• Aucun résultat trouvé

Il était une fois... la famille : Adaptation sociologique d'un conte des frères Grimm: Die zwölf Brüder

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Il était une fois... la famille : Adaptation sociologique d'un conte des frères Grimm: Die zwölf Brüder"

Copied!
109
0
0

Texte intégral

(1)

Master

Reference

Il était une fois... la famille : Adaptation sociologique d'un conte des frères Grimm: Die zwölf Brüder

PROMONET, Morgane

Abstract

Dans le cadre de ce mémoire, nous nous sommes demandée s'il y avait lieu d'intervenir dans le conte merveilleux afin de l'adapter à la vision actuelle de la famille. Notre objectif a donc été d'analyser le modèle familial présenté par les contes merveilleux, de déterminer s'il correspond au modèle familial actuel et s'il fournit au lecteur d'aujourd'hui un modèle dans lequel il se reconnaît, ainsi que de produire une traduction plus moderne de ce point de vue.

PROMONET, Morgane. Il était une fois.. la famille : Adaptation sociologique d'un conte des frères Grimm: Die zwölf Brüder. Master : Univ. Genève, 2010

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:12731

Disclaimer: layout of this document may differ from the published version.

1 / 1

(2)

Université de Genève Septembre 2010

Il était une fois… la famille

Adaptation sociologique d’un conte des frères Grimm : Die zwölf Brüder

Mémoire présenté à l’Ecole de Traduction et d’Interprétation pour l’obtention du Master en Traduction, mention traduction spécialisée

Directrice de mémoire : Mme Mathilde Fontanet Juré : Prof. Lance Hewson

(3)

2

Remerciements

Je tiens à remercier Mathilde Fontanet pour sa disponibilité pendant toute la durée de ce travail.

Ses commentaires pertinents et ses (nombreuses !) relectures minutieuses m’ont apporté une aide considérable lors de la rédaction de ce mémoire.

Merci à mes parents pour m’avoir fait découvrir le monde merveilleux des contes alors que j’étais enfant, et pour leur soutien sans faille tout au long de mes études.

Merci à Thomas, mon coach quotidien, pour sa patience, son optimisme et ses précieux conseils.

Sa présence à mes côtés pendant cette étape importante de ma vie a été pour moi un appui essentiel, et j’espère pouvoir un jour lui rendre la pareille.

Enfin, merci à toute ma famille et à mes amis pour avoir toujours cru en mon travail, et m’avoir permis d’y croire à mon tour.

(4)

3 Sommaire

Introduction ... 7

I. Première partie : le conte merveilleux ... 9

A. Caractéristiques du conte merveilleux ... 9

1. Définition ... 9

a) Conte, légende, mythe ... 9

(1) Le conte ... 9

(2) La légende ... 10

(3) Le mythe ... 11

b) Du conte populaire au conte littéraire ... 12

c) Le conte merveilleux ... 14

2. Public du conte merveilleux ... 15

3. Fonctions du conte merveilleux ... 18

a) Perrault / Grimm : des objectifs très différents ... 18

b) La fonction éducative du conte ... 20

c) La fonction divertissante du conte ... 21

d) Autres fonctions ... 22

4. Le conte d’un point de vue psychanalytique ... 23

a) L’analyse de Marie-Louise von Franz ... 23

b) L’analyse de Bruno Bettelheim ... 25

B. Aspects sociologiques ... 28

(5)

4

1. De la famille patriarcale à la famille moderne contemporaine ... 28

2. Le modèle familial présenté par les contes ... 30

a) La place de la femme dans la famille ... 31

b) Le rôle de l’homme dans la famille ... 32

c) Les relations parents-enfants ... 32

d) Les relations fraternelles ... 34

II. Deuxième partie : éléments théoriques ... 35

A. L’évolution des contes dans le temps ... 35

1. Bref historique des traductions des Kinder- und Hausmärchen ... 35

2. Subversions des contes ... 37

a) Conte et socialisme ... 37

b) Le conte sous la République de Weimar et le IIIème Reich ... 38

3. Versions féministes ... 39

4. Les contes parodiés ... 40

B. Traduire un conte : quelle méthode adopter ? ... 41

1. Traduction sourcière ? ... 42

a) L’attitude des frères Grimm par rapport aux sources ... 42

b) Le problème de la « source » des contes... 42

2. Traduction cibliste ? ... 43

a) Le problème de l’ambiguïté du public des contes ... 43

b) Les spécificités de la littérature pour la jeunesse ... 44

(6)

5

3. Traduction littérale vs adaptation ... 45

4. Explication de la méthode choisie ... 46

III. Troisième partie : adaptation du conte Die zwölf Brüder ... 47

A. Analyse du texte original ... 47

1. Présentation du conte ... 47

2. Analyse formelle du conte ... 47

a) Structure du texte ... 47

b) L’oralité dans le texte ... 48

3. Analyse sociologique ... 49

a) Le couple ... 49

b) Les relations parents-enfants ... 50

c) Les frères... 51

d) La sœur ... 52

B. Analyse de deux traductions du conte Die zwölf Brüder ... 53

1. Analyse formelle... 54

a) Choix terminologiques ... 54

b) Ajouts/Explicitations ... 57

c) Suppressions/Omissions ... 63

d) Oralité ... 65

e) Expressions idiomatiques ... 67

f) Erreurs ... 70

(7)

6

2. Analyse sociologique ... 72

C. Proposition d’adaptation du conte ... 73

1. Choix terminologiques ... 73

2. Le rythme du conte ... 76

3. Les modifications importantes ... 79

Conclusion ... 84

Bibliographie ... 86

Annexes ... 90

(8)

7

Introduction

Nous avons toujours nourri un vif intérêt pour les contes de fées, qui nous accompagnent depuis notre plus tendre enfance, et ont toujours été pour nous, à tout âge, une source d’inspiration inépuisable.

De notre point de vue, les contes sont très profondément liés à la notion de famille et de foyer, car c’est en effet de nos parents et de nos grands-parents que nous avons entendu, enfant, les premiers récits qui ont éveillé en nous cette fascination pour les contes merveilleux.

C’est donc tout naturellement que nous en sommes venue à nous poser la question du rapport entre le conte et la famille, et que nous avons ressenti l’envie d’étudier de plus près la représentation familiale qui se trouve dans les contes merveilleux.

Nous nous sommes donc demandée si le modèle familial présenté par les contes merveilleux correspondait aux familles de notre époque moderne, et s’il ne serait pas préférable de l’adapter. Afin d’étoffer notre réflexion, nous avons choisi de nous appuyer sur le conte des frères Grimm, Die zwölf Brüder, dont le thème centrale est la famille et qui présente une illustration relativement complète des relations entre ses différents membres.

Nous commencerons par définir le genre du conte merveilleux, en le distinguant de la légende et du mythe, en étudiant le public auquel il s’adresse, et en relevant ses différentes fonctions ; nous étudierons également ses effets d’un point de vue psychanalytique. Puis nous observerons brièvement l’évolution de la famille au fil des siècles, et la manière dont celle-ci est représentée dans les contes merveilleux.

Nous analyserons ensuite l’évolution des contes au cours du temps, et nous observerons comment ils ont été remaniés en fonction des époques et des courants.

Puis nous réfléchirons à la meilleure méthode pour traduire un conte en examinant plusieurs approches possibles, et en expliquant notre propre méthode.

(9)

8

Enfin, nous nous livrerons à une analyse détaillée du conte des frères Grimm, Die zwölf Brüder, dont nous étudierons ensuite deux traductions publiées l’une en 1967, l’autre en 2009. Nous finirons par proposer notre propre adaptation du conte ayant pour but de moderniser l’image du modèle familial qui y est présenté, sans pour autant altérer l’esprit de ce dernier.

(10)

9

I. Première partie : le conte merveilleux

A. Caractéristiques du conte merveilleux 1. Définition

a) Conte, légende, mythe

Bien que, à première vue, le conte, le mythe et la légende semblent très similaires, il convient de distinguer ces trois formes de littérature orale. Nous allons définir ces concepts en nous fondant principalement sur les articles pertinents de l’Encyclopaedia Universalis.

(1) Le conte

Le conte est un récit de fiction qui se définit par son caractère oral et sa forme relativement variable1. En effet, le conte appartient à ce que Paul Sébillot a qualifié en 1881 de « littérature orale » ; c’est un récit hérité de la tradition orale populaire et transmis au peuple par des conteurs, qui n’hésitent pas à remanier le style de l’histoire en fonction de leur public ou de l’endroit où ils se trouvent, sans toutefois apporter de changements fondamentaux aux motifs constituant la base du récit.

C’est le caractère intemporel du conte qui le distingue le plus de la légende et du mythe. Le célèbre « Il était une fois » figurant au début de chaque conte, ou presque, marque d’emblée la rupture avec le monde ordinaire, tout comme le fait que l’action des contes se situe souvent dans des pays « fort lointains » que personne ne peut connaître.

En outre, le conte revêt un caractère universel : il ne mentionne jamais d’époque ni de lieux précis et, la plupart du temps, les héros ne portent pas de noms

1 BRICOUT, Bernadette, « conte », in Encyclopaedia Universalis en ligne, http://www.universalis.fr/encyclopedie/conte/, consulté le 19/07/2010.

(11)

10

propres mais sont simplement désignés de manière indéterminée2 (p. ex. « un roi »,

« un homme et sa femme », etc.). Le premier conte du recueil des frères Grimm, par exemple, Le roi-grenouille ou Henri-de-fer, commence de cette manière : « Dans des temps anciens, quand les souhaits servaient encore à quelque chose, vivait un roi »3. Dans son essai intitulé « Über das Wesen des Märchen », publié dans l’introduction de la deuxième édition des Kinder- und Hausmärchen, Wilhelm Grimm insiste d’ailleurs sur cette universalité du conte :

[…] das Märchen aber steht abseits der Welt in einem umfriedeten, ungestörten Platz, über welchen es hinaus in jene nicht weiter schaut. Darum kennt es weder Namen und Orte, noch eine bestimmte Heimath, und es ist etwas dem ganzen Vaterlandes gemeinsames4.

L’universalité du conte se manifeste également par ses origines multiples. En effet, il est aujourd’hui difficile de définir avec exactitude l’origine d’un conte car il en existe des versions plus ou moins variées répandues aux quatre coins du monde. Ainsi,

Blanche-Neige est allemande autant que russe ou berbère, le Petit Chaperon rouge et son grand méchant loup sont français autant que chinois5.

(2) La légende

Un trait caractéristique de la légende est qu’elle « présente[…] un point d'ancrage dans l'espace et dans le temps » et est « objet de croyance »6.

Elle s’inspire d’événements réels7 et met en scène des personnages censés avoir réellement existés. Au moyen de récits prestigieux, elle raconte la vie et la mort des héros fondateurs d’un lignage8.

2 PIFFAULT, Olivier, Il était une fois… les contes de fées, 2001, p. 370.

3 RIMASSON-FERTIN, Natacha, Contes pour les enfants et la maison, 2009, p. 15.

4 GRIMM, Wilhelm, « Einleitung », in Kinder- und Hausmärchen (1819), 2004, p. XXI.

5 PIFFAULT, Olivier, op.cit., 2001, p. 33.

6 BELMONT, Nicole, « folklore », in Encyclopaedia Universalis en ligne, http://www.universalis.fr/encyclopedie/folklore, consulté le 19/07/2010.

7 BRICOUT, Bernadette, op.cit.

8 GOIMARD, Jacques, « merveilleux », in Encyclopaedia Universalis en ligne, http://www.universalis.fr/encyclopedie/merveilleux, consulté le 19/07/2010.

(12)

11

La légende, dont le but est d’exercer une influence morale sur le lecteur, est attachée à un endroit précis. Contrairement au conte, dont le caractère universel permet à chacun de se retrouver dans l’histoire, la légende touche seulement un groupe déterminé de personnes, celles qui se reconnaissent dans les valeurs transmises par ce récit.

La légende est sérieuse. Elle a une fonction d’exemple et ne cherche absolument pas à divertir son public. Wilhelm Grimm considère même que, comparée au conte, elle introduit des éléments étranges et inhabituels dans la vie ordinaire9.

Malgré ses origines archaïques, la légende a réussi à perdurer, même si aujourd’hui on la retrouve surtout sous forme de « fausses légendes »10, c'est-à-dire des légendes inventées par des écrivains, racontées comme des histoires et non plus objets de croyance. Ce genre littéraire a notamment inspiré de nombreux auteurs d’heroic-fantasy comme J.R.R. Tolkien (Le Seigneur des anneaux) et C.S. Lewis (Le Monde de Narnia), dont les légendes, bien que créées de toute pièce, marquent encore nos esprits.

(3) Le mythe

Enfin, tout comme la légende, le mythe est fondé sur la croyance. Il est lui aussi rattaché à une société déterminée, à laquelle doit croire son lecteur ou son auditeur.

Le mythe se différencie également du conte par les thèmes dont il traite. En effet, il transmet « une histoire relative aux temps primordiaux et à l’origine du monde»11. Le mythe a donc pour but d’expliquer les fondements de l’humanité par le biais de récits mettant en scène des personnages extraordinaires, tels des dieux et des déesses, et on y trouve nombre de créatures surnaturelles. Le merveilleux – dont nous donnerons une définition détaillée plus loin – occupe une place primordiale dans le mythe.

9 GRIMM Jacob und Wilhelm, « Einleitung », in Kinder- und Hausmärchen (1819), 2004, p. XXI.

10 GOIMARD, Jacques, op.cit.

11 GOIMARD, Jacques, op.cit.

(13)

12

En outre, le mythe ne circule pas au sein du peuple, à l’inverse du conte populaire, raconté lors de veillées paysannes au coin du feu, mais il est l’apanage d’une certaine élite du culte, qui le transmet aux jeunes lors de rites d’initiation. Il a donc une fonction initiatique plutôt que divertissante.

b) Du conte populaire au conte littéraire

Comme nous l’avons vu précédemment, le conte, populaire, est issu de la tradition orale. Il est « l’expression d’une mémoire anonyme et collective »12. Ainsi, personne n’est le propriétaire exclusif du conte et il appartient à toute une communauté en même temps. Le conte populaire se transmet de manière libre et la forme de son récit est malléable, au gré des envies du conteur. Comme l’écrit Lilyane Mourey,

Celui ou celle qui raconte le conte, est libre de l’interpréter à sa façon, de lui imprimer ses préoccupations et ses goûts ; de la même façon, l’auditeur est libre de le

« ressentir » à sa manière pour le raconter autrement13.

Or, en le transposant sous forme écrite, l’écrivain imprime sa marque au conte, consciemment ou inconsciemment, et celui-ci n’est donc plus que l’expression individuelle d’un seul auteur. Il perd son caractère collectif.

Selon Lilyane Mourey, « le conte, en effet, à travers l’écriture s’est personnalisé »14. Naturellement, toute mise à l’écrit de récits oraux entraîne des choix pour le rédacteur et l’oblige parfois à adapter certains traits de l’histoire en fonction de ses croyances. Pour commencer, le transcripteur doit choisir une version parmi celles qui foisonnent dans la tradition orale, et ce choix est forcément subjectif. Ainsi, la mise par écrit et la réécriture contribuent à la création d’un nouveau genre : le conte populaire devient conte littéraire.

Le conte littéraire, influencé par les récits de la tradition orale, est né en Italie, au XIVe siècle, avec la parution du Décaméron, de Boccace, recueil de nouvelles

12 BRICOUT, Bernadette, « conte », in Encylopaedia Universalis en ligne, http://www.universalis.fr/encyclopedie/conte/, consulté le 19/07/2010.

13 MOUREY, Lilyane, Introduction aux contes de Grimm et de Perrault, 1978, p.15.

14 Ibid., p.6.

(14)

13

s’apparentant à des contes, suivi deux siècles plus tard de Le Piacevoli Notti, de Giovan Francesco Straparola15. Ces novella, visant à instruire et à divertir, ont jeté les bases et défini les caractéristiques du conte littéraire en tant que genre : sa forme courte, sa structure et ses motifs.

Ces récits italiens furent traduits de nombreuses fois en français et en allemand à l’époque ; aussi peut-on supposer qu’ils ont exercé une forte influence sur les écrivains des siècles suivants, qui se sont attelés à l’écriture de contes, tels Mme d’Aulnoy, Charles Perrault et les frères Grimm. Selon Jack Zipes,

Bien entendu, il serait erroné de se représenter le parcours diachronique du conte de fées comme une sorte de réaction en chaîne qui aurait commencé avec Straparola, […]

et se serait poursuivie avec les écrivains français des années 1690, pour culminer enfin dans l’œuvre des frères Grimm16.

L’intervention de Charles Perrault et des frères Grimm a d’ailleurs également fortement modifié la tradition orale. Dans leur tentative de fixer par écrit le conte populaire – selon une approche et dans un but radicalement différents certes, un point sur lequel nous reviendrons plus tard –, ils l’ont dépossédé de son caractère oral, et par là même de son essence, le figeant à tout jamais dans une seule forme.

[…] la tradition orale a été, par l’intervention de Perrault, des frères Grimm, puis des éditions pour la jeunesse, censurée, mutilée et, sur certains points, pervertie17.

A la fin du XVIIe siècle, Charles Perrault s’approprie le patrimoine populaire et en propose une reconstitution savante à l’image de son époque18. Il n’hésite pas à transformer les contes populaires, auxquels il intègre des morales qui vantent les valeurs de son temps, assaisonnant le tout d’une certaine ironie, notamment à l’égard de la bourgeoisie féminine et des modes des salons.

Environ un siècle plus tard, les frères Grimm entreprennent de collecter, méthodiquement et scientifiquement, les contes populaires issus du folklore

15 ZIPES, Jack, « Les origines italiennes du conte de fées : Basile et Straparola », in Il était une fois… les contes de fées, 2001, p.66.

16 Ibid., p.69.

17 BRICOUT, Bernadette, « conte », in Encyclopaedia Universalis en ligne, http://www.universalis.fr/encyclopedie/conte/, consulté le 19/07/2010.

18 Ibid.

(15)

14

allemand, afin de ne pas perdre une tradition orale qui – ils le pressentent – commence à s’affaiblir. Au cours de cette tâche ardue, leur principale préoccupation est de ne pas altérer la nature des contes populaires. Ils souhaitent retranscrire ces récits avec la plus grande fidélité. Pourtant, ils seront bien obligés, ne serait-ce que par souci de lisibilité, de réécrire quelque peu la « matière populaire ». Et si leur première édition n’est presque pas « retouchée », ils avouent eux-mêmes avoir beaucoup remanié la forme du récit au cours des éditions suivantes. Toutefois, il serait difficile de considérer les contes de Grimm comme appartenant au genre du conte littéraire, car les deux frères, également humanistes et pères de la philologie allemande, ont mis un point d’honneur à rester au plus proche de l’esprit populaire du conte.

Pour résumer la nature du conte littéraire, nous pourrions reprendre le terme de Jens Tismar qui le qualifie de Kunstmärchen, par opposition au Volksmärchen, ce qui exprime bien le caractère artificiel de cette réécriture littéraire du conte.

c) Le conte merveilleux

Grâce à leur travail remarquable, Anti Aarne, au début du XXe siècle, et Stith Tompson, dans les années 1960, établissent une classification internationale des contes19 en contes-types répartis en 4 catégories20 (contes d’animaux, contes proprement dits, contes facétieux et contes à formule). Cette classification a d’ailleurs été améliorée et rééditée en 2004 par Hans-Jörg Uther21. A ce jour, on a ainsi dénombré 2 499 contes-types. Cette classification a également été reprise par Paul Delarue et Marie-Louise Ténèze pour leur catalogue du conte populaire français22.

19 AARNE, Anti, THOMPSON, Stith, The Types of the Folktale : A Classification and Bibliography, 1961, 588 p.

20 BRICOUT, Bernadette, op.cit.

21 UTHER, Hans-Jörg, The Types of International Folktales, 2004, 3 vol.

22 DELARUE, Paul, TENEZE, Marie-Louise, Le conte populaire français, 1997, 4 vol.

(16)

15

La classification Aarne-Thompson-Uther comprend aujourd’hui : les contes d’animaux, les contes merveilleux, les contes religieux, les contes réalistes, les contes de l’ogre (du diable) dupé, les contes facétieux et les contes à formule23.

Même s’il serait certainement très intéressant de les examiner tous en détail, notre étude se concentrera sur les contes merveilleux. Or, qu’est-ce que le merveilleux ? Dans le conte, le merveilleux, évident, ne surprend pas le lecteur24. Il se caractérise par l’apparition d’éléments surnaturels dans le récit, tels des êtres fantastiques (divers et nombreux dans les contes allemands mais peu diversifiés dans les contes français), des objets magiques comme une clé ou un anneau, ou par le lieu où se déroule le conte (p. ex. : un château ensorcelé, une forêt magique, etc).

Cependant, selon Olivier Piffault, « le merveilleux ne peut être cantonné, sinon il cesse d’être »25. Il ne réside pas seulement dans les éléments surnaturels intervenants dans le récit mais il apparaît dans tous les autres aspects du conte.

[…] non que tout élément d’un conte soit merveilleux, mais tout arbre, tout animal, toute action peut soudainement révéler sa part de magie26.

Cependant, même si le merveilleux enrobe l’histoire et lui fournit un cadre, le véritable centre du conte est le héros, qui n’est qu’un personnage ordinaire, non doté de pouvoirs magiques. Ainsi, le conte merveilleux nous entraîne à la découverte de l’itinéraire de ce héros à travers le vaste monde.

2. Public du conte merveilleux

Le conte populaire s’adresse à un large public. Il touche l’ensemble de la communauté car il s’adresse justement à elle en langage populaire. « Il faut que

23 « AT Types of Folktales », http://oaks.nvg.org/folktale-types.html, 2004-2009, consulté le 20/07/2010.

24 GOIMARD, Jacques, « merveilleux », in Encyclopaedia Universalis en ligne, http://www.universalis.fr/encyclopedie/merveilleux/, consulté le 19/07/2010.

25 PIFFAULT, Olivier, « Le chaudron des contes », in Il était une fois… les contes de fées, 2001, p. 14.

26 Ibid.

(17)

16

chaque membre de la communauté, du plus jeune au plus vieux, en saisisse le contenu »27.

Nous remarquons une évolution des classes sociales auxquelles s’adresse le conte. En effet, le conte populaire était à l’origine raconté dans les campagnes, lors des veillées paysannes, pour distraire les uns et les autres pendant l’exécution de travaux manuels et domestiques, le soir au coin du feu, d’où sa dénomination de conte

« populaire », et ne présentait que peu d’intérêt aux yeux de la population plus aisée.

Cependant, la mise par écrit de cette matière populaire, outre la portée littéraire qu’elle a eue et dont nous avons déjà traité précédemment, a introduit les contes dans les couches sociales plus élevées. Dans la préface à la deuxième édition des Kinder- und Hausmärchen, rééditée en 2004, Hans-Jörg Uther souligne que le public visé par les frères Grimm est issu d’un milieu bourgeois28. Perrault, de son côté, retranscrit également les contes avec l’intention d’inculquer les bonnes manières mondaines aux enfants de la haute société.

En outre, il est difficile de désigner une tranche d’âge précise à laquelle s’adresseraient les contes, car si aujourd’hui ils s’adressent principalement aux enfants, cela n’a pas toujours été le cas autrefois. Dans les sociétés traditionnelles, le conte était principalement destiné à un public adulte, auquel se mêlaient toutefois les enfants, car, comme l’explique Philippe Ariès dans son ouvrage L’enfant et la vie familiale sous l’Ancien Régime : avant le XVIIe siècle, les enfants, même très petits, étaient considérés comme de « petits adultes » et partageaient les mêmes loisirs que les adultes.

Si l’adulte est le premier destinataire des contes populaires, c’est parce que ces derniers fournissent des réponses à ses interrogations les plus profondes concernant sa condition d’être humain29. Cependant, il est difficile de déterminer un public précis pour le conte. Les contes de Perrault, par exemple, avec leur structure assez simple,

27 MOUREY, Lilyane, Introduction aux contes de Grimm et de Perrault, 1978, p. 14.

28 UTHER, Hans-Jörg, « Préface », in GRIMM, Jacob und Wilhelm, Kinder- und Hausmärchen (1819), 2004, p.9.

29 MOUREY, Lilyane, op.cit., 1978, p. 11.

(18)

17

leurs motifs enfantins et leur morale éducative, semblent clairement destinés aux enfants ; pourtant, ils dressent également un portrait plutôt satirique des mœurs des classes sociales aisées, ce qui de toute évidence vise un public plus âgé, capable de comprendre cette ironie.

Les contes de Grimm fournissent également un bon exemple de cette ambiguité du public. En effet, l’intention des deux frères était de produire un ouvrage sérieux et scientifique à l’intention d’un public d’érudits, mais qu’un lectorat général et plus large prendrait également plaisir à lire30. Selon leur conception du conte, les destinataires sont à la fois les adultes et les enfants ; en témoigne la dédicace de leur deuxième édition, adressée à une mère pour son tout jeune fils (« An die Frau Elisabeth von Arnim für den kleinen Johannes Freimund. »).

Ce n’est qu’en 1825, et suite à la demande insistante de leurs amis proches, que les frères Grimm décidèrent de publier une édition spéciale pour les enfants, illustrée et sans appareil critique, connue sous le nom de Petite édition, regroupant une cinquantaine de contes choisis par Wilhelm Grimm et jugés « particulièrement adaptés » à un public jeune.

Il n’y a que peu de contes qui s’adressent seulement aux enfants, et ce sont principalement des contes d’avertissement, destinés à les mettre en garde contre les dangers de la vie31. Ces contes, en effrayant l’enfant, lui transmettent une leçon. La fin dramatique du Petit Chaperon rouge de Perrault, par exemple, consitue un avertissement relativement brutal et cruel, mais clair et efficace.

Ces contes pour enfants se reconnaissent par le fait qu’ils mettent en scène des enfants jeunes et qu’ils sont l’expression de leurs fantasmes et de leurs peurs les plus profondes. Toutefois, la caractéristique principale de ces contes est le retour du héros chez ses parents à la fin de l’histoire (Hansel et Gretel, Le Petit Poucet, etc.). Ce type de conte montre que l’enfant est encore trop jeune pour voler de ses propres ailes, contrairement aux contes d’initiation, où le héros ne construit vraiment sa

30 DOLLERUP, Cay, Tales and Translation, 1999, p. 56.

31 BRICOUT, Bernadette, « conte », in Encyclopaedia Universalis en ligne, http://www.universalis.fr/encyclopedie/conte/, consulté le 19/07/2010.

(19)

18

personnalité qu’en fondant sa propre famille. Ces contes d’avertissement pour enfants étaient souvent intégrés à des collections plus volumineuses et l’on peut donc considérer qu’ils « étaient destinés à satisfaire l’appétit d’histoires des plus jeunes, tout en distrayant les adultes »32.

Pourtant, aujourd’hui, le conte est considéré seulement comme un pur divertissement enfantin. Les premières histoires que l’on raconte aux jeunes enfants consistent en une sélection de quelques contes, comme Blanche-Neige, Le Petit Chaperon rouge, Cendrillon, mais dès qu’ils sont en âge de lire par eux-mêmes, ils semblent se tourner vers d’autres genres littéraires comme les romans d’aventures et d’héroic-fantasy33.

Une étude réalisée après la Première Guerre mondiale révèle que le premier public des contes est constitué essentiellement d’enfants âgés de 5 à 10 ans34. Le conte plaît aux très jeunes car il s’agit d’une histoire courte qui ne requiert pas de se concentrer longuement, et parce qu’ils se reconnaissent à travers les motifs de l’histoire, très imagée et composée d’une suite de moments clés. André Favat affirme qu’un enfant de 6-8 ans ne dissocie pas la magie du monde réel et, selon lui, le conte correspond ainsi à la conception enfantine du monde.

Ainsi, le conte a parcouru un long chemin depuis les veillées paysannes jusqu’aux réunions mondaines, et l’on constate que, aujourd’hui, le public des contes est très hétéroclite : les lecteurs sont issus de classes sociales et culturelles très différentes35.

3. Fonctions du conte merveilleux

a) Perrault / Grimm : des objectifs très différents

En restituant les contes du folklore populaire, Charles Perrault (1628 -1703) et les frères Grimm (1785-1863 et 1786-1859) avaient des objectifs différents. Perrault

32 TATAR, Maria, « Des monstres et des magies », in Il était une fois… les contes de fées, 2001, p. 499.

33 MOUREY, Lilyane, Introduction aux contes de Grimm et de Perrault, 1978, p. 7.

34 ZIPES, Jack, Les contes de fées et l’art de la subversion, 2007, p. 288.

35 VELAY-VALLANTIN, Catherine, « Le conte de fées : une invention française », in Il était une fois… les contes de fées, 2001, p.29.

(20)

19

a été fortement influencé par son idéologie personnelle et la classe sociale à laquelle il appartenait, alors que les frères Grimm ont entrepris de sauver de l’oubli ce qu’ils considéraient comme la mémoire du peuple allemand.

Perrault considère les contes comme un divertissement. Parmi la multitude de contes populaires qui existaient à l’époque et dont il connaissait sûrement une grande partie, il n’en a choisi que onze, ceux qui lui plaisaient le plus36.

Charles Perrault se sert des contes pour exprimer ses idées personnelles sur la société et transmettre ses principes moralisateurs. Il a par exemple le plus souvent choisi des contes mettant en scène des femmes, afin de faire valoir son opinion personnelle à l’égard de la femme et des vertus qu’il lui semblait bon de la voir incarner dans la vie sociale.

De plus, il réécrit les contes populaires en les adaptant à son milieu social, produisant notamment des contes en vers, écrits dans un langage précieux, et il prend pour référence le monde dans lequel il vit : la haute bourgeoisie. En effet, la plupart de ses héroïnes sont des princesses ou des jeunes filles d’origine bourgeoise. Perrault méprise le peuple, et lorsque celui-ci apparaît dans ses contes, il est souvent source de moqueries de la part de l’auteur et les gens du peuple sont représentés comme des pauvres d’esprit.

Pour les frères Grimm en revanche, l’objectif de la collecte des contes est tout autre. A cette époque, l’Allemagne est un territoire morcelé, comptant plus de 300 royaumes et ayant souffert des conquêtes napoléoniennes. En recueillant les contes populaires, Jacob et Wilhelm Grimm espèrent réussir à restituer le folklore germanique afin d’amener le peuple allemand à réaliser qu’il a un héritage commun.

Ils voient dans les contes les vestiges d’anciennes légendes germaniques. Il n’est pas difficile en effet d’effectuer un rapprochement entre la Belle au Bois Dormant et la walkyrie Brunhilde des légendes scandinaves37.

36 MOUREY, Lilyane, op.cit., 1978, p. 27.

37 Ibid., p.41.

(21)

20

Contrairement à Perrault, les frères Grimm souhaitent publier un catalogue complet de contes populaires, en fournissant un travail sérieux et documenté scientifiquement. Là où Perrault avait effacé toutes traces populaires jugées indécentes et inappropriées pour un public bourgeois, les frères Grimm essayent de rester au plus proche de cet esprit populaire du conte, que ce soit dans la structure, le langage ou les motifs du récit. Ils ne souhaitent surtout pas s’impliquer dans le récit et tentent de rester le plus neutres possible, faisant preuve d’un respect scrupuleux envers la matière populaire.

Néanmoins, bien que les frères Grimm et Perrault n’aient pas été guidés par la même intention en consignant les contes populaires par écrit, leurs contes possèdent des fonctions communes.

b) La fonction éducative du conte

La principale fonction du conte merveilleux est sa fonction éducative. En effet, le conte merveilleux est un récit initiatique mettant en scène les difficultés et les angoisses de l’homme face à la nature et à la société. Il a pour but de fournir des éléments de réponse aux questionnements des adultes sur leur condition et de préparer les enfants et les adolescents à la vie adulte.

Dans la plupart des cas, l’intrigue du conte merveilleux amène le héros à quitter sa famille au début du récit, pour vivre de nombreuses aventures très éprouvantes, puis il finit par fonder sa propre famille, symbole de l’accomplissement total de sa personnalité.

On sait que Perrault participait activement à l’éducation de ses enfants38, et l’ajout d’une morale à la fin des contes populaires qu’il a retranscrits témoigne clairement de leur visée éducative.

Perrault voit dans les contes l’occasion de fournir un modèle de conduite et de bienséance pour les enfants des classes favorisées. Par le biais des contes, il souhaite

38 ZIPES, Jack, Les contes de fées et l’art de la subversion, 1997, p. 33.

(22)

21

les préparer à assumer plus tard leur rôle dans la société39. Toutefois, Perrault, en énonçant des principes et des valeurs morales assez strictes, est « très sincère dans ses intentions d’améliorer les esprits et les conduites des jeunes enfants »40.

Pour les frères Grimm, la fonction pédagogique du conte est inhérente à sa nature41, et ils considèrent que la sagesse présente dans les contes a été transmise par Dieu lui-même. C’est pourquoi ils n’interviennent pas du tout sur la portée éducative des contes dans leur première édition. Ils écrivent en effet dans la préface de leur première édition :

[…], wenn es sich so leicht aus diesen Märchen eine gute Lehre, eine Anwendung für die Gegenwart ergiebt ; es war weder ihr Zweck, noch sind sie darum erfunden, aber es erwächst daraus, […]42.

Jacob et Wilhelm Grimm prennent conscience du grand potentiel pédagogique des contes après la publication de leur premier recueil, et ils décident d’accentuer cette dimension initiatique dans leurs publications ultérieures.

En outre, le conte ne se contente pas seulement d’éduquer l’enfant en lui présentant des modèles de comportements dont il est conscient, mais il participe également à l’éducation psychique de l’enfant. En effet, les études psychanalytiques, notamment celles de Bruno Bettelheim, ont démontré que le conte est un matériel essentiel dans la construction de la personnalité de l’enfant d’un point de vue inconscient, mais nous développerons cet aspect du conte dans une prochaine partie.

c) La fonction divertissante du conte

Le conte possède également une fonction de divertissement, complémentaire à sa fonction initiatique et fortement liée à cette dernière ; en effet, la dimension divertissante du conte rend plus facile l’acceptation de son contenu pédagogique43.

39 Ibid., p.30.

40 Ibid., p. 35.

41 MOUREY, Lilyane, Introduction aux contes de Grimm et de Perrault, 1978, p. 24.

42 UTHER, Hans-Jörg, « Préface », 2004, p. 9, in GRIMM, Jacob und Wilhelm, Kinder- und Hausmärchen (1819).

43 MOUREY, Lilyane, op.cit., p.5.

(23)

22

Comme nous l’avons vu précédemment, le conte populaire était raconté lors des veillées paysannes et son but était avant tout de divertir pendant les longues soirées d’hiver à la campagne.

La mise par écrit des contes ne les a pas dépourvus de leur fonction divertissante, bien au contraire. Jack Zipes constate que « les frères Grimm avaient rassemblé ces contes […] avec l’intention d’écrire un livre qui procurerait plaisir et savoir »44. En effet, dès la deuxième édition des Kinder- und Hausmärchen, par exemple, l’appareil critique est séparé des deux premiers volumes de contes afin que le lecteur non érudit souhaitant simplement se divertir puisse profiter pleinement des récits sans se préoccuper des réflexions scientifiques des deux frères.

Les contes de Perrault ont eux aussi une fonction divertissante, en plus de leur visée éducative. Perrault cherche également à divertir la Cour, qui commence à se lasser des œuvres classiques, en y introduisant un nouveau genre littéraire, jusque-là réservé à la classe populaire et méprisé par la haute bourgeoisie.

En outre, au XVIIIe siècle, le conte devient un véritable « remède à l’ennui »45 pour la noblesse, qui y trouve un nouveau moyen d’exprimer ses sentiments et de se divertir dans les salons.

d) Autres fonctions

Au-delà de ses fonctions éducative et divertissante, le conte possède également une fonction d’information46. Cette fonction se retrouve surtout du fait de sa forme de récit oral, car il évolue avec le conteur, ce qui n’est pas le cas des récits fixés par écrit.

Le conteur fait donc office de passeur et transporte les nouvelles d’un endroit à un autre. Bien évidemment, les informations sont intégrées au récit et donc fortement romancées mais, à une époque où les moyens de communication n’étaient pas aussi

44 ZIPES, Jack, op.cit., 2007, p. 84.

45 LEMIRRE, Elisabeth, « Les contes de fées, fortunes littéraires du XVIIIe siècle », in Il était une fois… les contes de fées, 2001, p. 85.

46 BRICOUT, Bernadette, « conte », in Encyclopaedia Universalis en ligne, http://www.universalis.fr/encyclopedie/conte/, consulté le 19/07/10.

(24)

23

développés qu’aujourd’hui, le conteur était un intermédiaire apprécié pour se tenir informé.

Selon, Bernadette Bricout, certains contes ont également pour but

[…] d’exposer une certaine chaîne d’action dans un passé très éloigné [ou imaginaire], et, ensuite, d’en tirer la conséquence qui explique un phénomène donné de la réalité du lecteur47.

Cette fonction, dite étiologique, se retrouve par exemple dans le conte n°18 des Kinder- und Hausmärchen, « Strohhalm, Kohle und Bohne », qui raconte l’histoire d’un brin de paille, d’un charbon ardent et d’un haricot, et finit par expliquer pourquoi les haricots ont tous une couture noire. Toutefois, contrairement au mythe, dont la fonction est de fournir des explications sérieuses en ce qui concerne les origines du monde, ces contes ont un caractère humoristique.

Le conte présente donc beaucoup de dimensions variées, qui ont certainement contribuées à faire apprécier ce genre par un si large public. En outre, le conte, du fait de son aspect universel et de sa popularité auprès des jeunes enfants, a donné lieu à plusieurs interprétations psychanalytiques, que nous allons étudier maintenant plus en détail.

4. Le conte d’un point de vue psychanalytique

a) L’analyse de Marie-Louise von Franz

Pour réaliser son interprétation des contes merveilleux, Marie-Louise von Franz se base sur les travaux de Carl Gustav Jung, fondateur de la psychologie analytique et dont elle fut la collaboratrice.

Selon elle, les contes sont le reflet de l’inconscient collectif, par opposition à l’inconscient personnel qui est propre à chaque individu48. Les motifs du conte sont en fait des archétypes, c'est-à-dire des images primordiales, des a priori communs à

47 Ibid.

48 PERROT, Etienne, « Carl Gustav Jung », in Encyclopaedia Universalis en ligne, http://www.universalis.fr/encyclopedie/carl-gustav-jung/, consulté le 04/08/10.

(25)

24

toute l’humanité49 ; ces représentations symboliques sont des modèles de comportement qui servent de base aux représentations personnelles.

La mise en scène des archétypes de l’inconscient collectif se fait de manière relativement claire dans le conte, compte tenu de la quasi-absence d’éléments culturels qui pourraient les recouvrir, comme dans le mythe par exemple.

Les contes de fées expriment de façon extrêmement sobre et directe les processus psychiques de l’inconscient collectif50.

Marie-Louise von Franz considère que les différents motifs des contes sont des représentations multiples du Soi51 et du degré de conscience que nous avons de cette réalité psychique. D’ailleurs, le fait que les motifs des contes n’ont pratiquement pas changé depuis les versions les plus anciennes montre bien qu’ils sont porteurs de l’inconscient collectif, qui est universel.

Même si Marie-Louise von Franz présente son interprétation comme ayant pour but de « permettre au conte de parler de lui-même »52, elle tient compte des réactions émotionnelles de l’individu par rapport au conte.

Le conte révèle donc, selon elle, « les structures universelles de l’âme humaine »53. Concrètement, cela s’observe dans l’aspect intemporel et universel du conte : les formules temporelles d’introduction du conte (‘Il était une fois…’, ‘A l’époque où Dieu se promenait encore sur Terre…’, etc.) et l’imprécision des lieux où se déroule le conte le situent dans l’inconscient collectif du public.

Marie-Louise von Franz fait également remarquer que l’on trouve, dans certains contes, une formule de fin, qu’elle nomme « rite de sortie »54, et qui sert à extraire le lecteur de l’inconscient et à le ramener à la réalité. Ainsi se termine par exemple le

49 DUMERY, Henri, « archétype », in Encyclopaedia Universalis en ligne, http://www.universalis.fr/encyclopedie/archetype/, consulté le 04/08/10.

50 VON FRANZ, Marie-Louise, L’interprétation des contes de fées, 1995, p. 11.

51 Ibid., p. 13.

52 Ibid., p. 25.

53 Ibid., p. 41.

54 Ibid., p. 57.

(26)

25

conte de Hansel et Gretel : « Mon conte est fini, là-bas court une souris, et qui l’attrapera, un très, très grand bonnet de fourrure s’en fera »55.

Cependant, il arrive aujourd’hui encore que cet aspect psychologique du conte ne soit pas pris au sérieux et que l’on se permette d’apporter sans réserve des modifications à son contenu.

L’éditeur ou le traducteur est parfois assez impertinent pour déformer l’histoire sans même prendre la peine de le signaler par une note56.

Toutefois, comme elle nous le fait remarquer, il ne faut pas être trop hâtif à condamner les changements apportés aux contes car ceux-ci peuvent parfois améliorer les représentations de l’inconscient collectif.

b) L’analyse de Bruno Bettelheim

L’ouvrage de Bruno Bettelheim, Psychanalyse des contes de fées (dont nous tirerons la majorité de nos références dans cette section), est connu dans le monde entier. Son auteur s’appuie sur les concepts psychanalytiques développés par Freud, tel le Moi, le Ça et le Sur-moi, et les utilise pour réaliser son analyse des contes merveilleux. Celle-ci montre que les contes reflètent les angoisses universelles, conscientes comme inconscientes, de l’être humain (enfant ou adulte), et lui suggèrent des solutions pour l’aider à surmonter ses peurs et à développer les différents niveaux de sa personnalité. Bruno Bettelheim est aussi d’avis que le conte est adapté à la façon dont l’enfant conçoit le monde ; en effet, il s’agit d’un récit simple et concis, dans lequel chaque personnage correspond à un type.

Chaque personnage est essentiellement unidimensionnel, ce qui permet à l’enfant de comprendre facilement ses actions et ses réactions57.

Il n’y a pas d’ambiguïté dans le conte, ce qui constitue, selon Bettelheim, un moyen idéal pour rassurer l’enfant. De plus, la conclusion des contes est généralement

55 GRIMM, Contes pour les enfants et la maison, traduits par Natacha Rimasson-Fertin, 2009, p. 104.

56 VON FRANZ, Marie-Louise, op.cit.., 1995, p. 16.

57 BETTELHEIM, Bruno, Psychanalyse des contes de fées, 1973, p. 103.

(27)

26

heureuse et, bien souvent, l’enfant finit par surpasser ses parents, ce qui lui permet de se sentir en sécurité.

L’analyse de Bruno Bettelheim se concentre donc sur les aspects du conte traduisant des angoisses pour les enfants, comme la peur d’être abandonné (Hansel et Gretel) et le dédoublement de la figure maternelle en une bonne mère aimante et une méchante et cruelle marâtre58. On a vu que, dans la plupart des contes merveilleux, le héros ou l’héroïne est amené à quitter son foyer familial, ce qui, pour Bruno Bettelheim, équivaut à devenir soi-même : le conte fait comprendre à l’enfant que les épreuves douloureuses sont nécessaires pour arriver à une réalisation complète de son identité personnelle.

Cependant, la plus grande partie de son travail consiste à démontrer que le conte peut fournir une aide des plus importantes à l’enfant et à l’adulte dans la résolution de leurs conflits œdipiens. En effet, le conte apprend à l’enfant à tolérer ces conflits et à vivre avec eux en lui proposant des fantasmes libératoires, comme un nouvel ennemi (un dragon plutôt que le père, par exemple) ou le désir d’une princesse étrangère (plutôt que de sa propre mère)59. Par ailleurs, le conte met également en garde les parents qui se laisseraient submerger par leurs problèmes œdipiens et les conséquences terribles que cela pourrait avoir.

Les deux approches psychanalytiques de Marie-Louise von Franz et de Bruno Bettelheim sont donc relativement différentes l’une de l’autre, mais elles semblent s’accorder sur un point au moins : le conte revêt une importance capitale dans la construction psychique du lecteur, que ce soit de manière consciente ou inconsciente.

Cela explique d’ailleurs que certains chercheurs considèrent aujourd’hui le conte comme l’un des meilleurs remèdes thérapeutiques susceptibles d’aider enfants et adultes dans la résolution de leurs problèmes60.

58 Ibid., p. 93.

59 Ibid., pp. 148-149.

60 TATAR, Maria, « Des monstres et des magies », in Il était une fois… les contes de fées, 2001, p. 502.

(28)

27

Nous pensons qu’il est important de connaître les études psychanalytiques qui ont été menées sur le sujet des contes. Toutefois, dans le cadre de notre travail, nous prendrons une certaine distance par rapport à ces théories, que nous considérons comme intéressantes, mais que nous ne pourrions suivre à la lettre sans remettre en cause l’ensemble de nos objectifs. Nous retiendrons donc simplement que le conte agit au niveau de l’inconscient du lecteur, et qu’il joue également un rôle dans la construction psychique de celui-ci.

(29)

28 B. Aspects sociologiques

1. De la famille patriarcale à la famille moderne contemporaine

La famille est souvent, pour ne pas dire toujours, présente dans les contes, et elle joue généralement un rôle capital dans les aventures du héros. Toutefois, avant de nous pencher plus particulièrement sur le rôle de la famille dans le conte, il est intéressant de dresser un bref aperçu de l’évolution du modèle familial au fil du temps.

Jusqu’à la fin du XIXe siècle, la famille est de type « patriarcale ». Elle rassemble la famille au sens large, c’est-à-dire un groupe d’individus faisant partie de la même maisonnée et liés entre eux par le mariage ou la filiation61.

Ce modèle de famille est organisé en une structure hiérarchisée, dont l’autorité suprême est le père. Celui-ci est tout puissant, et est même considéré comme

« l’incarnation de Dieu »62 au sein de la famille. Ainsi, la base de la famille patriarcale est la dépendance perpétuelle au père de famille63.

Cependant, à partir du XIXe siècle, l’autorité paternelle commence à être remise en question64 et laisse peu à peu la place à un nouveau modèle familial : « la famille conjugale ».

La famille conjugale, ou moderne, apparaît donc à la fin du XIXe siècle et dure jusqu’aux années 1960. Elle est, en quelque sorte, une contraction de la famille paternelle65 : les deux seuls membres « fixes » de la famille sont le mari et la femme, d’où son nom de « famille conjugale », et les enfants ne sont dépendants de leur père que jusqu’à leur majorité (ou souvent, leur mariage).

61 ROUDINESCO, Elisabeth, La famille en désordre, 2002, p. 21.

62 Ibid., p. 24.

63 DURKHEIM, Emile, La famille conjugale, 1892, p. 4.

64 DE SINGLY, François, Sociologie de la famille contemporaine, 2007, p. 15.

65 DURKHEIM, Emile, op.cit.

(30)

29

Ce modèle familial se caractérise par l’individualisation des relations à l’intérieur de la famille, qui s’émancipe petit à petit du « communisme familial »66. La cohésion de la famille ne repose plus seulement sur la propriété de biens communs, mais sur les relations entre ses membres, qui deviennent plus indépendants et plus autonomes.

A l’intérieur de la famille conjugale, les rôles sont toutefois bien définis et on remarque encore une division stricte du travail entre hommes et femmes. Selon François de Singly,

Pendant un demi-siècle (1918-1968), le fait que l’homme travaille à l’extérieur pour gagner l’argent du ménage et que la femme reste à la maison pour s’occuper du mieux possible des enfants est une évidence sociale […]67.

Un des nouveaux aspects de ce modèle familial est l’intervention de l’Etat dans la vie intérieure de la famille. En effet, l’Etat prend des mesures pour protéger les mineurs et les orphelins et peut prononcer la « déchéance paternelle »68 en cas d’abus d’autorité. Contrairement à ce que l’on observait dans la famille patriarcale, dans laquelle le chef de famille pouvait « faire la loi » comme il l’entendait, l’Etat empêche la rupture des liens familiaux dans la famille conjugale.

A partir des années 1970, suite au mouvement féministe et à la légalisation du divorce, on assiste à l’apparition de la famille contemporaine. Les femmes « ne se [contentent] plus de regarder l’histoire en spectatrices, elles en [sont] les héroïnes actives »69. Elles refusent d’être définies d’abord en tant que mères et épouses, et revendiquent leur indépendance.

Cela a pour conséquence la disparition de l’autorité strictement paternelle et permet d’établir l’autorité parentale. Cependant, avec l’augmentation du nombre de divorces, elle est aujourd’hui souvent source de tensions au sein de la famille.

La famille contemporaine correspond au modèle familial que nous observons dans notre société actuelle. Toutefois, ce modèle pourrait bien être remis en cause d’ici peu

66 Ibid., p. 5.

67 DE SINGLY, François, op.cit., 2007, p. 20.

68 DURKHEIM, Emile, op.cit., 1892.

69 ROUDINESCO, Elisabeth, op.cit., 2002, p. 184.

(31)

30

par suite de l’utilisation des nouvelles techniques médicales de procréation, qui remettent en question l’utilité même d’un père pour la fondation d’une famille.

2. Le modèle familial présenté par les contes

La famille est très souvent représentée dans les contes, surtout dans les contes merveilleux, où elle est presque toujours essentielle à l’intrigue et joue un rôle capital pour le héros du récit. Bien que le conte n’ait pas pour but de présenter un modèle familial idéal, « les histoires des contes sont […] souvent de véritables exempla70 de la vie familiale »71.

Le conte est en effet centré sur la famille et ses conflits72 ; c’est d’ailleurs sans doute pour cette raison qu’il touche un si large public. Par exemple, au début de l’histoire des contes merveilleux, on remarque souvent une figure manquante dans la famille (un père, une mère, des frères, etc.), la situation familiale est donc insatisfaisante73. La suite du conte nous raconte ainsi l’histoire de la construction d’une nouvelle famille, complète cette fois-ci, qui mène à l’accomplissement de la personnalité du héros ou de l’héroïne du conte.

Toutefois, nous observons que, dans les contes destinés spécifiquement aux enfants, la structure familiale ne subit pas de bouleversements profonds comme c’est le cas dans les contes d’initiation. C’est ainsi que le Petit Chaperon rouge rentre chez sa mère, qu’Hansel et Gretel finissent par retrouver leur père (mais sont tout de même débarrassés de leur méchante mère/belle-mère), et que le Petit Poucet revient chez ses parents. On notera cependant que, chaque fois, la situation familiale s’est améliorée ou s’améliore au retour des héros, lorsque ceux-ci rapportent des trésors.

70 Un exemplum est un récit présenté comme véridique, inséré dans un discours pour en démontrer la valeur salutaire. Dans le christianisme, les "exemplums" (ou exempla) sont des recueils de sermons modèles. (« Exemplum », in Wikipédia, L’encyclopédie libre, http://fr.wikipedia.org/wiki/Exemplum, consulté le 30/07/10.)

71 PIFFAULT, Olivier, « La famille, une mise en jeu et une refondation permanentes », in Il était une fois… les contes de fées, 2001, p. 389.

72 TATAR, Maria, « Des monstres et des magies », in Il était une fois… les contes de fées, 2001, p. 498.

73 VON FRANZ, Marie-Louise, L’animus et l’anima dans les contes de fées, 2004, p. 14.

(32)

31

Maintenant que nous avons pu observer que la famille est un élément majeur du conte merveilleux, examinons plus en détail le rôle de chacun au sein de la famille, ainsi que les relations entre ses membres.

a) La place de la femme dans la famille

Le Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle (1866-1876), fait référence à la femme comme à un être socialement inférieur :

« En quoi consiste l’infériorité intellectuelle de la femme ? […] Que lui manque-t-il ? De produire des germes, c'est-à-dire des idées » […] « L’infériorité intellectuelle de la femme doit nécessairement, comme son infériorité physique, entraîner des conséquences sociales »74.

Cette définition semble s’appliquer dans les contes, en particulier dans les contes de Perrault, « partisan d’une soumission totale de la femme à l’époux »75. Perrault utilise les contes pour transmettre les vertus idéales de la femme selon lui : elle se doit d’être belle mais sans coquetterie, fidèle, obéissante à son époux, et entièrement dévouée à ses enfants et à son foyer. Par la même occasion, Charles Perrault adresse une critique directe aux femmes de la haute bourgeoisie, qu’il considère comme frivoles.

Dans les contes des frères Grimm, on ne remarque pas de prise de position si radicale à l’égard de la femme. Cependant, les héroïnes de leurs contes ne subissent guère meilleur traitement que dans les contes de Perrault : elles sont également cantonnées à l’intérieur et doivent s’occuper du bon fonctionnement de la maison et d’élever les enfants. De plus, elles doivent être prêtes à tous les sacrifices pour sauver les membres de leur famille. On pense notamment aux contes où une jeune fille est contrainte de garder le silence pendant plusieurs années afin de délivrer ses frères d’une malédiction (Les six cygnes, Les douze frères).

74 HERITIER, Françoise, Masculin/Féminin : la pensée de la différence, 1996, p. 11.

75 MOUREY, Lilyane, Introduction aux contes de Grimm et de Perrault, 1978, p. 40.

(33)

32

b) Le rôle de l’homme dans la famille

Le domaine réservé de l’homme est l’extérieur. Par opposition à la femme, qui doit rester au foyer pour les tâches domestiques, le père ou l’époux s’en va chasser dans la forêt, ou bien abandonne sa famille pendant plusieurs mois pour partir en guerre.

Toutefois, on observe généralement deux catégories d’hommes dans les contes merveilleux : les dominants et les dominés.

Souvent, l’homme est une figure autoritaire au sein de la famille, à la fois en tant que père et en tant qu’époux. Il a en effet une position dominante dans le couple par rapport à la mère de ses enfants, qui est contrainte de lui obéir sans discuter, cela même lorsque le conte nous dit qu’ils « vivaient en parfaite harmonie ». Le message qui nous est donc transmis ici est que la suprématie du père sur la mère est le mode de bon fonctionnement de la famille.

Le père peut aussi être une autorité toute-puissante face à ses enfants. C’est lui qui décide, plus ou moins arbitrairement selon les contes, qui sera bénéficiaire de l’héritage ; il peut condamner ses enfants (ou sa femme) à mort ; et s’il décide d’épouser sa propre fille, comme dans « Peau-d’Ane », personne ne s’oppose à lui.

D’un autre côté, la plupart du temps dans les contes où a lieu un remariage, on remarque que le mari est souvent soumis à la volonté et aux caprices de sa nouvelle femme. Cette dernière peut alors persécuter les enfants issus du premier mariage de son époux, sans que celui-ci s’y oppose, comme c’est le cas dans Cendrillon ou dans Blanche-Neige.

c) Les relations parents-enfants

Les tensions entre les parents et les enfants dans le conte merveilleux sont souvent l’élément déclencheur de l’histoire. En effet, c’est presque toujours à cause de l’un de ses parents que le héros est obligé de quitter le foyer familial. Bien que la cause de ce départ ne soit pas toujours la même, on observe trois motifs récurrents.

(34)

33

Tout d’abord, il peut arriver que le héros soit abandonné par ses parents, qui n’ont plus les moyens de s’occuper de lui, en général parce que la famille traverse une période de famine. On pense notamment à Hansel et Gretel, livrés à leur sort en pleine forêt. Dans d’autres contes, les enfants peuvent aussi être répudiés par un de leurs parents, comme dans Les trois langages, où un père chasse son fils qu’il trouve sot et ignorant et dont il a honte. Dans Les sept corbeaux, le père fait s’abattre une terrible malédiction sur ses fils qui ne reviennent pas assez vite avec l’eau pour le baptême de leur petite sœur, et cause ainsi leur transformation en oiseaux et leur fuite de la maison.

Le héros peut également être amené à quitter le foyer familial car il est menacé par les désirs incestueux d’un de ses parents. C’est le cas de Peau-d’Âne, qui se voit contrainte de quitter son royaume pour fuir son père qui a décidé de l’épouser car elle est aussi belle que sa mère.

Enfin, le motif le plus fréquent dans la relation parent-enfant est celui de la jalousie. En effet, l’enfant est un rival potentiel76 de l’un des parents, qui se sent menacé et est soudain pris d’une jalousie démesurée envers l’enfant. Le plus souvent, cela s’observe chez la belle-mère, comme la marâtre de Blanche-Neige qui se sent menacée par la beauté de sa belle-fille. Il peut cependant aussi arriver que le père soit jaloux ou ait peur de ses fils, qui grandissent et pourraient lui prendre le pouvoir, et les condamne à mort, comme dans le conte Les douze frères.

Néanmoins, on remarque souvent dans les contes également une figure maternelle qui veille sur le héros ou l’héroïne. En général, il s’agit de la mère décédée, qui revient sous forme d’ange, de fée ou d’animal (une colombe ou une cane) ; dans tous les cas, elle se manifeste sous la forme d’une créature céleste. Dans Cendrillon, par exemple, lorsque la jeune fille a besoin d’aide, elle se rend sur la tombe de sa mère, où un oiseau lui apporte chaque fois une nouvelle tenue pour aller au bal. On peut également citer l’exemple de la mère qui, assassinée par sa méchante marâtre,

76 PIFFAULT, Olivier, « La famille, une mise en jeu et une refondation permanentes », in Il était une fois… les contes de fées, 2001, p.391.

(35)

34

revient la nuit pour veiller sur son enfant jusqu’à ce qu’elle soit enfin ramenée à la vie par son prince (p.ex. Petit-frère et Petite-Sœur).

d) Les relations fraternelles

La présence de frères et sœurs n’est pas systématique dans les contes. Il y a en effet beaucoup de contes mettant en scène des enfants uniques, comme Blanche- Neige, Raiponce et la Belle au bois dormant. Mais, si frères et sœurs il y a, ce n’est pas sans raison et ils sont utiles au développement du récit.

Le rôle de la fratrie, surtout quand elle est nombreuse, est de « révéler le destin particulier de l’héroïne ou du héros, puis de jouer un rôle d’ange gardien »77, comme on peut l’observer dans Les douze frères. En général, le héros se distingue du reste de la fratrie, soit parce qu’il s’agit d’une fille au milieu d’un grand nombre de garçons, soit parce qu’il est le benjamin et mis un peu à l’écart par ses aînés.

Dans les cas de fratries réduites à deux frère et sœur, comme Roserouge et Neigeblanche, Petit-frère et Petite-Sœur et Les deux frères, on remarque la plupart du temps une solidarité très forte entre eux. Il est d’ailleurs intéressant de noter que, dans ces contes, les enfants sont toujours issus d’un même mariage.

Au contraire, dans les contes où l’on trouve des familles recomposées, on assiste souvent à une démonstration de jalousie de la part des enfants du nouveau conjoint envers le héros ou l’héroïne, qui se retrouve alors la cible de la plus abjecte cruauté de la part de ses demi-frères ou demi-sœurs (p.ex. Cendrillon, Les trois petits hommes de la forêt).

Enfin, il n’est pas rare non plus d’observer une certaine compétition entre les membres d’une même fratrie. L’objet de cette rivalité est souvent l’héritage familial, comme dans le conte Les trois frères, ou la conquête d’une jeune princesse.

77 Ibid., p. 392.

Références

Documents relatifs

Il le tailla le soir même et s'apprêtait à y travailler le lendemain matin, quand il les trouva tout faits à son réveil ; et cette fois encore les chalands

Par ailleurs, des deux ou trois interventions fon- gicides réalisées sur le blé tendre, la contribution technique et économique du T1 apparaît comme la plus faible, alors qu’il

Depuis plus de 20 ans, de nombreux travaux ont été conduits, notamment par des zootechniciens, en considérant le travail comme une ressource à optimiser dans le cadre du projet

Nous offrons également une gamme complète de services, qui vous protège contre tout imprévu : assurez votre capital en cas de destruction totale ou de vol de votre véhicule Fiat

Combien de contes (en puissance) sont abandonnés parce qu'incohérents pour ceux qui l e reçoivent, alors que l'auteur lui - même su it un cheminement intéri eur,

sion de l ·esprit qui anime notre grand mouvement Nous n ·avons pas créé seulement.. Tom; les

Ensuite le Seigneur leur a dit : “L’homme est maintenant devenu comme l’un de nous, pour la connaissance du bien et du mal, il ne faut pas lui permettre de tendre la main pour

[r]