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Effets du déficit hydrique sur les flux d’eau et la teneur en sucres dans les baies de raisin

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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HAL Id: hal-02629883

https://hal.inrae.fr/hal-02629883

Submitted on 27 May 2020

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en sucres dans les baies de raisin

Serge Delrot, Grégory Gambetta, Jean-Pascal Goutouly

To cite this version:

Serge Delrot, Grégory Gambetta, Jean-Pascal Goutouly. Effets du déficit hydrique sur les flux d’eau et la teneur en sucres dans les baies de raisin. Innovations Agronomiques, INRAE, 2014, 38, pp.33-47.

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Effets du déficit hydrique sur les flux d’eau et la teneur en sucres dans les baies de raisin

Delrot S., Gambetta G., Goutouly J.-P.

UMR Ecophysiologie et Génomique Fonctionnelle de la Vigne, Institut des Sciences de la Vigne et du Vin, 210 Chemin de Leysotte, F-33882 Villenave d’Ornon

Correspondance : serge.delrot@u-bordeaux.fr

Résumé

L’un des effets attendus du changement climatique est la raréfaction des ressources en eau. Cet article résume les processus physiologiques et moléculaires qui contrôlent l’accumulation d’eau et de sucres par les baies de raisin et les effets connus du stress hydrique sur ces processus. Le déficit hydrique réduit le rendement notamment en diminuant la taille et le nombre des baies. Ces deux effets sont séparés dans le temps et correspondent aux différentes étapes de la constitution de la baie : l’initiation florale qui a lieu l’année N-1 et la floraison/nouaison, qui a lieu l’année N. Les baies pré-véraisons répondent de façon marquée au déficit hydrique de la plante par une augmentation de la contraction diurne de leur diamètre, alors que les baies post-véraison, largement déconnectées de la plante-mère, ne subissent qu’une contraction très modérée. Le stress hydrique a des effets contrastés sur la teneur en sucres en fonction de la durée et de la date d’apparition du déficit au cours du cycle.

Mots clés : baie, flux hydrique, sucres, stress hydrique, phloème, xylème

Abstract: Effects of water stress on water fluxes and sugar content in grape berries

One of the expected effects of climate change is a shortage of water. This paper summarizes the physiological and molecular processes that control water and sugar fluxes in grape berries and the effects of water stress on these processes. Water decreases yield most notably by decreasing both berry size and number. Both effects are separated in developmental time corresponding to the different stages of berry formation: flower initiation that occurs during year N-1 and flowering/fruit set that occurs during year N. Pre-veraison berries readily respond to water stress by an increase in daily shrinking, whereas post-veraison berries, largely buffered from the mother plant, undergo only minor shrinking.

Water stress leads to different effects on berry sugar content, depending on both the duration and the timing of stress.

Keywords: berry, water flux, sugars, water stress, phloem, xylem

Introduction

La maturation des baies de raisin s’accompagne d’importants influx d’eau et de sucres, qui sont étroitement liés. Ils contribuent à la croissance de la baie et à ses qualités organoleptiques finales. Par ailleurs, la concentration des sucres qui résulte des flux relatifs de sucres et d’eau, contrôle leur propre transport et l’expression de divers gènes impliqués dans le métabolisme secondaire grâce à des processus complexes regroupés sous le terme générique de « signalisation glucidique ».

Sur le plan agronomique, une part importante des pratiques culturales (taille, effeuillage, enherbement, densité de plantation, hauteur de palissage, vendange en vert) vise à contrôler la vigueur et le rapport

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parmi lesquels les grappes constituent les organes receveurs majeurs (ou puits) pendant la période de fructification.

Les plantes ligneuses possèdent un système vasculaire complexe et fortement intégré qui inclut deux types de tissus. L’un est le xylème, constitué de cellules mortes à maturité, qui ressemble à une série de tuyaux, appelés vaisseaux xylémiens. L’autre est le phloème, où les cellules conductrices (tubes criblés) sont des cellules vivantes connectées à leur extrémité par de petits pores. Le phloème est le tissu qui transporte les sucres dans la plante, alors que le xylème transporte l’eau et des ions.

Toutefois, l’eau circule dans ces deux types de tissus, mais ne participe pas aux mêmes processus physiologiques avec la même intensité.

Comme chez la plupart des espèces végétales, le saccharose issu de la photosynthèse dans les feuilles est chargé à forte concentration dans le phloème et constitue la principale forme de transport des sucres. Le saccharose importé par les grappes est hydrolysé par des invertases présentes dans les baies, et ce sont finalement les deux monosaccharides le constituant (glucose et fructose) qui s’accumulent à forte concentration (plus de 0,5 M pour chacun d’eux) dans les vacuoles des cellules du mésocarpe (pulpe). Les flux de sucres et d’eau sont liés pour des raisons osmotiques, l’accumulation de sucres dans un compartiment attirant l’eau vers lui.

Le développement de la baie est arbitrairement divisé en trois phases. Le stade I s’étend de la floraison jusqu’au ralentissement ou à l’arrêt de croissance, qui correspond au stade II, souvent appelé phase de latence. Le stade III commence à la véraison (et au redémarrage de la croissance) et se poursuit jusqu’à la récolte. Pendant le stade I, la croissance résulte tant des divisions que de l’expansion cellulaire, alors que pendant le stade III elle est seulement due à l’expansion des cellules existantes (Coombe, 1976 ; Ojeda et al., 1999).

La pluviosité peut varier beaucoup selon les régions et les années, et affecter de façon marquée l’économie viticole. La plupart des différences de composition des baies attribuées au terroir pourraient être dues en réalité à la teneur en eau du sol (Van Leeuwen et al., 2004). La disponibilité de l’eau ne dépend pas uniquement de la quantité des précipitations, mais aussi de leur étalement et de la vitesse d’évaporation. La capacité de rétention de l’eau par un sol dépend de diverses variables pédologiques (teneur en argiles, matières organiques, épaisseur de sol, type de roche mère, pente…). De plus au vignoble, une contrainte hydrique est précédée d’une contrainte azotée d’intensité variable, contribuant à la limitation de la croissance, car l’azote est un des leviers majeurs de la croissance chez les végétaux. La résultante de cette double contrainte va affecter la physiologie de la plante et l’orienter vers le métabolisme secondaire, d’une part, via l’action des autres variables du climat (température et rayonnement ; quand il y a un stress hydrique, il fait généralement chaud et le rayonnement solaire est plus actif) et, d’autre part, par son action directe sur les voies du métabolisme de la plante, comme les voies des composés phénoliques sensibles aux contraintes azotées (Goutouly, 2011 ; Soubeyrand et al., 2014).

La gestion des flux hydriques constitue le processus le plus important affectant la croissance des baies.

Elle affecte aussi de façon considérable leur composition, leur ramollissement, l’accumulation des sucres, et certains désordres physiologiques tardifs comme la déshydratation et l’éclatement des baies.

Les variations de vigueur intra parcellaire voire inter plante doivent être recherchées dans des différences de croissance résultant de dynamiques variables de la gestion des ressources en eau et en azote pour la plante, à chaque échelle considérée.

Cet article rappellera les voies de transport des sucres et de l’eau qui sont mises en jeu dans la baie, les mécanismes contrôlant l’accumulation des sucres, ceux qui contrôlent les flux hydriques dans la baie, et enfin l’effet des stress hydriques sur ces mécanismes et sur le contenu et les propriétés des baies.

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1. Flux hydriques, croissance, composition et ramollissement des baies

Les baies sont irriguées par des éléments de xylème et de phloème qui sont disposés parallèlement au sein des faisceaux vasculaires. Il existe deux réseaux vasculaires majeurs au sein des baies. L’un est périphérique, situé sous la surface des baies, et l’autre parcourt leur axe central. Ils sont connectés à la base du pédoncule fructifère (à l’extrémité proximale de la baie), et à l’extrémité stylaire (distale) de la baie (Coombe, 1987 ; Bondada et al., 2005). (Figure 1).

Figure 1: Vascularisation et flux de substances au sein de la baie. (A) Il y a deux réseaux vasculaires principaux dans la baie, l’un situé sous la surface, et l’autre se développant à travers l’axe central. Ils se séparent dans le pédicelle juste avant d’entrer dans la baie et se reconnectent à l’extrémité stylaire (distale). (B) Les baies sont alimentées par le xylème et le phloème qui courent parallèlement l’un à l’autre dans les faisceaux vasculaires. Le phloème est le tissu qui transporte les sucres dissous dans l’eau, alors que le xylème transporte l’eau et divers éléments minéraux.

Nous examinerons ici les forces physiques qui commandent les flux hydriques, et les processus développementaux influençant la croissance, la composition, et le ramollissement des baies. Nous ne traiterons que du stress hydrique occasionné par un déficit hydrique estival suite un épuisement de la réserve en eau du sol. Les effets des stress hydriques par ennoyage ou par gel sur les plantes ne seront pas abordés.

1.1 Transport de l’eau et gradients de pression

Les flux hydriques au sein des plantes sont pilotés par des gradients de pression (pour revue, voir Boyer, 1985). L’exemple le plus marquant est donné par la transpiration diurne pendant laquelle l’eau circule du sol vers l’atmosphère sous l’effet du déficit de pression d’eau à la surface des feuilles (consécutif à la transpiration), aussi appelé le gradient de pression hydrostatique. D’autres gradients existent au sein des plantes. Les différences de concentration des composés dissous entre les compartiments cellulaires et tissulaires génèrent des gradients osmotiques qui sont nécessaires au déroulement de différents processus majeurs comme la turgescence et la croissance. Il convient de souligner que les gradients de pression osmotique requièrent la présence d’une membrane

« hémi-perméable », fortement perméable à l’eau, mais non aux composés dissous.

La somme de tous les potentiels de pression est exprimée comme le potentiel hydrique (ψ). Ainsi, dire que le flux hydrique est conduit par des gradients de pression revient à dire que le flux hydrique est piloté par des différences de potentiel hydrique (i.e. des gradients de potentiel hydrique (Δψ) et vice versa.

Ces gradients de pression sont très dynamiques dans le temps, l’espace, et au cours du développement. De façon générale, le gradient le plus important pendant le jour est le gradient hydrostatique contrôlant la transpiration, mais, la nuit, la situation change de façon drastique. En

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absence de transpiration, les gradients de pression osmotique deviennent dominants, et cette fluctuation diurne entre ces deux types de gradients a des effets profonds sur la croissance des baies.

L’eau peut se déplacer selon des voies diverses qui incluent tant le xylème que le phloème, et aussi bien entre les cellules (voie apoplastique) qu’à travers les cellules (voie symplastique de cellule à cellule) (Steudle, 2001). Le cheminement précis de l’eau dépend tant des gradients de pression que des résistances au flux (Figure 2). La facilité relative avec laquelle l’eau se déplace à travers une partie de la plante est exprimée quantitativement par l’équation suivante :

Flux = Δψ / R,

qui est analogue au flux des électrons dans un circuit électrique décrit par la loi d’Ohm : i = V / R,

où R est la résistance, i est le courant (ou flux) d’électrons, et V est la tension. Dans la plante, V est équivalent à la différence de potentiel hydrique pilotant le flux (Δψ) et i est équivalent au flux de l’eau à travers un segment de plante. La résistance dans les vaisseaux de xylème et à travers l’apoplaste est très faible par rapport aux autres chemins.

1.2 Equilibre hydrique de la baie, croissance, et voies de transport de l’eau Comme d’autres fruits, les baies de raisin subissent des variations de taille diurnes (pour revue, voir Matthews et Shackel, 2005). Pendant le jour, les baies diminuent de taille du fait du retour de l’eau vers la plante mère et de la transpiration par la surface du fruit.

Pendant la nuit, elles augmentent de taille du fait de l’influx d’eau provenant de la plante. La croissance nette du fruit se superpose à ces variations diurnes de taille et peut être considérée comme résultant de l’équilibre hydrique. Elle résulte donc de l’intensité avec laquelle la croissance nocturne excède la contraction diurne. Il faut se souvenir que durant toutes ses phases de développement, la baie subit des

Figure 2 : Flux d’eau et de sucres au sein de la plante. L’eau et les sucres se déplacent dans la plante au sein du réseau vasculaire. L’eau monte par le xylème dans le flux transpiratoire et les sucres sont distribués depuis les sources jusqu’aux puits (fleurs, fruits, racines…) par le phloème. Le flux hydrique à travers un segment de plante est exprimé quantitativement par la relation: Flux = Δψ/R, où R est la résistance et Δψ le gradient de potentiel hydrique entre les extrémités du segment considéré.

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variations de taille diurnes. Ainsi, la phase de latence résulte de l’égalité entre la croissance nocturne et la diminution de taille diurne. De façon intéressante, le redémarrage de la croissance à la véraison résulte d’une réduction approximative d’un facteur 5 de la contraction diurne et d’une augmentation modeste de la croissance nocturne. Ainsi, la croissance nette au stade III résulte principalement d’une absence de contraction diurne (Greenspan et al., 1994).

Pendant le stade I, l’eau est importée dans la baie principalement par le xylème et pendant le stade III principalement par le phloème. Ce changement dans les voies de transport de l’eau résulte vraisemblablement de l’augmentation du transport des sucres dans les baies car elle implique une augmentation parallèle du flux d’eau si on considère que la concentration du saccharose dans la sève reste constante (Brown et Coombe, 1985 ; Coombe et al., 1987). Actuellement, on ne sait toujours pas si l’eau en excès est transportée par le phloème après la véraison, mais si la concentration du saccharose reste constante, la vitesse du flux phloémien devrait augmenter environ 10 fois (Greenspan et al., 1994). Tout excès d’eau serait recyclé vers la plante mère par le xylème et pourrait jouer un rôle important dans l’isolation hydraulique apparent des baies.

1.3 Isolation hydraulique

L’observation que le redémarrage de la croissance au stade III résulte principalement d’une forte diminution de la contraction diurne a des implications importantes pour la compréhension des flux hydriques dans la baie. La quasi absence de contraction implique que la transpiration diminue de façon drastique et/ou que d’une façon ou d’une autre, la baie devient isolée de la plante mère du point de vue hydraulique. Les études portant sur la transpiration démontrent effectivement que la transpiration diminue après la véraison, mais pas suffisamment pour expliquer la quasi absence de contraction (Greenspan et al., 1994 ; Greenspan et al., 1996). D’autres observations suggèrent qu’il y a une isolation hydraulique significative entre la baie et la plante mère. Il faut se souvenir que les changements diurnes de la taille de la baie reflètent les changements diurnes des gradients de pression qui induisent la sortie de l’eau (durant le jour) et l’influx de l’eau (durant la nuit) de la baie. Les baies se contractent le jour parce que le Δψ favorise le flux en retour vers la plante mère, et vers l’atmosphère par transpiration (Figure 3). Quand les plantes sont soumises au stress hydrique, leur potentiel hydrique des rameaux devient plus négatif, augmentant ainsi le Δψ entre la baie et la plante mère. La comparaison de la contraction diurne des baies pour des plantes bien irriguées et des ceps soumis à un stress hydrique démontre qu’avant la véraison, la contraction diurne est bien plus importante dans les vignes stressées (Greenspan et al., 1996). En fait, l’intensité de la contraction diurne dans les baies au stade pré-véraison est reliée de façon linéaire à l’état hydrique de la plante. Mais ce n’est pas le cas dans les baies au stade post-véraison.

Après la véraison, les baies ne subissent qu’une très faible contraction diurne, indépendamment de l’état hydrique de la plante, ce qui suggère une forte isolation hydraulique vis-à-vis de la plante mère.

Mais comment cette isolation se réalise-t-elle ?

D’après plusieurs études anatomiques, l’isolation hydraulique a été initialement attribuée à une rupture de la voie xylémienne (augmentation de résistance). Toutefois, des études plus tardives n’étayent pas cette hypothèse, particulièrement celles qui ont eu pour objectif de mesurer les changements développementaux de la résistance au flux entre la plante et la baie (Bondada et al., 2005 ; Keller et al., 2006 ; Chatelet et al., 2008). De nombreux travaux démontrent effectivement que la résistance de cette voie augmente au cours du développement, mais cette augmentation n’est pas suffisante pour rendre compte de l’isolation hydraulique (Tyerman et al., 2004 ; Choat et al., 2009). Il apparaît que le xylème reste entièrement fonctionnel au cours du développement, quoique sa résistance au flux augmente légèrement. Cela suggère que la baie n’est pas hydrauliquement isolée au sens strict, mais plutôt qu’elle est protégée des variations de l’état hydrique de la plante.

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Figure 4 : Modélisation de l’équilibre hydrique et des gradients de potentiel hydrique de la baie le jour et la nuit. Une modélisation simple de l’équilibre hydrique au cours de la maturation de la baie suggère qu’à partir de 60 jours après anthèse, les gradients de potentiel hydrique diurne (ligne orange) et nocturne (ligne bleue) favoriseraient tous deux le flux vers l’intérieur de la baie, ce qui suggère que la baie deviendrait largement tamponnée d’un point de vue hydrique peu de temps après la véraison.

Il y a plusieurs autres explications pour ce « tampon » hydraulique. La première évoquée ci-dessus est que les augmentations de disponibilité de l’eau via le phloème apporteraient un excès d’eau à la baie, et que cette eau serait recyclée en retour vers la plante via le xylème (Matthews et Shackel, 2005). Une autre explication serait que l’augmentation soudaine de la concentration en sucres augmente le gradient osmotique en faveur du fruit. Des expériences de modélisation dans notre laboratoire suggèrent que la baie devient largement tamponnée du point de vue hydraulique peu de temps après la véraison, du seul fait de cette augmentation du gradient de pression osmotique (Figure 4).

1.4 Rôle de la turgescence sur le ramollissement et la croissance

Comme nous l’avons vu, les composés dissous, et en particulier les sucres, jouent un rôle important dans le flux hydrique, la croissance et l’amortissement hydraulique de la baie. De plus, la localisation précise des sucres, soit dans les cellules (i.e. dans le symplaste), soit dans les espaces intercellulaires (i.e. l’apoplaste), joue un rôle critique pour le ramollissement et la croissance de la baie.

La turgescence résulte d’un gradient de concentration de composés dissous où le symplaste a une concentration en composés dissous supérieure à celle de l’apoplaste. Cette différence crée un gradient de pression osmotique qui conduit l’eau dans les cellules, induisant la turgescence car la membrane cellulaire est littéralement pressée contre la paroi cellulaire rigide. La paroi cellulaire est assez solide pour résister seulement à une certaine pression de turgescence, appelée seuil de rendement. Quand la Figure 3 : Contraction diurne de la baie, et croissance nette à la véraison. Durant le jour, les baies se contractent du fait du retour de l’eau vers la plante mère, et de la transpiration à travers la surface de la baie, alors que pendant la nuit leur volume augmente grâce à l’apport d’eau par la plante mère. La croissance nette du fruit (ligne rouge) se superpose à ces changements journaliers, et correspond à la différence entre gonflement nocturne et contraction diurne (adapté de Matthews et Shackel, 2005).

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pression de turgescence est supérieure au seuil de rendement, la cellule croît. Au-delà de ce seuil, la croissance est proportionnelle à la turgescence.

Au cours du stade I, les cellules en croissance de la baie présentent des niveaux normaux de turgescence, mais cette dernière diminue lorsque les baies ramollissent juste avant la véraison (Matthews et Shackel, 2005 ; Thomas et al., 2006).

Des études récentes ont montré que cette diminution de turgescence résulte d’une augmentation de composés dissous dans l’apoplaste (Wada et al., 2008 ; Wada et al., 2009 ; Keller et Shrestha, 2014).

Le passage d’un mode de déchargement des sucres du mode symplastique au mode apoplastique qui se produit à peu près au même moment du développement (Zhang et al., 2006) pourrait entraîner une augmentation de concentration des solutés apoplastiques. De plus, la diminution de la turgescence augmenterait le gradient de pression hydrostatique en faveur d’une augmentation du transport phloémien vers la baie. La turgescence de la baie diminue de 90 % en une période de 10-14 jours avant la véraison. En fait, la turgescence diminue à un niveau extrêmement bas qui soulève des questions concernant le redémarrage de la croissance dans les baies après la véraison.

La turgescence est déjà faible avant le redémarrage de la croissance, et dans la plupart des tissus végétaux, ces pressions de turgescence ne provoqueraient pas de croissance car elles sont beaucoup trop faibles pour vaincre le seuil de rendement de la paroi. De façon évidente, les baies post-véraisons croissent, ce qui suggère une diminution concomitante du seuil de rendement des parois des cellules de la baie, et effectivement une augmentation de l’extensibilité des parois des cellules de la pellicule se produit (Matthews et al., 1987). La véraison a également été associée à une sur-expression des gènes codant des enzymes de modification des parois (Schlosser et al., 2008). Ces enzymes sont très diverses, et chacune a une activité particulière de modification des liaisons chimiques impliquées dans la structure de la paroi. A la véraison, d’autres modifications physiologiques peuvent contribuer à une diminution du seuil de rendement et permettre la croissance à des niveaux de turgescence aussi faibles.

1.5 Les aquaporines et leur rôle potentiel dans les flux hydriques au sein des baies

Les plantes peuvent, dans une certaine mesure, de contrôler la résistance hydraulique à court et à long terme. L’une des façons par laquelle elles modifient la résistance hydraulique sur le court terme consiste à modifier l’abondance et l’activité des aquaporines (Maurel et Chrispeels, 2001). Les aquaporines sont des canaux à eau localisés dans les membranes cellulaires, et qui ont la possibilité de diminuer la résistance hydraulique quand elles sont activées. Les aquaporines sont présentes dans la plupart des cellules et leur expression et leur activité peuvent être très dynamiques sur des pas de temps extrêmement brefs (minutes, voire même secondes).

Les aquaporines étant des protéines membranaires, elles peuvent seulement influencer les flux hydriques entrants ou sortants des cellules. Ainsi, il est admis qu’elles n’affectent pas beaucoup le flux apoplastique qui prédomine pendant la transpiration diurne (i.e. sous l’effet des gradients de pression hydrostatique). Toutefois, elles pourraient jouer un rôle important sur le contrôle de la résistance du flux intercellulaire, ce qui aurait un impact significatif sur la croissance nocturne et le déchargement apoplastique du phloème.

En ce qui concerne le développement de la baie, il est seulement connu que le pic d’expression des aquaporines a lieu à la véraison (Choat et al., 2009). A ce jour, l’importance relative précise des aquaporines dans le contrôle des flux d’eau dans la baie n’est pas connue.

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2. Bases physiologiques et moléculaires de l’accumulation des sucres dans les baies

Au moment de la récolte, les vacuoles des cellules de la pulpe de la baie contiennent des concentrations élevées (plus de 1 M) de glucose et de fructose. La cinétique d’accumulation des sucres dans la baie comprend une phase d’importation lente jusqu’à la véraison, suivie d’une phase d’accumulation très active à partir de la véraison, jusqu’à une phase quasi-stationnaire en fin de maturité.

2.1 Transport et compartimentation des sucres

Cette modification drastique de la vitesse d’importation des sucres à la véraison est liée à un changement majeur dans les voies de transport. Le transport passe de la voie symplastique (à travers les plasmodesmes, petites perforations qui traversent la paroi des cellules) avant la véraison, à la voie apoplastique (dans la phase liquide baignant la paroi cellulaire ; Zhang et al., 2006) avec absorption finale dans les cellules grâce à des transporteurs spécifiques localisés dans la membrane plasmique et dans la membrane vacuolaire (aussi appelée tonoplaste) (Figure 5).

Puisque c’est du saccharose qui est importé dans les baies, alors que ce sont des hexoses qui s’accumulent dans les vacuoles de la pulpe, le transport apoplastique doit mettre en jeu des transporteurs spécifiques du saccharose et des transporteurs spécifiques des hexoses, ainsi que des enzymes permettant de passer du saccharose aux hexoses. Un transporteur d’efflux de saccharose intervient nécessairement pour que ce sucre passe de la sève élaborée véhiculée dans les tubes criblés du phloème, à l’apoplaste entourant les cellules de la pulpe. Selon l’endroit où le saccharose est dégradé (dans la paroi, dans le cytoplasme, ou dans la vacuole elle-même), la nature des transporteurs d’influx (saccharose ou hexose) opérant sur la membrane plasmique et la membrane vacuolaire doit être différente (Figure 5).

Le génome de la Vigne contient seulement 4 gènes de transporteur de saccharose appelés VvSUC (Agasse et al., 2009 ; Afoufa-Bastien et al., 2010 ; Lecourieux et al., 2014). VvSUC11 et VvSUC12 codent pour des transporteurs de saccharose dépendant des protons, et avec une affinité intermédiaire pour le saccharose ; VvSUC27 est un transporteur de saccharose à faible affinité (Zhang et al., 2008).

VvSUT2, de séquence proche de VvSUC27 est faiblement exprimé dans les baies (Afoufa-Bastien et al., 2010).

Les transcrits VvSUC11 et VvSUC12 augmentent de façon concomitante à l’accumulation des sucres qui se produit post-véraison, contrairement aux transcrits VvSUC27 qui diminuent à ce moment (Davies et al., 1999). VvSUC11 est un homologue proche d’AtSUC4, un transporteur vacuolaire de saccharose caractérisé chez la plante modèle Arabidopsis thaliana. Il a une affinité moyenne pour le saccharose, mais sa localisation subcellulaire n’a pas été étudiée chez la Vigne. VvSUC12 est homologue d’AtSUC3, un transporteur de saccharose à faible affinité, qui a été considéré par erreur comme étant un “senseur” de saccharose chez A. thaliana.

Cinquante-neuf homologues de transporteurs d’hexoses ont été identifiés dans le génome de la Vigne, mais seulement six ADNc, appelés VvHT1-6, ont été clonés à partir des baies de différents cépages (Agasse et al., 2009 ; Afoufa-Bastien et al., 2010), et la fonction de transport des hexoses a seulement pu être démontrée expérimentalement pour VvHT1, VvHT4 et VvHT5.

La localisation de ces transporteurs sur la membrane plasmique a également été démontrée (Vignault et al., 2005 ; Hayes et al., 2007). VvHT1 présente une plus forte affinité pour le glucose que VvHT4 et VvHT5, et il transporte aussi le fructose, mais beaucoup moins efficacement. VvHT4 semble être spécifique du glucose, alors que VvHT5 transporte aussi le glucose et le fructose. Un gène renommé VvHT8, qui présente une très forte similarité avec VvHT1 (99.4 %) semble être une des cibles de la

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sélection qui a conduit à des raisins de forte teneur en sucres chez les vignes domestiquées (Xin et al., 2013).

Figure 5 : Voies de déchargement des sucres à partir du phloème aux stades pré- et post-véraison. Avant la véraison, le déchargement suit la voie symplastique, à travers les plasmodesmes, petites perforations qui relient les cellules à travers leur paroi. Après la véraison, le saccharose est déchargé dans l’apoplaste du phloème (voie apoplastique) grâce à un transporteur d’efflux. Il est réabsorbé et compartimenté dans la vacuole des cellules du mésocarpe grâce à des transporteurs d’influx situés sur la membrane plasmique et sur la membrane vacuolaire.

Au cours de ce processus, il est hydrolysé en hexoses grâce à une invertase qui peut être pariétale, cytoplasmique ou vacuolaire. La diffusion à travers la membrane vacuolaire est possible (lignes pointillées).

VvHT2 et VvHT6 semblent localisés sur la membrane tonoplastique (Vignault et al., non publié), et VvHT6 présente une forte similitude avec AtTMT2 (Afoufa-Bastien et al., 2010), identifié chez A.

thaliana. Il a été démontré que AtTMT2 (Tonoplast Monosaccharide Transporter) code un antiport hexose-proton tonoplastique. Chez la Vigne, des résultats préliminaires suggèrent que VvTMT1 est un transporteur tonoplastique d’hexoses (Zeng et al., 2011), mais son expression diminue fortement après la véraison. Au contraire, les transcrits VvHT6/TMT2 augmentent fortement après la véraison, mais la fonction de transport de la protéine correspondante n’a pas encore été démontrée.

2.2 Métabolisme des sucres

Une partie du carbone importé assure la croissance, la respiration et l’élaboration des métabolites secondaires. Deux voies principales peuvent assurer la transformation du saccharose en glucose et en fructose : une réaction d’hydrolyse mettant en jeu une invertase, et une réaction permettant la synthèse d’un nucléotide de transfert (UDPG) grâce à une saccharose synthase. Selon leur localisation, les invertases sont pariétales (cwINV), cytosoliques (cINV), ou vacuolaires (vINV). La saccharose synthase est cytosolique. Des différences génotypiques de composition ou de concentration des sucres peuvent donc résulter de variations dans les niveaux d’activité des enzymes et/ou des transporteurs qui régulent le stockage et l’utilisation des sucres.

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L’expression et l’activité de l’invertase pariétale sont induites juste avant la véraison (Zhang et al., 2006;

Hayes et al., 2007), mais elles ne représentent que 6 % de l’activité invertasique totale. L’expression et l’activité des invertases vacuolaires présentent un pic à la véraison, puis diminuent (Davies et Robinson, 1996), alors que celles des invertases pariétale et cytoplasmique sont stables au cours du développement (Deluc et al., 2007). Dans la variété Steuben où l’invertase vacuolaire est réduite, l’accumulation des hexoses vacuolaires est diminuée au profit de celle du saccharose (Takayanagi et Yokotsuka, 1997).

Ces résultats suggèrent que toute seule, l’invertase ne peut expliquer toute l’augmentation des hexoses se produisant pendant la maturation. D’autres enzymes peuvent être impliquées. Au moins, six gènes de saccharose synthase (Susy) ont été recensés dans le génome de la Vigne, mais leur expression est relativement stable au cours du développement de la baie (Zhang et al., 2006). Il pourrait y avoir une resynthèse locale dans la baie à partir de l’UDPglucose et du fructose 6 P car la sucrose-P-synthase qui catalyse cette réaction est préférentiellement exprimée dans le péricarpe (Grimplet et al., 2007). Ce cycle « futile » de dégradation et de synthèse du saccharose dans le cytoplasme peut affecter le déchargement et l’accumulation des sucres dans les fruits en maturation (Nguyen-Quoc et Foyer, 2001 ; Agasse et al., 2009). Toutefois, ce processus est difficile à étudier car il requiert des approches de marquage isotopique (Alonso et al., 2005). De façon intéressante, la comparaison entre Vitis vinifera cépage Cabernet Sauvignon et une vigne sauvage V. quinquangularis Rehd (Shang-24) montre que la vigne sauvage présente le même niveau d’activité de Susy et SPS, une activité vINV supérieure, mais une concentration en hexoses plus faible que le Cabernet Sauvignon.

3. Effets du stress hydrique sur la teneur en eau et en sucres des baies

Peu d’études concernent précisément l’effet du stress hydrique sur les flux d’eau. Ces quelques études montrent que les baies pré-véraison répondent de façon marquée à l’état hydrique de la plante (Greenspan et al., 1996 ; Keller et al., 2006). Le déficit hydrique augmente le Δψ en faveur de la plante et entraîne une augmentation de la contraction diurne. D’autres études montrent qu’en fonction de l’intensité du stress, la croissance nette des baies pré-véraison peut être nulle voire même négative (i.e.

les baies rapetissent) avec des diamètres qui peuvent diminuer jusqu’ 20 % dans certains cas (Keller et al., 2006). Toutefois, lorsque l’équilibre hydrique est restauré, les baies reviennent à leur taille initiale.

Ceci montre que les baies pré-véraison sont connectées à la plante-mère sur le plan hydraulique.

Comme discuté précédemment, les baies post-véraison sont largement déconnectées de la plante- mère, et dans les mêmes expériences, elles subissent une contraction très modérée. De façon intéressante, même quand un gradient de pression opposé est appliqué (favorisant le flux vers les baies), en soumettant le système racinaire à une pression, la taille des baies post-véraison n’augmente pas, au contraire des baies pré-véraison. A notre connaissance, aucune étude n’a encore porté soit sur la résistance hydraulique, soit sur l’expression et l’activité des aquaporines en situation de contrainte hydrique.

La diminution de croissance des baies en cas de déficit hydrique résulte de phénomènes différents avant et après la véraison. Avant la véraison, la croissance nette en diminution résulte principalement de la contraction diurne, alors qu’après la véraison, elle provient de la réduction du flux phloémien diurne (Greenspan et al., 1996).

Le déficit hydrique réduit le rendement notamment en diminuant le nombre et la taille des baies. Mais ces deux effets sont séparés dans le temps et correspondent aux différentes étapes de la constitution de la baie : l’initiation florale (création des primordia floraux), qui a lieu l’année N-1 et la floraison/nouaison (faisant suite à la reprise de la croissance des primordia floraux N-1), qui a lieu l’année N. Les grappes qui vont croître l’année N résultent d’inflorescences dont les primordia floraux ont été initiées l’année d’avant (N-1), sur une période s’étalant de deux à trois semaines avant la floraison N-1 jusqu’à la mise en dormance des bourgeons aux alentours de la véraison N-1 (arrêt de

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croissance végétatif de la plante). Ces bourgeons contiennent tous les organes reproducteurs (et végétatifs) du prochain millésime, à l’état de primordia floraux (et végétatifs). Différents facteurs peuvent altérer les diverses étapes de multiplication cellulaire lors de cette initiation florale (Vasconcelos et al., 2009). Parmi ceux-ci, il y a les contraintes thermiques, azotées et hydriques, et un déficit éventuel des réserves glucidiques et azotées du bois, réserves responsables du débourrement et la croissance jusqu’au stade 5-6 feuilles, et même jusqu’à la floraison si nécessaire (les réserves déclinent jusqu’à la floraison où la photosynthèse prend entièrement le relais). De récents travaux au vignoble viennent confirmer l’impact de la contrainte hydrique et azotée durant la phase post-floraison année N (de 400°.j à 700°.j ; période critique de 500 à 600°.j ; somme de température, base 10 ; Guilpart et al., 2014) sur l’initiation florale qui donnera les inflorescences de l’année N+1. Le nombre d’inflorescences et le nombre de fleurs par inflorescence l’année N sont donc sous la dépendance des conditions de croissance de l’année N-1 en générant un rendement potentiel. Les conditions de croissance de l’année N jouent sur la qualité de la floraison et de fécondation (risques de coulure et millerandage) pour donner un rendement probable (fixation du nombre de baies à ce stade), rendement qui ne sera réel qu’en prenant en compte la taille finale des baies qui elle est fonction des conditions de l’année en cours.

L’importance de la taille des baies est variable selon le produit recherché (jus de fruits, jus de raisin, raisins secs ou vins). Une taille importante de baies est souhaitable pour les raisins de table, les jus de fruit et les raisins secs. Pour les vins, la taille des baies n’est pas aussi importante pour les raisins de cuve blancs car on ne pratique pas pour eux de longues macérations pelliculaires, en recherchant des extractions élevées. Il faut cependant un rapport pulpe/pellicule équilibré, pour les blancs comme pour les rouges, car les composés aromatiques des raisins blancs se trouvent aussi dans la pellicule.

La diminution de taille des baies semble concerner surtout le mésocarpe, alors que la masse des pépins et des pellicules semble peu affectée (Keller, 2010). Bien que des symptômes de stress hydrique apparaissent quand environ 50 % de l’eau du sol ont été extraits, les baies (pré- et post- véraison) ne commencent pas à se contracter avant que 80 % de l’eau disponible aient été transpirés.

Bien que la croissance du fruit puisse être moins sensible au stress hydrique que la croissance végétative, une alimentation hydrique limitée pendant la phase de division et d’expansion cellulaire limite la croissance cellulaire et donc la croissance de la baie. La réduction du ψ xylème et du pH xylémien pourrait aussi être en partie responsable de la réduction de taille des baies, particulièrement si le stress a lieu au stade pré-véraison. A ce stade, la perte de rendement peut être importante, alors qu’en post-véraison, la croissance de la baie devient progressivement moins sensible au stress hydrique. Un apport d’eau ne compense pas la perte de croissance pré-véraison, parce que la diminution d’influx par le xylème à ce stade rend la baie moins sensible à l’état hydrique du sol et de la plante. Néanmoins, du fait de l’inversion du flux xylémien à la véraison, le déficit hydrique post-véraison, surtout s’il est prolongé, peut conduire à la contraction de la baie par déshydratation quand la somme de l’efflux xylémien et de la transpiration de la baie excède l’influx xylémien. L’importance de la contraction pré-récolte est inversement proportionnelle au statut hydrique de la vigne.

Les effets du stress hydrique sur l’accumulation des sucres sont moindres. La différence des effets induits par le stress hydrique sur la croissance des baies et la teneur en sucres pourrait être due à l’inaptitude des baies pauvres en sucres à accumuler de l’eau, de façon telle que la concentration en sucres, mais pas la quantité de sucres par baie, reste constante.

Le stress hydrique a des effets contrastés sur la teneur en sucres en fonction de la durée et du moment du déficit. Un déficit hydrique faible ou modéré est le plus efficace pendant la première phase de la croissance rapide des baies en limitant la croissance aérienne et la densité de la canopée (Dry et al., 2001). L’amélioration de la composition de la baie peut être due aux effets indirects d’une canopée plus ouverte et de la charge en fruits (Keller, 2010).

La diminution d’activité photosynthétique et d’exportation des sucres foliaires qui se produit en cas de

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déficit a lieu en phase de mûrissement. Ainsi, si un déficit hydrique modéré est bénéfique pour la composition des baies, un déficit plus drastique peut retarder le développement et la maturation des baies du fait de la diminution de photosynthèse, voire de la chute des feuilles.

Après la nouaison, lorsque la vigne a déjà investi dans la production de graines, elle maintient généralement le développement du fruit aux dépens de la croissance des rameaux et des racines, et aux dépens du restockage des réserves racinaires. Bien sûr, ceci peut avoir des implications à long terme car la vigne dépend étroitement de ses réserves stockées pour le débourrement l’année suivante.

La nature du stress hydrique est importante en termes d’impact sur la physiologie. S’il arrive lentement au cours de la saison, les plantes vont adapter leur croissance aux conditions du milieu, en réduisant leur croissance aérienne et racinaire suite à la diminution de la disponibilité en azote (et autres éléments minéraux), en carbone et en eau. S’il arrive de façon abrupte au cours de l’été en quelques jours, les effets seront plus préjudiciables.

La réponse de la croissance de la baie au déficit hydrique dépend aussi de la charge en fruits. La taille des baies peut être plus réduite sur des plantes chargées que sur des plantes où la charge en fruits est légère, parce que l’importation plus faible des sucres par chaque baie diminue aussi la taille de ces baies. Si le stress se produit assez tôt dans la saison pour réduire la nouaison, la taille des baies qui restent peut augmenter et compenser en partie la perte de rendement, mais aussi obérer le gain de qualité espéré avec des baies plus petites. Le stress hydrique, toutefois, peut empêcher cette croissance compensatoire sur des vignes qui commencent la saison de croissance avec une charge faible, alors qu’il n’y a pas d’effet supplémentaire sur des vignes chargées, où la taille des baies est déjà limitée.

Dans le contexte des effets du stress hydrique sur les flux d’eau et de sucres, il faut rappeler qu’au cours de leur développement normal, même en absence de stress hydrique, les baies accumulent des concentrations croissantes d’acide abscissique (ABA), l’hormone majeure impliquée dans la tolérance au stress hydrique chez les végétaux. Par ailleurs, dans la baie de raisin, l’expression et l’activité des transporteurs d’hexoses sont contrôlées de façon synergique par l’ABA et par les sucres. Le promoteur de VvHT1 contient plusieurs éléments de régulation par les sucres (Atanassova et al., 2003), et il a été montré qu’une protéine de la famille des ASR (abscisic acid, stress-ripening induced) interagit avec ces éléments. Cette protéine appelée VvMSA est elle-même induite par l’ABA et les sucres (Çakir et al., 2003). VvMSA interagit avec un facteur de transcription nommé VvDREB (Saumonneau et al., 2008).

Des gènes de la famille des ASR semblent impliqués dans la tolérance au stress hydrique chez diverses espèces (Cortès et al., 2012).

Conclusions et perspectives

Le stress hydrique peut avoir des effets à court terme et à long terme sur le rendement car ce dernier n'est pas seulement relié aux conditions de l'année n, mais aussi à celles de l’année n-1. Le stress hydrique, s’il survient au stade de l'initiation florale, sera sans doute un des facteurs affectant le plus le rendement pour nos cépages habitués aux conditions tempérées.

La concentration des sucres peut également être affectée soit positivement soit négativement en fonction de l’intensité du stress hydrique, mais elle ne constitue qu'un des critères qualitatifs entrant dans la qualité du futur vin. Un autre facteur important est l'acidité de la baie, et la teneur en acide malique est en lien étroit avec la température de la zone des grappes (microclimat). La composition et la teneur en composés du métabolisme secondaire dépendent de la contrainte hydrique, mais surtout azotée. Plus la contrainte azotée est élevée et plus le métabolisme secondaire est activé. Par contre, leur dégradation est en lien étroit avec l’élévation de la température, tant diurne que nocturne (notion d’amplitude jour/nuit). Selon les conditions climatiques et les vignobles, l’irrigation est une option qui peut permettre de lutter ou d’atténuer les effets préjudiciables des stress hydriques élevés. Cette

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irrigation ne devra probablement pas être limitée à assurer la production fructifère de l’année, mais s’étendre aussi au stade floral afin d’assurer l’initiation florale du millésime suivant. Par ailleurs, l'irrigation par goutte à goutte qui n'apporterait que de l'eau ne résout pas les stress azotés qui accompagnent le déficit hydrique, car la faible zone de sol irriguée ("bulbe d'irrigation") par cette technique ne permet pas une bonne minéralisation de l'azote du sol pour l'ensemble du système racinaire. Des stratégies de fertirrigation semblent plus appropriées. Ce recours éventuel à l’irrigation devra bien sûr être réfléchi dans le cadre plus général du partage des ressources en eau, en fonction des besoins des diverses cultures agricoles et horticoles, et des besoins sociétaux et environnementaux (comme le maintien de l’étiage optimal des rivières).

Par ailleurs il faut rappeler que les autres facteurs du milieu naturel (non traités dans cet article) concomitants d'un climat chaud et sec (températures élevées et forts rayonnements), affectent fortement la composition du raisin. La lutte contre les effets de la température sur les autres composantes de la qualité de la baie (acidité et composés phénoliques), sera probablement plus complexe et difficile que celle relative à un stress hydrique. Elle pourrait passer par une modification des pratiques culturales comme une nouvelle gestion du palissage et de l'exposition des grappes, et à l’introduction de nouveaux génotypes capables par exemple de maintenir un taux d’acide malique optimal.

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