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Élaboration d une nouvelle colle de poisson, Artcolle

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La science au service de l’histoire de l’art et de la préservation des biens culturels  

49 | 2020

Le mobilier Boulle

Élaboration d’une nouvelle colle de poisson, Artcolle ®

Development of a new fish glue, Artcolle

®

Delphine Elie-Lefebvre

Édition électronique

URL : https://journals.openedition.org/techne/6048 DOI : 10.4000/techne.6048

ISSN : 2534-5168 Éditeur

C2RMF

Édition imprimée

Date de publication : 1 décembre 2020 Pagination : 94-101

ISBN : 978-2-11-152832-1 ISSN : 1254-7867 Référence électronique

Delphine Elie-Lefebvre, « Élaboration d’une nouvelle colle de poisson, Artcolle® », Technè [En ligne], 49 | 2020, mis en ligne le 01 décembre 2021, consulté le 02 juillet 2021. URL : http://

journals.openedition.org/techne/6048 ; DOI : https://doi.org/10.4000/techne.6048

La revue Technè. La science au service de l’histoire de l’art et de la préservation des biens culturels est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International.

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Technè n° 49, 2020 Le mobilier Boulle

Fig. 1. Photographie d’un déplacage d’une marqueterie Boulle. Il ne subsiste pas de colle sous le laiton.

© D. Elie-Lefebvre.

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IV . P ro to co le s d e re st a u ra ti o n

Le recollage de la marqueterie (fig. 1), notamment celui des pièces en laiton, constitue l’une des problématiques princi- pales de la restauration des œuvres Boulle. En effet, dans la majorité des constats d’état, on met en cause un problème d’adhésion de la colle sur le laiton, qui entraîne le décolle- ment des marqueteries. On cherche aujourd’hui à éviter la dépose de la marqueterie de son support bois et à conserver autant que faire se peut les colles anciennes, témoins des savoir-faire et des matériaux originaux. Depuis vingt ans, la colle de poisson liquide du commerce1 est l’adhésif le plus utilisé pour la restauration des marqueteries Boulle. Mais les laitons recollés avec cette colle de poisson commencent déjà à se décoller dans un certain nombre de cas.

Tout l’enjeu de la recherche présentée ici est de trouver une colle fluide, facile à mettre en œuvre, qui ait une meil- leure adhésion aux laitons, qui soit compatible avec les colles animales à base de collagène de mammifères identifiées sur les parties originales non restaurées2 du mobilier d’André- Charles Boulle et une durabilité plus longue3.

Analyses préalables à la mise au point d’un protocole de recherche

En vue d’établir le cahier des charges d’une colle adaptée à la restauration, nous avons cherché à caractériser le processus de décollement bois-laiton des marqueteries Boulle. Une analyse des matériaux en présence a donc été réalisée4 : les colles sont toutes des colles animales, en quasi-totalité de mammifères.

La colle déshydratée peut être chargée de noir de fumée ou de pigment rouge vermillon. L’observation au microscope des laitons décollés révèle des traces de colle, typiques d’une rupture mixte, non pas uniquement à l’interface colle-laiton mais aussi à l’interface colle-bois. Des observations au micros- cope électronique à balayage (MEB), couplées à des analyses par spectrométrie dispersive en énergie (EDS5) menées par R.

Morini6 ont montré que la surface des laitons décollés des œuvres Boulle présente en outre un phénomène de dézincifi- cation marqué (le rapport des concentrations atomiques Cu/

Zn=5,3 à la surface, contre 1,85 dans le laiton non corrodé7).

Cette observation est confirmée par des analyses par spectros- copie de photoélectrons X (XPS8).

État des lieux des recherches sur la colle de poisson utilisée dans le collage de la marqueterie

Des recherches sur le collage bois-laiton ont déjà été réalisées par le passé. En 2006, des essais d’utilisation de colles synthé- tiques ont été faits dans le cadre d’un mémoire INP9. La marqueterie de laiton a été recollée au Paraloid B72©, mais cette intervention a nécessité la dépose de la marqueterie de son support et l’élimination des colles animales présentes.

Les résultats de cette recherche s’éloignent donc des objectifs de notre recherche actuelle.

Des recherches visant à améliorer les colles animales pour la restauration avaient déjà été effectuées à la fin des Abstract. The main issue in restoring Boulle marquetry pieces lies in gluing the brass marquetry onto the wooden structure. A study was carried out to find a glue that would meet the specifications.

Keywords. Gluing, lifting, brass-wood, fracture surface, fish glue.

Résumé. La problématique majeure de la restauration des œuvres en marqueterie Boulle est le collage des marqueteries en laiton sur le bâti en bois. Une recherche a été entreprise en vue de trouver une colle permettant de répondre au cahier des charges.

Mots-clés. Collage, soulèvement, bois-laiton, faciès de rupture, colle de poisson.

Delphine Elie-Lefebvre, biologiste et restaurateur du patrimoine indépendant (d.elielefebvre@gmail.com).

Delphine Elie-Lefebvre

Development of a new fish glue, Artcolle®

Élaboration d’une nouvelle colle

de poisson, Artcolle ®

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Technè n° 49, 2020 Le mobilier Boulle

années 1990 par N. Boucher, alors restaurateur au musée des Arts décoratifs à Paris, en collaboration avec M. C. Triboulot de l’École Nationale Supérieure des Technologies et Industries du Bois (ENSTIB10). Différentes colles de mammi- fères ont été additionnées de thio-urées, en vue d’une utili- sation à froid. Nous n’avons pas testé ces mélanges car les thio-urées sont des produits cancérigènes.

N. Boucher a également testé d’autres collages bois-laiton via des colles animales mélangées avec de l’urée, de la bière, de l’ail, de la dextrine… Les plaques de laiton d’une quin- zaine de centimètres et les supports bois sur lesquels elles sont collées ont subi différents traitements préalables (traitement à l’acide nitrique, frottement avec de l’ail, ponçage et rayures…). Mais, même si nous n’avons pas observé de soulè- vements des éprouvettes11, la mise en œuvre et les produits utilisés dans ce protocole ne sont pas applicables à notre recherche, l’urée rendant la colle de poisson irréversible.

Une étude menée par l’Institut canadien de conservation (ICC) en 1990 décrit des essais montrant que la colle d’estur- geon contenant 5 % de glycérine constitue un adhésif solide et flexible ; mais les résultats de ces essais ne sont pas publiés12. De plus, nous ne savons pas s’il s’agit d’une colle de vessie natatoire d’esturgeon, ou d’une colle d’esturgeon fabriquée à partir de peau, d’arêtes…

Partant du constat que toutes les colles actuellement utili- sées en restauration des marqueteries Boulle en France et à l’étranger ne sont pas satisfaisantes, nous avons lancé une recherche sur cette problématique.

Cahier des charges

Notre donnée de départ est la conservation des collagènes anciens. Un collage avec une colle synthétique nécessitant une dépose et une élimination des colles anciennes sera donc écarté. La colle que l’on souhaite obtenir à l’issue de la recherche doit présenter les caractéristiques suivantes :

– réversible et non toxique.

– compatible avec la colle de bœuf trouvée sur l’œuvre et en solution aqueuse pour permettre une réhydratation des colles anciennes, car celles-ci font partie des matériaux de l’œuvre (elles sont donc un élément important pour l’histoire des techniques) et la plupart du temps forment un « matelas » qui absorbe les différentes épaisseurs des matériaux consti- tuant la marqueterie.

– utilisable à froid : le point de fusion doit être d’environ 5 à 10 °C, car la présence de différents matériaux (écaille de tortue, laiton, étain, placage de bois, bois massif) et le fait que l’on ne veuille pas déposer la marqueterie ne permettent pas l’utilisation d’une colle chaude (temps ouvert trop court : la baisse de température due au contact avec les matériaux provoque une gélification de la colle quasiment instantanée).

– une viscosité faible : la viscosité doit être adaptable au mode d’application et permettre une infiltration sous les marqueteries sans dépose, mais aussi une utilisation plus

visqueuse ou chargée pour les zones où la colle ancienne aurait disparu.

– une bonne adhérence sur le laiton ainsi que sur le bois.

– une plasticité suffisamment importante pour lui permettre de suivre le mouvement induit par les variations hygrométriques du bois sous un métal qui ne varie pas.

– des résultats satisfaisants aux tests de vieillissement.

Mise au point du protocole de test

Au lieu d’adapter la norme de test des collages bois-bois, il nous a semblé plus judicieux de mettre au point un protocole spécifique de test des collages bois-laiton, même s’il n’existe pas de norme AFNOR.

Nous avons d’abord cherché à réaliser des éprouvettes présentant non seulement une bonne reproductibilité, mais se rapprochant le plus possible des conditions rencontrées lors du collage des marqueteries Boulle. Le protocole de test nous permettra ainsi de comprendre le comportement de la colle de poisson disponible sur le marché13 et utilisée aujourd’hui pour restaurer les marqueteries Boulle afin de de le comparer avec celui d’autres colles remplissant les condi- tions de notre cahier des charges.

Choix du bois

Les supports bois des œuvres Boulle sont généralement en chêne ou en résineux. Par conséquent, nous avons décidé de réaliser des éprouvettes avec ces deux essences de bois. Mais leurs dimensions sont susceptibles de varier en fonction de l’humidité ambiante, et c’est d’ailleurs cette propriété qui est à l’origine de la détérioration des collages bois-laiton. De plus, la façon dont le bois est débité influe sur les variations dimensionnelles : un débit radial (débit sur quartier) présente des variations moins importantes mais plus homogènes que celles correspondant à un débit tangentiel (débit sur dosse).

C’est pourquoi nous avons choisi des échantillons de bois débités sur quartier pour réaliser nos éprouvettes et obtenir une meilleure reproductibilité des supports bois.

Choix du laiton

Les plaques de laiton sont réalisées dans un métal composé de 65 % de cuivre et 35 % de zinc, composition commerciale se rapprochant le plus des laitons Boulle14.

Choix des colles

Toutes ces colles sont réversibles et non toxiques. (voir tableau 1).

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Fabrication des éprouvettes

L’éprouvette est constituée de deux parties, une pièce de bois et une pièce de laiton. Une série de pièces de bois est préparée, dont la moitié en chêne et l’autre en sapin (résineux) avec un débit sur quartier16. Toutes les éprouvettes de la même essence sont fabriquées à partir de la même planche, dans le but d’avoir des éprouvettes les plus semblables possible. Les morceaux contenant des nœuds sont éliminés. Les étapes de fabrication sont : dégauchissage, rabotage, délignage et tronçonnage.

Les pièces de métal sont découpées avec une pince dans une plaque de laiton (65 % Cu, 35 % Zn) de chez Weber métaux. Les pièces, dans un gabarit fabriqué en acier, sont percées avec une perceuse à colonne. Une étape de ponçage est ensuite nécessaire pour éliminer les bavures dues à la découpe et au perçage.

Les zones de collage sont tracées et un ruban adhésif est positionné pour les masquer. Afin de créer une zone d’épargne sur les bordures de la zone de collage, nous avons appliqué de la paraffine. Cette zone, où la colle ne pourra pas adhérer, permet de ne pas avoir de débordement de colle qui pourrait fausser les résultats lors des essais mécaniques en cisaillement.

Une pesée des deux parties constituant l’éprouvette est effectuée avec une balance de précision (à 0,01 g près) avant le collage (P1). Cette pesée est répétée après le collage et deux jours de séchage (P2). Les éprouvettes doivent toutes rester dans les mêmes conditions environnementales, afin d’éviter de fausser les résultats (le bois et la colle étant hygrosco- piques, leur poids peut varier). Le poids de la colle corres- pond à Pc = P2-P1. Cette étape permet de vérifier la régularité du dépôt entre les différentes éprouvettes d’une même série ou entre les différentes colles. Les résultats montrent que les poids de colle déposée sont similaires.

Le collage consiste en la réalisation d’un joint adhésif à recouvrement simple mesurant 2 cm2 (fig. 2).

Le mode opératoire se fait en trois étapes : nettoyage préa- lable du laiton à l’alcool 95° ; dépôt de colle avec un pinceau de 1 cm de largeur17 ; « scotchage » de l’éprouvette sur trois côtés pour un meilleur maintien durant le séchage de la colle.

N° Adhésif Point de fusion pH Poids moléculaire Couleur de la colle sèche

A Colle de poisson liquide (45 % de matière sèche) (Kremer)

5 à 10 °C liquide à température ambiante

5 40 000 daltons Blanc caramel légèrement opaque

B Colle de poisson liquide + 1 % de glycérol (Kremer)

5 à 10 °C liquide à température ambiante

5 40 000 daltons Blanc caramel légèrement opaque

C Artcolle®

(30 % de matière séche)

10 °C

liquide à température ambiante

7 120 000 daltons Transparente

D Colle de peau de porc de recherche basse viscosité

(40 % de gélatine hydrolysée)

Liquide à température ambiante, viscosité faible

7 Inconnu Caramel

translucide

E Colle de vessie natatoire d’esturgeon + 1 % E 218

(25 % de matière sèche)

6 à 10 °C liquide à température ambiante

7 150 000 daltons15 Transparente

Fig. 2. Dessin technique des éprouvettes. © C2RMF/F. Leblanc.

Tableau 1. Sélection des colles

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Technè n° 49, 2020 Le mobilier Boulle

Pour effectuer un serrage le plus régulier possible, nous avons utilisé une presse hydraulique de l’atelier ébénisterie du C2RMF à Versailles (fig. 3 a-b). Les éprouvettes sont posi- tionnées en quinconce pour que le laiton soit toujours sur un support bois. Elles sont serrées à une pression de 70 bars18, durant 24 heures.

À l’issue de cette étape de collage, la moitié des éprou- vettes (notées 1 à 4) sont laissées telles quelles. L’autre moitié (notées 5 à 8) subissent un vieillissement artificiel dans l’en- ceinte climatique du C2RMF sur le site de Versailles (enceinte CTS C+ 10/600) à 35 °C et 20 % d’humidité relative (HR) durant 148 heures, dans le but de diminuer la teneur en eau de la colle et du bois, et donc d’entraîner un retrait dimen- sionnel de celui-ci.

Choix des essais mécaniques

Il existe de nombreux types d’essais mécaniques permettant de tester des adhésifs, comme la traction, le pelage, le clivage, la flexion (en 3 points ou en 4 points), la torsion, le cisaille- ment (longitudinal ou transversal19). Dans la majorité des cas sur les meubles Boulle, les décollements des pièces en laiton des marqueteries ont lieu lorsque l’humidité relative est faible ; le bois se déshydrate et subit un retrait dimensionnel.

En revanche, le laiton ne varie pas en fonction de l’humidité relative. C’est donc la colle qui supporte ces variations. Quand il y a décollement, il existe alors un phénomène de cisaillement au niveau du joint de colle. C’est pourquoi nous avons choisi d’effectuer des tests méca- niques de résistance des adhésifs en cisaillement longitudinal après avoir laissé sécher les éprouvettes une semaine. Ces essais sont réalisés sur un banc d’essai ZWICK Z-2.5 de l’École des Mines Paristech à Sophia Antipolis avec l’aide de Gilbert Fiorucci et sous la direction d’Evelyne Darque-Ceretti (fig. 4 a-c). L’éprouvette est tirée par les mâchoires de l’appareil jusqu’à la rupture. On enregistre à la fois le dépla- cement de l’échantillon, et la force appliquée jusqu’à la rupture. Celle-ci s’exprime en N/mm² ou en MPa, soit la force divisée par la surface collée. Les données recueillies nous permettent de tracer des courbes de la force en Fig. 3 a-b. Fabrication des éprouvettes et serrage sous

presse hydraulique. © D. Elie-Lefebvre.

Fig. 4 a-c. Photographies du banc d’essai avec échantillon placé pour le test de résistance.

La force maximale est de 2500N et la vitesse de déplacement de 0,01 mm/s. © D. Elie-Lefebvre.

Fig. 5. Courbes de force en fonction du temps. © D. Elie-Lefebvre.

a b c

a

b

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fonction du temps (fig. 5). Le même protocole est employé pour tous les échantillons, qu’ils soient vieillis artificiellement ou non.

Résultats

Les essais mécaniques

Les collages réalisés avec la colle de peau de porc et la colle de vessie natatoire d’esturgeon n’ont pas tenu dans la quasi-tota- lité des cas. Il n’a donc pas été possible de faire des essais méca- niques. Pour la colle de vessie natatoire d’esturgeon (à 25 % de matière sèche), seule une éprouvette non vieillie a pu être testée, la contrainte mise en jeu au moment de la rupture étant de 0.3 N/mm2 20. Cette valeur est très faible par rapport à la colle de poisson liquide (en moyenne 2.5 N/mm2), et même si la concentration de la colle de vessie natatoire utilisée est de 25 % par rapport à 45 % pour la colle de poisson, il ne semble pas envisageable que des marqueteries de laiton des meubles Boulle aient pu un jour être collées uniquement avec de la colle de vessie natatoire d’esturgeon. Ce résultat corrobore les écrits de Roubo21 et réfute la rumeur de l’utilisation de cette colle par A.-C. Boulle22.

Les résultats obtenus pour les autres colles sont donnés sous forme de graphique réalisé à partir des courbes enregis- trées durant les essais mécaniques (fig. 6). Les valeurs des forces des tableaux correspondent à une surface de collage de 200 mm2. Les éprouvettes sont nommées par le nom de la

colle, le numéro de l’éprouvette et le type de bois, par exemple A-1-C : éprouvette colle A sur chêne, numéro 1.

L’hétérogénéité des résultats nous a amené à réaliser aussi des moyennes (fig. 7). Pour affiner cette recherche, il faudrait refaire ce protocole en augmentant la quantité d’éprouvettes.

Néanmoins, ces premiers résultats livrent d’ores et déjà des observations essentielles :

– les forces mises en jeu au moment de la rupture sont en moyenne plus importantes dans un collage sur un support résineux.

– le vieillissement artificiel semble détériorer le collage et, sur chêne, les ruptures ont lieu à des forces inférieures à celles observées pour les éprouvettes non vieillies.

– le glycérol améliore le collage, surtout après le vieillisse- ment, mais augmente la dispersion des résultats. Le glycérol forme des micelles dans la colle aqueuse, rendant le mélange hétérogène, ce qui pourrait être la cause de la dispersion des résultats.

– plus le poids moléculaire de la colle testée est important, plus la force mise en jeu au moment de la rupture est impor- tante. Comme on sait que plus le poids moléculaire est impor- tant, plus les chaînes d’acides aminés constituant le collagène sont longues, on en conclut que les collagènes formés de longues chaînes permettront un meilleur collage bois-laiton.

– la moyenne des 8 éprouvettes vieillies et non vieillies testées pour chaque colle est présentée avec son écart-type dans les graphiques suivants. On met ici davantage en évidence le fait que le vieillissement du chêne altère le collage, ce qui n’est pas toujours le cas pour les résineux.

Fig. 6. Étude des forces au moment de la rupture des essais mécaniques

(en gris : éprouvettes non vieillies, en rouge : éprouvettes vieillies artificiellement).

© D. Elie-Lefebvre.

Fig. 7. Étude de la moyenne des forces au moment de la rupture des essais mécaniques. © D. Elie-Lefebvre.

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Technè n° 49, 2020 Le mobilier Boulle

Observations des surfaces de rupture

Nous avons observé, sous binoculaire, toutes les éprouvettes après cisaillement et nous avons essayé de caractériser les faciès de la rupture du joint de collage.

Trois types de faciès de rupture se diffé- rencient (fig. 8) :

– rupture interfaciale colle-laiton (RI) ; la colle est restée adhérente au support bois, aucun résidu sur le laiton.

– rupture mixte de niveau 1 (RM1) ; des résidus de colle sont présents sur le laiton.

– rupture mixte de niveau 2 (RM2) ; de la colle et des fibres de bois sont présentes sur le laiton.

Pour une colle de restauration, le faciès de rupture RM1 semble le meil- leur, car la rupture s’est faite en majorité dans le joint de colle. Nous savons que notre problématique principale est le problème d’adhésion de la colle sur le laiton, nous chercherons donc à élimi- ner au maximum les ruptures interfa- ciales (RI).

La synthèse des résultats sous forme de pourcentage du type de faciès (fig. 9) observé au niveau de la rupture du joint de colle permet de conclure que :

– les colles animales adhérent plus au laiton lorsque le support est en rési- neux. La présence de tanins dans le chêne et son acidification au cours du vieillissement sont probablement des causes de ce phénomène.

– la présence de glycérol augmente le pourcentage de RM1 et de RM2, donc l’adhésion de la colle sur le laiton. Si on ne regarde que les faciès de rupture, la colle B semble la meilleure.

Conclusion

Notre objectif était de tester différentes colles et de livrer les arguments qui permettraient de choisir celle dont les perfor- mances correspondraient le mieux à notre cahier des charges initial. Essais mécaniques et observations des surfaces de rupture ont permis de montrer que les forces mises en jeu au moment de la rupture sont des forces de l’ordre de 500 à 1000 Newton. Les contraintes subies par un décor de marqueterie n’atteindront jamais ces valeurs dans la pratique. C’est pourquoi il est important de tenir compte des résultats des essais de cisail- lement plutôt que des résultats de l’étude des faciès de rupture.

Fig. 8. Schéma des trois types de faciès de rupture observés. © D. Elie-Lefebvre.

Fig. 9. Étude des faciès de rupture après les essais mécaniques. RI : rupture interfaciale colle-laiton ; RM1 : rupture mixte de niveau 1 ; RM2 : rupture mixte de niveau 2. © D. Elie-Lefebvre.

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101 Pour un collage de laiton sur chêne comme sur résineux,

il semble que la colle la plus adéquate soit la colle Artcolle®. Cette colle présente des forces de rupture plus élevées que la colle de poisson liquide classique (fig. 6), laquelle est pourtant 15 % plus concentrée. De plus, cette colle offre d’autres avan- tages : elle a un pH neutre (le pH acide peut corroder le métal plus rapidement), elle est souple, transparente et ne possède pas de charge.

Ces recherches nous ont permis de réaliser dès 2012 des collages avec Artcolle® lors de la restauration de plusieurs meubles d’A.-C. Boulle : cabinet sur piédestal (OA 5452), régu- lateur de parquet (OA 6746), armoire (OA 5516), bureaux à gradin (OA 9538, V 4081), scabellons (OA 5058, OA 5061). Ces œuvres ne présentent pas de problèmes de soulèvement à l’heure actuelle. Il sera nécessaire de les suivre dans les prochaines décennies pour observer le comportement de vieil- lissement naturel et le comparer au vieillissement artificiel, tout en tenant compte, bien sûr, des variations de climat.

Notes

1. Les différentes colles de poissons du commerce proviennent toutes du même fournisseur canadien. Il s’agit d’une colle de poisson fabriquée à partir des déchets de divers poissons (peaux, arêtes…) qui contient beaucoup de conservateurs et une charge, ce qui la rend cassante.

2. Voir article de D. Elie-Lefebvre, D. Hartmann et N. Balcar, dans ce volume.

3. La notion de durabilité peut changer en fonction du milieu auquel on s’adresse : elle est souvent de 30 ans dans le domaine de l’industrie et de 100 ans pour les musées.

4. Elie-Lefebvre, 2012, p. 169 et 172.

5. L’observation MEB couplée à des analyses EDS permet de visualiser la rugosité ainsi que d’analyser les différents constituants de la surface, analyse qualitative.

6. Morini, 2009, p. 6.

7. Morini, 2009, p. 11.

8. L’analyse XPS permet de déterminer la composition atomique de l’extrême surface, analyse semi-quantitative.

9. Fontaine, 2006, p. 47-79.

10. Garcet, 1996.

11. Les éprouvettes sont actuellement conservées au Laboratoire de recherche des monuments historiques (LRMH) où elles se trouvent en cours de vieillissement naturel.

12. Nagora et al., 1990.

13. Une enquête téléphonique auprès de 20 fournisseurs français et étrangers nous a permis d’apprendre que toutes ces colles proviennent d’un unique fournisseur canadien.

14. Voir article de D. Bourgarit et E. Pons dans ce volume.

15. Schelmann, 2007, p. 58.

16. Elie-Lefebvre, 2012, p. 178-180.

17. Le dépôt est toujours effectué par la même personne par souci de régularité et de reproductibilité.

18. La pression de 70 bars est fixée par un tableau de correspondance : surface totale de collage – pression à appliquer, se trouvant sur la presse.

19. Cognard, 2000, p. 54-94 ; Darque- Ceretti, Felder, 2003.

20. Pour une surface collée de 200 mm2 : 60/200 = 0.3 N/mm2.

21.Roubo, 1774, p. 991.

22.Chauvin, 2007, p. 100.

Bibliographie

Cognard J., 2000, Science et technologie du collage, Presses Polytechniques et Universitaires Romandes, Lausanne.

Darque-Ceretti E., Felder E., 2003, Adhésion et adhérence, Sciences et Techniques de l’Ingénieur, CNRS Éditions, Paris.

Nagora L., Fairbairn G., Manuel J., 1990,

« Restauration d’une horloge sur console en marqueterie Boulle : rapport d’étape », Bulletin n° 6 de l’Institut canadien de conservation (ICC), p. 1-3.

Roubo A.-J., 1774, L’Art du menuisier-ébéniste (réédition de 2002), s.v, Bibliothèque de l’Image, Paris.

Schelmann N. C., 2007, “Animal glues: a

review of their key properties relevant to conservation”, Reviews in

Conservation, 8, p. 55-66.

Documents inédits

Chauvin P., 2007, Histoire de la technique et de la restauration de la marqueterie Boulle, du XVIIIe siècle à nos jours. Mémoire dans le cadre du Diplôme de Recherches Appliquées, École du Louvre, Paris.

Elie-Lefebvre D., 2012, Conservation d’un cabinet-bibliothèque en marqueterie Boulle du musée du Louvre, XVIIIe siècle. Étude de colles animales : détermination et collage bois-laiton. Mémoire de Master Restaurateur du patrimoine, Institut national du patrimoine, Paris.

Fontaine C., 2006, Conservation Restauration d’une pendule régence en marqueterie Boulle (musée Carnavalet, Paris). Recherche d’un nouveau système de collage des métaux sur bois. Mémoire de Master

Restaurateur du patrimoine, Institut national du patrimoine, Paris.

Garcet A., 1996, Étude des colles d’origine animale utilisées pour la restauration de marqueteries anciennes. Mémoire de l’ENSTIB, université Henri-Poincaré Nancy 1.

Morini R., 2009, Étude de l’adhérence bois-métal dans le cadre de la restauration du mobilier Boulle. Mémoire de Master 2, École des Mines ParisTech, Cemef, Paris.

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