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Dépistage de la carence martiale

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Academic year: 2022

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Dépistage de la carence martiale

Étude observationnelle sur la pratique des médecins généralistes

Introduction

La carence martiale (CM) est la plus fréquente des carences nutritionnelles.

Trente pour cent de la population mondiale souffre d’anémie, et dans la moitié des cas elle est liée à une carence en fer[1]. Le fer est nécessaire au fonctionnement de nombreux processus enzymatiques, de mécanismes cellulaires, à la synthèse d’ADN, et au métabolisme mitochondrial[2]. Ceci explique pourquoi la carence martiale, même sans anémie, est impliquée dans de nombreux symptômes tels que la fatigue [3-5], des troubles cognitifs[6], des troubles psychiatriques tels que l’anxiété et la dépression [3, 7], des anomalies des phanères[8], d’autres atteintes dermatologiques, et le syndrome des jambes sans repos[9].

On distingue deux grands types de CM, absolue et fonctionnelle[2]. La CM absolue est définie par un stock en fer bas ou épuisé, soit par défaut d’apport, soit par augmentation des pertes en fer. La CM fonctionnelle est définie par une utilisation inadéquate du fer : les réserves martiales sont préservées, voire augmentées, mais non mobilisables pour les différentes fonctions métaboliques, dont l’érythropoïèse. La CM fonctionnelle est retrouvée dans certaines pathologies aiguës ou inflammatoires, où l’hepcidine hyposidérémiante joue un rôle clé. En effet l’hepcidine limite les sorties extracellulaires de fer en inhibant l’activité des ferroportines, l’absorption digestive du fer au niveau des entérocytes, et le recyclage du fer héminique en bloquant la sortie du fer au niveau des macrophages. Elle augmente en cas d’insuffisance rénale et d’inflammation aigue ou chronique. Cela explique qu’en cas de syndrome inflammatoire, il existe une carence martiale fonctionnelle (coefficient de saturation de la transferrine [CST] diminué) bien que la ferritinémie soit augmentée[10].

Ainsi, certains sujets sont particulièrement à risque de CM tels que les femmes non ménopausées, les donneurs de sang, les patients présentant des saignements, les patients végétariens, ou en cas de syndrome inflammatoire.

Certains patients sont plus à risque de complications en cas de CM, même en l’absence d’anémie, comme les personnes insuffisantes cardiaques (IC)[11], insuffisantes rénales chroniques (IRC) [12], ayant un cancer [13], les sujets âgés.

La définition biologique de la CM n’est pas consensuelle, les normes inférieures varient d’un laboratoire à l’autre et selon les sociétés savantes [14], même si la CM est classiquement définie lorsque la ferritinémie est 30mg/L. Certains distinguent les patients ayant des réserves en fer épuisées (ferritine 15mg/L) de ceux ayant des réserves faibles (ferritine entre 15- 30mg/L). Dans certains cas la ferritinémie n’est pas interprétable. Le dosage simultané du fer sérique et de la transferrine permet alors le calcul du CST pour rechercher une CM. En cas de syndrome inflammatoire, une ferritinémie 100mg/L avec un CST 15 % sont retenus pour définir la CM. En cas d’IRC et d’IC, une ferritinémie 100mg/L avec un CST20 % définissent la CM[14, 15].

La loi de santé publique de 2004 a fixé comme objectif de diminuer la prévalence de l’anémie ferriprive. L’étude Nationale Nutrition Santé (ENNS)

Étude originale

RECHERCHE

ÉDECINE

Auriane Cabannes1, Lucie Biard2,3,4, Patrice Cacoub5,6,7,8

1Departement de Medecine Generale, Universite Paris Descartes, Paris auriane.cabannes@gmail.com

2AP-HP, Hôpital Saint Louis, Service de Biostatistique et Information Medicale, Paris

3INSERM, UMRS 1153, ECSTRA team, F-75010, Paris

4Universite Paris Diderot, Paris

5Sorbonne Universite, UPMC Univ Paris 06, UMR 7211, and Inammation- Immunopathology-Biotherapy Department (DHU i2B), Paris

6INSERM, UMR_S 959, Paris

7CNRS, FRE3632, Paris

8AP-HP, Groupe Hospitalier Pitie-Salpêtrière, Department of Internal Medicine and Clinical Immunology, Paris

Tires à part : A. Cabannes

Résumé

La carence martiale (CM) est le déficit nutritionnel le plus fréquent au monde. Les médecins généralistes (MG) prescrivent la majorité des bilans mar- tiaux. Nous avons mené une étude observationnelle chez des MG en Ile- de-France afin de décrire le choix des marqueurs biologiques prescrits dans le dépistage de la CM, déterminer la prévalence de CM dépistée par les MG, étudier les facteurs associés à la pres- cription d’un bilan martial, et étudier les facteurs associés à la présence d’une CM. La prévalence de CM dépistée par les médecins généralistes était de 39 %, (IC95 % : 31-47). Notre étude montre une mauvaise utilisation du coefficient de saturation de la trans- ferrine (CST), ainsi qu’un défaut de prise en compte des pathologies et facteurs de risque associés à la CM.

Mots clés

anémie ferriprive ; diagnostic ; médecins de médecine générale.

Abstract. Screening for iron deficiency:

Observational study on the practice of general practitioners

Iron deficiency (ID) is the most common nutritional deficiency with an estima- ted prevalence of 15,6% in France in 2006. No study has yet focused on general practitioners (GP) practice in ID screening. We performed an observa- tional descriptive multicenter study to describe the biomarkers used by GP in

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ID screening, to determine ID preva- lence rate among patients screened by their GP, to analyze main factors associated with iron tests prescriptions, and to analyze main factors associated with ID. ID prevalence was 39% (95%

CI: 31- 47). Our study shows an inad- equate use of TSAT, as well as a lack of consideration by GPs for underlying diseases and risk factors known to be associated with ID.

Key words

anemia, iron deficiency; diagnosis;

general practitioner.

DOI:10.1684/med.2019.392

réalisée en France en 2006 estimait la prévalence de la CM dans la population générale à 15,6 %[16]. Une augmentation des prescriptions des marqueurs du métabolisme du fer observée entre 2000 et 2008 a conduit la Caisse Primaire d’Assurance Maladie et le Ministère de la Santé à demander à la Haute Autorité de Santé (HAS) un rapport permettant un choix raisonné des examens explorant la CM. Les recommandations de la HAS publiées en 2011, permettent de guider les médecins dans le choix des marqueurs biologiques [14]. L’enquête SUPFER réalisée en 2011 a étudié la perception de la CM par différentes spécialités médicales, mais n’a inclus aucun médecin généraliste (MG) : 86% des médecins déclaraient suivre des patients présentant une carence martiale, 61 % ne la recherchaient qu’en cas d’anémie avérée[17].

Aucune recommandation n’existe sur la prise en charge de la CM sans anémie. Aucune étude n’a été réalisée chez les MG, qui représentaient pourtant 74 % des prescripteurs de bilans martiaux en 2008[14].

Les objectifs de notre étude étaient de :

– décrire le choix des marqueurs biologiques prescrits par les MG dans le dépistage de la CM ;

– étudier les facteurs associés à la décision de prescription d’un bilan martial ;

– déterminer la prévalence de CM dépistée par les MG ;

– étudier les facteurs associés à la présence d’une CM dans cette population.

Patients et méthodes

Une étude observationnelle descriptive prospective multicentrique a été menée dans plusieurs cabinets de médecine générale d’Île-de-France. L’étude présentait deux volets, un auto-questionnaire rempli par les patients et le recueil des résultats des bilans martiaux prescrits par les MG selon leurs pratiques habituelles(figure 1).

L’auto-questionnaire a été élaboré après analyse de la bibliographie existante sur la carence martiale. Il a été relu par un médecin interniste spécialiste de la carence martiale, un médecin analyste, et un médecin généraliste universitaire. Celui-ci a ensuite été testé chez plusieurs patients puis adapté après recueil de leurs avis avant diffusion. L’auto-questionnaire à remplir par le patient était soit disponible en salle d’attente, soit distribué systématiquement par le secrétariat, soit proposé aux patients qui se voyaient prescrire un bilan martial. Il comprenait plusieurs parties portant sur les caractéris- tiques du patient (âge, sexe, index de masse corporelle [IMC], niveau d’étude) ; les antécédents de CM, d’anémie ou de supplémentation martiale, et en cas de réponse affirmative il était demandé si cette situation était liée à une grossesse ; la présence de facteurs de risque de CM (dons du sang, pratique sportive intense, mode d’ali- mentation, saignements extériorisés, score d’évaluation d’abondance des menstruations) ; la présence de patho- logies à risque de CM (rhumatismes inflammatoires, maladies inflammatoires chroniques de l’intestin [MICI], maladieœso-gastro-duodénale, chirurgie récente, ano- rexie) ou à risque de complications en cas de carence martiale (IRC, IC, cancer) ; et la présence de symptômes pouvant être associés à une CM (notamment score MFI-20 pour la fatigue).

La CM était définie par une ferritinémie30mg/L. En cas de syndrome inflammatoire, la CM était définie par une

ferritinémie100mg/L avec un CST15 %. En cas d’IRC et d’IC, la CM était définie par une ferritinémie100mg/L avec un CST20 %.

Tous les patients âgés de 18 ans ou plus pouvaient être inclus. Les patients ne pouvant pas répondre à l’auto- questionnaire étaient exclus. L’information était orale et/

ou écrite, et le consentement oral du patient était nécessaire.

Les variables quantitatives sont décrites avec la médiane (intervalle interquartile), et les variables qualitatives avec les effectifs et pourcentages. Les caractéristiques asso- ciées à la présence d’une CM ont été étudiées à l’aide du test des rangs de Wilcoxon pour les variables continues et du test exact de Fisher pour les variables discrètes. Les caractéristiques associées à la prescription d’un bilan martial ont été évaluées à l’aide de modèles linéaires généralisés mixtes avec un effet aléatoire sur le MG afin de tenir compte de la corrélation intra-médecin. Les tests étaient bilatéraux et un degré de signification (p)<0,05 était considéré comme significatif. Cette étude a reçu le soutien du comité Harmothèse : cette plateforme regroupant plusieurs Départements de Médecine Géné- rale d’Ile-de-France permet de valoriser et diffuser les projets de recherche retenus. Une autorisation de la CNIL a été délivrée après validation du protocole.

Résultats

L’étude s’est déroulée entre juillet 2016 et mai 2017, chez 13 MG dont 8 avaient des activités de maître de stage universitaire (MSU), répartis dans 5 départements d’Ile- de-France. L’âge des MG allait de 34 à 69 ans. Le nombre moyen mensuel de bilans martiaux prescrits variait de 0,5 à 8,5. La probabilité de prescription d’un bilan martial n’était pas associée à la durée de participation, au mode d’exercice, ou au sexe du MG.

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Parmi les 662 questionnaires analysés(figure 2), 49 % des patients déclaraient un antécédent de CM, 25 % un antécédent d’anémie, et 32 % de ces situations (passées ou actuelles) étaient liées à une grossesse. Si l’on considère les facteurs de risque de CM : 399 (60 %) patients déclaraient présenter 1 facteur de risque, et 144 (22 %) patients en présenter 2. Les symptômes associés à la CM étaient très fréquents : anomalie des cheveux (44 %), anomalie unguéale (33 %), et syndrome des jambes sans repos (21 %).

Facteurs associés à la décision de prescription de bilan (tableau 1)

Les MG prescrivaient significativement plus de bilans martiaux chez les femmes que chez les hommes, en cas d’antécédent de CM ou d’anémie, chez les végétariens, et chez les patients dont le niveau d’étude était bas.

Il y avait une tendance à la prescription de bilan martial avec l’augmentation du score de menstruations. Les patients qui déclaraient une fatigue générale ou une fatigue physique plus importante au MFI-20, un syn- drome des jambes sans repos ou une labilité émotion-

nelle, avaient significativement plus de bilans martiaux prescrits.

Marqueurs biologiques choisis et résultats des bilans martiaux

La ferritinémie, un hémogramme et une numération plaquettaire (NFS-plaquettes) ont été prescrits pour la totalité des bilans. Le CST a été prescrit quatre fois et le fer sérique de manière isolée 5 fois. Pour les marqueurs de l’inflammation, le dosage de la CRP a été réalisé dans 50 % des cas, et la vitesse de sédimentation (VS) pour 19 %. Parmi les 152 résultats de bilans martiaux analysés, 59 patients (39 % ; IC95 % : 31-47) avaient une CM certaine (ferritinémie30mg/L), et 26 patients (17 % ; 12-24) une CM sévère (ferritinémie15mg/L).

Les femmes étaient plus carencées que les hommes (p = 0,045). Les patients étaient plus jeunes dans le groupe carencé vs. le groupe non carencé (p < 0,0001). La présence d’une CM était associée à la présence d’une anémie (p = 0,002), et chez les 28 patients avec anémie, 64 % avaient une CM. Le VGM était diminué significa- tivement en cas de CM sévère (p = 0,001), avec un VGM à 87m3(vs.91m3en l’absence de carence sévère).

Groupe 2 + Groupe 3 :

- Facteurs associés à la prescription d’un bilan martial (caractéristiques des patients, facteur de risque, symptômes)

Groupe 1 + Groupe 2 : - Description du type de bilan prescrit - Prévalence de carence martiale dépistée par les médecins généralistes

Groupe 2 :

- Facteurs associés à la présence d’une carence martiale (caractéristiques des patients, facteur de risque, symptômes)

Groupe 3:

- Pas de bilan martial prescrit - Réponse à l’auto-questionnaire Groupe 1 :

- Bilan martial prescrit

- Pas de réponse à l’auto-questionnaire

Groupe 2 : - Bilan martial prescrit

- Réponse à l’auto-questionnaire Patients consultant le médecin généraliste

ANALYSE DES DONNÉES

Figure 1.Schéma de létude.

Étude originale|Dépistage de la carence martiale

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Pour 11 (7 %) bilans, il n’était pas possible de conclure à l’existence d’une CM en l’absence du CST, car il existait un syndrome inflammatoire (CRP>5 mg/L) ou une insuffi- sance cardiaque.

Facteurs associés à la présence d ’ une carence martiale.

L’IMC était plus faible dans le groupe carencé (p = 0,029). Le fait d’avoir1 facteur de risque de CM est plus souvent trouvé dans le groupe « carencé » vs. « non carencé » même si la différence n’est pas significative (71 % vs.

54 % ; p = 0,16). L’alopécie était le seul symptôme qui était significativement plus fréquent chez les patients carencés (p = 0,038). Pour certains symptômes tels que le score de fatigue, la labilité émotionnelle, les troubles de la libido, il y avait une tendance (non significative) à la présence de symptômes en cas de CM. En cas de CM sévère (ferritine 15mg/L) (tableau 2), tous les symptômes étaient plus fréquents, avec une différence significative pour le score total du MFI-20, de fatigue générale, de fatigue motiva-

tionnelle, et la présence d’une alopécie. Plus le score de menstruations était élevé plus les patientes avaient un risque de CM sévère.

Discussion

Choix des marqueurs biologiques prescrits en cas de suspicion de carence martiale.

Les MG ont intégré la recommandation de la HAS de 2011, avec une prescription de la ferritinémie pour la totalité des bilans martiaux. Par contre, le CST a été très peu prescrit, alors que pour 7 % des bilans où l’on ne pouvait conclure quant à la CM, une prescription du CST aurait été utile. Chez les patients atteints de syndrome inflammatoire, de maladie rénale ou hépatique, d’infec- tion ou de cancer, la ferritinémie est souvent augmentée

Questionnaires incomplets exclus n = 73

Carence martiale n = 39 Pas de carence

n = 40

Carence incertaine n = 6 Résultats non disponibles n = 30 Prescription incertaine

n = 80

Résultats disponibles n = 85 Bilan martial prescrit

n = 115 Questionnaires remplis

n = 735

Pas de bilan prescrit n = 467

Résultats disponibles n = 67

Carence incertaine n = 5 Carence martiale

n = 20 Pas de carence

n = 42

Bilan prescrit sans questionnaire n = 80

Résultats non disponibles n = 13

Figure 2.Questionnaires analysés.

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sans rapport avec une augmentation du stock en fer ; dans ces situations fréquentes, la ferritinémie normale ou augmentée n’exclut pas une CM[14, 18].

Prévalence de carence martiale dépistée par les médecins généralistes.

La prévalence importante de la CM dans notre étude (39 % ; 31-47), supérieure à la prévalence connue de CM, peut illustrer la capacité des MG à cibler des patients à risque de CM y compris sans anémie. La présence d’une CM était significativement associée à la présence d’une

anémie (p = 0,002), mais seuls 31 % des patients qui présentaient une CM avaient une anémie. Dépister la CM sans anémie permet une stratégie de prévention de l’anémie. La carence martiale, même sans anémie, peut être responsable de symptômes et de complications, ce qui justifie son dépistage en pratique clinique.

Décision de prescription d ’ un bilan martial, selon l ’ association connue à la carence martiale

Les participants de l’étude prescrivent plus de bilans martiaux aux femmes, qui étaient significativement plus Tableau 1.Caractéristiques des patients en fonction de la prescription dun bilan martial.

Variable Total Pas de bilan Bilan prescrit p

Nb. de patients 582 467 (80) 115 (20)

Âge (années) 32 (25-47) 30 (25-45) 38 (28-51) 0,37

Sexe féminin 463 (80) 357 (76) 106 (92) <0,0001

IMC (kg/m2) 22 (21-25) 22 (21-25) 22 (20-26) 0,91

Niveau d’études : 0,0004**

Primaire 9 (2) 6 (1) 3 (3)

Brevet 36 (6) 29 (6) 7 (6)

Baccalauréat 63 (11) 48 (10) 15 (14)

Études supérieures 461 (81) 378 (82) 83 (77)

Antécédent de carence martiale 231 (49) 160 (43) 71 (72) <0,0001

Antécédent d’anémie 117 (25) 77 (21) 40 (44) <0,0001

Antécédent de supplémentation en fer 222 (39) 149 (33) 73 (65) <0,0001

Liée à une grossesse 51 (28) 35 (29) 16 (26)

Dons de sang 72 (12) 66 (14) 6 (5) 0,13

Si donneur, nombre de fois dans l’année 2 (1-3) 2 (1-3) 2 (1-3)

Pratique sportive3 fois/semaine 154 (27) 127 (27) 27 (24) 0,93

Régime alimentaire 0,014

Normal 527 (91) 430 (92) 97 (85)

Végétarien 48 (8) 31 (7) 17 (15)

Végétalien 6 (1) 6 (1) 0 (0)

Thé ou café4/jour 169 (29) 137 (29) 32 (28) 0,62

Saignements 58 (10) 51 (11) 7 (6) 0,025

IRC 3 (1) 3 (1) 0 (0) 0,39

Anorexie 4 (1) 3 (1) 1 (1) 0,37

MICI 10 (2) 7 (2) 3 (3) 0,47

Maladieœso-gastroduo-dénale 35 (6) 26 (6) 9 (8) 0,80

Insuffisance cardiaque 9 (2) 6 (1) 3 (3) 0,68

Rhumatismes ou maladie auto-immune 20 (4) 14 (3) 6 (5) 0,79

Cancer 9 (2) 8 (2) 1 (1) 0,33

Chirurgie<3 mois 18 (3) 15 (3) 3 (3) 0,94

Résultats exprimés sous forme de médiane (Q1-Q3) ou effectif n (%). * ND (effectif) (total/pas de bilan/bilan) : Niveau d’études (13/6/7).

Antécédent CM (114/97/17). CM actuelle (235/173/62). Antécédent anémie (118/93/25). Anémie actuelle (185/132/53). Antécédent supplémentation (18/16/2). Supplémentation actuelle (14/12/2). Type supplémentation (8/2/6). Grossesse (7/6/1). Dons (1/0/1). Sport (154/127/27). Alimentation (1/0/1).

Thé ou café (1/0/1). Saignements (4/2/2). IRC (8/6/2). Anorexie (9/8/1). MICI (21/14/7). Maladie OGD (22/17/5). Insufsance cardiaque (13/9/4).

Rhumatismes ou MAI (14/12/2). Cancer (4/3/1). Chirurgie (1/0/1). **Test de répartition.

Étude originale|Dépistage de la carence martiale

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carencées que les hommes, ce qui rejoint les résultats de l’ENNS de 2006[16]. La CM était plus fréquente chez les patients jeunes (p<0,0001), probablement du fait d’une prévalence élevée de CM chez les femmes avec mens- truations. Néanmoins, les patients âgés sont aussi parti- culièrement à risque de CM et de ses conséquences[19]. Il n’apparaît donc pas logique de faire un dépistage ciblé selon l’âge.

Les participants prescrivaient plus de bilans martiaux lorsque les patients avaient un niveau d’étude plus bas (p = 0,0004). A contrario, dans l’ENNS la CM était plus fréquente chez les femmes ayant un niveau d’étude plus élevé[16].

La CM est fréquente en cas d’IMC bas, en raison d’une carence d’apport. Néanmoins dans les pays développés où l’obésité est un enjeu majeur de santé publique, la CM est sous-estimée avec le dosage de ferritinémie seule[20]. Le défaut de régulation en fer chez ces patients serait lié à l’inflammation et à l’augmentation de l’expression de l’hepcidine par le tissu adipeux[21].

Les participants ont prescrit peu de bilans martiaux à leurs patients donneurs de sang. Les dons de sang réguliers (>1 fois/an), ou la réalisation de prélèvements sanguins répétés constituent un facteur de risque de CM [22].

L’activité sportive n’intervenait pas dans la décision de prescription d’un bilan martial alors que la CM même sans anémie semble induire une fatigabilité à l’effort[14, 23]

et la CM est plus fréquente chez les athlètes. L’impact de l’apport alimentaire sur le stock martial est discuté car la biodisponibilité du fer alimentaire est faible et dépend de certaines caractéristiques de l’individu (obésité, statut inflammatoire. . .) [24]. Néanmoins, une malnutrition globale entraine des apports insuffisants en fer, en particulier chez les végétariens et les personnes âgées [25]. Certains aliments, comme les dérivés phénols (thé, café), inhibent l’absorption de fer non héminique[24].

Aucune étude n’a évalué l’impact d’une modification de consommation alimentaire sur le stock martial, et les quantités et la fréquence de consommation ne sont pas définies.

Tableau 2.Signes cliniques de la carence martiale en fonction de la présence dune carence martiale sévère.

Variable Pas de carence sévère Carence sévère p

Nb. de patients 59 (75) 20 (25)

Score de menstruations :

Nb. de femmes ayant répondu 37 (66) 19 (49)

Tampon seul insuffisant 5 (14) 8 (42) 0,023

Nombre de protections>4 par jours 16 (43) 15 (79) 0,013

Durée>7 jours 7 (19) 4 (21) 1

Présence de caillots 8 (22) 8 (42) 0,13

Score menstruations 0,005

0 17 (46) 0 (0)

1 7 (19) 9 (47)

2 10 (27) 5 (26)

3 3 (8) 4 (21)

4 0 (0) 1 (5)

Score de fatigue MFI-20 :

Fatigue générale 11 (10-14) 10 (9-11) 0,022

Fatigue physique 11 (10-14) 12 (8-13) 0,36

Fatigue mentale 15 (12-18) 14 (12-16) 0,15

Réduction des activités 15 (13-17) 14 (11-16) 0,13

Réduction de la motivation 17 (13-18) 13 (12-17) 0,044

Score total 68 (58-76) 62 (52-70) 0,045

Syndrome des jambes sans repos 18 (35) 7 (44) 0,56

Labilité émotionnelle 24 (44) 13 (68) 0,11

Alopécie 22 (39) 15 (79) 0,003

Anomalie unguéale 24 (41) 11 (58) 0,29

Troubles de la libido 20 (36) 11 (65) 0,05

* ND (effectif) : SJSR (7/4). Emotion (5/1). Alopécie (2/1). Ongles (0/1). Libido (3/3). Médiane (Q1-Q3) ou Effectif (%).

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Le score de menstruations était significativement associé à une CM sévère ce qui rejoint les résultats d’une étude américaine [26]. En 1996, l’ANDEM recommandait de rechercher systématiquement une CM chez les femmes avec menstruations une fois tous les cinq ans. Le score de Higham, score de référence pour apprécier l’importance des menstruations, est un test peu utilisable en pratique de consultation. Il n’existe pas de score « d’interroga- toire » validé pour évaluer l’abondance des menstrua- tions, ce qui constitue un frein pour la pratique ambulatoire.

La présence d’une IRC ne déterminait pas le choix de la prescription dans notre étude. L’International Society of Nephrology recommande un dosage annuel de l’hémo- gramme, de la ferritinémie et du CST chez tous les patients en IRC ne recevant pas d’agent stimulant l’érythropoïèse (ASE)[14]. La HAS rappelle qu’en cas de CM non corrigée, le traitement par ASE sera inefficace et recommande d’évaluer systématiquement les réserves en fer chez ces patients. Une supplémentation martiale sera mise en place pour une ferritinémie<100 g/L et CST <

20 %[27].

Seulement un tiers des patients avec une IC ont eu un bilan martial dans notre étude. Chez les patients présentant une IC, la CM est définie par une ferritinémie 100mg/L avec un CST20 %. Il est établi que, chez les malades souffrant d’IC, la CM est associée à une altération de la qualité de vie à la santé (QVLS), à un mauvais statut fonctionnel (score NYHA), et à une surmortalité, indépendamment de la présence d’une anémie [28, 29]. En 2014, une étude française sur modèle murin avait mis en évidence que cette altération de la fonction cardiaque en cas de CM pouvait être expliquée par des modifications observées au niveau du métabolisme mitochondrial myocardique. La supplé- mentation martiale est associée à une amélioration significative sur les échelles de qualité de vie et les résultats au test de marche[30]. Les recommandations européennes de cardiologie intègrent la correction de la CM, même sans anémie, comme option thérapeutique de l’IC[15, 31].

Très peu de patients ayant déclaré avoir un cancer ont eu un bilan martial. La CM est associée à un « performance status » abaissé[13].

Plusieurs études montrent que la supplémentation martiale permettrait de diminuer la fatigue en cas de carence martiale [4, 5]. Concernant l’alopécie ou le syndrome des jambes sans repos, aucune étude n’a à ce jour démontré un bénéfice de la supplémentation, bien que le lien avec la CM soit démontré. Le dépistage est donc discutable en l’absence de prise en charge proposée.

Forces et limites de l ’ étude

La principale force de ce travail est son originalité : il s’agit de la première étude des pratiques des MG dans le dépistage de la CM. Ce travail était pertinent compte tenu de la forte prévalence de la CM

en médecine générale, et du fait que les MG constituent les premiers prescripteurs de bilans martiaux.

Notre étude comportait peu de critères d’exclusion et aucun patient n’a refusé d’y participer, ce qui a permis d’obtenir un échantillon représentatif de la patientèle de médecine générale.

Nos résultats concernant l’association entre la CM et certains symptômes vont dans le sens des données de la littérature, ce qui renforce l’argument de causalité entre la carence martiale isolée et la symptomatologie, selon les critères de Bradford-Hill.

Cette étude présente aussi des limites.Tous les MG ont été inclus sur la base du volontariat après présentation de l’étude, ce qui explique un biais de recrutement lié à la surreprésentation de MSU. Afin de limiter le biais d’influence à la prescription du bilan martial, il était demandé aux participants de ne pas prendre connais- sance des résultats du questionnaire lorsque celui-ci était rempli. Le schéma de l’étude ne permettait pas d’explorer le motif de la prescription du bilan martial. Enfin, parmi les bilans prescrits, les résultats de 22 % d’entre eux n’ont pas pu être récupérés.

C onclusion

La prévention constitue un axe de santé publique majeur dans les politiques de santé actuelles, et l’amélioration du dépistage est un réel enjeu. Notre étude retrouve une forte prévalence de CM dépistée en médecine générale.

Des études complémentaires sont nécessaires afin d’éva- luer l’impact d’un éventuel dépistage ciblé en fonction

Pour la pratique

La carence martiale sans anémie est très prévalente en médecine générale, et les médecins généralistes représentent les premiers prescripteurs de bilans martiaux.

Une carence martiale, même sans anémie, est responsable de nombreux symptômes. Elle est respon- sable de complications notables chez les patients ayant une insuffisance cardiaque chronique, une insuffisance rénale chronique, un cancer.

Les médecins généralistes ont un bon suivi des recommandations HAS en utilisant la ferritinémie seule dans le dépistage de la carence martiale, mais semblent avoir une mauvaise utilisation du coefficient de saturation de la transferrine dans le dépistage de la carence martiale.

Le dépistage de la carence martiale devrait se faire de manière raisonnée, en fonction des pathologies, des facteurs de risque et des symptômes du patient, ainsi que des bénéfices attendus d’une supplémentation martiale.

Étude originale|Dépistage de la carence martiale

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des facteurs de risque, des pathologies sous-jacentes, et des symptômes du patient. L’impact de cette prescription sur la correction d’une éventuelle carence, notamment la place de certaines alternatives thérapeutiques méritera aussi d’être explorée.

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Liens d’intétêts : P. Cacoub est consultant pour les laboratoires Vifor et Innotech. Les autres auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêt en lien avec l’élaboration de cet article.

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