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Age des exploitants enquêtés

Encadré 1 : Le Groupement des producteurs corses de Roquefort :

5. Influence des transformateurs laitiers sur les systèmes d’élevage

6.2. Intérêt et visions des éleveurs apporteurs quant à la filière

6.2.1. Origine du lait et certifications

La question de l’origine du lait dans les fromages corses est la préoccupation principale des apporteurs. En effet 8 enquêtés comprennent que les importations sont « nécessaires » aux transformateurs laitiers, mais ne cautionnent pas que le lait importé soit utilisé dans la fabrication de fromages appelés « corses ». Trois autres suivent cet avis, et ont peur que les éleveurs corses ne deviennent qu’une « façade », une « caution » pour les fromages corses. On peut cependant noter qu’au sein du groupement des producteurs, une discussion est engagée tous les ans avec la fromagerie concernant les importations : la fromagerie informe les apporteurs du manque de lait auquel elle fait face et de ses besoins d’achats de lait en conséquence. De plus, la différence de prix entre le lait importé et le prix du lait corse est reversée au groupement, à hauteur de 60€/1000L. On peut y voir une volonté de développement de la filière.

Ceci nous amène à la question de la certification des fromages corses. La plupart des éleveurs ne sont pas au courant des démarches de certifications en projet en 2014, et 7 d’entre eux disent ne pas se sentir concernés. Par contre, certains (5) pensent qu’une certification garantissant l’origine du lait corse leur apporterait une « sécurité », et pour certains de la reconnaissance. Ils n’expriment pas d’exigences vis-à-vis des critères de

43 production ou de transformation de ces fromages. Deux éleveurs, livrant au T5, se prononcent cependant contre l’inclusion de la pasteurisation dans un cahier des charges.

6.2.2. Représentation des apporteurs au sein de la filière

L’une des questions majeures sous-tendant la problématique des relations entre les éleveurs apporteurs et les transformateurs est celle de la représentation de ces apporteurs au sein de la filière.

L’avis des apporteurs concernant cette question est peu contrasté : seulement 3 éleveurs apporteurs enquêtés affirment se sentir représentés au sein de la filière, mais pas vraiment au sein de l’interprofession. Pour l’un d’entre eux, c’est le groupement des producteurs de Roquefort qui le représente au sein de la filière. 14 éleveurs ne se sentent pas représentés du tout, au sein de l’interprofession, comme aux Chambre d’Agriculture et autres organismes, tandis que deux éleveurs ont des avis mitigés (hésitent) et l’un ne s’y intéresse pas du tout « je ne vois pas pourquoi j’aurais besoin d’être représenté. ». On a donc une majorité de l’échantillon (85%) qui a un avis plutôt négatif sur la question de la représentation des apporteurs au sein de la filière.

Les problèmes soulevés concernent principalement l’ILOCC, qui pour beaucoup est « aux mains des industriels » ou est inutile pour eux : « L’ILOCC…Je ne sais même pas à quoi ils servent. », « Je ne sais même pas qui est censé nous représenter… ». 3 apporteurs affirment également n’avoir jamais vu de techniciens, que ce soit des Chambres d’un autre organisme.

Les représentations que les éleveurs apporteurs se font des transformateurs auxquels ils ne vendent pas sont assez diverses. Cependant, pour 6 éleveurs enquêtés, les transformateurs sont pour la plupart des « industriels » qui ne s’investissent pas pour les éleveurs. Signalons que le qualificatif d’« industriel » est souvent utilisé de façon péjorative en Corse. Un enquêté évoque la réputation de « mauvais payeurs » de certains laitiers, sans préciser lesquels.

Le groupement des producteurs corses de Roquefort a aujourd’hui vocation à évoluer à l’échelle départementale, en devenant le « Groupement des producteurs de lait ovin en Haute-Corse », regroupant les apporteurs de plusieurs laiteries, mais avec une section pour chaque laiterie pour la négociation du prix du lait (une négociation commune est contraire au droit de la concurrence).

La mise en place de ce groupement reste entièrement à faire, mais certains affirment que l’extension de ce groupement pourrait être un outil important pour le développement de la filière. De plus ce groupement à l’échelle départementale pourrait apporter une certaine représentativité aux éleveurs apporteurs de Haute-Corse, et donc peut-être au sein de l’ILOCC ou de l’ODG de l’AOC Brocciu.

44 Des discussions sont apparemment en cours, mais si les transformateurs les plus importants en termes de volumes sont au courant de ce projet, les laiteries artisanales ne semblent pas en avoir entendu parler. De plus, les éleveurs apporteurs ne sont que 6 dans l’échantillon à être au courant de ce projet, dont deux qui se prononcent contre. Trois ont un avis réellement positif sur la question, dont le président du groupement lui-même. Les éleveurs qui n’ont pas entendu parler de ce projet ont des avis mitigés mais s’y intéressent, ils ne sont pas sûrs que cela pourrait leur apporter de la représentativité mais le « pourquoi pas » domine (6 enquêtés), ce qui est compréhensible comme première réponse sans avoir eu le temps de la réflexion.

Certaines personnes au sein de la filière craignent cependant que ce ne soit qu’une « manœuvre pour capter d’autres subventions » qui rajoute des échelons dans l’organisation de la filière, et qu’au final l’ensemble des apporteurs de Haute-Corse ne puisse profiter d’éventuelles retombées positives de ce projet de mutation.

Il est également question d’un changement de présidence à l’ILOCC, mais aucun apporteur ne sait quelle direction ceci pourrait prendre.

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PARTIE IV : DISCUSSION

Afin de pouvoir analyser les différentes relations existantes entre apporteurs et transformateurs, nous utilisons les notions d’économie des conventions présentées par Boltanski et Thévenot (1991), particulièrement les formes de coordinations domestique, marchande industrielle et civique, ainsi que les compromis pouvant exister entre ces formes.

La forme industrielle se retrouve dans les investissements et la volonté d’augmenter la production, mais aussi dans le paiement à la qualité, la standardisation des produits, la pasteurisation.

Cette forme industrielle pourrait entrer en conflit avec la forme domestique et créer des rapports critiques, ou formes de compromis. En effet, la forme domestique se retrouve dans notre étude, dans des rapports de confiance et de connaissance, à la fois dans sa dimension temporelle par la fidélité et des relations répétées, mais aussi dans la dimension spatiale, par la familiarité, le voisinage, ainsi que dans des rapports hiérarchiques d’autorité et d’estime.

La forme marchande est aussi présente, dans la transaction. On peut également penser à la période de concurrence entre les laiteries.