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L'alcoolisme devant la médecine, la statistique, l'état

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Academic year: 2021

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Ligue valaisanne

contre le s abus d e l’alcool

r

aieooli

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me

PA

11282

devant la médecine

la statistique

r Etat

(2)
(3)

L’ALCOOLISME DEVANT LA MEDECINE LA STATISTIQUE L’ETAT Médiathèque VS Mediathek 1010803833 PA 11282 P. CALPINI H. SOLMS A. HUNZIKER H. SCHWYTZER A. BIELANDER

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L’ALCOOLISME

D E V A N T

LA MEDECINE

LA ST A T ISTIQ U E

L’ETAT

1963 Première édition

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Distribution:

Service médico-social, 24 Avenue Ritz, Sion VS

Imprimerie: Neue Buchdruckerei Visp A. G. à Viège Printed in Switzerland

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I N T R O D U C T I O N

La Ligue v alaisan n e contre les abus de l ’alcool avait, en 1956 déjà, tenté u n e p rem ière enquête superficielle en p ria n t les autorités com ­ m u n ales de lu i signaler les cas d ’alcoolism e dont elles av a ie n t con­ naissance. P arm i les 105 questionnaires reçus en retour, 19 ne signalaient a u c u n cas, tandis que les autres an n o n çaien t u n chiffre global de 647 cas, dont 569 hom m es et 78 fem m es. Des sondages p e rm ire n t de constater q u ’il s’agissait su rto u t d ’alcooliques incurables. En outre la com paraison de ces chiffres avec les données fournies p a r des cantons dotés de services d ’assistance an tialcoolique lais­ sait d ev in er que ces résultats ne co rrespondaient q u ’im p a rfa ite ­ m e n t à la réalité. Il devenait dès lors évident que seule u n e enquête approfondie et a tteig n an t les diverses couches de la p o p u latio n p o u ­ vait p erm ettre d ’élab o rer des statistiques valables.

O rg an iser u n e telle enquête était u n e gageure. C ep en d an t la Ligue l ’estim ait indispensable afin de m e su re r l ’extension de l ’al­ coolism e en Valais. La précieuse collaboration et la com préhension des autorités civiles et religieuses on t larg em en t contribué au succès de cette entreprise et nous tenons à le u r tém o ig n er ici n o tre profonde gratitude.

Les statistiques que nous publions dans la deuxièm e p artie de cet ouvrage sont le résu ltat de cette enquête. Elles constituent, en q u el­ que sorte, le n o y au de cette étude. Il était cependant regrettable d ’en 5

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rester là et de négliger de tire r les conclusions qui s’en dégagent. L’occasion nous était d onnée d ’esquisser p o u r le V alais u n p lan de défense antialcoolique dont les statistiques soulignaient l ’urgence. L’étude de ce p ro g ram m e d ’assistance occupe la troisièm e partie de cet ouvrage.

A fin de d o n n e r à cette étude u n e portée plus générale, il était opp o rtu n d ’exposer, en p rem ière partie, quelques considérations d ’ordre m édico-social sur l ’origine, l ’évolution et les conséquences de l ’alcoolism e. Mais, nous le répétons, soit ces considérations, soit l’étude d ’u n e assistance antialcoolique ne doivent se concevoir q u ’en fonction des statistiques qu i d e m e u re n t la raiso n d ’être de cet ouvrage.

Ce livre est le fru it d ’u n tra v a il d ’équipe qui, sous la direction de M. P. C alpini, chef du service can to n al de la santé publique, a tenté, e n p a rta n t de données strictem en t locales, de co n trib u er à une m eilleu re connaissance du problèm e de l’alcoolism e.

N otre reconnaissance s’adresse à:

— M. A .H unziker, doct. en droit, directeu r d u service m édico-social a n ti­ alcoolique d u can to n de Lucerne, m em b re de la C om m ission fé­ dérale contre l’alcoolism e; son trav ail m éth o d iq u e et objectif nous a re n d u les plus grands services dans le d om aine ju rid iq u e et social;

— M. le D r H. Solms, psychiatre et psychothérapeute à Genève, m em bre de la C om m ission fédérale contre l ’alcoolism e, a n cien b o u rsier du C entre de recherches su r l ’alcoolism e et les toxicom anies, à Toronto (C a n a d a ); nous lui devons la p a rtie m édicale de cet ouvrage; — M. A. Bielander, psychologue, chargé d ’organiser et de m e n e r le

trav ail d ’enquête;

— M. H. Schwytzer, doct. ès sciences économ iques, statisticien cantonal à Lucerne, chargé de dresser et de co m m en ter les statistiques; — M. le Professeur E. Läuppi, directeu r de l ’In stitu t de m édecine lé­

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gale à l ’U niversité de Berne, chargé de contrôler les indications co n cern an t l’in toxication alcoolique aiguë.

— M. J. Czech, secrétaire de la Ligue, qui a exécuté la tâche p a rtic u ­ lièrem en t délicate d ’ad a p ta tio n et de trad u ctio n de l ’édition originale. L’édition française n ’est pas u n e réplique fidèle de la version allem an d e m ais bien u n e ad ap tatio n abrégée. C ertains passages ont été om is; quelques statistiques on t été m odifiées p a r des données plus récentes. La p artie m édicale a été com plètem ent refondue et enrichie de quelques corrections telles les rem arq u es suggérées p a r M. le Professeur Kielholz. D ans la troisièm e partie, réservée à l ’o rg an i­ satio n de la lu tte contre l ’alcoolism e su r le p la n cantonal, nous avons d û te n ir com pte des changem ents in terv en u s depuis l ’ap p a ritio n de l’édition allem ande, n o ta m m e n t en ce qui concerne la rép artitio n de la dîm e de l ’alcool. Enfin, la b ibliographie a été rem an iée et adaptée à l ’édition française.

N ous tenons à tém oigner notre vive reconnaissance au x autorités fédérales, spécialem ent à la C om m ission fédérale contre l ’alcoolism e et à la Sous-com m ission des recherches scientifiques, ainsi q u ’aux autorités valaisan n es p o u r l ’ap p u i fin an cier q u ’elles nous o n t accordé et qui a perm is la p aru tio n de cet ouvrage.

La Ligue valaisanne contre les abus de Valcool.

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P R E M I E R E P A R T I E

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P R E A M B U L E

Cet ouvrage insiste su rto u t su r l ’aspect social que revêt de nos jours le problèm e de l ’alcoolism e aigu et chronique. Les considé­ rations m édicales exposées d an s la p rem ière p a rtie tro u v en t leu r co n firm atio n dans u n e seconde p artie consacrée à la statistique. A l ’aide de ces notions, à la fois abstraites et concrètes, il sera pos­ sible d ’élab o rer u n p ro g ram m e de protection et de relèvem ent in ­ c arn é dans les deux m éthodes suivantes:

1. l ’assistance volontaire, p a r le tru ch em en t du service m édico­ social an tialcoolique (service social et assistance m édicale) ;

2. l ’assistance imposée, découlant essentiellem ent de la loi contre l ’alcoolism e.

L’ouvrage en tier est orienté vers cette double assistance dont il veu t p révoir et favoriser l ’avènem ent. Il ne fa u t donc pas s’éto n n er si, dès la p rem ière partie, nous rencontrons des considérations d ’ordre p ratique, n o ta m m e n t en ce qui concerne le rôle du service m édico­ social dans l ’alcoolism e aigu et chronique ainsi que l ’action de prophylaxie en fav eu r de la jeunesse.

Q uoique co n cern an t directem ent le Valais, cet ouvrage a une portée générale d éb o rd an t les frontières et s’adresse à tous ceux qui s’intéressent à la lutte contre l ’alcoolisme.

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Intoxication alcoolique aiguë

1. Introduction

L’intoxication alcoolique aiguë est caractérisée p a r u n ensem ble de troubles passagers causés p a r l ’absorption d ’alcool éthylique et se tra d u isa n t p a r l ’ébriété, l ’ivresse ou m êm e le coma.

L’alcool est u n n arco tiq u e exerçant u n e action dépressive, voire m êm e p araly san te su r certains centres du systèm e n erv eu x central. Ne n écessitant au cu n e digestion, il fra n c h it les parois de l'estom ac et de l ’intestin, pén ètre dans le systèm e circulatoire et gagne très rap id em en t le cerveau ab o n d a m m e n t vascularisé. Son élim in atio n é tan t très len te (8 g ram m es p a r heure), il fa u t a u corps plus de 5 heu res p o u r se déb arrasser de l ’alcool contenu dans u n dem i-litre de vin. L’im p rég n atio n alcoolique influence to u t d ’abord les fonctions cérébrales les plus nobles: vigilance, po u v o ir de concentration, rapidité et précision des réactions, sens des responsabilités, contrôle de soi, faculté de ju g e m e n t etc. Cette atteinte au x facultés supérieures s’accom pagne d ’u n se n tim en t d ’euphorie. U ne ivresse plus m arq u ée gagne successivem ent les au tres centres céréb rau x rég lan t les fonctions de l ’instinct, la m otricité, l ’équilibre, la fonction respiratoire et la circulation cardio-vasculaire.

Le tab leau de la page suiv an te illustre clairem en t l ’in com patibilité existant entre l ’intoxication alcoolique aiguë et no tre époque de vitesse. R etraçons les grandes lignes de l ’évolution opérée e n m oins d ’u n siècle.

Il y a 100 ans: Ivresse et trafic se tolèrent. Le cheval ram èn e son m a ître ivre à la m aison.

Il y a 50 ans: Pas d ’ivresse au volant! Tel est le slogan lancé à l ’in ­ ten tio n des autom obilistes qu i ro u len t à 6 km -h. à l ’in té rie u r des agglom érations et à 30 km -h. à l ’extérieur.

Il y a 30 ans: Pas d’ébriété au volant! La LCR condam ne l ’ébriété

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Pour le conducteur d’un véh icu le l ’a lco ol est très dangereux

qu’il provienne du vin, de la bière, des eaux-de-vie ou des liqueurs Avec le vin ordinaire à 10 0 pris comme exemple:

P our u ne

co n so m m atio n de * 2-4 décilitres 4-6 décilitres 7-10 décilitres 1-1,3 litre plus de 1,3 litre Taux approximatif**

d ’alcool dan s le

sang, après 1 h. 0,3-0,7%o 0.7-1,2°/«o 1,3-l,9"/ro 2-2 ,5%o plus de 2,5°/oo Pas ou peu d ’effets

apparents, mais ..

Diminution du sens critique et de la maîtrise de soi

Allure titubante Aggravation des symptômes précédents Perte de contrôle de plus en plus totale Des troubles apparaissent euphorie temps de réaction allongé euphorie témérité euphorie diplopie (voir double)

somnolence menace de coma

réactions motrices troublées insolence troubles de l’équilibre danger mortel de pneumonie p ar aspiration

aspect clinique Ebriété — Ivresse légère — Ivresse moyenne Ivresse profonde

Conclusion

C o n d u i t e d a n g e r e u s e Conduite impossible Zone d ’alarme Zone toxique Zone mortelle

* c o n so m m atio n éten d u e su r u n tem ps plus o u m o in s restrein t (1-3 h. selon la quantité) ** taux variable selon le poids du co nducteur, la fatigue, l'h e u r e etc. (voir p. 13)

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alcoolique à p a rtir d ’u n ta u x de concen tratio n de

1 °/oo.

A u jo u rd ’h u i: Pas d ’alcool au volant! La science a d ém ontré que toute ingestion d ’alcool abaisse ra p id e m e n t la con­ centration, la précision et la vitesse de réaction. Ce tab leau définit so m m airem en t les étapes de l ’im p rég n atio n al­ coolique chez u n e personne h ab itu ée à l ’alcool et le su p p o rtan t n o r­ m alem en t. Les sujets n o n h ab itu és à l ’alcool, su rto u t les fem m es et les jeu n es gens, p eu v en t accuser des troubles avec des quantités inférieures.

Les conséquences sociales de l’in toxication alcoolique aiguë (dim i­ n u tio n du rendem ent, accidents, délinquance, suicide) laissent e n tre ­ voir l ’im portance d ’u n service m édico-social, su rto u t sous l’angle prophylactique.

2. Mesure du degré d ’im prégnation a lco o liq u e 1

U ne estim ation q u an titativ e de l ’im p rég n atio n alcoolique est su p er­ flue dans les cas où la sim ple présence d ’alcool constitue u n e in frac­ tion (interdiction, sursis). Elle se justifie dans les autres cas (dé­ lin q u an ce alcoolique avec estim ation du degré de responsabilité, ivresse a u v o lan t etc.).

Il im porte, d ’au tre part, de se souvenir que la courbe de l ’alcoolém ie (taux d ’alcool dans le sang) et l ’in tensité de l ’ivresse n e sont pas parallèles. Celle-ci dépend, dans u n e certaine m esure, d ’autres facteurs et cela d ’u n e façon très v ariab le n o n seu lem en t d ’u n in d iv id u à l ’autre, m ais encore chez la m êm e perso n n e selon les dispositions du m om ent (état de santé, fatigue, corpulence, h abitude, ém otion, ingestion de m é ­ dicam ents, estom ac vide ou p lein etc.).

U ne d é term in atio n q u an titativ e de l ’alcoolém ie ne peut, p a r consé­ quent, préciser avec exactitude le degré d ’ivresse. Elle suffit cependant p o u r affirm er que tel b u v e u r n ’a pas encore attein t ou, a u contraire, a dépassé le ta u x de concentration alcoolique adm is com m e in co m p a­ tible avec la conduite d ’u n véhicule. U ne loi, v eillan t à l ’in té rê t général, peu t très bien, en se b a sa n t su r des observations et recherches m éd i­ cales, fixer u n tau x de concentration. Elle n ’a pas à e n tre r dans chaque cas e n p articu lier et n e p e u t être taxée d ’injuste si, exceptionnellem ent, elle frappe u n sujet qui supporte plus que la m oyenne. Elle p eu t y op­

1 Chapitre dû à la plum e du Dr Franz, médecin-chef à l ’Institut de médecine légale de l ’Université de Berne.

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poser les cas très n o m b re u x où ce tau x dev rait être p lutôt abaissé. N ous faisons abstraction des cas d ’in to léran ce qu i relèvent déjà de la pathologie.

De faibles concentrations alcooliques, anodines dans le passé, jo u en t u n rôle im p o rta n t dans le m o n d e actuel où le m o in d re excès de con­ fiance en soi, la m o in d re négligence ou im p ru d en ce p eu v en t e n tra în e r de graves conséquences (pensons, p a r exem ple, à l ’intense circulation routière). Le ta u x légal de 0,8 à 1 %>o adm is p a r les trib u n a u x est p lutôt g énéreux et n e sa u ra it être plus élevé. U n ta u x im m éd iatem en t in ­ férieu r dev rait être in terp rété com m e légère ivresse sans conséquence ju rid iq u e a u sens de la LCR et de la LTR.

Il existe des m éthodes précises d éte rm in a n t le tau x de concentration alcoolique dans le sang. Les plus usitées, chez nous, sont les m éthodes chim iques (procédé de Nicloux, de W idm ark, consistant à b rû le r l ’a l­ cool p a r u n oxydant dont on m esure la q u an tité ou les m odifications) ainsi que les m éthodes optiques (par l ’ex am en des v ariatio n s de l ’index de réfraction du distillât alcoolique).

D ’autres procédés p erm ettent, à l ’aide d u B reathalyzer ou de l’Alco- test, d ’estim er le degré de concentration alcoolique de l ’a ir expiré. Mais, dans ces cas, il n e s’agit que d ’u n test p ré lim in a ire in d iq u a n t s’il y a eu u n e absorption considérable d ’alcool ou n o n et p e rm e tta n t ainsi de décider de l ’oppo rtu n ité d ’u n e prise de sang p o u r u n e analyse plus précise. E tant donné la n a tu re biologique de l ’exam en, de légères v ariatio n s dans les résultats co n cern an t le m êm e sang ne sau raien t com prom ettre la v a le u r p ratiq u e de ces derniers.

3. Les phases de l ’in tox ication alcoolique aiguë

L’in toxication alcoolique aiguë se déroule sch ém atiq u em en t de la façon suivante :

a) phase de désinhibition (ébriété, ivresse légère): 0,5—l,2°/oo. Elle se caratérise p a r u n divorce entre l ’im pression subjective du b u v eu r et l ’effet objectif de l ’alcoolisation. Le léger fléchissem ent des facultés supérieures de raiso n n em en t et de contrôle de soi est ac­ com pagné d ’u n état d ’euphorie caractéristique. O bligations, soucis, rem ords s’estom pent et font place à u n sen tim en t de puissance. Cette euphorie est cep en d an t artificielle et fragile; elle p e u t être suivie d ’u n e phase dépressive, irritable, hostile, accom pagnée parfois de décharges affectives. Ces changem ents d ’h u m e u r ap p araissen t aussi sans eup h o rie préalable.

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b) phase d ’ivresse m o ye n n e: 1,3—2 °/oo.

La coo rd in atio n en tre les organes sensoriels et m oteurs devient difficile p a r suite d ’u n e légère paralysie de certains centres nerveux. La vue et l’équilibre accusent des troubles m anifestes.

c) phase d ’ivresse profonde: au-dessus de 2 %>o.

L’effet p a ra ly sa n t de l’alcool a gagné to u t le cerveau; la m ém oire s’efface; u n besoin irrésistible de som m eil s’em p are d u buveur, le sau v an t ainsi de la possibilité de s’e n iv re r d av an tag e et m êm e, parfois, d ’u n e paralysie m o rtelle du centre respiratoire. M entionnons enfin le grave d an g er de p n eu m o n ie p a r aspiration.

4. Form es de l ’ivresse

L’ébriété ainsi que l ’ivresse légère et m o y en n e re lia n t les deux prem ières phases revêtent, su r le p la n social et m édico-légal, une im p o rtan ce considérable. L’on ne sa u ra it c ep en d an t négliger u n autre élém en t parfois d é te rm in a n t dans la question de la responsabilité. N ous pensons au x diverses form es que peu t affecter l ’ivresse.

O n distingue: a) l’ivresse sim p le

nous venons de la décrire ; b) l’ivresse anorm ale

elle se rencontre su rto u t chez les personnes so u ffran t de troubles psychiques (caractériels, psychotiques, trau m atisés du crâne) et peut être com pliquée ou pathologique.

L’ivresse com pliquée com porte les 3 phases évoquées plus h a u t m ais avec u n e in tensité considérablem ent accrue. L’excitation psy­ chom otrice su rto u t est plus m a rq u é e et p e u t parfois conduire à la fureur. Mais le buveur, m alg ré son com portem ent, conserve avec la réalité u n contact suffisant p o u r être reconnu, d ev an t la loi, p a rtie l­ lem en t responsable des délits q u ’il p o u rra it com m ettre.

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d isp arait rap id em en t, faisan t place à u n e excitation psychom otrice dém esurée. Le b u v eu r sem ble ag ir dans u n rêve et sa conduite peut dev en ir incom préhensible p o u r son entourage. Son irritab ilité est ex­ trêm e de m êm e que son anxiété parfois encore accrue p a r des h a l­ lucinations. Il p eu t ainsi se ren d re coupable d ’actes délictueux extrê­ m e m e n t d an g ereu x dont, ju rid iq u em en t, il n e sa u ra it être te n u p o u r responsable.

5. Intolérance à l’a lco ol

U n sujet in to lé ra n t présente, d éjà après u n e faible ingestion d ’a l­ cool, les signes caractéristiques de l ’ébriété ou de l ’ivresse. Cette intolérance, qui se rencontre fréquem m ent, est très dangereuse parce q u ’in su ffisam m en t connue. Elle p e u t être, en outre, la source de n o m ­ b reu x accidents.

L’in to léran ce alcoolique provient:

— de la n a tu re m êm e du sujet (intolérance des enfants, des fem m es, — in to léran ce constitutionnelle, in to léran ce due à la chaleur, à la

fatigue) ;

— d ’u n trau m atism e c rân ien (accident fréq u en t su r les chantiers et sur la route) ;

— d ’u n e m alad ie (artériosclérose cérébrale fréq u en te chez les p e r­ sonnes âgées, épilepsie, psychose, psychopathic, troubles h é p a ­ tiques etc.) ;

— de l ’ingestion de certains m édicam ents. Q uelques m édicam ents cou­ ran ts abaissent le seuil de tolérance à l’alcool et p eu v en t susciter des m alaises a lla n t de la sim ple céphalée au x m an ifestatio n s a n o r­ m ales de l ’ivresse.

N ous insistons su r le fait que l ’intolérance à l ’alcool se rencontre aussi b ie n chez les personnes saines que p a rm i les m alades.

6. A spect social de l ’in toxication alcooliq u e aiguë

N otre étude, nous l ’avons dit, s’attache su rto u t à l ’aspect social des abus de l ’alcool. Bornons-nous à évoquer ici, à l ’aide de quelques chiffres, les conséquences d ’u n seul problèm e: la d élin q u an ce a l­ coolique.

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a) Accidents m ortels de la circulation en Suisse

-A nnée : chiffre global : p o u r cause d'ivresse

1955 1021 142 = 1 3 ,9 % 1956 1037 152 = 1 4 ,7 % 1957 1162 149 = 1 2 ,8 % 1958 1146 167 = 1 4 ,6 % 1959 1114 163 = 1 4 ,6 % 1960 1303 201 = 1 5 ,4 % 1961 1404 206 = 1 4 ,7 % 1962 1384 186 = 1 3 ,4 %

Bureau fédéral des statistiques

Les accidents de la circulation dus à l ’ivresse com ptent p a rm i les plus graves.

b) Retraits de perm is

A nnée : chiffre global : p o u r cause d ’ivresse

1955 4794 2703 = 5 6 % 1956 5838 3238 = 5 5 % 1957 6484 3659 = 5 6 % 1958 6794 3900 = 5 7 % 1959 7031 4 1 5 1 = 5 9 % 1960 8321 4830 = 5 8 % 1961 9869 5242 = 53 % 1962 12557 5582 = 45 %

Bureau fédéral des statistiques

c) Intoxication alcoolique aiguë et délinquance

D u ra n t la m obilisation de 1939—1945, l ’alcool a été u n facteu r d é­ te rm in a n t ou accessoire dans u n q u art des délits causés p a r les soldats:

co n d am n atio n s : p a r l ’alcool : soit :

16 151 3934 24,4 %

C om m ission fédérale c o n tre l'alco o lism e

7. A lco ol e t délinquance

Il n ’est pas inutile, a v a n t d ’a b o rd er le rôle d u service m édico-social dans les cas d ’into x icatio n alcoolique aiguë, de préciser les rapports en tre ces derniers et la délinquance. Ces rapports deviennent, de nos jours, de plus en plus étroits et n e sa u ra ie n t être ignorés.

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L’alcool et l ’alcoolism e sont des facteurs crim inogènes. Mais, parce q u ’ils ne sont pas les causes exclusives de la délinquance, il est sou­ vent très difficile de ju g er ex actem en t de le u r portée en étiologie crim inelle.

L’ivresse, o u intoxication alcoolique aiguë, se m anifeste dans le do­ m ain e de la crim inalité en su p p rim an t ou e n d im in u a n t le contrôle du sujet sur son com portem ent (ivresse au volant), ou en jo u a n t u n rôle d ’excitant, ou encore en ren fo rçan t des tendances latentes (délits sexuels, rixes suivies parfois de blessures ou de m eurtres).

La courbe de fréquence des délits com m is d u ra n t le w eek-end (sam edi-dim anche-lundi) illustre de façon irréfu tab le cette influence alcoolique.

N otons que l ’ivresse p eu t déclancher u n e action délictueuse non seulem ent chez u n alcoolique m ais m êm e chez u n h o m m e h ab itu e lle ­ m e n t sobre; elle peu t e n tra în e r les individus prédisposés m ais égale­ m e n t l ’ho m m e norm al.

De son côté, l ’alcoolism e chronique est une source de délits effritant len tem en t le sens m o ra l et social de ses victim es. D im in u a n t leurs forces et, partan t, le u r goût du travail, il les con d u it à la m isère ainsi que le u r fam ille, créan t des besoins financiers qui l ’o rien ten t vers des actes répréhensibles. L’alcoolism e, nous le savons, n ’est pas héréditaire, m ais il est favorisé p a r des tares physiques, m en tales et sociales qui, elles, se tran sm etten t au x générations suivantes. L’é b ran lem en t du m i­ lieu fam ilial, les disputes, m au v ais traitem en ts et m au v ais exem ples p eu v en t créer, chez les descendants, des troubles psychiques qui les a m è n e ro n t dem ain, peut-être, a u b anc des accusés.

Il se crée ainsi, a u po in t de vue social, u n cercle vicieux. Ce sera précisém ent au service m édico-social de le b riser et d ’y ap p o rter le rem ède et l ’espoir.

8. Service m édico-social et in toxication alcoolique aiguë

L’intoxication alcoolique aiguë, en fav o risan t certaines form es de délits, entre dans la sphère d u service m édico-social qui exercera, a v a n t tout, u n e activité de prophylaxie et d ’inform ation. La consé­ quence de loin la plus fréquente de cette intoxication étant, sans contredit, l ’ivresse a u volant, nous allons essayer d ’illu strer le trav ail d u service m édico-social en nous b o rn a n t à ce délit.

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a) But de l’in terven tio n

Elle a p o u r objet la protection du d élin q u a n t afin d ’éviter u n e ré ­ cidive. Son influence n ’est donc pas négative en v isan t à la répression m ais, au contraire, positive en accom plissant u n tra v a il d ’inform ation. In cid em m en t elle p e u t protéger le fau tif lo rsq u ’u n e sanction trop sé­ vère sem ble contre-indiquée.

G ardons-nous cep en d an t d ’accuser le service m édico-social d ’u n e politique de «gant de velours». Souvenons-nous p lu tô t que:

— la g rande m ajo rité des conducteurs est in su ffisam m en t inform ée du dan g er de l ’ivresse a u volant;

— les sanctions et retraits de perm is, b ien q u ’efficaces, n ’on t pas donné les résultats escom ptés;

— la sévérité du trib u n a l dem eu re im puissante à lu tte r seule contre les accidents causés p a r insouciance, sin o n p a r ignorance. Elle doit s’accom pagner de l ’éducation et de l’influence m o rale du service m édico-social dont le rôle p a ra it indispensable, surtout lors d ’une p rem ière faute.

b) M odalités de l’intervention

Le cas é ta n t signalé a u service m édico-social (et il devrait l ’être!), ce d e rn ie r procède de la façon suivante:

P rem ière faute (ivresse au volant)

1. Education an tialcoolique d étaillée à l ’aide de tableaux, schém as, brochures etc. Le rôle de l ’alcool su r le cerveau, su r les réflexes y est a b o n d a m m e n t com m enté. U n résum é de cet enseignem ent est rem is au conducteur.

2. E ngagem ent d u coupable à s’a b sten ir d ’alcool 3 heu res a v a n t de conduire. O n fera appel à sa b o n n e volonté et à son sens social.

3. La soum ission du d é lin q u a n t à cette en trev u e et à l ’engagem ent cité plus h a u t p eu t être invoquée et, p artan t, disposer au sursis.

Prem ière récidive

1. N ouvelle éd u catio n antialcoolique a u service m édico-social; 2. E ngagem ent d ’abstinence p o u r u n e d urée d éterm in ée; e n cas de violation de prom esse, le con d u cteu r doit s’engager à reco u rir à un traitem en t m éd ical (cure de désintoxication) ;

3. A près u n an, le con d u cteu r doit co n tin u er à s’ab sten ir de toute boisson alcoolique 3 heu res a v a n t de rep ren d re le volant;

4. Ces engagem ents seront com m uniqués à l ’instance appelée à p ro ­ n oncer les sanctions d ’usage.

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Seconde récidive

C ure de désintoxication; abstinence prolongée. C’est p o u r le cou­ p able la seule possibilité d ’éch ap p er à u n re tra it définitif du perm is de conduire. Il va de soi q u ’u n e nouvelle rechute e n tra în e ra it cette d ern ière sanction. Le service m édico-social ne pourrait, dans ce cas, assu m er la responsabilité de favoriser u n e nouvelle m esu re de clé­ m ence. Seul u n psychiatre a u ra it la possibilité d ’in te rv e n ir en ce sens. L’influence d u service m édico-social repose su r le bon v ouloir et la liberté du coupable. Ce d ern ie r p e u t refu ser ses services et affronter seul les rigueurs de l ’instance de répression. Il peut, en revanche, les accepter et espérer, de la sorte, u n adoucissem ent de la peine ou u n sursis.

Retenons le fait que le service m édico-social a p o u r m ission de p ré ­ v en ir u n e rechute du sujet et m é rite r u n verdict de clém ence à u n h o m m e devenu m oins d an g ereu x p o u r la société. Son in terv en tio n est donc p lein em en t justifiée et son action p rophylactique indis­ pensable.

N ous avons choisi le cas d ’ivresse au volant. La position du service m édico-social d em eure sensiblem ent la m êm e, quel que soit le délit relev an t de l ’in toxication alcoolique aiguë:

1. discussion du cas; éveil du sens des responsabilités;

2. éducation su r les effets physiologiques et psychiques de l ’alcool; 3. instru ctio n concrète p a r films, tableaux, dias etc.;

4. protection du d élin q u an t exposé à des sanctions p ubliques; esti­ m a tio n du degré de responsabilité; constatation d ’u n e in to léran ce al­ coolique etc.

R appelons encore q u ’il n ’a été question, ju s q u ’ici, que d ’intoxication alcoolique aiguë. En d ’autres term es, nous ne nous som m es pas occu­ pés des alcooliques chroniques et alcoolom anes.

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A lcoolism e chronique

1. D éfin ition - D élim itation

Il existe diverses form es de l ’alcoolism e chronique. D ans la p lu p art des cas, il s’agit d ’u n processus pathologique évolutif e n tra în a n t des dé­ tériorations physiques, psychiques et sociales durables plus ou m oins prononcées et ré su lta n t d ’u n e consom m ation excessive d ’alcool.

La m alad ie alcoolique n ’est pas nécessairem ent liée à l ’ivresse. Dans les régions vinicoles, p a r exem ple, l ’alcoolism e sans ivresse notable est p lus fréquent, p lus insidieux et parfois m êm e plus d an g ereu x parce que p erm an en t.

R appelons la définition de l ’alcoolique ch ronique form ulée p a r l ’O r­ g an isatio n m o n d ia le de la Santé.

Les alcooliques sont des b u veurs excessifs d o n t la dépendance de l ’alcool est telle q u ’ils présentent:

soit u n trouble m e n ta l décelable, soit des m an ifestatio n s affectant

le u r santé physique et m entale, leurs relations avec autrui,

le u r co m p o rtem en t social et économ ique, soit des p rodrom es de troubles de ce genre.

N ous p arlo n s plus sp écialem ent d ’alcoolism e social lorsque la con­ so m m atio n excessive d ’alcool a en tra în é de graves répercussions sociales, fam iliales ou professionnelles (perte de situation, dettes, m ésentente etc.) a v a n t m êm e que n ’ap p araissen t les déficiences m e n ­ tales ou physiques engendrées p a r l’alcool.

A lcooliques et alcoolom anes

C ertains alcooliques, p ré se n ta n t des troubles physiques tels que gastrites, lésions du foie, polynévrites etc., g ard en t toutefois le sens de la m esu re et sont capables de lim iter leurs excès quotidiens sans présen ter u n e dép en d an ce à l ’égard de l ’alcool.

C hez d ’autres, la m a la d ie a progressé ju s q u ’à la phase de toxico­ m an ie alcoolique ou alcoolom anie a u sens propre. Ce stade évolutif

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est caractérisé p a r u n besoin im p érieu x de boire, p a r u n asservissem ent alcoolique pathologique, véritable dépendance de la boisson.

N ous parlons d ’alcoolom anie dans le sens trad itio n n el lo rsq u ’u n buveur, m alg ré ses efforts et sa b o n n e volonté, dem eure incapable, p a r ses propres forces, de su p p rim er ou de réd u ire à u n e quan tité in ­ offensive sa consom m ation d ’alcool.

Mais, en fait, il existe p lusieurs form es d ’alcoolom anie et qui sont trop fréq u em m en t ignorées. N ous n ’en présenterons ici que les deux principales. P ratiquem ent, elles se ren co n tren t souvent à des degrés variés d ’in tensité et com binées en tre elles :

A. L’alcoolism e avec «incapacité de s ’abstenir de boire» (alcoolom anie des régions vinicoles)

N ous avons affaire, dans ce cas, à des alcooliques chroniques, b u ­ veurs h a b itu els g rav em en t intoxiqués depuis des dizaines d ’années et p résen tan t u n e forte im p rég n atio n alcoolique. B eaucoup d ’entre eux boivent su rto u t p a r goût et p a r en traîn em en t, les conflits psycholo­ giques n ’y jo u a n t q u ’u n rôle négligeable a u d éb u t d u processus al­ coolique. Ces buv eu rs savent concilier leurs abus avec la vie courante et arrivent, dans u n e certaine m esure, à «contrôler» le u r consom m a-1 tion. Ils sont cep en d an t incapables de se p riv er d ’alcool, n e fût-ce que

très brièvem ent, sans vo ir ap p araître des ^sym ptôm es de sevrage souvent intolérables (trem or, irritab ilité , tran sp iratio n , insom nie, n a u ­ sée, vom issem ents, diarrhée, asthénie, hyperexcitabilité, angoisses). Ces sym ptôm es disparaissent p ro m p tem en t après u n e nouvelle in ­ gestion d ’alcool. Cet asservissem ent, ou état de besoin physique plutôt que psychique, est désigné sous le n o m «d’in capacité de s’ab sten ir de boire». L’aspect som atique de cet état est parfois connu sous le term e: besoin physiologique d ’alcool. Les facteurs physiopathologiques de cette form e d ’alcoolom anie relèvent, d ’u n e part, d ’altératio n s toxiques d i­ rectes et, d ’au tre part, d ’u n état pathologique créé p a r u n syndrom e carentiel accom pagné de p e rtu rb atio n s du m étabolism e des protéines, des graisses et des vitam ines. Les troubles constituant le syndrom e ca­ rentiel résu lten t d ’h ab itu d es alim en taires irratio n n elles accom pagnant l’alcoolism e, troubles de l ’appétence (carence exogène), de la résorp­ tion in testin ale (carence entérogène), d u m étabolism e in term éd iaire (carence endogène) etc. Toutefois la pathologie de ce syndrom e c aren ­ tiel n ’est pas encore suffisam m ent éclaircie. Il faut, e n outre, te n ir éga­ le m e n t com pte de l ’im portance de certains produits in term éd iaires toxiques dus à l ’oxydation incom plète de l ’alcool, de l ’ap p aritio n de certaines substances cholinergiques dans le sang, de l ’alté ra tio n des fonctions su rrén alien n es etc.

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L’alcoolism e avec in capacité de s’a b sten ir de boire constitue le com ­ p o rtem en t alcoolom ane type des régions vinicoles. L’alcoolique, tout en é v itan t l ’ivresse, absorbe chaque jo u r u n e q u an tité n uisible d ’a l­ cool. C haque soir le retrouve n o n pas ivre, m ais «allumé». Il abîm e sa san té p a r u n e lente intoxication chronique (alcoolism e insidieux).

B. L’alcoolism e avec «perte de contrôle»

U n a u tre type d ’alcoolom anie est caractérisé p a r la perte de contrôle. Il se ren co n tre de préférence d an s les régions intoxiquées p a r l ’eau- de-vie. C o n trairem en t au x précédents, ces alcooliques s’en iv ren t p lutôt périodiquem ent. Les conflits psychiques p rim aires jouent, chez eux, u n rôle plus im p o rtan t. Ils boivent p o u r soulager des tensions intolérables, p o u r ou b lier leurs soucis et p o u r fu ir u n e situ atio n insupportable. Une m odeste q u an tité d ’alcool le u r suffit p o u r a llu m e r u n e soif in ­ extinguible qui les ren d incapables de contrôler leurs libations. Ils so m b ren t ainsi dans u n e lourde ivresse ju s q u ’à ce q u ’ils se h e u rte n t à u n e im possibilité de continuer. Ils d ev ien n en t alors, eux aussi, les victim es des sym ptôm es de sevrage m ais p eu v en t ensuite dem eu rer sobres d u ra n t des jo u rs et des sem aines.

Cette form e d ’alcoolom anie peu t se ren co n trer égalem ent en Suisse et se co m b in er avec l ’alcoolism e d ’habitude.

2. C onditions génératrices d’a lcoolism e chronique

a) Le rôle des facteurs sociologiques et économ iques et l’im portance

de «Valcoolisation»

C ertaines conditions sociologiques et économ iques sont à la base d ’u n e série de m o tiva tio n s «n o rm a les» de boire.

D epuis des siècles l ’alcool s ’est v u attrib u e r u n prestige social im ­ p ressio n n an t redevable au x effets que p rocure u n e légère intoxication éthylique. O n s’adresse à lu i p o u r ap aiser les tensions et les angoisses ou p o u r jo u ir de son effet stim u lan t; c’est lu i qui dispense la «chaleur com m unicative » des b an q u ets b ie n arrosés; c’est son action conciliante qu i aid era à m e n e r u n e affaire litigieuse à b o n term e; c’est lu i enfin qui p erm ettra de s ’év ad er des responsabilités trop lourdes et d ’éviter certaines difficultés d ’ad a p ta tio n sociale.

C ’est, en réalité, depuis le d éb u t de l ’industrialisation, a u XIXme siècle, que la boisson a connu u n e v éritab le dém ocratisation a u point de dev en ir l ’ap an ag e de to u t le m onde. Ceci grâce aux procédés in ­

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dustriels de p roduction en m asse des boissons alcoolisées, au x facilités de tran sp o rt et de distribution, à la m u ltip licatio n des débits de bois­ sons, à l ’ab o n d an ce de l ’offre, à la m odicité des p rix dans certains pays, à la pro p ag an d e et à la publicité.

En outre, toute u n e série de préjugés sociaux et de coutum es poussent à la boisson, su rto u t dans certains pays producteurs où boire est devenu u n e p reuve de virilité, u n élém ent essentiel du code de poli­ tesse, u n m o y en efficace p o u r s’assu rer les bonnes grâces d ’u n client, u n e «nécessité de travail». Ces préjugés et coutum es on t fini p a r créer de v éritables obligations de boire.

C ertaines professions favorisent tout p articu lièrem en t les h abitudes de boire. Signalons le p erso n n el occupé à la vente et à la distribution des boissons alcoolisées, les com m is-voyageurs, les m arins, sans oublier les trav ailleu rs de force (ouvriers d u bâtim ent, des fonderies, les ag ri­ culteurs etc.). Ces derniers, se b a sa n t su r de fau x préjugés, ont fait de l ’usage des boissons alcoolisées u n e nécessité absolum ent in d isp en ­ sable p o u r «com battre la soif et en tre te n ir les forces m usculaires». Or, rem p lacer p a rtiellem en t l ’alim e n ta tio n p a r des boissons alcoolisées est u n e grave erreur. C ar l ’alcool, to u t en su p p rim an t l’im pression de fatigue, c’est-à-dire l’av ertissem ent utile, ne procure q u ’u n e se n ­ sation de force to u t à fait éphém ère.

Ces m otivations «normales» de boire se trouvent, de nos jours, renforcées p a r les changem ents im portants survenus dans la structure sociale m oderne. La civilisation indu strielle a pro fo n d ém en t ébranlé et m odifié la structure sociale n atu relle. L’h o m m e et la société se tro u v en t actu ellem en t plongés dans u n e ère de technique et de science qui crée u n m o n d e de plus en plus artificiel, voire m êm e parfois dés­ hum an isé. La société m o d ern e est beaucoup plus cloisonnée que celle de la période pré-industrielle. Des cloisons verticales existent du fait d ’u n e spécialisation croissante, et des cloisons ho rizo n tales m a rq u e n t u n e h ié ra rc h ie basée su r le prestige et les responsabilités. La distance «hum aine» est devenue plus grande en tre les divers échelons. D ’autre part, la fam ille et l ’Etat o n t p e rd u le u r stabilité. La p rem ière tend à dev en ir u n sim ple d istrib u teu r de m oyens d ’existence; le d ern ier risque d ’être trop influencé p a r des puissances économ iques anonym es. L’indiv id u doit faire face à de nouvelles sources de tension. De ce clim at désh u m an isé résulte le dan g er d ’u n e perte d u se n tim en t de sécurité ainsi que d ’u n isolem ent, la nécessité de re fré n e r les tendances agressives. L’h o m m e éprouve le désir de s’év ad er dans le plaisir, le confort, d an s les effets eup h o risan ts d ’u n e légère into x icatio n alcoo­ lique, dans les propriétés anxiolytiques et calm antes des m édicam ents tran q u illisan ts ou, enfin, dans l’action soulageante des antalgiques. L’o n sait que l’abus de ces m éd icam en ts est en tra in de devenir, à côté

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de l ’alcoolism e croissant, u n n o u v eau fléau social dans les pays in ­ dustrialisés.

De son côté, la jeunesse est p lus exposée, plus faible et, p artan t, plus p erm éab le à l ’influence d ’u n m ilie u toujours plus accaparant. Cet en to u rag e exerce u n e im pression d ’a u ta n t p lus forte q u ’il a créé u n n o u v eau facteu r de fascination: la publicité. Celle-ci, avec son arsen al de sensations visuelles, auditives, gustatives et ses jouissances a rti­ ficielles s’in filtre à je t continu auprès des jeu n es d ont la réceptivité dem eu re considérable.

D ’au tre part, u n décalage toujours plus prononcé sépare u n e m atu rité biologique accélérée et u n e m a tu rité affective et caractérielle plus tardive. Il en résulte u n déséquilibre qui p eu t se tra d u ire p a r u n cer­ ta in désarroi a u m ilieu d ’u n m o n d e asservi p a r la technique. Il n ’est pas rare que la jeunesse n e dom ine plus; elle est dom inée p a r u n e m o n d e d ’im pressions et d ’excitations qui p eu v en t favoriser certains form es d ’asservissem ent. Citons ici, en tre autres, la m a n ie d u ciném a, de la télévision, d u tabac, l ’alcoolism e bourgeois et m o n d a in s ’in filtra n t len tem en t dans le m o n d e fém inin.

" D a n s plusieurs pays, en Suisse égalem ent, la consom m ation con­ tinuelle et répétée de quantités n o n négligeables de v in réparties assez rég u lièrem en t d u ra n t la jo u rn é e est devenue u n trad itio n largem ent rép an d u e et acceptée} Citons com m e exem ple les conclusions publiées en 1954 p a r l ’In stitu t N atio n a l d ’Etudes D ém ographiques de France. Ce pays a consacré le 10 %> du rev en u n a tio n a l à la consom m ation d ’alcool de bouche ; chaque Français avait sacrifié, en m oyenne, le 9 % de son rev en u à la boisson alors q u ’il n ’en p rélev ait que le 5 % p o u r sa santé, le 4 %> p o u r son éducation et le 3 % p o u r son logem ent.

Cette «alcoolisation générale» p a r h a b itu d e et p a r en traîn em en t, fait p artie in tég ran te des coutum es sociales et des hab itu d es a lim e n ­ taires; elle relève donc, d u m oins dans certains pays, de m o tiv a ­ tions «normales» de b o ir e /L ’alcool s’im pose ainsi à u n e gran d e partie de la population. Toutefois, la m a jo rité de cette dernière n e présente pas les sym ptôm es cliniques d ’u n e atteinte d ’alcoolism e chronique. En effet, si u n e co nsom m ation exagérée de boissons alcoolisées peut être génératrice d ’alcoolism e, elle ne conduit pas fatalem en t à cette m aladie. L’alcoolisation prédispose c ep en d an t les buv eu rs à l ’éthylism e chronique. Il est, en outre, presque certain que la su rm o rtalité m ascu ­ line d an s certaines régions de F rance soit im p u tab le à ce p h én o m èn e socio-économ ique.

Les raisons économ iques et sociales qui on t fait de la France le pays qui com pte la consom m ation d ’alcool la plus élevée, donc le plus alcoolisé d u m onde, sont fréq u em m en t invoquées p o u r expliquer, à

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elles seules, la h a u te fréquence de l’alcoolism e q u ’on y trouve. Cette vision des choses p a ra it cependant u n p eu trop sim pliste. L’Italie, p a r exem ple présente u n tau x d ’alcoolism e fo rtem en t in férieu r à la France alors que sa p roduction et son com m erce de v in y jo u en t u n rôle éco­ n om ique plus im p o rtan t que chez cette dernière. En réalité, le p ro ­ blèm e de l’alcoolism e e n France s’explique p a r le fa it que la pression des intérêts économ iques et des coutum es traditionelles a re n d u très difficiles, du m oins ju s q u ’à ces dernières années, ta n t su r le p la n légis­ latif q u ’éducatif et m édical, la lu tte contre l ’alcoolism e. Les facteurs socio-économ iques sont ainsi, en France, les causes directes de l’al­ coolisation générale m ais non pas de l’alcoolisme. Il im porte, e n effet, de ne pas confondre ces deux problèm es.

Il v a sans dire que toutes ces m otivations «normales» de boire, é n u ­ m érées plus h au t, com portent des facteurs qui h â te n t l ’évolution du b u v eu r p a r h ab itu d e vers l ’intoxication ch ronique et l ’éthylism e. Mais il est fort d o u teu x q u ’elles y suffisent d an s tous les cas p u isq u ’une partie seulem ent des nom breuses personnes alcoolisées évoluera vers l’alcoolism e.

D ’au tre part, les difficultés que l’on éprouve p o u r a m e n e r à se m o ­ d érer ou à s’a b sten ir d ’alcool u n b u v e u r excessif, m êm e p arfaitem en t conscient de la d im in u tio n de ses qualités professionnelles et d ’une atteinte physique alcoolique, d énotent bien la présence d ’autres m o ­ tivations relev an t de deux sortes de facteurs. Il fa u t rech erch er les uns au niv eau physiopathologique, les autres a u n iv eau de la perso n ­ n alité du buveur, c’est-à-dire dans certaines form es de caractères p ré ­ disposés et dans des troubles psychopathologiques.

L’intoxication alcoolique plus ou m oins prolongée provoque chez bon n o m b re d ’individus, des p ertu rb atio n s dans les systèm es m é ta b o ­ liques, telles que troubles h u m o rau x , dysfonctions enzym atiques, ca­ rences caloriques, protidiques et vitam iniques, troubles endocriniens, atteintes hépatiques et gastriques, polynévrites, atteintes d u système n erv eu x central avec com plications m en tales etc. Ces m odifications de l ’organism e en g en d ren t à le u r to u r et en tretien n en t u n besoin crois­ san t de boire qui achem ine le b u v eu r vers l ’alcoolism e chronique.

Ces seuls troubles physiopathologiques seraien t relativ em en t fa ­ ciles à e n ra y e r grâce aux cures de désintoxication si le com portem ent alcoolique n ’était pas com pliqué p a r des m écanism es psychopatho­ logiques. Ce sont p ro b ab lem en t ces derniers qui expliquent la fréquence des rechutes in te rv e n a n t après b o n n o m b re de cures de désintoxication chez les sujets où l ’assistance post-cure n e co m p ren ait pas de m esures psychothérapiques et sociothérapiques suffisantes.

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c) Type de personnalités prédisposées à l’abus des boissons alcoo­ lisées

Le problèm e de l ’im portance des facteurs psychiques dans l ’étiologie de l ’alcoolism e nous am èn e à souligner, en p rem ière lieu, le rôle joué p a r'c e rta in s types de p ersonnalités prédisposées à l ’abus de l ’alcool. Il ne s’agit pas ici de facteurs psychopathologiques p ro p rem en t dits; ils ne p eu v en t en g en d rer l ’alcoolism e m ais offrent n éan m o in s u n te rra in fav o risan t u n e consom m ation excessive d ’a lc o o llN o u s pensons aux personnes m sta b le s^ hyperém otives, sensibles, ne p o u v a n t contrôler leurs ém otions, au x faibles m a n q u a n t de volonté et n ’osant jam ais re ­ fuser, à celles qui boiv en t p a r im itatio n ou p a r en traîn em en t; nous songeons égalem ent au x introvertis, aux inhibés so u ffran t de sentim ents d ’infériorité et qui se sen ten t rem ontés et stim ulés p a r l ’alcool; a u x ex­ travertis, sûrs d ’eux-m êm es, a im a n t la société et les rencontres a u bistrot, m em bres de tous les com ités; au x buv eu rs «sans soucis» qui s’ad o n n en t à la boisson p a r h a b itu d e et p a r goût et qui sont souvent attirés p a r les professions de re sta u ra te u r ou de com m is-voyageur.

d) Le rôle des troubles du m ilie u fa m ilia l et des conditions p sych o ­ pathologiques

Les enfants élevés dans des foyers bouleversés ou brisés (disputes incessantes, séparations, divorces, séjours en o rp h e lin a t etc.) sont frustrés de l ’affection et de la sécurité qui le u r sont indispensables. Ils risq u en t de fo rm er de fausses identifications avec le p ère ou la m ère alcoolique et de s’exposer, de la sorte, à de n o m b reu x troubles psycho­ névrotiques. A insi naissent ces «névroses fam iliales» s’é te n d a n t parfois s u r plusieurs générations. Signalons égalem ent u n facteu r fam ilial d ’u n e a u tre n a tu re : l ’attitu d e trop faible des parents élev an t des enfants gâtés, «couvés» d an s du coton.

Des déficiences caractérielles ( « psychopathies » ) ou, plus rarem en t, des tares m en tales (débilité m en tale et psychoses) p eu v en t égalem ent favoriser le d éveloppem ent de l ’alcoolism e. P o u r tous ces buveurs à problèm e, l ’effet soulageant, euphorisant, stim u la n t ou e n iv ra n t de l’alcool agit com m e u n «m édicam ent» qui le u r p e rm e ttra de supporter plus facilem en t le u r souffrance psychique et leurs m ultiples déceptions.

Il est clair que l ’action pharm aco lo g iq u e de l ’alcool ne résoud point les vrais problèm es et ne représente q u ’u n e réponse factice et éphém ère. Mais n o m b re de m alad es croient cet usage de la boisson indispensable à le u r activité et posent ainsi les prem iers jalons vers u n e v éritab le d é­ pen d an ce de l ’alcool, vers la toxicom anie alcoolique.

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3. A lcoolism e et hérédité

Le caractère h é réd itaire de l ’alcoolism e est u n e n otion encore très rép an d u e/et qui sem ble fondée su r l ’observation de fam illes où, depuis des générations, se perpétue cette tare. Ceci explique la fav eu r dont jo u it depuis longtem ps l ’hypothèse de l ’hérédo-alcoolism e^C ependant, selon l ’état actuel de nos connaissances, l ’alcool n ’est pas à m êm e de pro voquer des m u tatio n s ou au tres atteintes génétiques; nous devons donc a b a n d o n n e r cette hypothèse.

La p erm an en ce de l ’alcoolism e à travers plusieurs générations relève prin cip alem en t de deux facteurs que nous rappelons brièvem ent:

1. Le m ile u fa m ilia l alcoolique fréq u em m en t éb ran lé et dans lequel, com m e nous l ’avons v u plus h au t, les enfants, dès la ten d re enfance, sont victim es de la «névrose fam iliale» et frustrés de l ’affection et de la sécurité; m isère sociale, disputes, séparations, m a ln u tritio n etc. Signalons ég alem en t les hab itu d es alcooliques contractées avec les parents, la fam ille.

2. Tares caractérielles se m a n ife sta n t sous form e de troubles du com p o rtem en t instinctivo-affectif, souvent dès la p rem ière enfance et révélés ou aggravés (m ais n o n provoqués) p a r l ’in toxication alcoo­ lique chronique. Ces troubles caractériels h éréd itaires prédisposent donc à l ’alcoolism e, su rto u t dans les fam illes de parents éthyliques, sans toutefois y conduire fatalem ent.

Les facteurs ci-dessous n ’ont, en revanche, q u ’une im portance se­ condaire;

Lésions des cellules reproductrices. Les opinions d ivergent lo rsq u ’il s’agit de procréation sous l ’influence d ’u n e forte in toxication alcoo­ lique aiguë. Celle-ci exercerait tout a u plus u n e action de freinage su r l ’activité des sperm atozoïdes et n ’a u ra it pas d ’influence su r le sort des «enfants du sam edi». L’alcoolism e chronique, p a r contre, peut occasionner u n e atro p h ie du tissu testiculaire, u n e d estruction des sperm atozoïdes etc. et provoquer ainsi la stérilité.

Lésions foetales. Les facteurs péristatiques m e n a ç a n t le foetus d ’une fem m e enceinte grav em en t atteinte d ’alcoolism e sont parfois im ­ p ortants:

a) La n u tritio n du foetus p e u t être insuffisante à cause d ’u n e carence a lim en taire de la m ère alcoolique.

b) Le p lacen ta étan t p erm éab le à l ’alcool, nous pouvons envisager la possibilité d ’u n e im p rég n atio n alcoolique d u foetus. De là découle le rôle que l ’éthylism e m ate rn e l p o u rra it jo u e r dans la m anifestatio n de troubles caractériels ou nerv eu x dans la progéniture (tares n e r­ veuses acquises dans la phase u térin e du développem ent).

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c) Selon certains auteurs, l’alcoolism e chronique fém in in grave serait m êm e à la source de certains accouchem ents prém atu rés et avortem ents spontanés.

^ Ingestion d ’alcool dans la p rim e enfance. Cette pernicieuse h a b i­ tu d e sévit encore dans plusieurs régions d ’Europe. Elle p eu t laisser chez l ’en fan t des traces indélébiles. D ’a u tre part, il n ’est pas exclu que le n ourrisson puisse être défav o rab lem en t influencé p a r le la it d ’une m ère alcoolique qui n o u rrit en état éthylique. N ous n e possédons cep en d an t pas, ju sq u ’à ce jour, les preuves expérim entales d ’u n e telle possibilité.

En résum é, les troubles nerv eu x constatés dans la descendance des alcooliques dép en d en t d ’u n e in tricatio n e x trêm em en t com plexe de fac­

teu rs progénétiques, biologiques, psychologiques et sociaux. Les

facteurs psycho-sociaux sont les plus im portants et déterm inent, dans u n e très large m esure, le dévelo p p em en t de l’enfant.

4. M anifestations cliniques de l ’alco o lism e chronique

a) Evolution de la Sym ptom atologie psychique

Les phases évolutives des sym ptôm es psychiques de l ’alcoolism e chronique, tel q u ’il se p résente co u ram m en t en Suisse, se d éroulent o rd in a ire m e n t de la façon suivante:

L’in toxication alcoolique ch ronique am èn e to u t d ’ab o rd u n e h y ­ perém otivité, u n e irritabilité, m ais aussi u n e «prim itivisation» su r le p la n affectif, ainsi q u ’u n e labilité d ’h u m e u r et u n e im pulsivité; les sentim ents élevés cèdent le pas a u x désirs prim itifs. In d irectem en t cette alté ra tio n affecte le ju g em en t et m êm e la m ém oire, n o n pas en les détruisant, m ais p lu tô t en les faussant, en les so u m ettan t à la vie affective et instinctive. Plus tard, à la suite d ’u n e désinhi- b ition pulsionnelle progressive, les m an ifestatio n s de l ’avidité, de la sexualité, de l ’aggressivité p re n n e n t u n e place toujours plus consi­ dérable. Elles affaiblissent peu à peu la volonté, la ferm eté, l ’esprit de décision et de résistance au x influences ta n t externes q u ’in ­ ternes. Ainsi, insensiblem ent, a p p a ra ît l ’h o m m e instable et p rim itivé qui s’é p an o u it si facilem en t à l ’auberge. L entem ent, une dépendance psychique et physique croissante s’installe, se tra d u isa n t p a r le com ­ p o rtem en t alco o lo m a n ia q u e : l ’alcoolique est devenu u n toxicom ane. F in alem en t les facultés intellectuelles se détério ren t à le u r tour. L’a l­ coolique, dans sa p h ase term in ale de d échéance physique, m en tale et sociale est rejeté p a r son entourage; il devient la victim e des

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diffé-rentes form es de dém ence éthylique et se retran ch e dans u n e attitude solitaire.

b) Les m anifestations digestives

aa) Gastrite — Oesophagite — Stom atite

N ous nous trouvons ici en face d ’u n e alté ra tio n des m uqueuses digestives et de l ’hypoacidité gastrique, p artie lle m e n t provoquées p a r l ’action irrita n te directe de l ’alcool et p a r u n e carence v itam inique. Les troubles se trad u isen t p a r u n e dyspepsie plus ou m oins m arquée, p a r des pituites m atinales, p a r des douleurs à la déglutition.

bb) Stéatose — Cirrhose du foie

L’au g m en tatio n en volum e du foie, qui p eu t attein d re parfois l ’o m ­ bilic m ais qui d im in u e avec le sevrage, est u n des signes les plus connus de l ’alcoolism e des pays vinicoles. La stéatose h é p atiq u e re ­ lève d ’u n e surcharge graisseuse de l ’organe. En cas d ’aggravation con­ ditionnée p a r l ’a p p o rt alcoolique et p a r le régim e a lim en taire dés­ équilibré et insuffisant, elle évolue vers la cirrhose. En Suisse, en v iro n 70 %> des cirrhoses hép atiq u es sont d ’origine alcoolique. C ependant la p athogénie de cette affection n ’est pas encore b ie n connue. Le rôle du facteu r a lim en taire p a ra ît fort im p o rtan t. Sym ptom atologie type: troubles digestifs d ’ordre ban al, baisse de l ’état général, faciès subicté- rique et am aigri, gros v en tre avec circulation collatérale et ascite. L’é­ v olu tio n de la cirrhose est toujours grave, souvent m ortelle. Elle s’a n ­ nonce p a r l ’ictère, la baisse des fonctions hépatiques, les hém orragies, les oedèm es, la polynévrite, les com plications cardio-vasculaires et h um orales. Les deux com plications m ajeu res sont les hém orragies oesophagiennes et gastroduodénales foudroyantes, le com a hépatique term inal.

c) Les m anifestations nerveuses périphériques

La polynévrite alcoolique est su rto u t provoquée p a r l ’insuffisance en v itam in e B1. Cette affection se tra d u it p a r u n trem blem ent, des pa- resthésies, des troubles de la sensibilité, des d ouleurs et parfois p a r des paralysies m otrices.

d) A vita m in o ses et cachexie

La d én u tritio n et la carence en v itam in es du com plexe B p ro ­ v oquent u n e baisse pondérale, des oedèm es, des troubles gastro­ in testin au x et cardio-vasculaires («cœ ur alcoolique»), des insom nies et des com plications m entales.

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e) Les psychoses m éta-alcooliques

Il s’agit de com plications m en tales graves aiguës, subaiguës ou ch ro ­ niques consécutives à u n e atteinte parfois irréversible du système n erv eu x central.

aa) Les délires alcooliques aigus

Le d eliriu m trem en s et le délire alcoolique subaigu (form e atténuée ou initiale du délire aigu) se développent su r la base d ’u n abus d ’alcool grave et p oursuivi p e n d a n t des années. Ils sont déclenchés p a r l ’af­ faiblissem ent de la résistance et p a r tous les facteurs p ro v o q u an t u n stress (traum atism es, sevrage brutal, infections etc.). Signes prodro- m iques: agitation, insom nie, irritabilité, angoisse, h u m e u r som bre, trem b lem en t m a rq u é etc. Le d ébut d u délire est bru sq u e; il est carac­ térisé p a r u n état confusionnel (conscience obtuse, a tten tio n déficiente) et p a r u n état h allu c in a to ire très riche: le m a la d e voit de petits a n i­ m a u x gris et m obiles (rats, araignées, serpents etc.), il aperçoit des personnages qui le poursuivent, il les entend. Les délirants agités ont parfois des réactions de défense dangereuses. Le d eliriu m se term ine en général après 2—5 jours p a r u n som m eil profond. U ne p n eu m o n ie ou u n e insuffisance card iaq u e p eu t a m e n e r u n e issue fatale. Il arrive parfois que le délire évolue en psychose alcoolique de Korsakoff. Les poussées h a llu cin ato ires auditives aiguës s’observent ra re m e n t et p eu v en t se co m b in er avec le d eliriu m trem ens.

bb) La psychose p o lyn év ritiq u e de K orsakoff

L’affection est caractérisée p a r u n e obtusion in tellectuelle avec troubles de la m ém o ire récente, désorientation, ten d an ce à la fa b u la ­ tion, ap ath ie ainsi que p a r des troubles polynévritiques. Le pronostic est défavorable. Il s’agit d ’u n e affection carentielle qui p ro d u it des lésions atrophiques dans certaines régions cérébrales. Des rapports étroits relien t la psychose de Korsakoff à l ’en cép h alo p ath ie subaiguë de Gayet- W ernicke.

cc) Les délires alcooliques

L’hallucinose alcoolique, ou folie alcoolique, est p lu tô t rare. C aracté­ risée p a r des h a llu cin atio n s su rto u t auditives, des idées de persécution, de l’angoisse, elle évolue ou vers la dém ence ou vers la schizophrénie.

Les alcooliques chroniques qui souffrent d ’u n délire de jalousie sont parfois ex trêm em en t dangereux.

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dd) L’épilepsie des alcooliques

L’in toxication alcoolique ch ro n iq u e est u n e cause im p o rtan te d ’ab ais­ sem ent du seuil épileptogène et peut, de ce fait, aggraver ou révéler une épilepsie. L’alcool p eu t ég alem ent d éclencher des crises d ’épilepsie.

ee) Les dém ences alcooliques

Elles sont caractérisées p a r u n affaiblissem ent in tellectuel global (trouble de l ’attention, altératio n du jugem ent, baisse du n iv eau intellec­ tuel), ainsi que p a r u n e perte du sens éthique (dim inution du sens m o ­ ral, incapacité de self-contrôle, délinquance).

5. Dépistage précoce et diagnostic de l’alco o lism e chronique

Il est curieux de constater la difficulté q u ’éprouvent les m édecins

dev an t le dépistage de l ’alcoolism e. Ils se font trop souvent de l’alcoo­ lique l ’im age d ’u n ivrogne bru tal, en proie à de d an g ereu x accès de jalousie et enclin à des délits corporels et sexuels. Ils ign o ren t trop facilem ent les form es insidieuses de l ’alcoolism e progressif observées, a u début, p a r le seul entourage fam ilial, m ais é ch ap p an t fréq u em m en t aux am is et au x com pagnons de trav ail de la victim e. L’alcoolique, en effet, peu t souvent d issim uler son état d u ra n t des années et dem eu rer u n excellent tra v a ille u r et p a rfa it com pagnon, p o u r a u ta n t q u ’il s’agisse d ’alcoolism e d ’h ab itu d e. N otons ég alem en t que souvent les sym ptôm es som atiques auxquels s’a ttach en t n o m b re de m édecins p o u r poser u n diagnostic d ’alcoolism e ne se m an ifesten t que tardivem ent. N ous re n ­ controns, en revanche, des alcooliques p h y siq u em en t très atteints sans que les fonctions psychiques le soient. A ltérations physiques et psy­ chiques ne sont pas toujours parallèles et il serait erroné de rech erch er l’alcoolism e chronique dans les seuls sym ptôm es som atiques alors q u ’u n ex am en psychiatrique et u n e enquête fam iliale co n trib u eraien t larg em en t à la sûreté d u diagnostic.

6. Q uelques donn ées statistiques pour la Suisse

N ous nous contenterons d ’évoquer ici quelques chiffres, a) A lcoolism e et m aladies organiques

U ne enquête récente m en ée à la clinique m édicale de St-Gall p a r T. W eg m a n n et W. Sollberger in d iq u e que «près du 50 % des patients de m édecine générale sont atteints par Valcoolism e».

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M. Roch, professeur de clinique m édicale à Genève, en dépistant l ’alcoolism e p a rm i tous les patients entrés dans son service de 1933 à 1936, a constaté que « le 48,2°/a, soit près de la m o itié des 2075 patients, étaient des alcooliques».

Des sondages effectués, il y a quelques années, p a r W. Löffler, profes­ seu r à la clinique m édicale à Zurich, division des hom m es, afin de d éte rm in e r la pro p o rtio n des cas relev an t p artie lle m e n t ou exclusive­ m e n t de l ’alcoolism e, fixent celle-ci entre 1A et Va du chiffre global.

G. Barras, m éd ecin -d irecteu r dui S anatorium v a la isa n à M ontana, affirm e que «dans certains sanatoria, le 75 % des patients de plus de 35 ans est constitué d'alcooliques notoires».

b) A lcoolism e et troubles psychiques

P arm i les 54 000 m alad es adm is p o u r la p rem ière fois dans les h ô p i­ tau x psychiatriques suisses dans les années 1951—1957, le 22 %> des h o m m e s et le 3 °/o des fe m m e s souffraient de com plications alcooliques.

La Suisse com pte p a rm i les pays avec h a u te fréquence de suicides. L’alcoolism e serait à la base d ’u n tiers des cas.

U n sondage effectué p a r le T rib u n al civil de Bâle accuse, su r 100 cas de divorces pris au h asard , u n chiffre de 27 époux gra vem en t in to x i­ qués par l'alcool.

c) A lcoolism e et assistance p ublique

R elevons ces lignes tirées d ’u n rap p o rt d ’assistance de la Ville de B erne (1959): «Le 32,6 % des cas assistés se recrute dans la ru b riq u e: alcoolism e, déficience m orale, incapacité. Ils fo rm en t la pièce de résistance de no tre trav ail et le fo rm ero n t encore à l ’avenir».

d) C om bien la Suisse com pte-t-elle d ’alcooliques?

U ne en q u ête basée su r la m éth o d e de E. M. Jellin ek (d’ailleurs con­ testée) et m en ée p a r l ’OMS évalue à 50 000 le n o m b re d ’alcooliques en Suisse. Ce chiffre est certain em en t au-dessous de la réalité et ne concerne que les cas graves et avancés. Selon les données du Bureau fédéral de statistiques, les dispensaires antialcooliques ind iq u aien t, de 1950 à 1958, le chiffre de 40 772 alcooliques. Souvenons-nous toutefois que les dispensaires n ’atteig n en t q u ’u n e m in o rité de cas et que, d ’autres part, quelques cantons n e possèdent pas de dispensaires.

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