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Promouvoir le don d'organes par des campagnes d'information pour mieux respecter le droit à la vie des receveurs

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Promouvoir le don d'organes par des campagnes d'information pour mieux respecter le droit à la vie des receveurs

FLÜCKIGER, Alexandre

FLÜCKIGER, Alexandre. Promouvoir le don d'organes par des campagnes d'information pour mieux respecter le droit à la vie des receveurs. In: Flückiger, Alexandre. Emouvoir et

persuader pour promouvoir le don d'organes ? : l'efficacité entre éthique et droit . Genève : Schulthess, 2010. p. 121-150

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:14371

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campagnes d’information pour mieux respecter le droit à la vie des receveurs

Alexandre Flückiger

Professeur, Directeur du Centre d’étude, de technique et d’évaluation législatives (CETEL)

Faculté de droit, Université de Genève

1. Introduction

Selon la Fondation suisse pour le don d’organes Swisstransplant, 62 patients sont décédés en 2008 faute d’avoir reçu un organe correspondant à leur be- soin. La Suisse se situe avec 11,8 donneurs par millions d’habitants très en-des- sous des moyennes européennes tournant autour de 20 donneurs par million1. En comparaison en 2007, 41 hommes et 16 femmes sont décédés du Sida, 321 hommes et 175 femmes d’une cirrhose du foie alcoolique, 289 hommes et 85 femmes d’accidents de la route2 et 6427 hommes et 2774 femmes de la consommation de tabac3. Dans ces derniers domaines, les autorités exercent une activité d’information incitant le public à adopter un comportement spéci- fique : porter un préservatif, réduire la consommation problématique d’alcool, conduire plus sûrement, ne pas fumer4. Or en médecine de transplantation, le Conseil fédéral estime que « l’information ne saurait [...] viser à accroître la propension au don d’organes. »5Il justifie sa position en invoquant que « l’Etat ne doit pas faire de prosélytisme »6. Au lieu d’être incitative, l’information gé- nérale du public sur les dons d’organe doit être neutre selon le Conseil fédéral.

Pourquoi ? Hormis les considérations très émotionnelles liées en particulier à l’inavouable représentation de son futur cadavre7, les situations sont, il est vrai, en partie différentes : dans les domaines de la santé publique en général,

1 Swisstransplant, communiqué de presse du 30 janvier 2009 [www.swisstransplant.ch].

2 Source : Office fédéral de la statistique,Mortalitécauses de décès 2007.

3 Source : Office fédéral de la statistique,Les décès dus au tabac en Suisse : Estimation pour les années entre 1995 et 2007, Neuchâtel, mars 2009.

4 Sur les bases légales de telles informations incitatrices, voir Pierre Tschannen, « Amtliche Warnungen und Empfehlungen »,Revue de droit suisseII, 1999, p. 426 ss.

5 Message du Conseil fédéral relatif au projet de loi fédérale sur la transplantation, FF 2002 130.

6 FF 2002 130.

7 Voir l’analyse de Virgile Perret consacrée au rôle des facteurs émotionnels dans la genèse de la législa- tion suisse sur la transplantation dans cet ouvrage (chapitre 6).

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les individus sont incités à éviter de nuire à eux-mêmes ou aux autres, alors que le donneur potentiel d’organes n’est encouragé à agir que pour le bien d’autrui. Mais est-ce un argument déterminant pour mettre en cause la légiti- mité des autorités publiques à agir lorsqu’il s’agit de promouvoir un comporte- ment purement altruiste ?

Je tenterai de démontrer dans cet exposé que tel n’est pas le cas et que la pratique fédérale restrictive doit être renversée, tant pour des motifs constitu- tionnels de droit interne que de primauté du droit international. J’esquisserai également la marge de manœuvre dont disposent les autorités pour concevoir des campagnes véhiculant des messages émotionnels ou recourant à certaines techniques de persuasion.

Les particuliers, associations privées, personnalités publiques ou médias par exemple, demeurent dans tous les cas libres d’inciter au don d’organe ou, au contraire, de mettre le public en garde, dans les limites des libertés de communication (liberté d’opinion et d’information, liberté des médias, liberté de la science et liberté de l’art notamment). Lorsque la Confédération et les can- tons collaborent avec des organisations et des personnes de droit public ou de droit privé en matière d’information8, ces dernières sont néanmoins liées par les exigences posées par les autorités. Assumant une tâche de l’Etat, elles sont alors tenues de respecter les droits fondamentaux et de contribuer à leur réalisation au même titre que les autorités9.

Je n’aborderai en revanche pas l’information spécifique des proches en- deuillés et ni celle des donneurs vivants. Je vise ici uniquement la promotion du don d’organes cadavérique par des informations étatiques incitatrices générales10.

2. Le principe : la liberté de donner ou non ses organes opposée au droit à la vie et à la santé du receveur

Chacun est libre de donner ou non ses organes. L’Etat ne peut pas contraindre juridiquement un individu à donner ses organes, tant de son vivant qu’après sa mort, que ce soit par une opération forcée ou la menace de sanctions pénales.

Le Tribunal fédéral a eu l’occasion de préciser ce point depuis 1972 déjà dans le développement d’une jurisprudence de 1919 jugeant que la protection de la

8 Voir art. 61 al. 1erde la loi fédérale sur la transplantation (RS 810.21).

9 Art. 35 al. 2 Cst.

10 Jai abordé ailleurs la question du recours aux émotions et aux techniques de psychologie sociale dans ces cas de figure (Alexandre Flückiger, « Pourquoi respectons-nous la soft law ? Le rôle des émotions et des techniques de manipulation »,Revue européenne des sciences sociales, Tome XLVII, 2009, No144, p. 93 [approche anticipée des proches], p. 95 [empathie], p. 95 ss [techniques de manipulation]).

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personnalité ne cessait pas avec la mort d’une personne11. Le donneur potentiel peut se prévaloir de la protection de sa dignité humaine (art. 7 Cst.), de son droit à la vie, notamment en rapport avec la détermination sûre du décès pour le donneur cadavérique (art. 10 al. 1er Cst.), de sa liberté personnelle, notam- ment son intégrité physique et psychique (art. 10 al. 2 Cst.) et de sa liberté de conscience et de croyance (art. 15 Cst.), en particulier du droit de se forger librement ses convictions philosophiques (art. 15 al. 2 Cst.) notamment12.

La liberté de donner ou non ses organes n’est cependant pas absolue. Selon le Tribunal fédéral le droit de disposer librement de sa dépouille ne fait en effet pas partie de l’essence d’un droit fondamental au sens de l’article 36 al. 4 Cst.13 Classiquement dès lors dans le domaine des droits de l’homme, le droit à la libre disposition de sa dépouille être mis en balance avec les intérêts opposés du patient en attente d’une greffe dont la vie ou la guérison dépendent ; les progrès médicaux ont en effet conduit à créer un état de tension entre des inté- rêts privés opposés : ceux des uns à disposer librement de leur dépouille après leur mort et ceux des autres à être sauvés ou soignés14. Cette prise en compte des intérêts du receveur participe « de l’intérêt plus général lié au droit à la vie et à l’amélioration des conditions d’existence des malades. »15Dans l’optique du receveur potentiel, le prélèvement d’un organe sur une personne décédée constitue selon le Tribunal fédéral « une mesure nécessaire [...] à la protection de sa « santé», et à la protection de ses « droits » et « libertés », à commencer– s’il est en danger de mort–par son droit à la vie et son droit à jouir du meilleur état de santé physique ou mentale qu’il soit capable d’atteindre »16. Le receveur peut ainsi faire valoir, toujours selon le Tribunal fédéral, son droit à la vie tant au sens de l’article 2 al. 1erCEDH (« Le droit de toute personne à la vie est pro- tégé par la loi. ») que de l’article 10 al. 1erCst. (« Tout être humain a droit à la vie ») de même que son droit « de jouir du meilleur état de santé physique et mentale [qu’il] soit capable d’atteindre » (art. 12 al. 1erdu Pacte international re- latif aux droits économiques, sociaux et culturels [Pacte ONU I]17), la Suisse s’étant engagée sur ce dernier point à créer des « conditions propres à assu- rer à tous des services médicaux et une aide médicale en cas de maladie » (art. 12 al. 2 let. d Pacte ONU I)18. LaConvention sur les droits de l’homme et la

11 ATF 98 Ia 508, 522.

12 On peut en particulier rajouter le droit à la vie et la santé pour le donneur vivant.

13 ATF 98 Ia 508, 523.

14 ATF 98 Ia 508, 524.

15 ATF 123 I 112, 136.

16 ATF 123 I 112, 138.

17 RS 0.103.1.

18 Voir Olivier Guillod / Dominique Sprumont, « Le droit à la santé: un droit en émergence »,De la Consti- tution, Etudes en l’honneur de Jean-François Aubert, Helbling & Lichtenhahn, Bâle et Francfort-sur-le Main, 1996, p. 337-353, 346.

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biomédecine19en vigueur en Suisse depuis le 1ernovembre 2008 exige des parties qu’elles « prennent, compte tenu des besoins de santé et des ressources dispo- nibles, les mesures appropriées en vue d’assurer, dans leur sphère de juridic- tion, un accès équitable à des soins de santé de qualité appropriée » (art. 3). Le Protocole additionnel à la Convention sur les droits de l’homme et la biomédecine rela- tif à la transplantation d’organes et de tissus d’origine humaine,en revanche pas en- core en vigueur20, demande pour sa part de garantir « l’existence d’un système permettant l’accès équitable des patients aux services de transplantation » (art. 3 al. 1er), le terme « transplantation » désignant l’ensemble de la procédure comportant tant le prélèvement d’un organe sur une personne que la greffe sur une autre personne (art. 2 al. 4). Le protocole rappelle enfin en préambule que les progrès dans le domaine de la transplantation d’organes et de tissus

« contribuent à sauver des vies humaines ou à en améliorer considérablement la qualité» (3econs.), que « compte tenu de l’insuffisance d’organes et de tissus, des mesures appropriées devraient être prises afin d’en augmenter le don » (5econs.), que la transplantation d’organes et de tissus devrait être effectuée dans des conditions protégeant non seulement les droits et libertés des don- neurs et des donneurs potentiels mais également ceux des receveurs d’organes (8econs.) et que la transplantation d’organes et de tissus en Europe doit s’effec- tuer dans l’intérêt des patients (9e cons.). Enfin, reprenant en cela le mandat constitutionnel (art. 119 al. 1erCst.), laloi fédérale sur la transplantation d’organes, de tissus et de cellulesdu 8 octobre 200421(LTx) a pour but explicite de protéger les droits fondamentaux (dignité humaine [art. 7 Cst.], droit à la vie [art. 10 al. 1erCst.], liberté personnelle, notamment droit à l’intégrité physique et psy- chique [art. 10 al. 2]) et de protéger la santé (art. 1eral. 3 LTx). On mentionnera enfin l’obligation incombant à la Confédération et aux cantons, à titre de but social de l’Etat, de s’engager à ce que « toute personne bénéficie des soins nécessaires à sa santé» (art. 41 al. 1erlet. b Cst.).

La protection des droits fondamentaux du receveur doit donc être prise en compte dans une mesure susceptible de varier selon les conceptions sociales et éthiques du moment et de l’état du développement des connaissances scienti- fiques. Ainsi, dans l’optique du droit à la vie du patient, le Tribunal fédéral s’est même demandé en 1972 si, en rapport avec un ordre de valeur éthique le cas échéant modifié, de telles interventions sur le corps d’un mort pouvaient être compatibles avec la liberté personnelle même contre la volonté de l’in- téressé ou de ses proches. Il a laissé la question ouverte22. Une partie de la

19 Convention du 4 avril 1997 pour la protection des Droits de lHomme et de la dignité de lêtre humain à légard des applications de la biologie et de la médecine (RS 0.810.2).

20 Délai référendaire échu le 1eroctobre 2009 (FF 2009 4007).

21 RS 810.21.

22 ATF 98 Ia 508, 524.

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doctrine était ainsi d’avis qu’en cas d’urgence ou de danger de mort du rece- veur, la garantie de la liberté personnelle du receveur devait même l’emporter sur celle du donneur23. Le Tribunal fédéral a tranché la question en 1997 en sens opposé en jugeant que la liberté du receveur ne l’emportait pas sur celle du donneur cadavérique ; le second ayant la priorité24. La loi fédérale sur la trans- plantation a réglé la question en exigeant le consentement explicite de la per- sonne décédée, lui conférant un droit à l’autodétermination (art. 8 al. 1er LTx) ou, en l’absence d’un document attestant la volonté de la personne, le consente- ment explicite des proches (art. 8 al. 2 et 3 LTx). En l’absence de proches ou s’il est impossible de les contacter, le prélèvement est interdit (art. 8 al. 4 LTx). Dans tous les cas, la volonté de la personne décédée prime celle des proches (art. 8 al. 5 LTx). Le législateur a donc opté pour le modèle du consentement au sens large, protégeant mieux les droits des donneurs que ceux des receveurs. Il n’a pas retenu le modèle du consentement présumé (appelé également modèle de l’opposition) qui a théoriquement pour avantage de favoriser la disponibilité d’organes25, c’est-à-dire les droits du receveur. Ces considérations ne valent évi- demment pas pour le donneur vivant qui doit dans tous les cas donner son consentement libre et éclairé par écrit (art. 12 LTx). Ce choix législatif est conforme au droit international, plus précisément auProtocole additionnel à la Convention sur les droits de l’homme et la biomédecine relatif à la transplantation d’or- ganes et de tissus d’origine humaine, tant pour le donneur vivant que pour le dé- cédé. Pour le premier, le consentement doit être « libre, éclairé et spécifique, soit par écrit soit devant une instance officielle » et doit pouvoir être retiré librement à tout moment (art. 13 du Protocole). Pour le second, le Protocole précise que

« des organes ou des tissus ne peuvent être prélevés sur le corps d’une per- sonne décédée que si le consentement ou les autorisations requis par la loi ont été obtenus. Le prélèvement ne doit pas être effectué si la personne décédée s’y était opposée. » (art. 17 du Protocole).

Le Tribunal fédéral avait quant à lui admis par le passé le système du consentement présumé de la personne décédée pour prélever ses organes en vue d’une transplantation, et n’avait pas exigé un consentement exprès, met- tant précisément en balance les droits fondamentaux de chacun ; une prescrip- tion selon laquelle une transplantation d’organes ne pouvait être exécutée que lorsque ni l’intéressé ni ses proches ne s’y étaient opposés était dès lors conforme à la constitution26. En l’absence de disposition du défunt sur le sort de sa dépouille, le prélèvement d’un organe sans le consentement des parents

23 Andreas Bucher,Personnes physiques et protection de la personnalité, 3eéd., Bâle 1995, no 538 (cité in ATF 123 I 112, 138).

24 ATF 123 I 112, 138.

25 Sur ces différents modèles, voir FF 2002 68 ss.

26 ATF 98 Ia 508, 520 ss.

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du donneur avait constitué une atteinte aux droits de la personnalité de ces derniers au sens de l’article 28 CC27. Dans tous les cas, le refus d’exiger un consentement explicite n’était admissible qu’à la condition que les patients et leurs proches aient été correctement informés de leur droit de s’opposer28. Le Tribunal fédéral a précisé par la suite qu’une loi cantonale instituant le système du consentement présumé avec un droit d’opposition de l’intéressé ou de ses proches était conforme à la liberté personnelle à une double condition : une politique d’information de la population devait être mise en place (devoir d’information au sens large) et les proches devaient être informés (devoir d’information au sens étroit)29.

3. Les bases juridiques relatives à l’information générale du public sur le don d’organes

La réglementation de la médecine de transplantation était laissée en Suisse à la diversité fédéraliste avant l’entrée en vigueur de la loi fédérale sur la transplan- tation. La Confédération ne disposait pas d’une compétence exhaustive à cet effet dans la Constitution fédérale30. Le seul élément centralisateur résidait dans des directives de nature privée, celles de l’Académie suisse des sciences médicales (ASSM) applicables à la médecine de transplantation31, auxquelles la législation cantonale renvoyait parfois soit de manière générale, soit sur des points particuliers32.

La promotion ou non du don d’organe variait d’un canton à un autre. Ain- si Jura, Fribourg et Valais avaient adopté dans leur législation le principe du soutien étatique aux campagnes d’information visant à promouvoir le don d’organes33. En outre, dans tous les cantons ayant opté pour le système du consentement présumé, à l’instar de Genève, les autorités avaient le devoir selon le Tribunal fédéral de mettre en place une politique d’information de la population régulièrement renouvelée34.

27 ATF 101 II 177, 190 ss.

28 ATF 101 II 177, 196 ; 98 Ia 508, 525.

29 ATF 123 I 112, 139 ss.

30 Sur la nécessité d’une norme constitutionnelle spécifique, voir Office fédéral de la justice, « Etat et étendue de la compétence législative de la Confédération dans le domaine de la médecine de trans- plantation : avis de droit du 7 juin 1995 »,JAAC61/I, p. 29 ss).

31 FF 2002 53 et 55.

32 FF 2002 54.

33 FF 2002 55.

34 ATF 123 I 112, 139.

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3.1 La base constitutionnelle

La disposition constitutionnelle sur la médecine de transplantation a été accep- tée en votation populaire le 7 février 199935avec la teneur suivante (art. 119a Cst.) :

«1La Confédération édicte des dispositions dans le domaine de la transplanta- tion d’organes, de tissus et de cellules. Ce faisant, elle veille à assurer la protection de la dignité humaine, de la personnalité et de la santé.

2Elle veille à une répartition équitable des organes.

3Le don d’organes, de tissus et de cellules humaines est gratuit. Le commerce d’organes humains est interdit. »

Se basant sur l’alinéa 1er du projet de disposition constitutionnelle, de teneur identique, le Conseil fédéral a souligné la « grande importance » de la promotion du don d’organe au regard des receveurs :

« Les receveurs en attente d’un organe sont toujours aussi nombreux et per- sonne ne conteste la nécessité d’augmenter le nombre d’organes disponibles.

La promotion du don d’organe revêt donc une grande importance. »36

Il a cependant laissé au législateur la compétence « d’examiner si la Confé- dération devra promouvoir le don d’organes, par exemple par des campagnes d’information de la population ou par d’autres activités, ou si elle soutiendra l’action que Swisstransplant mène dans ce domaine »37.

Lors des débats parlementaires, le Conseil des Etats s’est demandé s’il fal- lait compléter la disposition constitutionnelle par un alinéa donnant le mandat explicite à la Confédération de promouvoir le don d’organes en informant la population. Christiane Brunner, après débat, a retiré sa proposition d’ajouter la règle suivante : « La Confédération encourage le don d’organes en informant la population sur sa nécessité. » Ce non-complément ne saurait toutefois être interprété comme une lacune qualifiée qui interdirait aux autorités de promou- voir le don ; au contraire. Les parlementaires opposés redoutaient surtout les conséquences financières d’une disposition par trop contraignante, craignant que le Parlement doive accorder chaque année des crédits à cet effet38. Ces parlementaires ont toutefois reconnu que la compétence de promouvoir le don d’organes était comprise dans la compétence générale du 1eralinéa de l’article constitutionnel et qu’il n’était pas nécessaire de la fondre dans une disposition spéciale39. La conseillère fédérale Ruth Dreifuss a confirmé que la compétence

35 RO 1999 1341 (art. 24deciesaCst.).

36 FF 1997 III 636.

37 FF 1997 III 636 et 649.

38 BO-CE 1998 627 et s, 630.

39 Anton Cottier: « Le but qui consiste à sensibiliser l’opinion et à susciter un état d’esprit favorable au don d’organes n’est pas du tout contesté ni par la commission, ni même, je pense, par le Conseil

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générale de l’alinéa 1erpermettait de légiférer dans ce domaine si bien qu’elle n’a pas considéré que cette adjonction fût nécessaire sur le plan constitutionnel.

Elle a précisé que le Conseil fédéral avait « l’intention de faire un travail d’in- formation et de le préciser dans le texte de loi que nous vous présenterons dès que la base constitutionnelle aura été créée, ce qui permettra de discuter de fa- çon plus approfondie sur la responsabilité propre de la Confédération et sa res- ponsabilité subsidiaire par rapport à des organisations. [...] Nous aurons à in- former, nous aurons besoin de moyens pour le faire et nous examinerons, en relation avec la loi, comment nous y prendre. [...] En d’autres termes, le carac- tère non indispensable de cet alinéa, même si les activités décrites le sont, me fait souhaiter qu’il ne soit pas inscrit dans la Constitution fédérale. »40Prenant acte « que le Conseil fédéral entend mener une politique d’information et qu’il nous en présentera le cadre, lors de la discussion sur la loi d’application », Christiane Brunner a retiré sa proposition41.

3.2 La base légale

3.2.1 L’avant-projet de loi

L’avant-projet de loi fédérale sur la transplantation de décembre 1999 était fi- dèle à la déclaration d’intention du Conseil fédéral puisqu’en plus d’assurer la protection de la dignité humaine, de la personnalité et de la santé lors de l’ap- plication à l’être humain de la médecine de transplantation et d’empêcher toute utilisation abusive d’organes, de tissus ou de cellules, il avait pour but explicite

« d’encourager le don d’organes, de tissus et de cellules d’origine humaine à des fins de transplantation. » (art. 1erlet. c). Selon le rapport explicatif, l’avant- projet de loi cherchait «à contribuer à ce qu’il y ait plus d’organes, de tissus et

fédéral. Mais cette tâche est déjà comprise dans la compétence générale de l’alinéa 1er. La commission a estimé qu’il suffisait simplement de préciser en plénum qu’une politique d’information et d’encou- ragement était possible pour le Conseil fédéral ; mais elle ne voulait aucune obligation. La version pro- posée par la commission ne prive pas le Conseil fédéral de sa compétence, mais elle ne lui impose pas non plus d’obligation, alors que la proposition Brunner Christiane obligerait le Conseil fédéral à agir. » (BO-CE 1998 630) ;Erika Forster: « die Spendebereitschaft muss gesteigert werden. Ich denke : Wir sind alle aufgefordert, durch Aufklärungsarbeit diese gute Sache zu unterstützen. Zu prüfen wäre, ob sich der Bund nicht noch stärker auf diesem Gebiet engagieren sollte, etwa durch vermehrte Unterstüt- zung von Aufrufen für Organspenden oder durch Mitfinanzierung von Kampagnen. [...] Diese Aufgabe kann aber bereits heute vom Bund wahrgenommen werden. Ob es hierzu eine Verfassungsbestim- mung braucht, wie sie uns von Frau Brunner in einem Antrag vorgeschlagen wird, bezweifle ich. » (BO- CE 1998 628) ;Eric Rochat: « Finalement, lalinéa 1er, pris dans son acception générale, permet à la Confédération de prendre toute prescription dans le domaine de la transplantation d’organes, de tis- sus et de cellules, donc aussi les mesures d’encouragement et d’incitation souhaitées. Faut-il alors vraiment ajouter une disposition contraignante ?» (BO-CE 1998 627).

40 BO-CE 1998 631.

41 BO-CE 1998 631.

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de cellules d’origine humaine à disposition pour des transplantations » en pré- voyant une information régulière de la population dont le but premier était de

« créer chez cette dernière un sentiment de compréhension et de confiance envers la médecine de la transplantation et prévenir l’apparition dans la po- pulation d’un sentiment d’insécurité souvent rendu responsable d’une faible propension au don. »42

Une disposition spécifique relative à l’information du public concrétisait cette finalité sous la forme suivante (art. 79) :

«1Le service fédéral compétent et les cantons informent le public régulière- ment sur les questions liées à la médecine de transplantation.

2L’information vise notamment à:

a. encourager le don d’organes, de tissus ou de cellules ;

b. assurer la clarté de la réglementation et de la pratique de la médecine de transplantation.

3L’information comprend notamment :

Variante A: Solution du consentement au sens large

a. des renseignements sur les besoins en organes, en tissus et en cellules d’origine humaine et les possibilités d’en faire don ;

b. les conditions requises pour le prélèvement, l’attribution et la transplanta- tion d’organes, de tissus et de cellules, notamment pour le prélèvement sur des personnes décédées.

Variante B: Solution de l’opposition au sens large

a. des renseignements sur les besoins en organes, en tissus et en cellules d’origine humaine et les possibilités d’en faire don ;

b. les conditions requises pour le prélèvement, l’attribution et la transplanta- tion d’organes, de tissus et de cellules, notamment pour le prélèvement sur des personnes décédées ;

c. la mention que l’absence d’opposition au prélèvement d’organes, de tissus ou de cellules de la part de la personne décédée ou de ses proches est considérée comme un consentement.

4Le Conseil fédéral règle les modalités. Il détermine notamment la façon dont l’information doit être publiée. »

3.2.2 Le projet de loi

A la suite de la procédure de consultation43, le Conseil fédéral a supprimé dans son projet de loi à l’article 1erle but d’encourager le don d’organes et ne

42 Rapport explicatif, ad art. 1er.

43 Selon le Département fédéral de l’intérieur, dans son rapport de synthèse sur la consultation, « nom- breux sont ceux parmi les milieux consultés qui demandent la suppression de cette disposition [alinéa

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prévoyait plus de mesures « visant à accroître la propension au don d’or- ganes »44. Quant à la norme relative à l’information du public, celle-ci ne visait plus à encourager le don d’organes mais à lui « donner la possibilité de s’expri- mer sur le don d’organes, de tissus ou de cellules et sur ses conséquences » (art. 59 du projet) :

«1L’autorité fédérale compétente et les cantons informent le public régulière- ment sur les questions liées à la médecine de transplantation. A cet effet, ils peuvent collaborer avec des organisations et des personnes de droit public ou de droit privé.

2L’information vise notamment à:

a. lui donner la possibilité de s’exprimer sur le don d’organes, de tissus ou de cellules et sur ses conséquences ;

b. faire connaître la réglementation et la pratique de la médecine de trans- plantation en Suisse. »

Très clairement pour le Conseil fédéral, « l’information ne saurait [...] viser à accroître la propension au don d’organes »45. Il justifie ce retournement de si- tuation par rapport à l’engagement pris lors des travaux préparatoires relatifs à la disposition constitutionnelle en prétendant que, « s’agissant du don d’or- ganes, l’Etat ne doit pas faire de prosélytisme. Il est tenu de respecter la liberté de tout un chacun. Dans ces conditions, il serait déplacé qu’il s’engage dans la promotion du don d’organes, car en agissant ainsi il poserait implicitement un jugement de valeur différent sur les citoyens selon qu’ils sont enclins ou non à faire un tel don. »46 On est à mille lieues de la position de ce même Conseil fédéral qui cinq ans plus tôt dans le cadre de la disposition consti- tutionnelle affirmait que « personne ne conteste la nécessité d’augmenter le nombre d’organes disponibles. La promotion du don d’organe revêt donc une grande importance. »47

sur lencouragement au don dorgane dans larticle 1erconsacré aux buts] ». Trix Heberlein est cepen- dant dun autre avis : « Weshalb sie dann nach der Vernehmlassung herausgestrichen wurde, ist mir schleierhaft ; sicher nicht aufgrund der Reaktionen in der Vernehmlassung, denn diese waren eigent- lich nirgends negativ. » (BO-CE 2004 186).

Dans tous les cas, le PDC, le PS, laDachverband Schweizerischer Patientenstellen, laSchweizerischer Berufsverband der Krankenschwestern und Krankenpflegeret laSchweizerische Gesellschaft für Präven- tion und Gesundheitswesenont jugé lencouragement à une plus grande disponibilité des organes comme n’étant pas l’un des buts profonds de la loi. L’encouragement au don d’organes était par contre salué par le PRD,Interpharmaet laSchweizerischer Gewerbeverband(DFI,Rapport sur les résultats de la procédure de consultation concernant lavant-projet de loi sur la transplantation,adart. 1erlet. c, Berne, novembre 2000).

44 FF 2002 130.

45 FF 2002 175.

46 FF 2002 130.

47 FF 1997 III 636.

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Cette nouvelle position doit être vivement critiquée, car si elle respecte sans doute la liberté du donneur, elle fait peu de cas de celle du receveur dans la pe- sée des intérêts telle qu’effectuée par le Tribunal fédéral48. Le Conseil fédéral in- voque à ce propos le principe de la neutralité de l’Etat sans préciser la source de ce dernier : « Une contribution de la Confédération à une campagne visant à promouvoir la propension au don d’organe irait par exemple à l’encontre de la neutralité de l’Etat sur cette question »49. La neutralité de l’Etat est ici un pré- supposé non motivé: d’une part l’Etat n’est pasa priori neutre puisqu’il a la compétence d’orienter le comportement des individus dans tous les domaines possibles, que ce soit au moyen d’instruments juridiques, tels que la loi ou la décision, ou non juridiques, telles que les recommandations dans les divers do- maines de la santé publique, et même dans les droits politiques en matière de votations50. D’autre part, pourquoi l’Etat devrait-il être neutre sur cette ques- tion alors que les travaux préparatoires relatifs à la norme constitutionnelle sur laquelle la loi se fonde montrent que les autorités ont toute latitude pour prendre les mesures d’encouragement et d’incitation souhaités ? Cette motiva- tion n’est donc en l’espèce pas constitutionnellement justifiée. Une neutralité complète risquerait en outre de porter une atteinte au droit à la vie du receveur potentiel (art. 10 al. 1erCst.), à sa liberté personnelle (art. 10 al. 2 Cst.), à sa di- gnité humaine (art. 7 Cst.) et au droit de jouir du meilleur état de santé phy- sique et mentale possible (art. 12 al. 1er Pacte ONU I) puisqu’une pénurie de dons frappe de manière très inégale, et contre toute neutralité, le receveur et le donneur ; le premier y risquant jusqu’à sa vie. Enfin, il n’est pas interdit par principe à l’Etat de porter un jugement de valeur, même dans le cadre des informations incitatives51.

Le Conseil fédéral motive également sa position restrictive en affirmant que le don d’organes ne saurait être érigé en devoir52. D’un point de vue juri- dique, les instruments d’information ne créent pourtant aucune obligation et laissent le donneur potentiel totalement libre d’obéir au message ou non ; le Conseil fédéral le sait bien, de telle sorte que l’on s’étonne d’un tel argument.

La question, éthique, d’un éventuel devoir moral reste bien entendu ouverte, mais l’argument suivant évoqué par le Conseil fédéral n’est alors plus très co- hérent : la règle selon laquelle l’information ne devrait pas viser à accroître la propension au don d’organes serait induite « par le fait que, jusqu’ici, il n’a

48 Voir ci-dessus ch. 2.

49 FF 2002 174.

50 Lautorité peut adresser des recommandations dans le cadre des votations ; elle nest pas tenue à la neutralité en matière de votation (TF, arrêt 1C.412/2007 du 18 juillet 2008, cons. 5.1 ; ATF 121 I 252, 255 et s ; 117 Ia 41, 46). Elle l’est en revanche pour les élections (ATF 124 I 55, 57 et s). Dans tous les cas, elle est tenue à lobjectivité.

51 Tschannen 1999 [note 4], p. 435.

52 FF 2002 175.

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pas pu être démontré que les campagnes d’information menées par les pou- voirs publics ou les organisations privés avaient des incidences bénéfiques sur la propension au don d’organe. »53Si tel était effectivement le cas, on voit mal que les campagnes de promotion soient en mesure de créer un quelconque de- voir, fût-il moral ! En outre, l’argument est à double tranchant : si l’on montre que les campagnes d’information peuvent être efficaces moyennant le recours aux techniques de psychologie sociale ou à certains mécanismes émotionnels, l’information pourraa contrarioviser à promouvoir le don d’organes.

En résumé, l’information assurée par les pouvoirs publics devrait être se- lon le message du Conseil fédéral complète et « aussi objective et neutre que possible »54. La neutralité soulignée ici ne signifie toutefois pas que l’informa- tion ne devrait pas être apte à modifier le comportement des citoyens. Une in- citation est bien présente : celle d’amener chacun à se poser la question de sa- voir s’il veut être donneur ou non, mais avec l’interdiction de le faire pencher tant dans un sens que dans l’autre : « Il est, toutefois, souhaitable que l’informa- tion diffusée incite le plus grand nombre possible de personnes a se poser la question du don d’organes, à prendre une option sur cette question et à faire documenter l’option prise. Le fait de documenter son choix par rapport au don d’organes est aussi– et surtout–souhaitable parce que les proches sont ainsi libérés de la pénible obligation de prendre la décision à la place de la personne décédée. »55

3.2.3 Les travaux parlementaires

Au cours des travaux parlementaires, Trix Heberlein a proposé en commission de rajouter, dans la disposition sur les buts, un alinéa sur la promotion du don sous la formulation suivante :

« La Confédération doit contribuer à ce que davantage d’organes soient dispo- nibles. »56

Après que la proposition a été repoussée, la commission a ajouté un alinéa analogue en supprimant le mot « davantage »:

« Elle doit contribuer à ce que des organes, des tissus et des cellules humains soient disponibles à des fins de transplantation. » (art. 1eral. 1bis)

Selon Christiane Brunner, s’exprimant au nom de la commission, « la commission a également ajouté un alinéa 1bis, pour insister sur le fait que l’un des objectifs de cette loi doit aussi être la promotion du don d’organes, de

53 FF 2002 175.

54 FF 2002 175.

55 FF 2002 175.

56 BO-CE 2004 187, cité selon les propos du conseiller fédéral en charge du dossier.

(14)

tissus ou de cellules. »57La proposition de Simonetta Sommaruga de refuser cet alinéa a été repoussée. Synthétisant la discussion au Conseil des Etats, le conseiller fédéral Pascal Couchepin a, contrairement à Christiane Brunner, in- terprété la suppression du mot « davantage » en commission comme l’interdic- tion d’organiser des campagnes de promotion : « Le Conseil fédéral n’avait pas proposé cet alinéa. Il a été introduit par votre commission après une discussion sur une proposition Heberlein qui a été repoussée et qui proposait que le texte dise : « La Confédération doit contribuer à ce que davantage d’organes soient disponibles. » Par conséquent, on peut interpréter cette adjonction non pas comme une campagne de promotion, mais comme une invitation à prendre les mesures nécessaires pour que des organes, des tissus ou des cellules hu- maines soient disponibles à des fins de transplantation. Finalement, cela ne si- gnifierait pas grand-chose. [...] Si vous deviez interpréter cet alinéa comme une invitation à faire de la promotion, je dirais non. Si vous l’interprétez comme une simple déclaration qui explicite ce qu’on fait dans toute la loi, je n’ai pas d’objection. »58

Au Conseil national, la majorité de la commission compétente a proposé de supprimer l’adjonction du nouvel l’alinéa 1bisà l’article 1erde la loi décidée par le Conseil des Etats. Liliane Maury Pasquier, s’exprimant au nom de la com- mission, a informé que « la majorité de la commission a finalement décidé de biffer cet alinéa 1bis, principalement pour éviter à l’Etat de devoir promouvoir le don d’organes »59Le plénum a été d’un autre avis en acceptant l’adjonction de cet alinéa60(devenu l’art. 1eral. 2 LTx), ce quia contrarione devrait plus em- pêcher l’Etat de promouvoir le don. L’article sur l’information du public (art. 61 LTx) n’a cependant pas été modifié dans le sens d’un encouragement au don d’organe.

3.2.4 La loi en vigueur

La teneur définitive de la loi fédérale sur la transplantation est la suivante :

« Art. 1 But

1La présente loi fixe les conditions dans lesquelles des organes, des tissus ou des cellules peuvent être utilisés à des fins de transplantation.

2Elle doit contribuer à ce que des organes, des tissus et des cellules humains soient disponibles à des fins de transplantation.

57 BO-CE 2004 185.

58 BO-CE 2004 187.

59 BO-CN 2004 1340.

60 BO-CN 2004 1341.

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3Elle a pour but de prévenir toute utilisation abusive d’organes, de tissus ou de cellules, notamment le commerce d’organes, lors de l’application à l’être hu- main de la médecine de transplantation et d’assurer la protection de la dignité humaine, de la personnalité et de la santé. »

« Art. 61

1L’office et les cantons informent le public régulièrement sur les questions liées à la médecine de transplantation. A cet effet, ils peuvent collaborer avec des organisations et des personnes de droit public ou de droit privé.

2L’information vise notamment à:

a. donner à chacun la possibilité d’exprimer sa volonté concernant le don d’organes, de tissus ou de cellules en toute connaissance de cause ; b. faire connaître la réglementation et la pratique, notamment à présenter les

conditions de prélèvement, d’attribution et de transplantation d’organes, de tissus et de cellules en Suisse.

3Le Conseil fédéral peut prévoir la possibilité de faire figurer dans un docu- ment ou un support de données appropriés la volonté d’une personne concer- nant le don d’organes, de tissus ou de cellules. »

L’interprétation de la volonté présumée de législateur n’est en l’espèce pas aisée. Certes le conseiller fédéral a rappelé en synthèse avant le vote au Conseil des Etats qu’il ne fallait pas interpréter cette disposition comme une invitation à faire de la promotion, mais les rapporteuses des commissions des deux chambres ont à chaque fois précisé que l’adjonction avait pour but la promo- tion du don. Si l’on s’en tient à la lettre de la loi, il ne serait pourtant pas arbi- traire d’y voir le fondement des campagnes de promotion, car il est indubitable que celles-ci « contribuent à ce que des organes soient disponibles à des fins de transplantation ». Du point de vue du but de la loi, l’adjonction du Conseil des Etats montre que la loi, contrairement à son projet, ne doit désormais plus être conçue dans le seul but de police de contrer les abus et d’assurer la protection des droits fondamentaux et de la santé. La loi a désormais pour objectif de contribuer à mettre à disposition des transplanteurs des organes, des tissus et des cellules humains. La médecine de transplantation ne peut en effet fonction- ner sans organes disponibles. Thomas Pfisterer a bien mis en évidence cette ca- ractéristique lors des débats parlementaires : « Die Spendebereitschaft ist doch das A und O! Ohne Spendebereitschaft braucht es dieses Gesetz gar nicht, dann gibt es keine Transplantationsmedizin. Es ist also schon der Kern der Sache. »61

Cette disposition ne confère certes pas une tâche spécifique à l’Etat, mais doit modifier à mon avis l’interprétation de la norme sur l’information du public (art. 61 LTx), même si sa lettre est demeurée inchangée.

61 BO-CE 2004 186.

(16)

Cette interprétation est renforcée–et même imposée–par le droit inter- national.

3.3 Le droit international

3.3.1 L’Organisation mondiale de la santé

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a adopté le 13 mai 1991 des prin- cipes directeurs sur la transplantation d’organes humains62. Ces principes ne sont pas juridiquement obligatoires mais constituent d’« importants moyens auxiliaires d’interprétation de règles conventionnelles pertinentes pour le contrôle de constitutionnalité» d’une loi cantonale sur la médecine de trans- plantation63. Le Conseil exécutif de l’OMS a recommandé en 2009 à l’Assemblée mondiale de la Santé d’adopter une résolution révisant la précédente et d’adop- ter lesPrincipes directeurs sur la transplantation de cellules, de tissus et d’organes hu- mains64, afin de « fournir un cadre rationnel, éthique et acceptable pour l’acqui- sition et la transplantation de cellules, de tissus et d’organes d’origine humaine à des fins thérapeutiques » (préambule, ch. 4). Dans ce cadre, l’Assemblée mondiale de la santé a « prié instamment » les Etats membres de notamment

« mieux faire connaître et comprendre au public les avantages liés au don vo- lontaire et non rémunéré de cellules, tissus et organes en tant que tels provenant de personnes décédées ou de donneurs vivants par opposition aux risques phy- siques, psychologiques et sociaux inhérents au trafic de matériels d’origine hu- maine et au tourisme de la transplantation pour les individus et les communau- tés »65. Le Secrétariat, dans son rapport relatif à la précédente résolution, a en particulier précisé que « des campagnes de sensibilisation soigneusement conçues et menées régulièrement, ciblant tous les groupes de population, y compris les enfants d’âge scolaire, peuvent permettre de mieux sensibiliser le public au fait que les dons et les greffes sont utiles et nécessaires »66.

Le 6èmeprincipe directeur subordonne la promotion du don au respect de la réglementation nationale et à l’interdiction de faire de la publicité proposant de l’argent en échange d’organes :

« La promotion du don altruiste de cellules, de tissus ou d’organes humains par la publicité ou par des appels au public peut être faite dans le respect de la réglementation nationale. Toute publicité faisant état d’un besoin de cellules,

62 Résolution WHA44.25.

63 ATF 123 I 112, 121.

64 http ://www.who.int/transplantation/B124_R13-fr.pdf

65 http ://www.who.int/transplantation/B124_R13-fr.pdf

66 Ch. 13 (http ://apps.who.int/gb/ebwha/pdf_files/A62/A62_15-fr.pdf).

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de tissus ou d’organes, ou de leur disponibilité dans le but d’obtenir une rému- nération, ou proposant de l’argent à des personnes en échange de leurs cel- lules, tissus ou organes ou à la famille de ces personnes si elles sont décédées doit être interdite. Les activités d’intermédiaire dans le cadre desquelles de l’argent est versé à de telles personnes ou à des tiers doivent également être interdites. »

3.3.2 Le Conseil de l’Europe

A l’inverse des principes directeurs de l’OMS, le Protocole additionnel à la Convention du Conseil de l’Europe sur les droits de l’homme et la biomédecine relatif à la transplantation d’organes et de tissus d’origine humaine, qui vient d’être approuvé par le Parlement mais qui n’est pas encore en vigueur67, est un acte juridique obligatoire qui s’impose aux autorités.

Contrairement à la pratique des autorités fédérales en matière d’informa- tion, le Protocole exige des parties qu’elles informent le public afin d’augmen- ter le don d’organes. Le préambule rappelle cet esprit général :

« Considérant que, compte tenu de l’insuffisance d’organes et de tissus, des mesures appropriées devraient être prises afin d’en augmenter le don, notam- ment par l’information du public sur l’importance de la transplantation d’or- ganes et de tissus et par la promotion de la coopération en Europe dans ce domaine » (6e§ du préambule du Protocole)

L’intitulé de l’article 19 du Protocole vise explicitement la promotion du don. La Suisse s’engage ainsi à prendre toute mesure appropriée visant à favoriser le don d’organes :

« Art. 19 Promotion du don

Les Parties prennent toute mesure appropriée visant à favoriser le don d’or- ganes et de tissus. »

Cette disposition est justifiée en raison de la pénurie d’organes dispo- nibles68. Par « toute mesure appropriée », le Protocole entend notamment l’information à fournir aux professionnels de la santé et au public au sens de l’article 869:

« Art. 8 Information des professionnels de la santé et du public

Les Parties informent les professionnels de la santé et le public en général du besoin d’organes et de tissus. Elles informent également des conditions du pré- lèvement et de la greffe d’organes et de tissus, y compris des régimes du

67 Délai référendaire échu le 1eroctobre 2009 (FF 2009 4007).

68 Conseil de lEurope, Rapport explicatif au Protocole additionnel à la Convention sur les Droits de l’Homme et la biomédecine relatif à la transplantation d’organes et de tissus d’origine humaine, 8 no- vembre 2001, no 105.

69 Ibidem, no 106.

(18)

consentement ou d’autorisation, notamment en matière de prélèvement sur des personnes décédées. »

Selon le rapport explicatif relatif à cette disposition, « compte tenu de la pé- nurie d’organes, il semble opportun d’informer tous les professionnels de la santé sur les succès et les avantages de la transplantation, dans la mesure où ils sont à même d’informer le grand public. Les Parties doivent ainsi saisir toute occasion d’informer directement le grand public sur ces avantages et ces béné- fices. L’information du public est importante non seulement pour promouvoir les dons d’organes et de tissus, mais également pour qu’il prenne position sur les incidences de ces opérations, en pleine connaissance de cause. »70

Alors que le Conseil fédéral a négocié plusieurs réserves–discutables–au Protocole71(refus du principe de la subsidiarité du donneur vivant72; refus de l’exigence d’une relation personnelle étroite entre le donneur vivant et le rece- veur ou, si aucun lien de cette sorte n’existe, l’approbation d’une instance indé- pendante73; autorisation à titre exceptionnel du prélèvement de tissus ou de cellules qui se régénèrent, y compris dans le cas où le receveur est le père, la mère ou un enfant du donneur74), aucune ne concerne la promotion du don d’organe.

Comme l’article 5 al. 4 Cst. impose à la Confédération et aux cantons de respecter le droit international, un conflit de normes surgit en rapport avec les articles 1er al. 2 et 61 LTx tels qu’interprétés par les autorités fédérales75(voir ci-dessous la pratique du Conseil fédéral)76. Le principe d’interprétation conforme77permet en l’espèce de résoudre le problème : comme je l’ai montré78, ces deux dispositions peuvent être interprétées en conformité au droit interna- tional ; dès l’entrée en vigueur du Protocole, ellesdevrontl’être, si bien que les collectivités publiques auront l’obligation de promouvoir les dons d’organes.

D’un point de vue juridique, il reste encore à vérifier dans quelle mesure les dispositions concernées du Protocole sont d’application directe ou non (self ex- ecuting). Ce ne sont en effet que les lois fédérales qui contreviennent à des rè-

70 Ibidem, no 57.

71 FF 2008 7229. Sur les réserves analogues à la convention elle-même pour la protection des droits de lhomme et de la dignité de lêtre humain à légard des applications de la biologie et de la médecinead art. 19 et 20 (RS 0.810.2).

72 Application de lart. 9 du Protocole sous réserve de lart. 12 LTx.

73 Application de lart. 10 du Protocole sous réserve de lart. 12 LTx.

74 Application de lart. 14 al. 2 ch. ii du Protocole sous réserve de lart. 13 al. 2 let. d LTx.

75 Sur la prééminence du droit international sur les lois fédérales, voir ATF 131 II 35, 355 ; 119 V 171, 176 ss.

76 Voir ci-dessous ch. 4.1.

77 Auer/Malinverni/Hottelier,Droit constitutionnel suisse, vol. I, 2eéd., Berne 2006, ch. 1302.

78 Voir ci-dessus ch. 3.2.4.

(19)

gles directement applicables des traités internationaux qui peuvent, le cas échéant, ne pas être appliquées dans le cadre du contrôle juridictionnel79. Pour être revêtir un tel caractère, une disposition doit créer des droits ou des obliga- tions directement applicables pour les individus80. Elle doit être suffisamment précise et claire pour régler la situation juridique des particuliers, ne pas amé- nager un trop grand pouvoir d’appréciation et ne pas s’adresser en priorité au législateur national, mais aux autorités administratives ou judiciaires81.

En l’espèce, l’article 19 du Protocole, de par la latitude qu’il laisse aux Etats et le fait qu’il s’adresse essentiellement au législateur, n’est toutefois pas d’ap- plication directe à mon avis. L’article 8 en revanche est plus précis et réduit nettement la marge d’appréciation des autorités. Il s’adresse en outre directe- ment aux autorités d’application à mon avis, et non pas seulement au législa- teur, en dépit de la formulation selon laquelle « les Parties informent »82. Le fait d’être informé est enfin de nature à modifier la situation juridique relative à son futur cadavre, par l’influence exercée sur le consentement au don ou non. Cette disposition est dès lors d’application directe à mon avis.

D’application directe ou non, les autorités fédérales cantonales sont dans tous les cas liées, n’ayant étonnamment exprimé aucune réserve à ce sujet. Elles devront, dès l’entrée en vigueur du Protocole, promouvoir le don d’organe.

L’interprétation conforme des articles 1er al. 2 et 61 LTx au Protocole les y

contraint. La disposition constitutionnelle (art. 119a al. 1erCst.), laissant aux au- torités la compétence de promouvoir ou non le don, ne s’y oppose pas non plus. A terme, une révision des dispositions légales serait souhaitable afin de lever toute ambigüité.

79 Auer/Malinverni/Hottelier [note 77], ch. 1303.

80 ATF 131 III 418, 427.

81 « Cela étant, pour autant quelles apparaissent directement applicables, les règles conventionnelles sont susceptibles d’imposer des obligations et de conférer des droits non seulement aux autorités, mais également aux particuliers. Cela implique quelles soient suffisamment précises et claires pour constituer le fondement dune décision concrète. Inversement, lapplicabilité directe doit être déniée aux normes qui se bornent à esquisser la réglementation dune matière ou aménagent un pouvoir d’appréciation considérable ; de telles normes s’adressent en priorité au législateur national » (ATF 119 V 171, 178).

82 Voir par analogie ATF 124 III 90, 91 et s.

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4. L ’ exigence d ’ une information objective encourageant le don d’organes cadavérique 4.1 La pratique des autorités fédérales : une campagne

de non-promotion du don d’organe

Pour le Conseil fédéral, qui reprend la position défendue initialement dans son message relatif au projet de loi mais qui diffère de celle qu’il a soutenue dans le message relatif au projet de disposition constitutionnelle, les autorités n’ont pas la compétence de promouvoir le don d’organes cadavérique.

Telle fut la réponse du gouvernement à l’interpellation Géraldine Savary demandant si le Conseil fédéral entendait mettre sur pied une campagne natio- nale du don d’organes en Suisse ou financer, en collaboration avec les cantons, des stratégies cantonales ou intercantonales en faveur du don d’organes83: « Le Conseil fédéral n’organisera pas de campagne nationale destinée à promouvoir le don d’organe. D’ailleurs, la loi ne lui en attribue pas la compétence. Il in- combe néanmoins à l’OFSP et aux cantons d’informer régulièrement le public sur les questions liées à la médecine de transplantation (art. 61 de la loi sur la transplantation). L’OFSP mettra en ligne un portail Internet avec des informa- tions complètes et distribuera à tous les ménages une brochure explicative. Ces informations exhaustives ont pour vocation de susciter l’intérêt de la popula- tion pour la question du don d’organes, de tissus et de cellules et de l’aider à se forger une opinion en connaissance de cause. »84

L’Office fédéral de la santé publique s’en tient dès lors à la diffusion

d’informations « neutres, objectives, exactes et complètes » de la population suisse85.

4.2 Une pratique à renverser : les moyens juridictionnels

Un receveur potentiel sur liste d’attente dont la vie ou la qualité de celle-ci en dépend disposerait à mon avis de la qualité pour recourir contre de telles cam- pagnes d’information étatiques. Celles-ci sont en effet des actes matériels86au

83 Interpellation Géraldine Savary,Loi sur la transplantationIdentification des donneurs dorganes, dé- posée le 23. 03. 2007 (no 07.3233).

84 Réponse du Conseil fédéral du 30. 05. 2007.

85 OFSP,Faits et données sur linformation de la population 2009(http ://www.bag.admin.ch/transplanta tion/03855/03856 [consulté le 12 août 2009]).

86 Beatrice Weber-Dürler, « Art. 25a VwVG », Christoph Auer/Markus Müller/Benjamin Schindler (éd.), Kommentar zum Bundesgesetz über das Verwaltungsverfahren (VwVG), Zürich 2008, ch. 7 ; Pierre Tschannen/ Ulrich Zimmerli/ Markus Müller,Allgemeines Verwaltungsrecht, 3e éd., Berne, p. 363 ss.

L’article 25a PA s’applique aussi aux actes matériels de nature générale et abstraite, tels que des

(21)

sens de l’article 25ade laloi fédérale sur la procédure administrative(PA)87. Un tel receveur dispose d’un intérêt digne de protection, étant touché avec grande in- tensité et plus que quiconque88dans son droit à la vie (art. 10 al. 1erCst.), sa li- berté personnelle (art. 10 al. 2 Cst.), sa dignité humaine (art. 7 Cst.) et dans son droit de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible (art. 12 al. 1erPacte ONU I). Sur le fond, il peut faire valoir la non-conformité au droit du but avoué par le Conseil fédéral et son administration de ne pas promou- voir le don cadavérique par des mesures d’information incitative. Il peut dès lors demander à l’autorité de s’abstenir de faire ainsi campagne, de faire cesser celle-ci, d’en éliminer les conséquences si cela est possible ou d’en constater l’il- licéité (art. 25aal. 1erlet. a à c PA). L’autorité statue alors par décision (art. 25a al. 2 PA) susceptible de recours ordinaire89. L’action en responsabilité de l’Etat90 de même que les voies alternatives de contrôle telles que la dénonciation à l’au- torité de surveillance91, restent ouvertes. L’Etat pour sa part ne saurait demeu- rer passif puisqu’il a l’obligation de faire procéder à des évaluations scienti- fiques de l’exécution et des effets de la loi sur la transplantation portant sur l’impact de la loi sur l’état de la situation, l’opinion et l’attitude de la popula- tion et du personnel médical de même que notamment sur la disponibilité d’or- ganes, de tissus et de cellules pour des transplantations (art. 55 LTx et 170 Cst.).

4.3 L ’assujettissement de l’information incitatrice

aux principes constitutionnels

4.3.1 Introduction

Les autorités devront désormais favoriser le don d’organe cadavérique par des mesures d’information incitatrice.

Tout comme en matière de votation lorsqu’une autorité émet une recom- mandation de vote, l’Etat n’est pas neutre mais reste lié par un devoir d’objecti- vité qui ne lui permet pas de promouvoir le don d’organes par tous les moyens possibles. Les informations incitatrices sont en effet assujetties aux principes

campagnes dinformation (voir par exemple Markus Müller, « Rechtsschutz gegen Verwaltungsreal- akte », Pierre Tschannen [éd.],BTJP2006, Neue Bundesrechtspflege, 2007, p. 357).

87 RS 172.021.

88 Sur cette condition, voir Weber-Dürler 2008 [note 86], ch. 27 ; Müller 2007 [note 86], p. 347.

89 Weber-Dürler 2008 [note 86], ch. 49.

90 Pour une analyse détaillée en rapport avec les informations incitatrices étatiques, voir Patrick Nützi, Rechtsfragen verhaltenslenkender staatlicher Information : StrukturenZulässigkeitHaftung illus- triert an den Beispielen AIDS und Listeriose, Berne 1995, p. 197 ss. Sur les rapports depuis lentrée en vigueur de l’article 25a PA entre la voie de droit ouverte par cette disposition et l’action en responsabi- lité de lEtat, voir Müller 2007 [note 86], p. 360 ss.

91 Art. 71 PA.

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constitutionnels généralement applicables à l’activité administrative (légalité, intérêt public, proportionnalité plus particulièrement [art. 5 Cst.]) modulés en fonction de l’importance de leurs effets et des atteintes juridiques92. Dans la me- sure où elles seraient susceptibles de porter atteinte aux droits des donneurs ca- davériques (en l’espèce leur droit à l’autodétermination93), la restriction aux droits fondamentaux de ces derniers résultant de telles informations doit être fondée sur une base légale, être justifiée par un intérêt public ou par la protec- tion d’un droit fondamental d’autrui et être proportionnée au but visé (art. 36 al. 1erà 3 Cst.).

L’essence des droits fondamentaux ne doit pas non plus être violée (art. 36 al. 4 Cst.) ; ce qui n’est pas le cas en l’espèce pour les donneurs potentiels selon le Tribunal fédéral94.

4.3.2 La légalité

Prévu à l’article 61 LTx, le principe de la légalité (art. 5 al. 1eret 36 al. 1erCst.) est respecté moyennant l’interprétation conforme de cette disposition au droit in- ternational (art. 8 et 19 du Protocole) : les autorités ne sauraient se restreindre à une information neutre. Une révision du texte de loi serait toutefois souhaitable afin de lever toute ambigüité95.

4.3.3 L’intérêt public

Quant à l’intérêt public (art. 5 al. 2 et 36 al. 2 Cst.), le Tribunal fédéral a reconnu qu’une législation cantonale visant à favoriser le don d’organes cadavérique par l’introduction du système du consentement présumé était conforme à l’in- térêt public. Il a considéré que les buts suivants étaient d’intérêt public : aug- menter le nombre de donneurs afin de sauver des vies humaines, améliorer considérablement la qualité de vie des malades qui bénéficient de greffes, dimi- nuer le nombre des patients en liste d’attente et prévenir le « tourisme médical ignoble » des patients les plus aisés vers des pays plus laxistes96. Ce dernier point montre que promouvoir le don d’organes permet de contribuer à réaliser un autre but de la loi sur la transplantation : celui de prévenir toute utilisation abusive d’organes (art. 1eral. 3 LTx). L’intérêt économique résultant de certaines

92 Alexandre Flückiger, « Régulation, dérégulation, autorégulation : l’émergence des actes étatiques non obligatoires », Rapport à la Société suisse des juristes,Revue de droit suisse, II, 2004, p. 260 ss ; Tschannen 1999 [note 4], p. 420 ss.

93 Art. 8 al. 1erlet. a LTx.

94 ATF 98 Ia 508, 523.

95 Voir ci-dessus ch. 3.3.2i.f.

96 ATF 123 I 112, 133. Sur le dernier argument, voir la position de l’OMS ci-dessus ch. 3.3.1.

Références

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