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Carence martiale - Après chirurgie bariatrique

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La Lettre de l'Hépato-gastroentérologue • Vol. XIX - n° 3 - mai-juin 2016 | 161 Cette rubrique a été réalisée avec le soutien institutionnel du laboratoire Vifor

L

a chirurgie bariatrique occupe désormais une place importante dans l’arsenal thérapeutique de l’obésité. Les interventions mixtes qui asso- cient restriction, malabsorption et effet hormonal satiétogène – le court-circuit gastrique (CCG) ou gastric bypass et la sleeve gastrectomy ou gastrec- tomie longitudinale (GL) – sont les plus effi caces et les plus souvent réalisées. La carence en fer est très fréquente après ce type de chirurgie.

Prévalence de la carence en fer après chirurgie bariatrique

Une méta-analyse des publications dans les- quelles les données concernant la prévalence de l’anémie et des carences en fer, en vitamine B9 et en vitamine B12 étaient disponibles avant et dans les mois qui ont suivi un CCG a été récemment publiée (1) . En préopératoire, plus de 12,2 % des malades avaient une anémie et 7,9 % une ferriti- némie basse ; 36 mois après l’intervention, 23,1 % et 26,5 % avaient respectivement une anémie et une ferritinémie basse (fi gures 1 et 2, p. 162) . Dans une autre méta-analyse, la prévalence de l’anémie était en moyenne de 17 % après GL et de 30 % après CCG ; elle était de 45 % après 5 ans de suivi (2) . La carence martiale est la cause la plus fréquente de l’anémie après chirurgie bariatrique ; elle est parfois préalable à la chirurgie et plus fréquente chez les femmes non ménopausées que chez les autres patients. Une étude américaine fondée sur le codage des affections pour une assurance privée a évalué le pourcentage de malades avec un diag- nostic d’anémie par carence martiale dans les 2 ans après chirurgie bariatrique (3) : 24 334 malades ont été opérés ( 12 188 CCG et 12 156 GL). La prévalence de l’anémie par carence martiale était de 16,7 % pour le CCG et de 6,5 % pour la GL. Les malades avec une anémie avaient présenté plus fréquem- ment que les autres une complication liée à la pro- cédure (OR = 1,367 ; IC 95 : 1,257-1,487 ; p < 0,05).

Au cours du suivi, ils étaient plus souvent ré-hospi- talisés que les malades sans anémie (OR = 2,567 ; IC 95 : 2,363-2,790 ; p < 0,05) et le coût total par malade était plus élevé chez les malades avec un diagnostic d’anémie (37 882 dollars) que chez

les autres (19 253 dollars). Une autre étude s’est intéressée au devenir à long terme des patients opérés (4) . Ainsi, sur 745 malades opérés entre 1993 et 2003, 431 (58 %) avaient eu un suivi complet à 10 ans ; 27 % d’entre eux avaient une anémie, et la prévalence des carences en fer, vitamine B9 et vitamine B12 était respectivement de 20, 12 et 2 %.

Causes de la carence en fer après chirurgie bariatrique

La carence en fer après chirurgie bariatrique est liée à plusieurs mécanismes. Pour être absorbé, le fer doit être libéré de ses ligands et être réduit en fer ferreux (Fe++), qui est la forme la mieux absorbée.

L’acidité gastrique joue un rôle très important dans cette transformation ; le fer ferreux est principale- ment absorbé au niveau du duodénum et du jéjunum proximal, partie court-circuitée par le montage chirurgical, ce qui explique la prévalence plus impor- tante de la carence en fer après CCG qu’après GL.

Des micro-ulcérations sont souvent observées au niveau des anastomoses digestives après chirurgie gastro-duodénale, ce qui favorise les saignements chroniques. Par ailleurs, la diminution de la consom- mation d’aliments riches en fer comme la viande rouge est fréquente après chirurgie restrictive, ce qui participe largement à la carence. Enfi n, ce risque est accru chez la femme en raison des menstruations, qui entraînent une perte de fer estimée à 8 à 20 mg de fer par cycle, soit des besoins supplémentaires de 1 mg/j, correspondant à 10 mg de fer alimentaire.

Dépistage de la carence en fer après chirurgie bariatrique

Il est donc indispensable de dépister systématique- ment une carence en fer chez un malade qui a béné- fi cié d’une chirurgie bariatrique. La ferritine est un indice qui refl ète l’état du stock en fer de l’organisme et représente un bon test de dépistage, mais elle peut être élevée lorsqu’il existe une cytolyse hépa- tique, un syndrome infl ammatoire ou une stéato- hépatite métabolique. Ce dosage est généralement associé à un dosage de la protine C réactive (CRP) Pr Xavier Hébuterne*

* Service de gastroentérologie et nutrition clinique, hôpital de l’Archet 2, CHU de Nice.

A près chirurgie bariatrique

0161_LGA 161 08/06/2016 10:03:07

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162 | La Lettre de l'Hépato-gastroentérologue • Vol. XIX - n° 3 - mai-juin 2016

Coordonnée par le Pr Laurent Peyrin-Biroulet

D a n s l e r e s p e c t t o t a l d e l ’ i n d é p e n d a n c e s c i e n t i f i q u e e t é d i t o r i a l e .

et, bien sûr, à un hémogramme (NFS). Une valeur inférieure à 30 µg/l avec une CRP inférieure à 5 mg/l, ou inférieure à 100 µg/l avec une CRP à 5 mg/l ou plus doit alerter. Après GL ou CCG, une NFS asso- ciée à un dosage de la ferritine est nécessaire à 1, 3, 6, 12, 18 et 24 mois, puis annuellement ; cette surveillance doit être prolongée. En effet, les stocks de fer continuent à diminuer plus de 10 ans après la chirurgie bariatrique.

Prise en charge de la carence en fer après chirurgie

bariatrique

Les doses de fer contenues dans les suppléments vitaminiques usuels à base de minéraux sont insuffisantes pour prévenir les carences en fer, surtout chez les femmes opérées d’un CCG et en âge de procréer (5) . Une supplémentation en cas de carence avérée en fer est sans doute ce qu’il faut conseiller après chirurgie restrictive. Chez la femme non ménopausée, une supplémentation systématique peut être envisagée, car la diminution du stock de fer est dans ce cas bien documentée.

En raison de la désactivation du site principal d’absorption du fer, le duodénum, il n’est pas sur- prenant que la substitution en fer par voie orale soit peu efficace (6-9) . En outre, le fer par voie orale est associé à de nombreux effets indésirables gastro-intestinaux (nausées, douleurs abdominales, diarrhée), responsables d’une mauvaise adhérence de la part des patients. Les recommandations européennes ne proposent l’apport de fer par voie orale que dans le cadre d’un traitement préventif ; pour le traitement des carences martiales ou des anémies par carence martiale, l’apport de fer par voie intraveineuse est préféré (10-12) . Les nouvelles préparations à base de carboxymaltose ferrique, qui permettent l’apport de 1 000 mg de fer en une seule courte perfusion, ont démontré leur efficacité et leur bonne tolérance chez ces patients (13, 14) . Afin de calculer la dose de fer nécessaire, la tradi- tionnelle formule de Ganzoni peut être remplacée par une méthode plus simple fondée sur le poids et le taux d’hémoglobine du patient, qui a été récem- ment validée (tableau) [15] .

Pourcentage de malades

30 25 20 15 10 5

0 Préopératoire 6 mois

postopératoire 12 mois

postopératoire 24 mois

postopératoire 36 mois postopératoire

Figure 1. Prévalence de l’anémie avant et après court-circuit gastrique (1).

Pourcentage de malades

30 25 20 15 10 5 0

Ferritine Vitamine B9 Vitamine B12

Préopératoire 6 mois

postopératoire 12 mois

postopératoire 24 mois

postopératoire 36 mois postopératoire

Figure 2. Prévalences des carence en fer, vitamine B9 et vitamine B12 avant et après court-circuit gastrique (1).

Tableau. Méthode simplifiée pour le calcul des besoins en fer (15).

Hémoglobine (g/dl) Poids < 70 kg Poids ≥ 70 kg

≥ 10 1 000 mg 1 500 mg

7-10 1 500 mg 2 000 mg

< 7 2 000 mg 2 500 mg

Première injection de 1 000 mg (sauf si poids inférieur à 50 kg), puis injections hebdomadaires de 500 mg jusqu’à correction de l’anémie.

Étude réalisée avec le carboxymaltose ferrique.

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La Lettre de l'Hépato-gastroentérologue • Vol. XIX - n° 3 - mai-juin 2016 | 163 Cette rubrique a été réalisée avec le soutien institutionnel du laboratoire Vifor

1. Weng TC, Chang CH, Dong YH, Chang YC, Chuang LM.

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Références bibliographiques

En conclusion, la carence martiale et l’anémie sont très fréquentes après chirurgie bariatrique, surtout chez la femme non ménopausée et après CCG. Les supplémen- tations vitaminiques usuelles sont insuffi santes pour la prévenir. Une surveillance systématique de l’hémoglo- binémie et de la ferritinémie doit être réalisée. En cas

d’anémie par carence martiale, une supplémentation par voie intraveineuse est souvent nécessaire. L’auteur déclare avoir les liens d’intérêts suivants : membre d’un advisory board pour AbbVie, Fresenius-Kabi, Nestlé, Takeda et action éducationnelle pour AbbVie, Baxter, Fresenius-Kabi, Mayoly Spindler, MSD, Nutricia, Takeda, Vifor.

L’équipe Edimark vous souhaite un été d’évasion et de respiration…

Nous nous réjouissons de vous retrouver dès la rentrée pour de nouvelles pages à partager.

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Belles lectures ! Claudie Damour-Terrasson Directrice des publications

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0163_LGA 163 08/06/2016 10:03:10

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