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Carence martiale - Oncologie digestive

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56 | La Lettre de l'Hépato-gastroentérologue • Vol. XIX - n° 1 - janvier-février 2016

Coordonnée par le Pr Laurent Peyrin-Biroulet

D a n s l e r e s p e c t t o t a l d e l ’ i n d é p e n d a n c e s c i e n t i f i q u e e t é d i t o r i a l e .

Oncologie digestive

La carence martiale en oncologie digestive est-elle fréquente ?

La carence martiale toucherait entre 5 et 18 % de la population générale (1) . Dans une étude monocentrique publiée en 2013 et portant sur 1 053 patients atteints de tumeurs solides, dont 41 % de cancers digestifs, la prévalence de la carence martiale atteignait 52 % en cas de cancer colorectal, 49 % en cas de cancer œso-gastrique et jusqu’à 63 % en cas de cancer du pancréas, dépassant ainsi toutes les autres localisations (2) . En outre, la prévalence de la carence martiale augmentait avec le stade de la maladie, passant de 35 % en cas de stade I-II à 54 % en cas de stade IV. Il en allait de même pour l’état général, puisque 44 % des patients ECOG 0-1 présentaient une carence martiale, contre 61 % des patients ECOG 2-4.

Comment diagnostiquer une carence martiale ?

Les indices hématologiques classiques, tels qu’un volume globulaire moyen (VGM) ou une teneur corpusculaire moyenne en hémoglobine (TCMH), lorsqu’ils sont abaissés, peuvent permettre de diagnostiquer une carence martiale, mais ils sont peu sensibles et s’observent en cas de carence martiale évoluée. En l’absence d’infl ammation, la ferritine reste le paramètre le mieux corrélé aux réserves en fer de l’organisme (3) , traduisant une carence quand elle est inférieure à 30 ng/ml (4) , mais de nombreux auteurs préconisent le seuil de 100 ng/ml en cas de situation infl ammatoire. Cependant, son utilité est moindre en cas de néoplasie digestive, puisque son taux peut être augmenté indépendamment du statut martial. Le coefficient de saturation de la transferrine (CST), correspondant au rapport entre le fer sérique et la capacité de fi xation de la transferrine, est inférieur à 20 % en cas de carence martiale, et ce, même dans un contexte inflammatoire.

En cas d’augmentation, les récepteurs solubles à la transferrine (RST) traduisent une carence martiale, avec une sensibilité de 86 % et une spécifi cité de 75 %, selon une méta-analyse publiée en 2012 (5) .

La principale limite de ce paramètre est l’absence de seuil consensuel. Un rapport entre les RST et le logarithme de la ferritine supérieur à 2-3 est en faveur d’une anémie par carence martiale plutôt que d’une anémie liée à la maladie chronique sous- jacente (6) . Enfi n, la concentration érythrocytaire en zinc protoporphyrine (7) et l’hepcidine (8) semblent être des voies de recherche prometteuses, mais non applicables en routine à l’heure actuelle. Au total, le dosage de la ferritine et du CST semble être le meilleur compromis pour diagnostiquer une carence martiale en oncologie digestive.

Comment la traiter ?

Quelle que soit sa cause, l’anémie a un impact négatif en termes de survie globale (9) , et est associée à une altération de la qualité de vie (10) en cas de cancer. Les objectifs du traitement de l’anémie (fi gure) sont donc d’améliorer la qualité de vie et d’éviter le recours à la transfusion, avec ses effets indésirables potentiels (transmission d’agents infectieux, réactions, décompensation cardiaque, allo-immunisation, etc.) [11] . L’ESMO recommande d’utiliser des agents stimulant l’érythropoïèse (ASE) en cas d’hémoglobine (Hb) inférieure ou égale à 10 g/dl chez les patients traités par chimiothérapie (12) . Cependant, toutes les causes d’anémie doivent être recherchées et, si possible, traitées avant l’instauration d’un ASE (12) . En cas de carence martiale, l’ESMO privilégie la supplémentation intraveineuse (i.v.) par rapport à la voie orale (12) . Dans une méta-analyse publiée en 2013, la supplémentation martiale i.v.

augmentait la réponse aux ASE de 28 % et diminuait le recours à la transfusion de 24 % (13) . De plus, cette stratégie thérapeutique semble raisonnable sur le plan médico-économique (14) . L’efficacité d’une supplémentation martiale i.v. seule dans le traitement de l’anémie liée au cancer a été évaluée dans une étude portant sur 286 patients séparés en 3 groupes : anémie isolée sans carence martiale (n = 204), anémie et carence martiale fonctionnelle (n = 22), et carence martiale absolue avec ou sans anémie (n = 60) [15] . Les 3 groupes étaient respectivement traités par ASE seuls, ASE et supplémentation i.v., et supplémentation i.v. seule.

Dr Anthony Lopez*

* Service d’hépato-gastroentérologie, CHU de Nancy.

0056_LGA 56 22/02/2016 16:36:32

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La Lettre de l'Hépato-gastroentérologue • Vol. XIX - n° 1 - janvier-février 2016 | 57 Cette rubrique a été réalisée avec le soutien institutionnel du laboratoire Vifor

Figure. Le traitement de la carence martiale en oncologie digestive.

À la semaine 8, les taux de réponse (augmentation de l’Hb ≥ 1 g/dl) étaient comparables entre les groupes ASE seuls et supplémentation martiale i.v. seule, mais, à la semaine 12, 49 % des patients sous ASE seuls présentaient une carence martiale, contre seulement 19 % de ceux sous traitement combiné.

Concernant la tolérance, une méta-analyse publiée en 2011 retrouvait un taux d’effets indésirables sévères avec le carboxymaltose ferrique non statistiquement différent de celui observé sous placebo (environ 3 %) [16] . Une étude européenne

récente montrait qu’en cas d’anémie chimio-induite, seulement 48 % des patients avaient un dosage de la ferritine et 14 % un dosage du CST (17) . Les ASE étaient utilisés dans 63 % des cas, la transfusion dans 52 % des cas et la supplémentation martiale dans 31 % des cas (orale : 74 %, i.v. : 26 %). Seuls 30 % des patients traités par ASE avaient également reçu une supplémentation martiale. Il semble urgent de s’approprier les recommandations européennes (12) et de les appliquer dans notre

pratique courante ! ■

1. Lopez A, Cacoub P, Macdougall IC, Peyrin-Biroulet L. Iron defi ciency anaemia. Lancet 2015 Aug 24 [Epub ahead of print].

2. Ludwig H, Müldür E, Endler G et al. Prevalence of iron

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Ann Oncol 2013;24(7):1886-92.

3. Guyatt GH, Oxman AD, Ali M et al. Laboratory diagnosis of iron-defi ciency anemia: an overview. J Gen Intern Med 1992;7(2):145-53.

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Références bibliographiques

A. Lopez déclare avoir des liens d’intérêts avec Abbvie (interventions ponctuelles) et Amgen (board).

L. Peyrin-Biroulet déclare avoir des liens d’intérêts avec Vifor (consultant et orateur).

* Si hémoglobine < 10 g/dl.

CST : coefficient de saturation de la transferrine ; PCR : protéine C réactive ; i.v. : intraveineux ; ASE : agent stimulant l’érythropoïèse.

Hémogramme, fer sérique, ferritine, CST, PCR

Carence martiale absolue CST < 20 % et ferritine < 100 ng/ml

Carence martiale fonctionnelle CST < 20 % et ferritine entre 100 et 800 ng/ml

Absence de carence martiale CST > 50 % et ferritine > 800 ng/ml

Fer i.v. Fer i.v. + ASE* ASE*

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Références

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