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Les deux cours européennes face au phénomène illibéral en Hongrie et en Pologne

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Academic year: 2022

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UNIVERSITÉ PARIS 1 – PANTHÉON-SORBONNE MASTER 2 – INDIFFERENCIÉ

DROITS DE L’HOMME ET UNION EUROPÉENNE

Les deux cours européennes face au phénomène illibéral en Hongrie et en Pologne

par

Salomé BEN-SAADI

Sous la direction de

Madame la Professeure Laurence BURGORGUE-LARSEN

Année universitaire 2018-2019

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L’Université n’entend donner aucune approbation ou improbation aux propos tenus dans le présent mémoire.

Ceux-ci sont propres à leur auteur.

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REMERCIEMENTS

Je tiens à remercier ma directrice de mémoire et de Master, la Professeure Laurence Burgorgue-Larsen, pour l’enthousiasme et la curiosité qu’elle a suscité en moi et qui ont guidé mon approche du sujet. Je la remercie de m’avoir donné le goût de la recherche, un cadre de travail, et la liberté nécessaire à l’élaboration de mes idées. Elle a participé, avec l’ensemble des enseignants du Master 2 Droits de l’homme et Union européenne, à l’éveil et à la formation de ma conscience européenne.

Je remercie, à ce propos, tous les professeur-e-s que j’ai eu la chance de rencontrer au long de l’année, lors de séminaires ou de conférences, et qui ont, chacun à leur manière, eu une influence sur mon travail. Ma gratitude va tout particulièrement à la Professeure Ségolène Barbou des Places pour avoir répondu à mes nombreuses questions, parfois confuses, et m’avoir éclairée sur des points fondamentaux de mon sujet.

Je remercie également Rozenn et Emma, mes relectrices et amies. Je suis

reconnaissante auprès de tout mon entourage pour leur soutien et pour m’avoir

fait part de leurs points de vue et interrogations sur mon objet d’étude. Cette

confrontation a enrichi mes recherches et nourri ma démarche.

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SOMMAIRE

PREMIÈRE PARTIE – DEUX COURS, DEUX APPROCHES

Titre I – Des procédures propres à chaque Cour

Chapitre I – Des recours aux potentialités multiples devant la Cour de justice I. Le recours en manquement orchestré par la Commission européenne

II. Le renvoi préjudiciel orchestrant un dialogue entre juges

Chapitre II –Un recours individuel en perfectionnement devant la Cour européenne des droits de l’homme

I. Des requêtes individuelles tardives

II. Des outils récents difficilement exploitables

Titre II – Des objectifs propres à chaque Cour

Chapitre I – Le système conventionnel, le règne de l’individu ?

I. La place centrale accordée au respect effectif des droits de l’homme au sein du système conventionnel

II. La place centrale accordée à la subsidiarité au sein du système conventionnel Chapitre II – Le système communautaire, le règne de la confiance ?

I. Le principe : une présomption de respect des droits fondamentaux par les États membres II. Le corollaire : une immixtion dans les ordres juridiques internes des États membres

SECONDE PARTIE – DEUX COURS, UN CONTENTIEUX

Titre I – Des intentions analogues

Chapitre I – Un contournement du politique I. Un contournement légitime du politique

II. Un contournement effectif du politique

Chapitre II – Une protection globalisante

I. La protection des valeurs de l’organisation II. La lutte contre la propagation des violations

Titre II – Des limitations semblables

Chapitre I – Des limites inhérentes au pouvoir judiciaire I. La casuistique : le juge n’est pas maître de son contentieux II. La politique : le juge ne gouverne pas

Chapitre II – Des limites inhérentes au caractère international des juridictions I. L’impuissance du juge face à la mise en péril du système dont il dépend

II. L’impuissance du juge face à l’inexécution de ses arrêts

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SIGLES ET ABRÉVIATIONS

Revues et publications

A.F.D.I. Annuaire français de droit international

A.J.D.A. L’actualité juridique du droit administratif

C.D.E. Cahiers de droit européen

J.A.D.E. Journal d’actualité des droits européens

JCP G Juris-Classeur périodique, édition générale

J.D.E. Journal de droit européen

L.G.D.J. Librairie générale de droit et de jurisprudence

R.A.E. Revue des affaires européennes

Rev. UE Revue de l’Union européenne

R.D.U.E. Revue du droit de l’Union européenne

R.T.D.E. Revue trimestrielle de droit européen

R.T.D.H. Revue trimestrielle des droits de l’homme

Institutions et organes

C.J.U.E. Cour de justice de l’Union européenne

CourEDH Cour européenne des droits de l’homme

Instruments internationaux

Convention EDH Convention de sauvegarde des droits de l’homme et

des libertés fondamentales

TFUE Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

TUE Traité sur l’Union européenne

Abréviations

§ Paragraphe

aff. Affaire

c. Contre

cf. Confer

dir. Directeur(s)

éd. Éditions

ibid. Ibidem (au même endroit)

n ° Numéro

op. cit. Opus citatum (œuvre citée)

p. Page(s)

Req. Requête

s. Suivant-e-s

Vol. Volume

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INTRODUCTION

Une population « presque ethniquement homogène » et différente, « d’un point de vue culturel et linguistique », des migrants. Telle est la manière dont le gouvernement polonais décrivait sa population dans l’arrêt Hongrie et Slovaquie c. Conseil1. À cet argument, la Cour de justice de l’Union européenne répondit de manière rationnelle et technique, l’analysant essentiellement à la lumière de l’article 21 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne2 et de l’article 80 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (ci-après TFUE)3. Cet échange entre la République de Pologne et la Cour est doublement instructif.

D’une part, il est clair, avec un argument tel que celui avancé par la Pologne, intervenant au soutien des deux États membres contestant la décision Relocalisation du Conseil4, que les discours populistes et nationalistes ont envahi le contentieux. Après s’être banalisés à l’échelle interne, et même au sein des institutions politiques de l’Union européenne5, voici que les propos nationalistes infiltrent le prétoire de la Cour de justice, sous la forme de moyens de droit6.

D’autre part, la réponse que le juge européen doit apporter afin de protéger son ordre juridique est, elle, loin d’être évidente. Des critiques ont été adressées à la Cour de justice pour sa « pusillanimité »7 et son manque de fermeté face à de tels arguments. Pourtant, si l’on considère que le gouvernement polonais porte, par ces propos, atteinte aux valeurs de tolérance et de respect des droits des minorités, est-ce le rôle de cette Cour de dénoncer de telles atteintes ? Ces valeurs, énoncées à l’article 2 du Traité sur l’Union européenne (ci-après TUE), n’ont-elles pas une charge axiologique trop forte et une formulation trop vague pour être protégées par un juge ? N’est-ce pas pour cela que le même traité prévoit un mécanisme de sanctions politiques

1 C.J.U.E., Slovaquie et Hongrie c. Conseil, 6 septembre 2017, aff. C-643/15 et C-647/15, § 302.

2 Cet article protège le droit à la non-discrimination, notamment à raison de l’origine ethnique et de la langue.

3 Cet article pose les principes de « solidarité et de partage équitable de responsabilités entre les États membres » régissant les politiques relatives aux contrôles aux frontières, à l’asile et à l’immigration.

4 Décision (UE) 2015/1601 du Conseil du 22 septembre 2015, instituant des mesures provisoires en matière de protection internationale au profit de l’Italie et de la Grèce.

5 Voir le discours de Viktor Orbán, premier ministre hongrois, devant le Parlement européen, le 11 septembre 2018 à l’occasion des débats concernant le Rapport Sargentini (disponible en ligne : https://visegradpost.com/en/2018/09/11/viktor-orban-denounces-the-blackmail-of-the-eu-full-speech/, consulté le 20 novembre 2018).

6 S. BARBOU DES PLACES, « L’empreinte des nationalismes sur le droit de l’immigration de l’Union européenne », R.T.D.E., 4/2018 : « C'est la première fois qu'un État ose énoncer une telle conception de la société européenne, non dans un discours politique à vocation interne mais dans un moyen de droit soulevé devant la juridiction de l'Union européenne », p. 730.

7 H. LABAYLE, « Winter is coming : la Hongrie, la Pologne, l’Union européenne et les valeurs de l’État de droit », 26 septembre 2018 (disponible sur : http://www.gdr-elsj.eu/2018/09/26/informations-generales/winter-is-coming- la-hongrie-la-pologne-lunion-europeenne-et-les-valeurs-de-lÉtat-de-droit-deuxieme-partie, consulté le 20 octobre 2018).

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6 en cas de violation d’une particulière gravité de celles-ci ? On reproche a priori à la Cour de justice de respecter les limites de son office. Que penser alors du discours de son Président, Koen Lenaerts, prononcé le 19 mars 2018, dans lequel il présente la Cour de justice comme la

« garante ultime de l’État de droit au sein de l’Union européenne »8, une valeur également mentionnée à l’article 2 TUE ? Il existe donc une incertitude et des désaccords quant au rôle que la Cour de justice doit assumer face à des États bafouant les valeurs fondatrices de l’Union.

Les juges de Luxembourg ne sont pas les seuls à devoir faire face à des États s’affranchissant des valeurs chères à leur organisation. La Cour européenne des droits de l’homme est, elle aussi, témoin de ce phénomène de repli sur les valeurs nationales et de ses effets sur les droits subjectifs des individus. Or, il existe aussi au niveau du Conseil de l’Europe un mécanisme pouvant conduire, en cas d’irrespect grave des valeurs énoncées dans son Statut, à la suspension des droits de l’État partie au sein de l’organisation, et même à son expulsion9.

Les deux systèmes européens prévoient donc des mécanismes de sanctions politiques en cas de violation d’une particulière intensité de leurs valeurs respectives. À cela s’ajoute la compétence de juridictions pour interpréter et assurer le respect des règles de l’ordre juridique dont elles dépendent. Alors qu’un tel cumul des mécanismes ne posait jusqu’à présent que des problèmes d’ordre théorique, il prend aujourd’hui une dimension pratique au regard du processus à l’œuvre au sein des États du groupe de Visegrád. Ce groupe désigne un ensemble de quatre pays d’Europe centrale, que sont la Hongrie, la Pologne, la République tchèque et la Slovaquie10. Bien que très proches idéologiquement et politiquement11, les deux premiers se distinguent des deux autres en ce qu’ils ont concrétisé leurs discours populistes dans leur ordre juridique interne et sont, de ce fait, sous le coup de la procédure de l’article 7 TUE12. Cette étude se limitera, pour cette raison, à l’analyse du contentieux impliquant la Pologne et la Hongrie. La délimitation du contentieux ne sera pas seulement géographique, mais également matérielle et temporelle.

8 Discours d’ouverture à la conférence scientifique « Application du droit européen dans la jurisprudence » du 19 mars 2018, prononcé devant la Cour administrative suprême polonaise et intitulé « The Court of justice and national courts: a dialogued based on mutual trust and judicial independence ».

9 Statut du Conseil de l’Europe, article 8 (cf. infra, note n° 60).

10 Cette dénomination est issue de la Déclaration signée dans la ville de Visegrád (Hongrie), le 15 février 1991 et

« qui constitue formellement le démarrage de la coopération » entre ces États, à l’époque au nombre de trois, la Tchécoslovaquie ne s’étant scindé en deux qu’en 1993 (M. NATANEK, « Le groupe de Visegrád, entre unité des intérêts et mythe de la coopération », Hermès, La Revue, 2017/1, Vol. 77, p. 132).

11 Ces rapprochements ne doivent pas masquer les dissensions et les désaccords au sein même de ce groupe, à l’exception de la politique migratoire européenne – face à laquelle ils font front uni (cf. article de Mirosław NATANEK, op. cit., pp. 132-140).

12 Procédure entamée par la Commission le 20 décembre 2017 (pour le cas de la Pologne), et par le Parlement européen le 12 septembre 2018 (s’agissant de la Hongrie). Sur l’article 7 TUE, cf. infra, note n° 51.

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7 S’agissant du champ matériel de notre étude, le contentieux examiné sera celui relatif à l’État de droit, valeur consacrée à l’article 2 TUE et sous la formulation alternative de « prééminence du droit » au sein du système du Conseil de l’Europe. Cette notion implique non seulement « le respect de la séparation des pouvoirs et, partant, de l’indépendance du pouvoir judiciaire à l’égard du pouvoir exécutif »13, mais également le principe de « légalité, qui, pour l'essentiel, suppose l'existence d'une procédure d'adoption des textes de loi transparente, responsable, démocratique et pluraliste »14. Il est important de procéder à une telle restriction matérielle à ce stade, les politiques mises en place dans les deux État étudiés ayant des conséquences multiples sur la vie des populations et le devenir des institutions nationales.

Temporellement, l’étude sera circonscrite au contentieux rendu depuis l’arrivée au pouvoir du parti Union civique hongroise, généralement désigné par son abréviation FIDESZ, en Hongrie et du parti Droit et Justice (PiS) en Pologne, ayant marqué un tournant radical dans le système politique de ces deux États. En Hongrie, le FIDESZ remporta les élections législatives d’avril 2010, avec 68 % des sièges au Parlement15. Ce parti, dont est issu le Premier ministre Viktor Orbán, est toujours au pouvoir et le restera a priori jusqu’aux prochaines élections législatives de 2022. En Pologne, le parti Droit et Justice obtint la majorité absolue des sièges au Parlement en octobre 2015. Le pays est depuis lors dirigé non seulement par le Président de la République issu de ce parti et élu en mai de la même année, Andrzej Duda, mais aussi de facto par le Président du parti au pouvoir, Jarosław Kaczyński. En novembre 2019 auront lieu les prochaines élections législatives polonaises. Les résultats obtenus par ces deux partis aux dernières élections européennes des 25 et 26 mai 2019 laissent à penser qu’ils bénéficient toujours d’un soutien populaire massif et qu’ils pourraient se maintenir au pouvoir pour plusieurs années encore16.

Afin de comprendre les caractéristiques et les limites d’un tel contentieux, un examen de l’environnement dans lequel les cours européennes statuent s’impose. Nous verrons que si le contexte politique au sein des deux États en cause paraît préoccupant (I), l’absence de réactions politiques fermes au niveau européen l’est davantage (II).

13 P. PONZANO, Éditorial « Le respect de l’État de droit au sein de l’Union européenne », R.D.U.E., 4/2018, p.

5.

14 Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil intitulée « Un nouveau cadre de l'UE pour renforcer l'état de droit », 11 mars 2014 (COM(2014) 158 final), p. 4 (souligné par l’auteur).

15 Cf. résultats des élections du 25 avril 2010 (disponibles sur : https://elections-en- europe.net/2010/04/26/elections-legislatives-en-hongrie/, consulté le 5 décembre 2018).

16 La coalition dont fait partie le FIDESZ a obtenu plus de 52 % des voix en Hongrie, et le PiS a remporté plus de 45 % des voix en Pologne (selon le site officiel du Parlement européen, disponible sur : https://www.election- results.eu/, consulté le 30 mai 2019).

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I. Un contexte politique national alarmant

La pluralité des formes que peut prendre le populisme rend difficile l’appréhension de ce phénomène. Il est pourtant nécessaire de s’en saisir afin de comprendre les évolutions récentes des politiques hongroise et polonaise. Nous verrons que le populisme moderne, et particulièrement celui mis en place dans les deux États faisant l’objet de notre étude, se conçoit mieux par le recours à la notion d’ « illibéralisme démocratique »17. Après avoir analysé les liens existants entre ces deux notions (A), seront exposées les conséquences découlant de tels phénomènes en termes d’indépendance de la justice et de pluralisme politique (B).

A) La « déconsolidation démocratique » : entre populisme et illibéralisme

La notion de « déconsolidation démocratique » renvoie au processus menaçant non pas le degré démocratique des institutions, mais la durabilité de ce caractère18. Elle vient renverser une idée reçue selon laquelle les démocraties dites « consolidées » sont hors de danger et ne peuvent que se renforcer. De nombreux contre-exemples ont effectivement démontré la fragilité des démocraties, des plus récentes aux plus anciennes, lorsque le peuple cesse de croire dans les vertus de ce type de régime19. Le populisme constitue un facteur déstabilisateur des démocraties libérales. Son étymologie pourrait conduire à le définir comme un style politique faisant appel au peuple20. Pour autant, s’arrêter à cette description créerait une confusion entre les populistes et les démocrates, toute forme représentative de démocratie supposant un tel ancrage populaire21. Les partis populistes n’invoquent cependant pas n’importe quel « peuple », mais un peuple qu’ils affirment être les seuls à pouvoir représenter22. Cette attitude permet à Jan-Werner Müller de dégager les deux traits cumulatifs du populisme, que sont l’anti-élitisme

17 T. S. PAPPAS, « Populists in Power », Journal of Democracy, Vol. 30, n° 2, 2019, p. 70 (toutes les traductions depuis la langue anglaise sont de l’auteur).

18 R. S. FOA, Y. MOUNK, « The Danger of Deconsolidation: The Democratic Disconnect », Journal of Democracy, Vol. 27, n° 3, 2016, pp. 5-17 et « The Signs of Deconsolidation », Journal of Democracy, Vol. 28, n°

1, 2017, pp. 5-15.

19 Y. MOUNK, Le peuple contre la démocratie, Éditions de l’Observatoire, Paris, 2018, notamment pp. 181-188 pour l’exemple polonais.

20 Le mot « populisme » est formé sur le radical du latin populus (peuple) avec le suffixe, -isme, désignant une tendance politique, selon Alain REY, Dictionnaire historique de la langue française, Le Robert (4ème éd.), Paris, 2016, p. 1804.

21 G. HERMET, « Permanences et mutations du populisme », Critique, 2012/1, n° 776-777, p. 71.

22 J.-W. MÜLLER, Qu’est-ce que le populisme ? Définir enfin la menace, Gallimard, Collection Essai Folio, Paris, 2017, p. 53.

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9 et l’anti-pluralisme23. Ils ne font pas non plus appel au peuple de n’importe quelle manière : les dirigeants populistes exploitent, pour arriver au pouvoir – et le conserver –, les frustrations du peuple24.

L’illibéralisme est une forme de populisme n’acceptant pas « toutes les implications du modèle de démocratie libérale pour viser (affirme-t-on) une plus grande efficacité économique et sociale en adaptant le modèle abstrait de référence (démocratie libérale) aux spécificités de chaque État »25. Ce modèle a été revendiqué par Viktor Orbán dans un discours prononcé le 26 juillet 2014 lors d’une conférence à l’Université d’été de Bálványos (à Băile Tuşnad, en Roumanie), avant d’être repris par ses homologues du groupe de Visegrád. Ce concept n’a cependant pas été inventé par le Premier ministre hongrois, puisque Fareed Zakaria décrivait déjà le phénomène en 199726. Si cet auteur « s’alarmait évidemment du phénomène », Viktor Orbán « le transforme en étendard de ce qu’il veut et pense être une nouvelle ère politique »27. L’utilisation de cette notion, dans le cadre de cette étude, a plusieurs avantages. Elle permet tout d’abord de mettre en lumière l’incompatibilité entre les politiques populistes et le respect des valeurs libérales. Le populisme d’Europe centrale y apparaît encore plus clairement comme

« l’ennemi majeur des démocraties libérales contemporaines »28. Il se présente également comme un phénomène s’inscrivant dans la durée, sa théorisation sous la notion d’illibéralisme reflétant une forme « d’hybridation à l’orientale du libéralisme occidental » et empêchant de le penser comme une simple phase transitoire, ou passagère, vécue par les anciens États communistes29. Enfin, le recours à cette notion permet de s’affranchir de la connotation négative attachée à celle de « populisme », les États en question revendiquant eux-mêmes leur caractère illibéral. Les deux notions étant néanmoins extrêmement liées, et le populisme ayant été davantage décrypté que l’illibéralisme, elles seront mobilisées alternativement au cours des développements.

23 Ibid., p. 31. Voir aussi J. RUPNIK, « Variations centre-européennes », in B. BADIE, D. VIDAL (dir.), Le retour des populismes, L’état du monde 2019, La découverte, Paris, 2018 : « Les populistes revendiquent un monopole politico-moral sur la représentation du peuple et, à ce titre, menacent l’expression du pluralisme », p. 182.

24 R. LOGIER, « Populisme liquide dans les démocraties occidentales », in B. BADIE, D. VIDAL (dir.), op.cit. : le « primat de l’émotion sur la rationalité […] est une constante des populismes », p. 40.

25 J. BOURRINET, « L’Union européenne confrontée à la ‘démocratie illibérale’ », R.D.U.E., 1/2019, p. 239.

26 Cf. « The Rise of Illiberal Democracy », Foreign affairs, 1er novembre 1997 (disponible sur : https://fareedzakaria.com/columns/1997/11/01/the-rise-of-illiberal-democracy, consulté le 4 février 2019).

27 L. BURGORGUE-LARSEN, « POPULISME et DROITS DE L’HOMME. Du désenchantement à la riposte démocratique », in E. DUBOUT et S. TOUZÉ, Refonder les droits de l’homme. Des critiques aux pratiques, Pedone, Paris, 2019, p. 240.

28 T. S. PAPPAS, op. cit., p. 70.

29 O. A. MACOVEI, « L’État illibéral dans l’Union européenne, essai de conceptualisation », Civitas Europa, 2018/1, n° 40, p. 130.

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10 Les stratégies politiques utilisées par le FIDESZ et le PiS pour accéder au pouvoir n’entrent pas dans le champ de notre analyse. Il s’agit d’examiner la manière dont leurs dirigeants, bien loin de se montrer incapables de gouverner, se sont empressés de concrétiser leur tendance anti-pluraliste une fois au pouvoir30. Ce processus a pris diverses formes. L’étude se concentrera sur deux d’entre elles, qui ont fait l’objet de contentieux devant les deux cours européennes.

B) La « déconsolidation démocratique » : entre soumission du judiciaire et musellement de l’opposition

Le point de départ du populisme, à savoir l’idée selon laquelle les dirigeants populistes peuvent représenter à eux seuls et directement la volonté du peuple, conduit à une remise en cause des institutions intermédiaires non-élues, qui, à défaut de pouvoir être supprimées, sont affaiblies et soumises au pouvoir en place. Par conséquent, la première victime de cette politique est le pouvoir judiciaire, représentant un contre-pouvoir fort au pouvoir politique, et perçu, de ce fait, comme un danger. En Hongrie, tout d’abord, le FIDESZ a entamé, dès 2011, un processus de remplacement des juges ordinaires et de ceux de la Cour constitutionnelle hongroise par des juges ayant manifesté leur allégeance au parti au pouvoir31. Actuellement, sur les quinze juges de la Cour constitutionnelle hongroise, tous furent nommés par le Parlement hongrois postérieurement aux élections législatives d’avril 2010, soit par un organe dominé par des membres de ce même parti32. Outre cette perte d’indépendance, ce sont les pouvoirs de la Cour qui furent réduits, « l’idée même de contrôle de constitutionnalité n’entrant pas dans la logique d’une suprématie parlementaire inconditionnelle »33. L’entrée en vigueur de la Loi fondamentale hongroise, le 1er janvier 2012, remplaçant notamment la Cour suprême d’alors par la Kúria, a permis au FIDESZ d’étendre son contrôle à cette institution fondamentale.

Le parti Droit et Justice, probablement encouragé par l’absence de réactions fermes des institutions européennes face à la politique de Viktor Orbán, a suivi l’exemple de ce dernier34. Cela s’est d’abord traduit dans l’adoption d’une série de lois affectant l’architecture du système

30 J.-W. MÜLLER, op. cit., p. 81.

31 Ce remplacement est issu de la Loi CLXII du 25 avril 2011 sur le statut juridique et la rémunération des juges, ayant conduit à une « capture du pouvoir judiciaire ordinaire », selon L. PECH, K. L. SCHEPPELE, « Illiberalism within: rule of law backsliding in the EU », Cambridge Yearbook of European Legal Studies, n° 19, 2017, p. 9.

32 Voir le site de la Cour constitutionnelle hongroise (https://hunconcourt.hu/).

33 L. SOLYOM, « The rise and decline of constitutional culture in Hungary », in A. VON BOGDANDY, P.

SONNEVEND, Constitutional Crisis in the European Constitutional Aren, Theory, Law and Politics in Hungary and Romania, Hart Publishing, Oxford, 2015, p. 22.

34 P. OLIVER, M. WAELBROECK, « La crise de l’État de droit dans l’Union européenne : que faire ? », C.D.E., 2017/2, p. 308.

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11 judiciaire polonais et affaiblissant particulièrement l’indépendance et les pouvoirs du Tribunal constitutionnel35. Cette série de textes législatifs a « empêché cette juridiction d’exercer son activité de contrôle de constitutionnalité des actes juridiques en toute indépendance vis-à-vis des autorités législatives et exécutives »36. Une réforme des tribunaux ordinaires a également eu lieu, en 2017, conduisant à un contrôle des nominations et à l’octroi d’un pouvoir de révocation des juges et des présidents de tribunaux à l’exécutif37. Mais le coup de grâce à l’indépendance du pouvoir judiciaire fut donné par une loi de la même année prévoyant l’expiration du mandat d’un tiers des juges de la Cour suprême en juillet 201838, dont les effets furent suspendus, en octobre dernier, par une ordonnance de la Cour de justice39.

Les partis au pouvoir dans ces États mènent donc une politique « d’élimination systématique de tout contre-pouvoir ou source potentielle d’opposition »40. Celle-ci conduit non seulement à un bouleversement du principe de séparation des pouvoirs, mais également à un bafouement de la liberté d’expression des parlementaires de l’opposition.

Une autre implication de la prémisse populiste, selon laquelle la volonté du peuple est limpide et connue des dirigeants élus, est le rejet du débat. Dans cette logique, rien ni personne ne doit faire obstacle à la mise en œuvre politique de cette volonté. Cela conduit Guy Hermet à qualifier le populisme de fondamentalement « antipolitique », évinçant tout dialogue et se montrant hostile au pluralisme des idées41. Or, bien que les critiques à l’encontre du PiS se soient pour l’instant surtout focalisées sur le musellement du pouvoir judiciaire42, l’influence du modèle hongrois s’étend au-delà.

35 Lois du 20 novembre 2015 sur la nomination des juges du Tribunal constitutionnel et introduisant une durée limite des fonctions du Président et vice-Président du Tribunal et du 22 décembre 2015 permettant au Président de la République d’entamer une procédure disciplinaire à l’encontre des juges. Malgré des tentatives de résistance de la part de ce Tribunal face aux assauts du parti PiS (cf. T. KONCIEWICZ, « Bruised but not dead (yet): the Polish Constitutional Court has spoken », Verfassungsblog, 10 décembre 2015, disponible sur : http://verfassungsblog.de/bruised-but-notdead-yet-the-polish-constitutional-court-has-spoken-2, consulté le 20 novembre 2018), le gouvernement a « réussi à établir son contrôle » sur cet organe (P. OLIVER et M.

WAELBROECK, op.cit., p. 308).

36 A. MÉNARD, « Pologne : indépendance de la Justice et politisation du Tribunal constitutionnel », R.D.U.E., 1/2018, p. 135.

37 Cf. loi du 25 juillet 2017 qui a conduit à l’expiration des fonctions d’environ un tiers des Présidents des tribunaux de droit commun.

38 Loi du 8 décembre 2017 sur la Cour suprême. Cf. J. RUPNIK, op.cit., p. 184.

39 Ordonnance Commission c. Pologne, 19 octobre 2018, aff. C-619/18 R. Le gouvernement polonais, « à la surprise générale des observateurs, […] a obtempéré » et s’est conformé aux mesures ordonnées (W. ZAGORSKI,

« Commission/Pologne : la Cour de Luxembourg vient au secours des juges polonais », blog de Jus Politicum, 16 janvier 2019, disponible sur : http://blog.juspoliticum.com/2019/01/16/commission-pologne-la-cour-de- luxembourg-vient-au-secours-des-juges-polonais-par-wojciech-zagorski/#_ftnref7, consulté le 30 mars 2019).

40 L. PECH, S. PLATON, « Menace systémique envers l’État de droit en Pologne : entre action et procrastination », Fondation Robert Schuman, Question d’Europe, n° 451, 2017, p. 1.

41 G. HERMET, op.cit., p. 72.

42 La proposition de la Commission relative à la constatation d’un risque clair de violation grave des valeurs de l’Union européenne (COM(2017) 835 final) porte uniquement sur l’État de droit et sur la « défense de

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12 S’agissant du FIDESZ, il s’était empressé, à son arrivée au pouvoir, de diminuer la liberté d’expression de l’opposition parlementaire. Une loi de 2012 relative à l’Assemblée nationale hongroise a restreint les droits de l’opposition parlementaire43, en transférant notamment le pouvoir d’infliger des amendes d’un organe de composition paritaire vers la formation plénière de l’Assemblée, « où la majorité aurait la faculté de statuer sans débat »44. Le Parlement polonais a, de son côté, subi quinze modifications de son Règlement intérieur depuis les élections de 2015. Le Presidium du Parlement, dominé par le parti au pouvoir, peut depuis lors limiter le nombre de questions pouvant être posées pendant la première lecture d’une loi, ou réduire le salaire des membres du Parlement en cas de violation du Règlement45. En outre, des « pratiques abusives de la part de la majorité parlementaire », telles que la coupure du microphone de membres de l’opposition lors de débats ou l’interruption de votes sans base légale, ont été observées en Hongrie et en Pologne46.

Cette forme illibérale de démocratie conduit donc à un assujettissement des droits de l’opposition et de la liberté d’expression aux intérêts de la Nation. Le fait que ce modèle soit revendiqué et soutenu par une majorité du peuple hongrois et polonais n’impacte en rien le constat suivant : les matérialisations concrètes de ce mode de pensée populiste portent atteinte aux valeurs européennes défendues par le Conseil de l’Europe et l’Union européenne. Jacques Rupnik a-t-il alors raison de considérer que les seules limites à la poussée des populismes à l’Est du continent européen sont les « mobilisations ponctuelles de la société civile » et « la contrainte européenne »47 ? Tandis que les premières semblent de plus en plus fortes48, la seconde est plus incertaine et se met en place difficilement.

l’indépendance de la justice » (communiqué de presse du 20 décembre 2017, disponible sur : http://europa.eu/rapid/press-release_IP-17-5367_fr.htm, consulté le 30 janvier 2019).

43 Loi n° XXXVI relative à l’Assemblée nationale, article 48.

44 Selon l’argument avancé par les requérants, tel que retranscrit par la Cour européenne des droits de l’homme au paragraphe 87 de son arrêt Karácsony et autres c. Hongrie, rendu le 17 mai 2016 (req. n° 42461/13 et 44357/13).

45 Cf. « The Standing Orders of the Sejm of the Republic of Poland » (disponible sur : http://oide.sejm.gov.pl/oide/en/index.php?option=com_content&view=article&id=14798:the-standing-orders-of- the-sejm-of-the-republic-of-poland&catid=7&Itemid=361, consulté le 24 avril 2019).

46 A. VON NOTZ, « How to abolish democracy: electoral system, party regulation and opposition rights in Hungary and Poland », Verfassungsblog, 10 décembre 2018 (disponible sur : https://verfassungsblog.de/how-to- abolish-democracy-electoral-system-party-regulation-and-opposition-rights-in-hungary-and-poland/, consulté le 10 avril 2019).

47 J. RUPNIK, op.cit., p. 188.

48 « 2019 sera l’année de la résistance », selon Anna Donath, la vice-Présidente du parti d’opposition hongrois Momentum. Cette phrase, prononcée en décembre 2018 au cours de l’une des nombreuses manifestations organisées pour contester la loi dite « esclavagiste », témoigne d’un mouvement général de protestations contre le FIDESZ (Voir l’article d’Emma BESWICK, « Hungary ‘slave law’: Thousands protest in Budapest », 22 décembre 2018, disponible sur : https://www.euronews.com/2018/12/21/hungary-s-slave-law-budapest-braced- for-new-protests-tonight). Le mouvement de protestation s’est, en partie, concrétisé lors des dernières élections européennes, ce parti d’opposition ayant obtenu 9,89 % des voix, selon le site officiel du Parlement européen. En

(15)

13

II. Un contexte politique européen insatisfaisant

L’institution du Conseil de l’Europe exprimant les reproches les plus véhéments à l’égard de la Hongrie et de la Pologne, à savoir la Commission de Venise49, n’a pas de pouvoir contraignant et ne participe pas à l’activation du mécanisme de sanctions politiques prévu par le Statut de cette organisation. Tandis que l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne aurait également pu jouer un rôle important en matière de constatation de violations des valeurs de l’Union européenne – dont les droits fondamentaux font partie –, les États n’ont pas souhaité lui octroyer un tel pouvoir50. Comment fonctionnent, dès lors, les mécanismes de sanctions politiques des États, tant au sein de l’Union européenne (A) que du Conseil de l’Europe (B) ; et surtout, comment expliquer leur dysfonctionnement ?

A) Le blocage prévisible de la procédure de l’article 7 TUE

La pertinence, et même l’urgence, à activer le mécanisme de l’article 7 TUE51 à l’encontre de la Hongrie et de la Pologne étaient manifestes dès les premières attaques faites aux fondements du libéralisme politique. Les institutions européennes se sont pourtant montrées réticentes à déclencher la procédure qui y est énoncée. Or, s’il existe des limites issues de la rédaction même de l’article, la faiblesse de la contrainte exercée par l’Union européenne résulte davantage d’un manque de volonté politique.

Les limites du mécanisme sont apparues dès sa création, dans le Traité d’Amsterdam, lorsque l’article 7 ne prévoyait qu’une constatation de violation grave et persistante des valeurs par un État membre. L’absence de dispositif préventif a effectivement empêché toute réaction

Pologne, de nombreuses manifestations ont eu lieu, notamment au moment de l’adoption des réformes judiciaires, fin 2017.

49 La Commission européenne pour la démocratie par le droit, ou Commission de Venise, a émis dix-huit avis sur les réformes hongroises depuis l’arrivée du FIDESZ au pouvoir et cinq avis concernant les réformes polonaises, dont l’avis n° 833/2015 sur les amendements à la loi du 25 juin 2015 relative au Tribunal Constitutionnel de Pologne, adopté lors de sa 106ème session plénière (Venise, 11-12 mars 2016).

50 C. BLUMANN, L. DUBOUIS, Droit institutionnel de l’Union européenne, LexisNexis (6ème éd.), Paris, 2016 :

« Les États ont soigneusement évité toute immixtion de l’Agence dans la mise en œuvre éventuelle du mécanisme de sanction ‘politique’ de l’article 7 TUE », p. 163.

51 L’article 7 TUE prévoit une procédure sophistiquée permettant, in fine, de sanctionner un État membre en suspendant certains des droits découlant de l’application des traités. Pour activer les sanctions prévues au paragraphe 3 de l’article, une violation grave et persistante des valeurs visées à l’article 2 TUE doit être constatée par le Conseil européen, statuant à l’unanimité sur proposition d’un tiers des États membres ou de la Commission et après approbation du Parlement européen (paragraphe 2). Cette constatation peut être précédée, depuis l’entrée en vigueur du Traité de Nice, d’une constatation d’un risque clair de violation grave de ces valeurs par le Conseil de l’Union européenne, statuant à la majorité des quatre cinquièmes de ses membres après approbation du Parlement européen et sur proposition motivée d’un tiers des États membres, du Parlement européen ou de la Commission (paragraphe 1).

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14 fondée sur cet article à l’occasion de ce qui fut appelé la « crise autrichienne »52, les États membres n’ayant eu d’autre choix que d’adopter des mesures d’ordre diplomatique contribuant à l’isolement politique de l’Autriche. Bien que cette lacune fût comblée par l’ajout d’un paragraphe 1 à l’article 7 par le Traité de Nice, le mécanisme n’en devint pas plus efficace. Le problème n’est depuis lors plus le manque d’étape préventive, mais la « division des États membres »53 sur la question, empêchant de recueillir l’unanimité requise par le paragraphe 2 de l’article 7 TUE et, plus généralement, le soutien nécessaire à la poursuite de la procédure.

Ces limites attestent de la raison d’être de ce dispositif, qui n’a été prévu que comme un

« garde-fou »54, afin de démontrer la permanence de l’obligation de respecter les valeurs de l’Union. Son opérativité n’a donc été recherchée ni au moment de sa rédaction ni de sa modification, preuve en est de l’absence de définitions des notions de l’article, leur appréciation étant « avant tout d’ordre politique » et dépendant de la volonté d’instances de ce type55.

En l’occurrence, cette volonté politique semble manquer, ou du moins peine à s’exprimer. La Commission a longtemps été silencieuse face à la situation en Hongrie et n’a réagi que tardivement et de manière contreproductive s’agissant de la situation polonaise56. Le Parlement européen s’est, lui, très vite inquiété de la situation en Hongrie57, mais n’a proposé l’activation du paragraphe 1 de l’article 7 au Conseil qu’en septembre 2018, soit plus de huit ans après l’arrivée du FIDESZ au pouvoir et les débuts du phénomène de délitement démocratique en Hongrie. Les États membres ont à présent la possibilité, au sein du Conseil58, de constater l’existence d’un risque clairde violation grave des valeurs visées à l’article 2 TUE par ces deux États, et cela à la majorité des quatre cinquièmes des membres. Or, quand bien

52 En 1999, un parti d’extrême droite autrichien, le FPÖ, a accédé au pouvoir au sein du gouvernement de coalition.

Voir E. BRIBOSIA, O. DE SCHUTTER, T. RONSE, A. WEYEMBERGH, « Le contrôle par l’Union européenne du respect de la démocratie et des droits de l’homme par ses États membres : à propos de l’Autriche », J.D.E., 2000/3, pp. 61-64.

53 N. CARIAT, La Charte des droits fondamentaux et l’équilibre constitutionnel entre l’Union européenne et les États membres, Bruylant, Bruxelles, 2016, p. 800.

54 J.-P. JACQUÉ, Droit institutionnel de l'Union européenne, Dalloz (8ème éd.), Paris, 2015, p. 140.

55 J.-C. BARBATO, « Les garanties du respect des valeurs par les États membres », in L. POTVIN-SOLIS, Les valeurs communes dans l’Union européenne, Bruylant, Bruxelles, 2014, p. 94.

56 La Commission a souhaité emprunter la voie du dialogue (Communication « Un nouveau cadre de l’UE pour renforcer l’État de droit », op. cit.), ce qui a laissé le temps à la Pologne de consolider sa politique, selon Peter OLIVER et Michel WAELBROECK, op. cit., p. 321. En outre, après l’échec du dialogue, la Commission n’a pas dépassé sa timidité puisqu’elle a adressé sa proposition au Conseil au titre du paragraphe 1er de l’article 7 TUE, alors qu’une action fondée sur le paragraphe 2 aurait « symboliquement marqué la volonté de l’UE de passer au mode sanction » (S. BARBOU DES PLACES (dir.), « Chronique de droit de l’Union européenne », A.F.D.I., LXXX, 2017, p. 410).

57 Voir, à cet égard, le Rapport Tavares sur la situation en matière de droits fondamentaux en Hongrie adopté en 2013.

58 Le Conseil de l’Union européenne est une institution composée des ministres nationaux des États membres.

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15 même cette majorité semble atteignable, malgré le soutien exprimé par certains États membres à l’égard de ceux visés par les procédures, un tel vote ne semble pas d’actualité.

Aussi, l’article 7 TUE paraît symboliser davantage « le statut particulier dont les valeurs communes jouissent désormais dans le système juridique et politique de l'Union, qu'il ne constitue une protection réellement dissuasive »59 contre les violations de celles-ci. Que l’on explique l’impuissance d’un tel mécanisme par un manque de courage politique ou par la solennité de l’outil prévu par les États membres, cette impuissance n’en est pas moins réelle et problématique.

B) Les moyens limités du Conseil de l’Europe

L’article 8 du Statut du Conseil de l’Europe prévoit un mécanisme de sanctions politiques en cas de violation grave des valeurs posées à son article 3, pouvant aller de la suspension du droit de représentation de l’État partie jusqu’à « la sanction suprême de l’exclusion » du Conseil de l’Europe60. Cette « possibilité ou menace d’une suspension de la qualité de membre du ‘club démocratique’ est une arme que l’on ne saurait négliger dans l’arsenal de l’Organisation »61.

Seulement, de même que le blocage de l’article 7 TUE peut s’expliquer par la discordance entre les différentes institutions de l’Union quant à la mise en œuvre de ce mécanisme62, de même les initiatives tendant à l’exclusion d’un État membre du Conseil n’ont jamais abouti en raison des désaccords entre les différents organes impliqués63. Le Comité des ministres est une institution politique composée des ministres des Affaires étrangères de tous les États membres, ou de leurs délégués à Strasbourg. Or, l’imprécision des termes de l’article 8 du Statut offre une marge d’appréciation considérable à cet organe « aussi bien pour ce qui concerne la phase de qualification que pour ce qui concerne le déclenchement même de la sanction »64. Cette imprécision s’étend également aux modalités de vote en vertu desquelles ce

59 S. LABAYLE, « Les valeurs européennes (1992-2012). Deux décennies d'une union de valeurs », Revue québécoise de droit international, hors-série, décembre 2012, p. 58.

60 A. WEBER, Les mécanismes de contrôle non contentieux du respect des droits de l’homme, Thèse, Pedone, Paris, 2008, p. 262. L’État sera d’abord invité à se retirer par le Comité des Ministres, qui pourra, en cas de non- prise en compte de cette invitation, « décider que le Membre dont il s’agit a cessé d’appartenir au Conseil à compter d’une date que le Comité fixe lui-même » (Statut du Conseil de l’Europe, article 8).

61 A. DRZEMCZEWSKI, « La prévention des violations des droits de l’homme : les mécanismes de suivi du Conseil de l’Europe », R.T.D.H., 43/2000, p. 393.

62 Voir le document du service juridique du Conseil du 27 mai 2014 intitulé « la communication de la Commission intitulée ‘Un nouveau cadre de l’UE pour renforcer l’État de droit’ : compatibilité avec les traités » (n° 10296/14), dans lequel cette institution dénonce l’atteinte au principe d’attribution des compétences par la Commission.

63 A. WEBER, op. cit., pp. 260-261.

64 M. AILINCAI, Le suivi du respect des droits de l’homme au sein du Conseil de l’Europe, Contribution à la théorie du contrôle international, Pedone, Paris, 2012, p. 317.

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16 Comité pourra mettre en œuvre le mécanisme, la règle de l’unanimité semblant ici inadaptée, mais étant pourtant considérée comme légitime par certains représentants nationaux. Alors que ces ambiguïtés pourraient jouer en faveur de l’activation de ce dispositif, on observe un processus inverse puisqu’il n’a jamais été déclenché, malgré les propositions de l’Assemblée parlementaire et les menaces émises par le Comité des ministres65.

L’Assemblée parlementaire, qui est « l’organe délibérant » du Conseil de l’Europe66, a donc privilégié des mesures alternatives afin de dépasser cet obstacle. Elle a tout d’abord conçu un moyen détourné de sanctionner les États violant les valeurs de son organisation, en refusant de valider les pouvoirs de leur délégation ou en suspendant leur droit de représentation à l’Assemblée67. Elle a également mis en place un contrôle préventif des États, par le biais de la procédure de suivi créée en 1993, initialement à l’intention des États ayant récemment adhéré à l’organisation, et limitée au contrôle des engagements pris par ces États au moment de leur adhésion68. Des résolutions ultérieures de l’Assemblée parlementaire ont étendu cette technique de « monitorage »69 à tous les États membres70. L’institutionnalisation de la procédure de suivi a eu lieu en 1997, par la création d’une Commission permanente de suivi71, chargée d’effectuer ce contrôle non-contentieux. Si un rapport consacré au « fonctionnement des institutions démocratiques en Pologne » est en cours d’élaboration devant la Commission de suivi depuis le 27 mai 2016, c’est seulement depuis le 4 avril 2019 que la situation en Hongrie fait l’objet d’une évaluation72. L’aboutissement de ces procédures est en outre incertain, puisque même en cas de constatation d’un manquement de la Pologne ou de la Hongrie à leurs engagements, le fait de considérer de tels engagements comme « [découlant] des valeurs fondamentales de l’Organisation » et leur irrespect comme appelant une sanction sur la base de l’article 8 du

65 La seule fois où le Comité était résolu à activer l’article 8, en réaction au régime des colonels en Grèce, en 1969, cette volonté a été « court-circuitée par la décision des autorités grecques de se retirer de l’Organisation […] juste avant que la décision de suspension ne soit prise », A. DRZEMCZEWSKI, op.cit., p. 393.

66 Statut du Conseil de l’Europe, article 22.

67 Voir, par exemple, la suspension du droit de représentation à l’Assemblée de la délégation russe en 2014, en réaction aux agissements de la Russie à l’égard de l’Ukraine et à l’annexion de la Crimée (https://www.euractiv.fr/section/l-europe-dans-le-monde/news/le-conseil-de-l-europe-sanctionne-la-russie/, consulté le 16 février 2019). Voir aussi P. ROTER, « Russia in the Council of Europe: Participation à la carte », in L. MÄLKSOO, W. BENEDEK (dir.), Russia and the European Court of Human Rights. The Strasbourg effect, Cambridge University Press, Cambridge, 2018, pp. 26-56.

68 Directive n° 488, appelée Directive Halonen du nom de son auteur et adoptée le 29 juin 1993 par l’Assemblée.

69 J. MALENOVSKY, « Suivi des engagements des États membres du Conseil de l’Europe par son Assemblée parlementaire : une course difficile entre droit et politique », A.F.D.I., XLIII, 1997, p. 637.

70 La Résolution 1031 (1994) et la Directive n° 508 (1995).

71 Résolution 1115 (1997).

72 Cf. liste des rapports en préparation au sein de la Commission de suivi, disponible sur le site de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (http://website-pace.net/documents/10643/59254/RepPrepMON- F.pdf/24120e5a-c596-476b-b995-9c53a6ee6e7f, consulté le 16 février 2019).

(19)

17 Statut dépendra entièrement du Comité des ministres73. Ces éléments conduisent Andrew Drzemczewski à douter de la pertinence des outils mis à la disposition du Conseil de l’Europe

« pour consolider l’État de droit et prendre les mesures préventives nécessaires à un ‘suivi’

adéquat des violations des droits de l’homme »74.

Les réactions des institutions politiques européennes face aux deux États membres en cause manquent donc de vigueur et de célérité. Cela peut avoir pour conséquence d’encourager d’autres États à emprunter la voie de l’illibéralisme, et d’inciter les partis au pouvoir en Hongrie et en Pologne à s’y inscrire durablement.

Tel est le cadre – national et européen – dans lequel le contentieux des juridictions européennes s’inscrit. À ce stade, on peut s’interroger sur la manière dont ces cours abordent les questions liées aux externalités négatives du populisme75. Il s’agira d’examiner la façon dont les juges de Strasbourg et de Luxembourg réagissent face à des États qui – bien que n’ayant pas été sanctionnés politiquement – adoptent des politiques dont les conséquences concrètes font l’objet de contentieux devant leur cour.

Le terme « contentieux » est issu du latin contentio, renvoyant à l’idée de tension, d’effort et de lutte76. Alors que cette lutte se matérialise communément par un conflit entre les deux parties au litige, ce qui nous intéressera dans le cadre de cette étude est plutôt la façon dont les cours elles-mêmes prennent part au conflit afin de protéger le système qui les porte.

Aussi, nous nous demanderons comment les cours européennes répondent à des mesures ouvertement attentatoires aux valeurs de leur organisation respective. Au fil de ces pages, la place du droit – et plus précisément de celui appliqué par les deux juridictions transnationales – face à ce phénomène sera questionnée. Cela reviendra à se demander si la frontière entre les sphères du droit et de la politique résiste à un processus ayant des conséquences globales et mettant en péril – à terme – la survie même des organisations européennes envisagées.

Le décalage entre les réponses apportées par les deux cours aux réformes mises en place par les gouvernements hongrois et polonais sera étudié à la lumière des particularités de leur système respectif (Première partie). Nous analyserons ensuite les signes d’un rapprochement des réactions judiciaires en la matière, afin de questionner l’avènement d’un contentieux illibéral (Seconde partie).

73 M. ALINCAI, op. cit., p. 322.

74 A. DRZEMCZEWSKI, op. cit., p. 387.

75 Le terme « externalité » appartient au champ économique et désigne un effet secondaire, ou la retombée extérieure, d’une activité principale (définition du site Universalis, disponible sur : https://www.universalis.fr/encyclopedie/externalite-economie/, consulté le 22 février). Appliqué au populisme, il renvoie aux matérialisations concrètes de ce phénomène.

76 A. REY, Dictionnaire historique de la langue française, op. cit., p. 548.

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18

PREMIÈRE PARTIE – DEUX COURS, DEUX APPROCHES

Les juridictions européennes sont génétiquement différentes, en ce qu’elles sont le reflet du système qui les porte. Par système, nous entendons, pour la Cour européenne des droits de l’homme, « l’ensemble juridique constitué par le texte conventionnel […] et le mécanisme de contrôle mis en place pour en contrôler le respect »1 ; et pour la Cour de justice, l’ordre juridique de l’Union européenne. Si la Cour de Luxembourg est l’organe judiciaire de l’Union, la Cour de Strasbourg n’est pas celle du Conseil de l’Europe. Ce dernier n’est que l’organisation régionale sous les auspices de laquelle la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (ci-après Convention EDH) a été conclue2. Il est ainsi plus pertinent d’analyser la relation que la Cour entretient avec la Convention dont elle doit garantir le respect.

Les systèmes conventionnels et communautaires ont des ambitions et des fonctions distinctes.

Ces dissemblances se répercutent dans la manière dont les cours peuvent – en théorie –, et réagissent – en pratique – aux violations des valeurs imputables à la Hongrie et la Pologne.

L’examen portera donc sur l’écart entre les approches qu’ont ces juridictions du phénomène illibéral, tout autant inédit que durable. La procédure joue, à cet égard, un rôle clé puisqu’elle dicte et distingue le contentieux se présentant devant elles (Titre I). Les objectifs poursuivis par chaque système ont également une incidence sur la jurisprudence des deux cours (Titre II).

Titre I – Des procédures propres à chaque Cour

Les États peuvent saisir aussi bien la Cour de Strasbourg que la Cour de Luxembourg aux fins de faire constater le manquement d’un autre État à ses obligations3. En pratique, les États se montrent toutefois réticents à s’attaquer entre eux et ne le font que lorsque des questions politiques majeures et les concernant directement sont en jeu4. Le contentieux relatif à l’atteinte au pluralisme politique et à l’indépendance de la justice se matérialise ainsi par des recours émanant soit de la Commission européenne et des juridictions nationales – devant la Cour de justice (Chapitre I), soit d’individus – devant la juridiction strasbourgeoise (Chapitre II).

1 B. DELZANGLES, Activisme et autolimitation de la Cour européenne des droits de l’homme, Thèse, L.G.D.J., Paris, 2009, p. 11.

2 Pour la particularité et l’importance de celle-ci au sein du Conseil de l’Europe, voir notamment J.-S. BERGÉ, S.

ROBIN-OLIVIER, Droit européen. Union européenne, Conseil de l’Europe, Thémis (2ème éd.), Paris, 2011, pp.

204-207.

3 Article 259 TFUE pour la Cour de justice ; et article 33 de la Convention EDH.

4 Ce type de recours a été intenté, devant la Cour EDH, notamment dans le cadre de conflits armés entre États.

(21)

19

Chapitre I – Des recours aux potentialités multiples devant la Cour de justice de l’Union européenne

Plusieurs types de recours peuvent être introduits devant la Cour de justice. Nous limiterons notre analyse au recours en manquement (I) et au renvoi préjudiciel (II), puisqu’ils constituent les deux procédures capables de traiter des situations de violations systémiques des valeurs de l’Union commises par les États illibéraux. Bien qu’étant très différentes, ces procédures ont le point commun de pouvoir, toutes deux, s’accompagner de modalités particulières ; que la Cour de justice a su exploiter.

I. Le recours en manquement orchestré par la Commission européenne

La Commission européenne est la « gardienne » du droit de l’Union européenne : elle a pour mission de surveiller l’application des dispositions de cet ordre juridique5. Le recours en manquement, qui vise la mise en cause d’un État membre en cas de manquement à l’une ou plusieurs de ses obligations6, constitue son outil principal pour mener à bien cette fonction. Une évolution est notable dans la manière dont la Cour fait usage de cette procédure : autrefois plus timorée, elle a récemment été plus audacieuse, en cumulant les prérogatives dont elle dispose (A), et en moralisant son approche (B).

A) Le cumul des prérogatives de la Cour de justice

Les arrêts rendus par la Cour à la suite d’un recours en manquement sont déclaratoires, cette juridiction ne pouvant prononcer aucune mesure d’injonction à l’encontre de l’État ayant manqué à ses obligations7. Ces limites au pouvoir du juge de l’Union sont atténuées en amont par la prise de mesures provisoires, et en aval par le recours en manquement sur manquement.

Ce dernier, créé par le Traité de Maastricht, permet à la Commission, en cas d’inexécution d’un arrêt en manquement par un État membre, de saisir la Cour afin de faire condamner l’État au paiement d’une somme forfaitaire ou d’une astreinte8 – jusqu’à ce que l’État obtempère. La Cour de justice peut également, à l’occasion d’une affaire pendante devant elle, ordonner à un

5 Article 17, paragraphe 1, TUE.

6 Article 258 TFUE.

7 Article 260, paragraphe 1, TFUE.

8 Article 260, paragraphe 2, alinéa 2, TFUE.

(22)

20 État membre de prendre des mesures provisoires en l’attente du jugement sur le fond9 ; mesures qui ne pourront en aucun cas se retrouver dans son jugement définitif10. Le caractère intrusif d’une telle technique dans le droit national des États membres – ces mesures prenant le plus souvent la forme d’une suspension des dispositions nationales litigieuses – explique la prudence dont la Cour de justice fait preuve à son égard11.

La juridiction luxembourgeoise a su user de toutes les potentialités du recours en manquement dans une affaire a priori assez anodine de manquement au droit de l’environnement par la Pologne. Dans son ordonnance relative à l’affaire de la forêt Białowieska12, la Cour, réunie en Grande chambre, a innové en cumulant la technique de l’astreinte et celle des mesures provisoires13. Alors que la Pologne était mise en cause pour ses opérations de gestion de la forêt, la Cour a prononcé – pour la première fois dans le cadre de la procédure de référé – des mesures d’astreinte14. Une motivation classique d’une telle extension des pouvoirs de la Cour se serait bornée à rappeler la marge d’appréciation conférée au juge par l’article 279 TFUE en matière de mesures provisoires et aurait mis l’accent sur la nécessité de garantir l’efficacité de telles mesures. Or, si la Cour a effectivement invoqué ces arguments (§

99), elle a également eu recours à l’article 2 TUE et à la valeur d’État de droit qui y est consacrée15. Cette innovation, doublée d’une telle motivation, peut être interprétée comme une manière, pour la Cour, d’envoyer un « signal à la Pologne »16. Elle est également le reflet de l’importance que la Cour de justice entend donner à la protection des valeurs de l’Union.

B) L’approche axiologique de la Cour de justice

La Cour de justice a eu l’occasion de faire usage de ses prérogatives dans le contexte particulier des mesures attentatoires à l’indépendance de la justice prises par le parti Droit et Justice. Le 2 octobre 2018 fut intentée une action contre la République de Pologne par la Commission, en raison de l’adoption de la loi du 8 décembre 2017 relative à la Cour suprême.

Il est à cet égard intéressant de noter que la Pologne fut soutenue, dans cette procédure, par la

9 Article 279 TFUE.

10 L. PRETE, B. SMULDERS, « The coming of age of infringement proceedings », Common Market Law Review, n° 47, 2010, p. 40.

11 Ibid.

12 C.J.U.E., Commission c. Pologne, 17 avril 2018, aff. C-441/17.

13 S. BARBOU DES PLACES (dir.), « Chronique de droit de l’Union européenne », op. cit., pp. 410-411.

14 C.J.U.E., Ordonnance Commission c. Pologne, 20 novembre 2017, aff. C-441/17 R, § 118.

15 Ibid. : « Le fait de faire respecter par un État membre les mesures provisoires adoptées par le juge des référés, en prévoyant l’imposition d’une astreinte en cas de non-respect de celles-ci, vise à garantir l’application effective du droit de l’Union, laquelle est inhérente à la valeur de l’État de droit », § 102.

16 S. BARBOU DES PLACES (dir.), op. cit., p. 411.

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