T3 : Coopératives T4: Laiteries moyennes T5: Laiteries artisanales Totaux Nord 2 2 Balagne 2 2 Côte Orientale 2 3 2 3 10 Centre 2 1 3 Ouest 1 1 Sud 2 2 Totaux 8 3 3 2 4 20 Catégories identifiées

1 Nombre d’entretiens effectués

Catégories qui ne peuvent être complétées : pas d'éleveurs apporteurs

Type laiterie Localisation

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19 On a ainsi réalisé 8 entretiens correspondant à la laiterie du T1 (grand groupe industriel), soit 40% de l’échantillon. Ceci s’explique par la part importante de cette laiterie en Corse, qui collecte chez environ 40% des éleveurs apporteurs corses. De plus, cette laiterie collecte dans toutes les régions de Haute-Corse, contrairement aux autres laiteries dont les apporteurs sont assez localisés autour de la laiterie, souvent en Côte Orientale.

Ceci explique d’ailleurs que l’échantillon retenu contienne 10 apporteurs en Côte Orientale : comme on a plus de laiteries en Côte Orientale, et le type de laiterie étant un critère primaire de diversité, on a enquêté plus d’éleveurs dans cette région.

La Figure 3 (p.20) présente la répartition géographique de l’ensemble des entretiens réalisés.

(25)

20 Figure 3 : Répartition géographique des entretiens

(26)

21 La majorité des exploitants enquêtés (12 sur 20) sont installés en individuel. Cependant 5 exploitants parmi ces 12 peuvent ponctuellement profiter d’une aide familiale (souvent l’épouse ou le père). Les autres exploitations sont basées sur des associations familiales, sous forme de GAEC. Trois de ces derniers ont un employé (2) ou deux (1).

En 2010, 20% des chefs d’exploitation en élevage ovin étaient des femmes [Agreste RGA 2010]. Cette catégorie est représentée dans notre échantillon, bien que ce soit dans une

moindre mesure : deux femmes sont chefs d’exploitation.

L’âge moyen des éleveurs enquêtés est de 47 ans, ce qui est légèrement plus jeune que la moyenne régionale de l’ensemble des éleveurs ovins spécialisés (fermiers compris) qui est à 50 ans, et était à 47 ans en 2000. [Agreste RGA 2000 et 2010 – âges moyens pour les exploitants dont l’OTEX est l’élevage ovin]. Leur répartition suivant les catégories du RGA sont

représentées dans la figure 4.

Figure 4 : Age des exploitants enquêtés

0 2 4 6 8 < 40 [40-50[ [50-60[ ≥ 60 Age (années)

Age des exploitants enquêtés

(27)

22 Le Tableau 6 présente la répartition des exploitations enquêtées selon les autres critères secondaires définis.

Enquêtes Totaux Système d’élevage Prairies permanentes majoritaires (> 60% de la SAU), faible complémentation 8 20 Intermédiaire, en transition 8 Prairies temporaires et artificielles majoritaires (> 60% de la SAU), forte complémentation 6

Suivi (hors laiterie)

Aucun 8

20 Suivi technique 1

CLS 3

CLO (et donc IA) 8

Transformation

Oui 5

20

Non 15

Tableau 6: Echantillon apporteurs, répartition selon les critères secondaires de diversité La SAU moyenne des exploitations étudiées est de 93 ha. Celle-ci est plus élevée que la moyenne régionale de tous les élevages ovins confondus qui est de 67 ha [Agreste RGA 2010], mais ceci peut s’expliquer par le fait que notre échantillon est constitué d’éleveurs

apporteurs uniquement. On note de plus qu’en moyenne, les exploitants enquêtés sont propriétaires de seulement 50% de la SAU disponible, mais ceci est très variable avec un écart qui va de 0% à 100%. Le reste est constitué de baux communaux ou privés, ou encore de locations verbales.

Concernant les pratiques de gestion du territoire, on arrive à un échantillon relativement équilibré avec 8 élevages « extensifs », 6 plutôt « intensifs » et 8 en transition ou intermédiaires. Cependant, si on s’intéresse plus en détails à la part par rapport à la SAU totale disponible des surfaces toujours en herbe (STH) comparée à celles des superficies des prairies temporaires et artificielles, on obtient dans notre échantillon les moyennes suivantes : 58% de STH, 30% de prairies temporaires et 12% de prairies artificielles. Sur l’ensemble des exploitations spécialisées en élevage ovin dans la région, ces moyennes sont respectivement de 66%, 22% et 12% [Agreste RGA 2010].

La part des prairies temporaires et artificielles dans notre échantillon est donc légèrement supérieure (de 8 points) à la moyenne régionale. Il faut cependant noter que

(28)

23 ces superficies sont très variables au sein de notre échantillon : la part des prairies temporaires et artificielles oscille entre 0 et 95%.

De plus, les ¾ des enquêtés ont des possibilités d’irrigation, et l’autonomie fourragère. Parmi ces exploitants, 7 vendent également du foin, soit par un groupement fourrager, soit par leur réseau personnel. C’est un choix économique qui leur permet de rentabiliser la production de fourrages. On remarque cependant que ces 7 éleveurs vendant du foin ne correspondent pas forcément aux systèmes d’élevage plus « intensifs », avec majorité de prairies temporaires et forte complémentation : il y a en effet, parmi eux, 5 élevages de cette « catégorie », mais aussi un élevage décrit comme « intermédiaire » et un élevage qui a une majorité de prairies naturelles. Les deux autres élevages plus « intensifs » ne vendent pas de foin car ils atteignent juste l’autonomie fourragère.

Les éleveurs enquêtés ont tous une machine à traire, deux seulement n’ont pas de tank (bac à lait réfrigéré ou bidons à la place), et deux n’ont pas de bergerie. Les exploitations sont donc globalement bien équipées. On remarque qu’en 2008 les statistiques régionales étaient bien différentes, avec seulement 63% des élevages qui avaient une bergerie en dur et ⅓ qui étaient en traite manuelle [Agreste, Enquête Ovine 2008].

Cependant ces chiffres concernent encore une fois tous les élevages ovins confondus, fermiers et apporteurs. D’autre part, les éleveurs enquêtés sont tous en traite biquotidienne, à part un éleveur qui est en monotraite depuis 2012.

La taille du troupeau oscille entre 150 et 950 brebis laitières. On a une moyenne d’environ 350 brebis laitières par exploitation, qui est nettement plus élevée que la moyenne corse (227 pour les exploitations spécialisées, tous élevages ovins confondus

[Agreste RGA 2010]). Ceci s’explique en partie par l’absence d’éleveurs fermiers dans

l’échantillon, qui ont souvent des troupeaux plus petits. Parmi les enquêtés, les élevages mixtes ne correspondent pas forcément aux troupeaux les plus faibles mais la taille de ceux-ci varie tout de même entre 150 et 480 brebis laitières. Au sein de l’échantillon, les plus gros troupeaux sont détenus par les éleveurs apporteurs non mixtes.

Tous les apporteurs enquêtés disent être en race corse depuis toujours (sauf un qui est revenu à la race corse). La question de la race corse ne se pose pas pour eux. Ils ont par contre des avis mitigés concernant le schéma de sélection de la brebis corse : si 9 d’entre eux sont satisfaits et pensent que le travail engagé dans la sélection est efficace, certains ont été déçus par les béliers de l’UPRA. On remarque que les 9 éleveurs ayant un avis clairement positif sur la sélection de la brebis corse sont en majorité au contrôle laitier (4 au CLO, 2 au CLS et un ancien sélectionneur), toutefois deux d’entre eux n’y sont pas, car ils n’estiment pas en avoir besoin. Ils achètent cependant régulièrement des béliers à l’UPRA. D’autre part, 5 éleveurs suivis en contrôle laitier ne se prononcent pas vraiment sur le schéma de sélection en général, et réduisent la question à la pratique de

(29)

24 l’insémination artificielle. La majorité des éleveurs pratiquant l’insémination artificielle (¾) disent avoir eu des résultats très moyens cette année.

La production laitière de ces élevages fluctue entre 14 000 et 180 000 L par campagne, avec des moyennes par brebis et par an entre 70 et 180L. La production moyenne est de 52 000 L/an et environ 125L/brebis traite/an. Cette dernière moyenne est nettement supérieure à la moyenne régionale (95L), mais ceci peut s’expliquer à la fois par la part importante des élevages suivis en contrôle laitier dans l’échantillon (55%), et aussi par le fait que les apporteurs vivent en général uniquement de leur production de lait, et non de la transformation fromagère, ils ont ainsi fréquemment une moyenne de production supérieure à celle des fermiers. Il n’y a pas de tendance marquée selon les laiteries ou les microrégions, même si on remarque que les exploitations les plus productives ont aussi les plus gros troupeaux et sont situées en Plaine Orientale.

Au niveau de la saisonnalité de la traite, on n’observe pas de grandes tendances selon les microrégions ou les laiteries. Cependant la tendance est à la précocité, avec 13 exploitations ayant des mises bas en septembre dont 10 commençant entre le 1er et le 15

septembre. Les 7 autres exploitations ont des mises-bas commençant entre le 1er et le 10

octobre. Les mises-bas sont plus ou moins étalées, s’étendant sur une période de 15 jours à 1 mois et demi (par exemple, avec les différents lots d’IA). La traite s’arrête entre le 10 et le 30 juin, seules trois exploitations continuent la traite jusqu’à fin juillet, en transformant ou vendant le lait à une laiterie encore ouverte.

Enfin on a finalement pu entretenir 5 éleveurs mixtes, ce qui correspond donc à ¼ de l’échantillon. Ces éleveurs transforment une partie de leur production laitière, et livrent une autre partie aux laiteries. Il s’agit souvent d’un choix économique, car le lait est valorisé presque 3 fois plus lorsqu’il est transformé que lorsqu’il est vendu à un transformateur laitier. Parmi les 5 éleveurs mixtes de notre échantillon, les fréquences de transformation et les quantités de lait transformées sont variables : pour deux d’entre eux, la transformation se fait tous les jours pendant une période de production importante (environ mi-novembre à mi-juillet), avec 50 à 60% du lait transformé. Un autre transforme 3 jours par semaine, environ 40% de sa production laitière, mais seulement à partir du mois de décembre. Les deux autres éleveurs mixtes produisent essentiellement des fromages frais, uniquement selon les commandes, en petites quantités, et leurs ventes restent très locales, sur place. La transformation représente pour eux plutôt un revenu d’appoint.

On remarque de plus que les trois éleveurs mixtes qui transforment de façon plus importante sont également les seuls dans l’échantillon à adhérer à l’association de producteurs fermiers Casgiu Casanu et à faire du Brocciu (frais et parfois passu). Ils

(30)

25 produisent également tous trois des fromages de types différents : Venachese, Bastelicacciu et Sartinese.

On peut donc voir qu’on a pu obtenir une grande diversité dans les exploitations étudiées avec des écarts importants pour de nombreux critères. Par rapport aux moyennes régionales disponibles, on constate malgré ces écarts que ces exploitations ont en moyenne des SAU plus importantes, avec des plus gros troupeaux, une part légèrement plus importante de praires temporaires et artificielles, et semblent mieux équipées (équipements de traite et bâtiments). Ces élevages sont également plus productifs que la moyenne régionale. De plus, on voit que ces différences peuvent s’expliquer par le fait qu’on ait enquêté uniquement des éleveurs apporteurs (et 5 mixtes), ainsi que par la part importante d’élevages suivis en contrôle laitier dans notre échantillon (55%). 2. Relations entre apporteurs et transformateurs

Les relations entre éleveurs apporteurs et transformateurs laitiers sont constituées de plusieurs éléments. Le premier est à la base de ces relations : la transaction marchande. En effet, il s’agit bien avant tout de la vente d’une matière première, le lait. Après avoir étudié les caractéristiques de cette transaction marchande, nous décrirons comment et autour de quels objets les relations entre apporteurs et laitiers s’articulent, sur la base des discours des transformateurs laitiers d’une part, et des éleveurs apporteurs d’autre part.

2.1. La transaction marchande comme base

La relation entre apporteur et transformateur, quelle qu’elle soit, se base sur une transaction : celle de l’échange du lait, avec des modalités de collecte que nous verrons, contre rémunération, avec le prix du lait et ses modalités de calcul et d’application.

En ce qui concerne la collecte du lait, la quasi-totalité des éleveurs apporteurs enquêtés possèdent aujourd’hui un tank à lait (18 sur 20), ce qui permet aux fromageries de ramasser le lait directement dans le tank un jour sur deux. Cependant, si le tank n’a pas une capacité suffisante, la collecte peut parfois se faire tous les jours pendant les pics de production. On remarque qu’un exploitant a un tank mais doit tout de même approcher son lait en bidons car son exploitation est située en montagne et difficile d’accès.

La saison de production laitière chez les éleveurs enquêtés s’étale du 1er octobre à

fin juillet. La saison de collecte dure quant à elle du 1er octobre au 20 juillet environ,

cependant les transformateurs laitiers n’ont pas les mêmes saisonnalités de ramassage : la Figure 5 présente ces saisonnalités en fonction des types de transformateurs laitiers, ainsi que leurs aires de ramassage.

(31)

26 Figure 5 : Périodes de collecte des transformateurs laitiers enquêtés

On peut voir que le transformateur commençant la collecte le plus tôt (T4 autour du 1er octobre) collecte exclusivement en Côte Orientale, où les mises-bas sont en général

plus précoces. En effet, les plaines sont souvent plus facilement irrigables et les éleveurs peuvent alimenter les animaux plus tôt, et donc avancer les mises-bas. On remarque aussi que le T2 collecte du lait de brebis jusqu’au 20 juillet environ. En effet cette laiterie collecte aussi du lait de chèvre et ne ferme pas pendant l’été, elle prend donc le lait des éleveurs apporteurs tant qu’il y en a. Enfin on voit que la période de collecte la plus courte est celle des transformateurs T3, situés dans les régions de l’Ouest et du Sud corses.

Le prix moyen observé chez les élevages enquêtés est de 1€28. Si les modalités de fixation du prix du lait sont relativement semblables d’un laitier à l’autre, avec la grille de paiement à la qualité, les prix sont plus variables, le prix moyen payé par les laiteries oscillant entre 1€ et 1€34 le litre (d’après les dires des laiteries).

La plupart des laiteries appliquent le paiement à la qualité en respectant les grilles définies selon la qualité bactériologique et la composition (Matière sèche utile - MSU). Trois analyses par mois sont réalisées, et elles sont traitées par un laboratoire extérieur. Cette grille de paiement à la qualité, basée sur des pénalités, est présentée en Annexe VI. Selon la qualité du lait, la majorité des laiteries attribuent des pénalités aux éleveurs. Une laiterie (T3 (2)) utilise cependant un système de primes plutôt qu’un système de pénalités.

(32)

27 Différentes primes ou pénalités supplémentaires sont établies par les transformateurs. Les laiteries de types T1, T2et une laiterie de type T5 ont mis en place une prime « Super A » si la qualité bactériologique dépasse un certain seuil. Certaines laiteries – le transformateur T1 et le T5 qui a aussi mis en place une prime « super A » - évoquent également un « joker » possible : si une analyse sur 3 est mauvaise, le prix reste calculé comme si le lait était resté en qualité A.

Chez le transformateur de type T1, une prime de production, ou « prime volumes » a été mise en place. Elle est basée sur une moyenne glissante sur trois ans : la prime s’applique si le volume livré lors de la campagne en cours est supérieure à la moyenne du volume livré pendant les 3 campagnes précédentes. Le T2 a aussi mis en place cette prime.

Le T1 a mis en place depuis la campagne 2014/2015 une prise en charge partielle, du contrôle laitier et des IA (appelée prime « technicité »). Autre particularité du T1, une prime de précocité : le lait est payé 50 centimes de plus pendant la période du 20 octobre au 15 novembre.

D’autre part, des aides financières sont mises en place par les transformateurs laitiers. Celles-ci sont des avances sur le paiement du lait, qui sont ensuite retenues sans intérêts sur une campagne ou plus. Tous les transformateurs déclarent le mettre en œuvre quand un éleveur en fait la démarche, et la justifie.

De plus 5 laiteries, de types T2, T3, T4 et T5, pratiquent un paiement par acomptes permettant aux apporteurs d’avoir un revenu pendant l’été, lorsqu’il n’y a pas de production de lait.

La compréhension et l’intérêt des éleveurs quant à ce prix sont variables : si 15 semblent s’intéresser à son calcul, ¼ s’y intéresse peu, par confiance ou au contraire par défiance : « de toute façon, ils font ce qu’ils veulent. ». De la même façon, la satisfaction des enquêtés est variable : 4 enquêtés pensent être trop peu payés. Si on s’intéresse aux types de laiteries correspondant, on remarque que pour le T2 comme le T5, les éleveurs enquêtés sont relativement bien au courant du calcul du prix du lait, et satisfaits sur les prix. Pour le T1, c’est plus contrasté mais globalement bien compris. Au niveau des coopératives (T3) et du T4, cela semble plus flou et n’est pas forcément satisfaisant pour les éleveurs.

2.2. Caractérisation des relations par les enquêtés

En dehors de l’organisation de la collecte et des modalités de rémunération, d’autres contacts peuvent avoir lieu entre laitiers et apporteurs. Ils sont de plusieurs ordres, mais ont tous pour objet principal le lait, à travers sa qualité ou sa quantité, parfois à travers une forme d’appui technique que sa production peut susciter.

(33)

28 Ces contacts sont variables : pour le T1, ils sont adaptés aux besoins (concernant la qualité, les volumes produits, ou des demandes d’informations), et fréquents en cas de suivi particulier. Pour le T2, ils se font uniquement en cas de problème, qui concernent souvent des manques d’information ou des interrogations diverses sur les modalités de rémunération. Pour le T3, cela dépend de l’implication de l’éleveur dans la coopérative. Pour le T4, on a deux exemples opposés : l’un avec des contacts fréquents, l’autre avec aucun contact. Enfin pour le T5, il n’y a pas non plus de similitude : chez une laiterie les contacts ne se font qu’en cas de problème (principalement sur la qualité du lait), alors que chez l’autre ils sont fréquents.

Au delà de ces fréquences de contacts, on s’intéresse à présent plus particulièrement à la caractérisation des relations par les enquêtés, que ce soit pour les laiteries comme pour les éleveurs apporteurs ; autour des thématiques de la transaction, de la qualité du lait, ainsi que celle de la quantité de lait produite, accompagnée de l’appui ou du suivi technique éventuellement mis en œuvre.

2.2.1. Par les laiteries

Concernant le prix du lait et les modalités de la transaction chez le transformateur de type T1, il n’y a en général pas de contacts personnels entre un apporteur et le transformateur. En effet le « Groupement des producteurs corses de Roquefort » (Groupement) rassemble tous les apporteurs de la fromagerie, et est ainsi son interlocuteur direct. L’Encadré 1 présente les principales caractéristiques du Groupement. Les modalités de paiement sont discutées par l’intermédiaire de ce groupement, particulièrement lors de l’Assemblée Générale qui a lieu tous les ans en début de campagne (septembre). Ces modalités sont très formalisées, clairement communiquées, et il n’existe pas de cas par cas. La question de la qualité du lait est très liée à celle de la transaction. En effet pour ce transformateur le paiement du lait à la qualité est appliqué à la lettre, il n’y a pas d’adaptations en fonction des apporteurs. Concernant l’appui technique, le transformateur décrit par contre une relation différente : en effet elle est cette fois variable selon les éleveurs. Un technicien, l’ « Agent Relation Cultures » (ARC), est chargé du suivi des élevageset, s’il se charge du suivi de la qualité chez tous les éleveurs, il met par contre en place un suivi technique chez une partie des apporteurs seulement, ceux qui, selon la laiterie, ont le potentiel et la volonté pour « dynamiser » leur exploitation et augmenter leur production. Dans ces cas-là il s’agit donc d’un suivi plus personnel, avec des contacts fréquents entre l’ARC et les exploitants.

Le transformateur de type T2 semble aussi pratiquer le paiement du lait à la qualité sans distinction pour tous ses apporteurs. Il n’évoque pas non plus de traitement particulier concernant le suivi ou l’appui technique. Même si la laiterie achète chez quelques familles d’apporteurs « historiques » qui ont suivi son développement, le transformateur n’évoque aucun lien personnel plus ou moins proche avec les apporteurs.

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