G. T H . G UILBAUD
Un exercise sur les permutations
Mathématiques et sciences humaines, tome 2 (1963), p. 37-43
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UN EXERCISE SUR LES PERMUTATIONS G. Th. GUILBAUD
EXPOSE DES NOTI FS
Lors d’une
enquête,
y si l’on découvre des"régularités"
dans le matériel re-cueilli,
on est tenté d’en chercher lasignification:
mais afin d’éviter les bé-vues, il est
prudent d’utiliser,
y leplus qu’on peut,
y la combinatoiremathématique
pour examiner la
fréquence
apriori
desrégularités
dans l’ensemble de tous lesdispositifs possibles.
Pourprendre
l’un desexemples
lesplus
anciennement étu- diés : leproblème
des rencontres(Montmort, 1708);
avoir connaissance des calculs évitera de s’émerveiller àtrop
bon marché.Le thème de la
régularité
"due au hasard" etdépourvue
designification, peut-être rapproché
du thème de larégularité
inévitable. Dans bien des cas onvoit
qu’il
n’est paspossible
dedisposer
un nombre arbitrairementgrand
d’ob-jets,
sans faireapparaitre
desrégularités:
tantqu’on
le dit sous cette formeimprécise,
la chose est "évidente".Quand
on veutpréciser
on trouve desproblè-
mes
combinatoires, parfois beaux, parfois
difficiles.Ainsi,
on saitqu’en plaçant
arbitrairement despoints
dans unplan,
si ona un nombre assez
grand, parmi
tous lespolygones
formés par npoints,
on nepeut
éviter laprésence
depolygones
convexes.Ainsi encore, le célèbre
problème
de Baudet. Dans un mot delongueur (M)
construit à
partir
d’unalphabet
de(L) lettres,
on diraqu’il
existe une "caden- ce" de(K) lettres,
y si onpeut
trouver dans ce mot K lettresidentiques séparés
, par des intervalles
égaux. Ainsi,
dans "anticonstitutionnellement" il y a une ca-dence de trois t. On
peut
commencer l’étude parl’alphabet
de deux lettres(L = 2) ~
on constate aisément que si le mot a au moins neuf lettres
(9 ~ M)
on ne,peut
évi- ter les cadences de trois. Plusgénéralement,
si le mot est assezlong,
il y au.ratoujours
des cadences aussilongues qu’on
le veut. Le théorème est: pour tout Let pour tout
K,
il existe un nombreN,
tel que si NM,
il existe forcément danstout mot de
longueur
M au moins une cadence de K. Mais on ne connait pas la fonc- tion N(K, L),
on en connait seulement l’existence(démontrée
en 1927 par VAN DERW AERDEN) .
C’est un exercice de
régularité (ou
demonotonie)
inévitable que nous propo-sons
ici;
il est assez facile pourpouvoir
instruire des débutants. On fera d’abord desexpériences - puis
on feracomprendre
la nature de la démonstration -enfin,
on demandera une mise au
point
fonnelle de cette démonstration. Onpeut
aussi cher- cher desgénéralisations (ce
sera un peuplus difficile).
UNE METHODE D~ANALYSE
Un ensemble
d’objets (en
nombrefini);
onpeut
les ordonner selon deux métho- des différentes: parexemple
par rang de taille ou par ordrealphabétique.
Engé-
néral,
les deuxfaçons
de ranger ne coïncident pas: mais onpeut toujours prélever
dans l’ensemble une
partie
pourlaquelle
il y aura accord des deuxordres;
par"accord" il faut entendre que l’ordre
alphabétique correspond
à l’ordre des tail-les,
y croissant ou décroissant.Numérotons les tailles
(écartons
le cas desex-aequo)
parexemple
de 0 à 9 s’il y a dixobjets;
le second ordre sera noté par des lettres: a,b, ...., j.
Leproblème
estposé
dèsqu’on
connait lacorrespondance (bi-univoque)
entre lettreset
chiffres, correspondance
nommée"permutation".
Soit par
exemple :
La sélection :
ainsi
que :répondent
à la demande: nous lesappellerons
des "chaines monotones".On pourra dessiner le
graphe
de lacorrespondance
sur unquadrillage
dedix
lignes (horizontales)
numérotées de 0 à 9 et dixlignes
verticales cotées de(a)
à(j).
Alors les chaînes monotones sontreprésentées
par des chaînes depoints
montantes et descendantes.
Convenons de dire:
"avant, après, antérieur, postérieur"
pour l’ordre deslettres,
et:"au-dessus, au-dessous, inférieur, supérieur"
pour celui des chif- fres.Nous nous intéressons aux chaînes monotones
maximales,
y c’est-à-dire cellesqu’on
nepeut augmenter
paradjonction
d’un nouvel élément. C’est le cas par exem-ple
dePreuve : on ne
peut
rien intercaler entre(7)
et(6),
ni entre(3)
et(2),’
ni(2) et (1 ) ,
ni enfin entre(e)
et(f);
deplus
on nepeut
rien mettre audébut,
carce devrait être un élément situé avant c et au-dessus’ de 7: or il
n’y en
a pas;de même rien
qui
soitaprès j
et au-dessous de 1 .Ainsi on est amené à
porter
une attentionparticulière
auxquatre
classessuivantes:
(~)
I)
les éléments telsqu’il
n’existe aucun autrequi
leur soit à la fois anté-rieur et
supérieur.
II)
ceux pourqui
rien n’est à la foispostérieur
et inférieur.(*)
Noter l’analogie avec les équilibres à la Pareto.III)
antérieur et inférieur = vide.IV) postérieur
etsupérieur
= vide.Et l’on établira sans
peine
laproposition
suivante :Prop. 1 -
Toute chaîne monotone maximale:ou bien commence par un élément
(I)
et finit par un(II),
y ce sont leschaînes
décroissantes,
ou bien commence en
(III)
et finit en(IV),
ce sont les chaînes crois-santes.
Reprenons
notreexemple :
Ces
quatre
classes dessinent sur legraphe
un contourenveloppe,~
formé dequatre
chaînes monotones(le
lecteur estprié
de faire lafigure).
On établira d’ailleurs facilement :
Pro . 2 -
Chacune des classes ci-dessuspeut-être
constituée en chaîne monotone.La détermination
préalable
de cesquatre
chaînes(qu’on
nommeraextrêmes)
rendra des services si l’on a besoin d’établir la liste de toutes les chaînes mo-
notones ;
on notera que pour aller d’unpoint
à un autre du contour ilpeut
y avoirplusieurs
chemins monotones.Ainsi,
dans notreexemple
de
(c7)
à(j1 ),
onpeut
passer par(d5)
ou bien(e6).
On notera
enfin,
c’est évident :Prop. 3 -
Tout élémentappartient
à une chaîne croissante(au
moinsune)
et à unechaîne décroissante
(au
moinsune).
Bienentendu,
nous convenons de direqu’il peut
exister des chaînes maximales réduites à un seul élément.Chaînes
maximales et chaînes lesplus longues.
1)
Dansl’exemple précédent (recommandons
au lecteur de traiter de la mêmefaçon
d’autresexemples)
onpeut
faire la liste des chaînes monotones(il
suffit d’écrire lesmaximales)
1)
chaînes croissantes2)
chaînes décroissantes2)
On évitera de confondre: chaînes maximales et chaines lesplus
lon-gues. Bien
entendu,
les chaînes monotones lesplus longues
sont cer- t ainement maximales.Dans notre
exemple,
les deuxplus longues chaînes
croissantescomportent
5éléments,
il se trouvequ’il
y a aussi deuxplus longues
chaînes décroissantes de m3melongueur.
Nous
appelons longueur
d’unechaîne
y le nombre de ses éléments.Supposons
que pour unepermutation donnée
leslongueurs
de chaînescroissantes ne
dépassent
pas un entier(c)
et un entier(d)
pour les décroissantes. Onpeut
affinner que le nombre totald’éléments
est in- férieur ou auplus égal
auproduit (cd).
Ce
qui
se démontre par récurrence. Un seul cas initial suffit mais pourcomprendre
lephénomène
ilpeut gtre
utile d’en considérerplusieurs.
1 er cas.
Les
chaînes
décroissantes nedépassent
pas 1 élément(d
=1 ) (autant
direqu’il n’y
a pas de véritables chaînesdécroissantes).
C’estdonc
que toutélément
est à la fois début et fin d’une chaîne monotone maximaledécroissante,
doncqu’il
est
extrène -
et tous les élémentsappartiennent à
une seule et m3me chaîne maxi- male croissante. Si c est lalongueur
de cettechaine,
l’effectif total N = c.2ème cas.
Les chaînes décroissantes ne
dépassent
pas deux éléments(d
=2).
C’est-à-dire que tout élément est le début ou la fin
(ou
à la fois lesdeux)
d’unechaîne décroissante. 1
Donc ici encore tous les éléments sont extrêmes. Et l’effectif total de l’ensemble se calculera à
partir
des effectifs des deux chaînes croissantes ex-trêmes :
c~ 2 ~
nombre des éléments communs aux deux chaines. Si cdésigne
leplus grand
des deux effectifs c1 c2, on aura
toujours :
Remàrquons
que l’éventualité N = 2c est effectivement réalisable. Il fautc1 = c2
etc12
=0,
c’est-à-dire deux chaînes extrêmes delongueur égale
et sans aucun élément conmun.
Bien entendu. on
peut répéter
les mêmes raisonnements enéchangeant
lesmots "croissant",
"décroissant".Il en résulte que :
et l’un des nombres c ou d
(longueur
maximale deschaînes)
estégal
à 1 ou 2.Cas général :
Supposons
que les chaînes croissantes nedépassent
pas lalongueur
c, et les décroissantes lalongueur
d.Parmi les chaînes maximales il y a les chaînes extrêmes
qui
forment lecontour
repéré plus
haut.Or toute chaîne croissante a une extrémité
(disons
ledébut)
sur unechaîne extrême décroissante.
Supprimons
alors toutes ces extrémités. Si N est l’effectifinitial,
ilreste un nombre d’éléments N’ au moins
égal
à N - d .Mais pour l’ensemble restant d’effectif N’ 1 on
a :
Si l’on
peut
affirmer que :(hypothèse
de larécurrence)
on aura :
Ainsi
N’
c’d’ entraîne N cd.Variantes: On remarquera que si l’on enlevait les deux chaînes
maximales,
y on aurait:2d,
cequi
donne le même résultat. Et si l’on enlève le contour tout entier(les quatre chaînes) , , on
enlève auplus:
2c -~ 2d - 4points, doncN N’ ~-2c~-2d-4~
avec c.1 c - 2Prop. 5 -
Despropositions précédentes,
y il résulte que :’
c et d _ n, entraine: N
n2
ce
qui équivaut
à dire :N >
n2,
entraîne : c ou d > net
qui permet
d’affirmer que toutepermutation
assez nombreuse contient des chat-nes monotones de
longueur imposée.
Ainsi
(pour
n =7)
onpeut
dire :Si l’on
prend
unepermutation
de 50éléments,
y il y a une chaîne monotone d’au moins 8 éléments.Et l’on
peut ajouter:
si dans unepermutation
il n’existe aucune chaîne de8 éléments
(donc
c et d ~7)
c’est que l’effectif de lapermutation
nedépasse
pas 49. Reste alors la
question:
l’effectifpeut-il
atteindre cette borne? C’estce
qu’on
va examiner maintenant.Il suffit de
reprendre
la démonstration de la prop. 4 ci-dessus pour cons- taterqu’on peut
enpréciser
laportée
et démontrer :Pro . 6 -
Si l’une des deux chaînes extrêmes croissantes(ou décroissantes)
nefigure
pasparmi
lesplus longues
chaînes monotones croissantes(ou décroissantes),
on a:---
En
effet,
y soit unepermutation comprenant
Npoints.
Soient c et d leslongueurs
desplus longues
chaînes monotones.Les débuts de toutes les chaînes monotones maximales
croissant’es
se trou- vent sur l’une des deux chaînes extrêmesdécroissantes;
supposons que cette der- nière a unelongueur
inférieure à d. Si noussupprimons
tou.s lespoints
de cettechaîne;
on obtient un effectif N’ et l’on a N N’ + d(l’inégalité
étant stricted’après l’hypothèse).
D’autre
part
dans la nouvellepermutation
d’effectif N’ on ad’ _
d etc’
c - 1(ici
on nepeut
assurer le sensstrict.
Nous savons enfin que :il en résulte
(au
sensstrict).
Ainsi
quand
l’une des chaînes extrêmes décroissantes estplus
courte qued,
N nepeut
atteindre sa borne cd. Il est bien clairqu’on peut
redire les mê-mes choses si l’une des chaînes extrêmes croissantes est
plus
courte que c.Dans ces
conditions,
y si l’on veut atteindre la bornecd,
il faut que cha- que extrême soitparmi
lesplus longues (de
sacatégorie:
croissante ou décrois-sante).
Mais alors: N = N’ + d et N = cd entrainent N’ = c’d’ .Appelons
saturées lespermutations
telles que N =cd;
unepermutation
sa-turée,
y si on lui enlève une chaîneextrême,
doit donc rester saturée.On
peut
donc construire par récurrence lespermutations
saturées(on
no-tera que les cas d = 1 et d = 2 ont été examinés
plus haut)",
y et ainsi prouver leur existence.On verra aisément
qu’il
suffit dedisposer
c chaînes décroissantesayant
toutes la mêmelongu.eur
d et deux à deux sanspoints
communs(on peut
dire: chaînes
parallèles)
de tellefaçon
que leurs extrémités constituent deux chaînes croissantesde longueur
c.°
Bien
entendu,
y il revient au même deplacer
des chaînes croissantesparal-
lèles delongueur
c.On notera que ces chaînes
parallèles
ne sont pas toutes les chaînes(croissantes
ou"décroissantes).
Voici un
exemple
dedispositif
saturé: c =3, d = 4,
N = 12. L’ordre(avant - après)
étant:abc d e f g h i j k 1 -
soient les chaînes croissantesparallèles: acf, bei,
ydhk, gjl, qu’on remélange
pour donner l’ordre(dessous-
dessus) : g j d 1 h b k e a i c f. (faire
lafigure).
Bien entendu il y a d’au- tres solutions(énumérez-les).
SOURCES
Pour les motifs
indiqués
au début de cepapier, j’avais fabriqué
cetexercice
(et
aussi à cause dequelques
liens avec la théorie des choix économi-ques).
Je n’avais pas de solution sinon laconjecture
que les chaînes lesplus longues
devaient gtre au moins de l’ordre de la racine carrée de N. C’est G.KREWERAS,
àqui j’exposai
mesdifficultés, qui
m’a fourni la très nette et trèssimple
démonstration de laproposition 4,
yci-dessus,
Depuis,
y on m’aaverti
que leproblème -
ouquelque
chosed’analogue -
aété étudié par P.
ERDOS, puis proposé
auxolympiades mathématiques
de Moscou.J’attends les références