FACULTÉ DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE DE BORDEAUX
année 1900-1901 n° 13
ETUDE SUE LA PROPHYLAXIE
DE
D'APRÈS LES DONNÉES DE L'HÏGIÈNE MODERNE
— ni—■m«o«-T-—
THÈSE POUR LE DOCTORAT EN MEDECINE
présentée et soutenue publiquement le 28 Novembre 1900
par
Pierre-Sully-Maurice
DEMÂY de CSHTANTNé àTalence, (Gironde),le 3 octobre 1873.
! MAI. MOUSSOLJS, professeur.... ['résident.
EiuiuUiR de laThèse
l>rof "*''••••
Ii rondot, agrégé ) Juges.
[ chambrelent, agrégé \
Le Candidat répondra aux questions qui lui seront faites sur les diverses parties de l'Enseignementmédical.
BORDEAUX
imprimerie y. cadoret
17, Bue Poquelin-Molière, 17 (ancibnnbruemontméjan)
1900
FACULTÉ DE
MÉDECINE
ET DE PHARMACIE DE BORDEAUXM. de NABIAS Doyen. | M. PITRES Doyen honoraire.
PROFESSEURS
MM. MICÉ J
DUPUY Professeurs honoraires.
MOUSS0US )
MM.
i PICOT.
Clinique interne j PITRES.
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Cliniqueexterne j LANELONGUE.
Pathologieetthérapeu¬
tique générales VERGEE Y.
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section de médecine (Pathologie interneet Médecine légale).
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COURS COMPLÉMENTAIRES Cliniqueîles maladies cutanéesetsyphilitiques
Cliniquedesmaladies des voies urinaires
Maladies dularynx, des oreilles etdune/.
Maladies mentales
Pathologieexterne Pathologieinterne Accouchements Chimie
Physiologie Embryologie Ophtalmologie
Hydrologieetminéralogie Pathologie exotique
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M. BART1
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pousson.
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CHAMBRELhNT.
dupouy.
pachon.
N.
lagrange.
carles.
le dantec.
Le Secrétaire de la L'acuité: LEMA1RE.
• > t K > - i i hèsôS D
Pardélibérationdu 5 août 1879, la Facultéaarrêtéqueles opinions émisés dansles ( ^ i sont présentées doivent être considérées comme propres à leurs auteurs, et qu'elle ne'
eurdonner ni approbation ni improbation.
A mon Président de Thèse,
Monsieur le Docteur André MOUSSOUS
Professeurdecliniquemédicale infantile à la Faculté de médecine de Bordeaux,
Officierde l'Instructionpublique.
aBBMMBnrnm,!,,, .mu
.
;
, - : : .
AVANT-PROPOS
Nous avons été, durantnos études médicales, aux prises avec des difficultésde toutes sortes; nous les avons vaincues succes¬
sivement, mais l'honneur deces victoires ne nous revient qu'en partie, car, le plussouvent, elles ont été singulièrement facili¬
tées par la bonté de nos maîtres. Dans les hôpitaux, comme à la Faculté, à l'amphithéâtre, et tout près du malade, nous avons toujoursrencontré des avis remplis de sagesse, des con¬
seilséclairés, partoutla plus grande bienveillance.
M. le Dr Lande aguidé nos premiers pas et nous a laissé le
souvenir d'unjugementaussi sûr que rapide, d'un esprit apte à aborder et àtraitermagistralement les sujets les plus divers.
Avec M. le Dr Baudrimont, nous avons connu la véritable bonnechirurgie, sérieuse, faite de conscience et d'habileté, non
point celle qui consiste à agir simplement en artiste.
Nous remercions M. le professeur Lefour, dans le service
duquelnous avons passé une année quinous a parutropcourte.
Nous avonsmaintes fois admiré la brillante élocution dumaître,
sesconnaissances profondes, aussi, son admirable talent opéra¬
toire. Nous avons la conviction d'avoir beaucoup appris à ses côtés; qu'il reçoiveicil'expression de notre reconnaissance.
Merci également à M. le Dr Woolonghan, dont les longues
causeries dujeudi avaient pour noustant d'attraits. Grâce à lui,
nous aimons véritablement notre malade, et nous savons qu'à
cotédes soins donnés auxmalheureux, il nefaut pas oublier les consolations qui entrent pour une si grande part dans le soula¬
gement deceux
qui souffrent.
- 10 —
Notre souvenir bien reconnaissant à MM. les professeurs agrégés Ghambrelent, Fieux, Chavannaz et Princeteau pour l'amitié qu'ils nous ont toujours témoignée. M. le
D1 Ghaleix
nous a permis d'assister à ses
consultations,
nous nousrappel¬
lerons toujours ses excellents principes et son exquise amabi¬
lité.
MM. les Drs Verdelet, Léon, Quintrie, Durand, Gassion nous ont toujours aimablement accueilli et
conseillé';
nousles
remer¬cions très vivement.
Nous nous garderions d'oublier MUcs Quillet et
Dupuch,
sages-femmes des hôpitaux.Elles
nous ontparticulièrement
aidé, alorsque nous étions toutnovice, dans l'art des
accouche¬
ments, et maintes fois il nous a été donné
d'apprécier leurs
connaissances techniques.
Nos études médicales se sont complétées grâce à l'obligeance
des Drs Moreau, Chaudeborde et Mauriac. Les deux premiers
nous ontfourni plusieurs fois l'occasion de « faire un peu
de
pratique » et nousont
aidé de
toutesmanières.
Dans les circonstances pénibles de notre vie, nous les avons
rencontrés avec le même dévouement, le même esprit aussi éclairé quejuste, et le souvenir de l'affection qu'ils nous
témoi¬
gnent depuis notre prime jeunesse demeurera
toujours vivace
dans notre cœur.
M. le Dr Mauriac a bien voulu nous ouvrir, il y a decela
cinq
ans,les portes des Ambulancesurbaines.
Nous
y avonsobserve
une catégorie particulière de malades, nous avons
pratique
nous-même bien des opérations de petite chirurgie, nous avons beaucoup vu, nous espérons aussi « avoirun peu retenu ».
Nous devons beaucoup à notreoncle, M. le Dr
Saint-PhilipPc>
et nous ne pouvons par des mots lui témoigner
toute notre
reconnaissance, il a été pour nous, tour à tour,
médecin et
maître : médecin, il nous a soigné dès l'âge le plus
tendre,
nous a fait traverser sans encombre une enfance maladive, a guidé par ses avis nos pas de jeune homme,
enfin, dans la
dangereuse épreuve que nous avons traversée l'année
derniere,
il s'est montré particulièrement bon et dévoué; maître,
il nous
— 11 —
a divulgué les secrets, si familiers pour lui, de la médecine infantile, il nous a fait saisir ces nuances délicates que nous offrent les tout petits, nous apprenant à les traiter avec pru¬
dence et à modifier pour eux la thérapeutique habituelle. C'est
lui qui nous a donné l'idée de ce modeste travail et qui nous a
guidé dans son exécution.
Enfin, M. le professeur Moussous nous a fait le très grand
honneur d'accepter la présidence de notre thèse inaugurale; il
nous a fourni des documents précieux, des idées nouvelles,
nous atoujours accueilli avec la plus grande amabilité; nous le
remercions très vivement.
*
ÉTUDE SUR LA PROPHYLAXIE
DE
QUELQUES MALADIES INFANTILES
D'APRÈS
LESDONNÉES
DEL'HYGIÈNE
MODERNEINTRODUCTION
« Une des causes les plus puissantes du ralentissement de la population en France, écrivait Lefort en 1878, est sans contre¬
dit l'excessive mortalité des jeunes enfants. A cet égard, les
avis sont
unanimes; d'ailleurs, le doute peut difficilement séle¬
ver quand on songe que les tables de mortalité démontrent d'une façon malheureusement indéniable, que sur 100 nou¬
veau-nés, 60 arrivent à peine à l'âge de 20 ans. »
Il suffit de réfléchirunpeu pour mesurer l'étendue des pertes
causées par ces décès qui privent à la fois le pays, et d'une population réelle, et d'êtres des deux sexes qui, un jour,
auraient pu naître de ces enfants si prématurémentenlevés.
Cette
dépopulation
existe, sans doute, chez nos voisins, mais die semblechez nous s'accentuer davantage, et, puisque nous flous trouvons en état d'infériorité, pour ainsi dire, il sembleque notre premier devoir soit de veiller avec un soin jaloux sur
l'enfance, l'entourer d'une sollicitude toute nationale,repousser autant que possible la mortalité jusqu'à ses dernières limites.
Est-il, d'ailleurs, un être à la fois plus charmant et plus doux
que l'enfant en bas âge? Est-il un sujet plus intéressant que celui qui consiste à essayer de conserver, de sauver ces petits
êtres, frappés souvent parla misère, malheureux aussi parleur naissance, dédaignés trop facilement par leur père, et par leur
mère quelquefois?
Leur éviter une maladie sérieuse, n'est-ce pas faire œuvre charitable et utile? Charitable, c'est donner à un être la viedu
moment; utile, c'est empêcher la propagation, dans la société,
d'une maladie infectieuse qui pourra causer d'importantsrava¬
ges, c'est aussi et surtout, préparer à l'adulte de plus tard une constitution solide, exempte de ces tares qui le feront si facile¬
ment succomber à la moindre atteinte. Comme le disait excel¬
lemment M. leprofesseur Moussous : « Unemaladiede l'enfance peutavoir des conséquences plus ou moins lointaines, hors
de
la période infantile », et onsait qu'unétatpathologique
constaté
à tel ou tel moment de lavie, n'est souvent que la
continuation,
sous sa forme primitive ou sous une forme modifiée, d'une
situation morbide qui remonte aux premiers temps de
l'exis¬
tence.
Voici, au hasard, quelques exemples : Quels troubles
sérieux
ne laisse pas le rachitisme? Cyphose, lordose, déformations
du
bassin qui, chez la femme, ont tant d'importance, mauvaise circulation, échanges respiratoires défectueux provenant
de
ceque ces organes essentiels, cœur et poumons, fonctionnent
mal,
dans un thorax trop étroit.
Une maladie infectieuse propre au jeune âge, scarlatine ou diphtérie, ne peut-elle pas être le point de départ
cl
une néphrite, voire même d'un mal de Bright? Ecoutons, à cepropos, Dieulafoy : « Voici, je suppose, un individuqui,
dans
sonjeune âge, ou à une période plus avancée de lavie, a
été
atteint d'une maladie infectieuse. Cette maladie infectieusea touché le rein et n'a déterminé qu'une néphrite légère et
Iran-
— 15 —
sitoire; mais, pour si légère qu'ait été ia néphrite, le rein n'en
apas moins été adultéré, et il est à craindre quil n'en perde
pas de sitôt le souvenir ». Cet individu est singulièrement exposé, soit à des récidives aiguës, soit à une évolution lente de sa lésion qui le conduira au Brightisme. Viennent sur ce
mauvais terrain des manquementsà l'hygiène, 1 ahus de 1 alcool, plusieursgrossesses, un coup de froid, et des maladies sérieuses s'établiront, qui auront leur point de départ dans la scarlatine
ou la diphtérie de l'enfant.
Latuberculose qui frappe l'adulte, ne peut-elle pas venir du
basâge? Voici un enfant issu de parents manifestement phtisi¬
ques; cet enfant apporte avec lui la prédisposition morbide; il est, suivant le mot de Peter, tuberculisable. Trop bon terrain
dansun milieu où déjà les précautions les plus usuelles nesont point prises, cet enfant est envahi par le bacille. Sans doute, l'affection peut évoluer de suite, mais ne peut-elle pas aussi demeurer latente pour éclater plus tard?
Lesmédecins, et en particulier les médecins d'enfants, ont à lutter contre des préjugés de toutes sortes, émanant de com¬
mères, de voisins, de voisines, toutes opinions d'autant plus
enracinéesqu'ellessontdénuées detout bonsens. Mais, malgréla difficulté de sa tâche, l'hygiéniste doit-il se décourager? 11 nous
a étédonné d'examiner avec notre maître, M. le D1' Saint-Phi- hppe, les nourrissons secourus par l'Assistance publique. Cette
consultation a pour but, non point de prescrire des remèdes,
mais de diriger l'allaitement et de présider à l'éducation hygié¬
nique des enfants secourus par l'Etat.
Au début, c'était une vraie lutte, et avec la mère et avec 1enfant; lamère désirait agir simplement à sa guise; l'enfant, qui absorbait toutessortes de choses, ne voulaitpas de lait. Peu
adpeu, le calme est revenu, les mères ont accepté les conseils
hygiène,
les enfants ont notablement engraissé, et à la fin de1 année scolaire, nouspouvions constater un vrai succès.
Aux Ambulances urbaines, à la consultation du D1' Woolong- han, que nous suivons depuis cinq ans, nous avons vu pareille
chose : de récalcitrantes mamans ont fini par écouter les con-
— IG —
seils du médecin, par régler leur enfant, et ce dernier s'enest toujours parfaitement trouvé.
Après ces quelques exemples, absolument personnels, qu'il
nous soit permis de dire que le praticien, avec de la ténacité,
viendra toujours, dans une certaine mesure cependant, à bout
de sa tâche.
En écrivant ce modeste travail, nous n'avons pas la préten¬
tion de faire une œuvre théorique, nous désirons, avant tout,
être pratique et vraiment utile. Envisager toutes les
maladies
évitables de l'enfance serait exécuterune revue de lapathologie
infantile, et, comme nous le disait M. le professeurMoussous :
« Nous serions entraîné très loin par la logique même des
choses. » Nous bornerons donc notre sujet et nous considére¬
rons seulement deux classes d'affections : d'une part, lesgas¬
tro-entérites, maladies du tube digestif qui déciment les nour¬
rissons et qu'une bonne hygiène peut conjurer; en second
lieu,
les maladies infectieuses, évitables par l'isolement, la
désinfec¬
tion, etc.
Nous parlons, il est vrai, après beaucoup d'autres, nous pen¬
sons en conséquence, être sévèrement jugé. Nous espérons cependant que notre faible voix viendra s'ajouter à celle
des
médecins qui désirent être utiles à l'enfance. Nous visonssur¬
tout les enfants des classes pauvres, ceux qui peuplent nos écoles, nos crèches, nos hôpitaux, ceux qui sont frappés
parla
misère, ceux qui n'ont souvent qu'un parent, le plus
faible, et
pour lesquels, la charité publique, suivant la belle expression
du docteur Saint-Philippe « ferme les yeux et ouvre les bras».
Les autres, plus fortunés, plus heureux et bien
intéressants
aussi, possèdent dans l'affection plus ou moins
intelligente de
ceux qui les entourent, unesauvegarde etune garantie
relatives.
Toujours est-il que : « Tel est l'intérêt enjeu qu'il n'est
plus
permis à la routine, à l'ignorance, aux préjugés invétérés,
d'en¬
traver l'action commune. On améliore les races animales, on
prime les bêtes les plus saines et les plus belles ; on
multiplie
les expositions, les concours régionaux, les comices ; ona
des
tendresses pour l'écurie, l'étable et la basse-cour ; la naissance
et Télevage de l'animal utile sont l'objet des plus minutieuses améliorations, fait-on de même pour l'espèce humaine? Faut-il,
pour songerà l'homme, se trouveren présence d'un vieillardou
d'un malade ? N'est-il pas plus simple d'essayer d'éviter ces affections difficiles à détruire, et à longue portée, par des soins
bien entendus? »
Avant de songer à guérir, ne vaut-il pas mieux prévenir et préserver?
DemaydeCertant 2
CHAPITRE PREMIER
ÉTUDES SUR QUELQUES MALADIES INFANTILES
Avant d'entreprendre cette étude, il
serait nécessaire d'exami¬
nerlafaçondontl'organismeinfantile est attaquépar
la maladie,
et aussi comment il se défend contre elle.
Mais cette question, de haute
pathologie générale,
nous parait fort délicate, se trouve trèsdifficile, demande des con¬
naissances bien particulières; de plus, le rôle
de défense intime
de l'organisme n'est pas parfaitement
élucidé,
etsi
noussavons
quecet organisme résiste à
l'infection, si
nous savons quel'en¬
fant malade se relève parfois contre toute espérance, nous ne
sommes guère fixé surle rôle intime de ces moyens
de protec¬
tion.
Commentagit le tissu lymphoïde dans
la défense de l'orga¬
nisme, comment agissent les amygdales, portes
d'entrée et
organes de protection, les végétations
adénoïdes, le thymus, le
corps thyroïde? Le domaine des
hypothèses est ouvert, et les
hypothèsesne manquent pas.
Sachons seulement que clans une affection
quelconque, deux
facteurs, etfacteursaussi importants l'un que l'autre, se
trou¬
vent enjeu : d'une part, lacausedéterminante,
bacille, microbe,
germe, le plus souvent; en
second lieu, le terrain
surlequel
l'affection évolue. Que l'un ou l'autre de ces facteurs
varie, et
voilé la marche naturelle de la maladie troublée. Le
microbe
devient-il plus virulent, c'est une
épidémie plus
oumoins meur¬
trière qui éclate; est-ce le
terrain qui diffère, est-on
enprésence
d'unenfant, d'unvieillard, d'une femme en couches,
d'un être
atteint par une tare pathologique
quelconque, et voilà le pr°"
nostic singulièrement influencé par ces circonstances particu¬
lières. Telle affection, pneumonie, jesuppose, qui chez un sujet sain, guérit d'habitude, devient terrible chez uninfecté;etnous
pourrions multiplier les exemples.
Nous n'envisagerons donc pas, en général, l'attaque et la défense del'organisme de l'enfant. Aussibien, dans l'étude par¬
ticulière qui va suivre, serons-nous amené à en parler pour
chaque maladie envisagée.
Mais, avant d'aller plus loin, il importe de déterminer ce que
nous entendons par enfant, la marge étantassez longue, depuis
lenourrissonjusqu'à l'âge de quinze ans, moment où la majo¬
rité des auteursplace la cessation de l'enfance.
M. le professeur agrégé Marfan donne la division suivante : 1° Premièreou petite enfance, comprenant lesdeux premières
années de la vie; l'enfant est désigné sous le nom de nourris¬
son; dans les 20 premiers jours qui suivent la naissance, il prendcelui denouveau-né.
2°La secondeou moyenne enfance, s'étendant de 2 à 6 ans.
3° Latroisième, ou grande enfance, allant de 6 ansjusqu'à la puberté.
Cette division est absolument rationnelle; nous nous permet¬
trons, néanmoins,de la modifier un peu, etnous comprendrons : 1° Les enfants de 1 jour au sevrage,, c'est-à-dire au 12e ou loemois.
2° Les enfantsdu sevrage à 6 ans.
Nous préférons cette division, parce que les enfants de la première catégorie sont ceux qui se trouvent surtout atteints par lagastro-entérite dontnous allons bientôt parler; ensecond lieu, lesmaladiesquenousplaçons dansnotre deuxième groupe,
asavoir: rougeole, scarlatine, variole, diphtérie, coqueluche,
sontle plus fréquemment rencontrées avant l'âge de 6 ans.
quiest vrai pour l'adulte, à savoir que beaucoup d'affec-
hons contractées par lui proviennent de manquements à Lhy°
— 20 —
giène, l'est, bien plus pour
l'enfant. Dans beaucoup de milieux,
ce dernier est élevé d'une façon absolument
déplorable. Mal
allaité, mal nourri, sans soins, exposé à
tous les préjugés, et il
en existe de fort dangereux, l'enfant est
plus
•quetout autre
exposé à contracter une
maladie sérieuse. Sa pathologie, sauf
cependant, pour les tout
petits, n'est
pastout à fait spéciale, et
si la maladie marche différemment chez lui, c'est par
suite des
conditions bien particulières dans
lesquelles il
setrouve.
Les quelques
affections
que nous avonsnommées plus haut
sont celles qui, dans la
pathologie infantile, fournissent la plus
large part à la
mortalité, elles sont éminemment contagieuses,
proviennent surtout
de manquements à l'hygiène. Ces trois pro¬
positions nous
paraissent justifier cette étude
;nous allons le
démontrer.
Gastro-entérites du nourrisson.
« Parmi les maladies du tube digestif spéciales à
la première
enfance, écrit Lesage, les affections
intestinales tiennent la pre¬
mière place ». Ces
affections dominent la pathologie infantile au
point de vuede fréquence
et de gravité. Le
sexen'influe pas sur
le genre de ces affections
qui sévissent surtout dans les trois
premiers mois de
l'existence,
avec unerecrudescence au moment
du sevrage. Toutes les influences
affaiblissantes
yprédisposent,
de même l'hérédité, susceptible de donner un
tube gastro-
intestinal défectueux, un organe contenant une
flore micro¬
bienne de mauvais aloi. Mais la grande cause,
celle
queles
médecins rencontrent à chaque instant,
réside dans
unallaite¬
ment défectueux, dans une alimentation
intempestive.
11 importe de faire remarquer,
dès le début,
quel'enfant nus
au sein est beaucoup moins atteint par
la gaslro-cntérile que
celui qui est nourri au
biberon. En tous
cas,l'affection a chez
lui une importance beaucoup
moindre.
En général, dans
certains milieux tout
aumoins, la mere
donne le sein à l'enfant toutes les foisqu'il pleure;
il
enrésulte
naturellement que l'estomac,
déjà susceptible du nourrisson,
n'étantjamais enrepos, se révolte. L'enfant est vigoureux, le
laitsain, il y a d'abord surcharge alimentaire, bouffissure en
quelque sorte, ensuite troubles gastriques.
Parfois, la mère travaille dans un atelier, l'enfant tète le matin, le soir... et se rattrape toute la nuit. Bien entendu, il ne dort pas; la mère, déjà fatiguée par son labeur du jour, ne
répare pas ses forces,et son lait devient rapidementdéfectueux.
A côté deces sources relevant de la pratique dans l'allaite¬
ment, nous devons signaler diverses influences susceptibles d'agir sur le lait de la nourrice. Une mauvaise constitution, tuberculose, syphilis, arthritisme, des troubles de la menstrua¬
tion indiqués par quelques auteurs et niés par d'autres, les
affections de l'utérus, leschagrins, les peines, lesinflammations
du mamelon, le froid, la poussée dentaire s'ajoutent à ces causes. L'alimentation de la nourrice peutcommuniquer au lait
des qualités parfois nocives : nourriture trop riche ou bien insuffisante, peu variée, échauffante, abus de boisson alcooli¬
ques, etc... 11 est enfin des cas où tous les efforts du médecin n'arrivent pas à rencontrer la cause : la nourrice ne vapas à l'enfant. Est-ce par ses sécrétions, par son tempérament, tou¬
jours est-il que le baby résiste à tous les moyens mis en œuvre pour le guérir; mais que l'on change la nourrice et la diarrhée s'améliore : telle nourriceestfaite pour tel enfant.
Plus fréquente et plus tenace encore est la gastro-entérite
chez le bébé nourri au biberon. Il faut, avant de signaler les
abus inhérents à ce mode d'allaitement, dire que le lait de vache, stérilisé ou non, estfait pour l'estomac du jeune veau et
non pour celui de l'enfant. C'est déjà une marque d'infériorité,
et ilfaut, autant que possible, y suppléerpar de bons soins. En
est-il
toujours ainsi ? Ordinairement, l'enfantabsorbe une quan- hté de lait beaucoup trop forte pour son âgé; ce lait est souvent etendu d'eau, ce qui double la dose de liquide, le tout est donné irrégulièrement. Quelquefois, c'est le lait lui-même qu'il
faut incriminer : il fermente, et les germes y poussent à mer¬
veille. Ces microbes sont nombreux, mais les fermentations
(luds produisent peuvent être divisées en trois grandes classes.
— 22 —-
Ce sont les fermentations lactique, butyrique, caséïque, cette
dernière bien étudiée parDuclaux.
D'autresmicrobes donnent aulaitdespropriétésparticulières,
ce sont : le bacillus cyanogenus qui le colore en
bleu, tel
autrele colore en jaune, quelques-uns le
rendent
amer,visqueux;
certaines levûres, la levure lactique, celle du Koumys, par exemple, produisent de
l'alcool.
Comment agissent ces microbes?
L'infection qui
enrésulte
vient-elle de la totalité ingérée ou bien est-elle due à un
seul?
Plusieurs la produisent, pour
Prodet
etBaginsky;
pourd'au¬
tres, un seul microorganisme est en jeu.
Nous
ne pousseronspas plus loin cette
question,
car nous avonshâte de signaler
une troisième série de causes productrices de la
gastro-entérite,
l'alimentation intempestive.
11 faut comprendre sous ce nom tous
les aliments dont
011gave les jeunes estomacs,
depuis les œufs durs, la
soupeaux
choux et àl'ailjusqu'à l'alcool et même à
l'absinthe,
enpassant
par la viande de
cheval, les fruits
peumûrs et les légumes.
Si on réfléchit à la délicatesse de l'organisme
infantile, à
l'absence de dents et de ferments digestifs, on
comprend
queles aliments introduits dans l'estomac du jeune sujet
agissent
sur ce dernier et le dérangent.
Mais quelles que soient
les
causes,toujours est-il
queleur
aboutissant est un seul résultat : l'infection. Cette
dernière
semanifeste pardesvomissements,
de la diarrhée abondante, verte
oujaune,d'odeur très
fétide. Les toxines fabriquées dans le tube
digestif envahissent
l'organisme, les
poumons,le système ner¬
veux, le foie,les reins,la peau,créant
partout des complications
sérieuses.
Dans ces conditions, il est logique de penser que
l'avenir
réservé à l'enfant est des plus grave.
Les statistiques nous le
prouvent; tous les
médecins d'enfants le reconnaissent.
- 23 -
Rougeole.
« Larougeole est, dit Comby, une maladie générale, infec¬
tieuse, spécifique, contagieuse, caractérisée par des taches
rouges cutanées et par un catarrhe oculo-nasal, buccal, pha- ryngo-laryngé et bronchique précédant l'exanthème ». C'est, à l'heure présente, la plus commune des maladies contagieuses.
La rougeole est endémique dans les grandes villes, épidémi- mique dans les petites. Elle se présente dans les aggloméra¬
tions, se diffusant ensuite dans toute une cité, ou se cantonant dans certains groupes (casernes, crèches, pensions). Elle paraît
surtout au printemps et en automne, et l'âge, d'après Comby, paraît influer beaucoup sur son étiologie. Très commune dans
lespremières années de la vie, elle devient de plus en plus
rare à mesure que l'enfant grandit; sa plus grande fréquence
estde 2 à5 ans. Sur 715 morbilleux, Comby a relevé les pro¬
portions suivantes :
Au-dessous d'un an 45 cas
De 1à2ans 176 »
De 2 à5 ans 336 »
De 5à 15 ans 158 »
C'est par la contagion que naît et se propage la rougeole, contagion directe, vue déjà par Speranza en 1822, Kalona en
1842, Home en 1858, Mayr en 1860, contagion indirecte aussi.
Sevestre prétend qu'autour de chaque petit malade, existe une zone dangereuse de 3 à 4 mètres; les enfants surtout frappés,
serontdonc les plus proches voisins. Mais Grancher a vu des morbilleux atteints à plus de 12 mètres, or l'airexpiré est asep-
hque; il faut donc admettre l'apport du contage par les infir¬
miers, visiteurs, etc... Grancherattribue une part très impor¬
tanteà ce mode de contagion qu'il a observé plusieurs fois, et qui, dit-il, prédomine sur le direct.
Le germe de la rougeole parait avoir une durée éphémère, quelques heures pour Sevestre et Grancher, moinsencore peut- etre. 11 parait agir avant l'éruption. Ce fait a été démontré par
24 —
Girard, Bédère, Sevestre, etc... PourBard, l'affection serait con¬
tagieuse, 4 et même 3 jours avant l'éruption.
La période
érup-tive est seule contagieuse, disait-on autrefois. On pense aujour¬
d'hui que la contagion cesse avec elle.
Si l'idée de Panum était
exacte, et si seule cette période éruplive était contagieuse, la prophylaxie serait beaucoup
plus simple; bien
aucontraire,
au moment où on songe à instituer les moyens hygiéniques, il
est souvent trop tard, le mal est fait.
Le microbespécifiquede la rougeole n'est pointencore connu.
En1871, Coze et Feltz trouvèrent dans le mucus nasal des bac¬
téries fines et mobiles; Babès vit un bacille très court; Canon et
Pielicke ont étudié de près la question et ont découvert dans
le
sérum sanguin un bacille simulant le diplocoque, et ne se
colo¬
rant pointpar la méthode de
Gram. Mais si le
germespécifique
n'est pas connu, on rencontre dans le mucus
nasal des
germes pathogènes, le streptocoque et le pneumocoque, pourMery et
Boulloche, le staphylocoque doré, le
strepto-bacille de Barbier.
Ces microbes secondaires sont surtout à redouter, car c'est par leur virulence que se montrent les complications.
Nous laisserons decôté l'anatomie pathologiquepour
aborder
le côté clinique et arriver vite à la question du
pronostic.
La rougeole comprend quatre période : Xincubation
qui dure
8 à 11 jours, et dans laquelle les signes qui éclatent
dans la
phase suivanteparaissent s'annoncer.
L'invasion de la rougeole
se fait, en général, peu à peu, est marquée par un
catarrhe
muqueux, oculo-nasal surtout, par des
troubles laryngés, des
épistaxis, des convulsions chez les
jeunes enfants, de l'adénite
sous-maxillaire, signalée par Henriquez y Carvajal en
1891.
Cette période dure 4 à 7 jours; elle est suivie de
Y éruption.
Celle-ci débute par la face pour envahir ensuite les
membres;
elle est « formée de petites saillies rouges, veloutées,
inégales,
se groupant par plaques irrégulières ». Cette
éruption
segéné¬
raliséen 24 heures et décroit encommençantpar la face;
enfin,
du quatrième au septièmejour qui la suit, se produit
la desqua¬
mation furfuracée. Telle est la rougeole classique. Mais
parfois
tout ne sepasse pasainsi : tel signe l'emporte,
prédomine et les
complications apparaissent. Nous signalerons surtout les mani¬
festations pulmonaires, en particulier la broncho-pneumonie et
laprédisposition àla tuberculose. « La rougeole est, dit Comby,
unemaladie essentiellement tuberculisante ».
On entend souvent dans le monde traiter la rougeole de
maladie bénigne et presque inévitable. Erreur, nous enseigne Comby: « La mortalité par la rougeole, à Paris, venait dansces
derniers temps immédiatement après la diphtérie et dépassait
de beaucoup la mortalité globale causée parla coqueluche et la
scarlatine réunies. Aujourd'hui que, grâce à la sérumthérapie,
la mortalité diphtérique a été très réduite, la rougeole devient
laplus meurtrière de toutes les maladies infectieuses de l'en¬
fance ».
Et comme toujours, elle frappe surtout dans les aggloméra¬
tions. Et cela, parce que lescas simples se trouvent àdes formes
graves, parce que le voisin infecte le voisin, et si le rougeoleux
bien soigné dans sa famille est à peu près sûr de guérir, le petit enfant soigné à l'hôpital succombe parfois. Nous disons
« petit enfant », car l'âge, d'après llénoch, Comby, Guénon, est
un facteur important dans le pronostic. En elfet, Hénoch, à Berlin, sur 294 enfants malades, a eu 55 p. 100 de mortalité
chez les enfants de 0 à 2 ans; 9,4 p. 100 seulement chez ceux
de2 à 11 ans.
De même, Comby, sur 715 malades, a eu 33,3 p. 100 de mor¬
talité chez les enfants au-dessous de 1 an;
29 p. 100 entre 1 et 2 ans;
8,9 p. 100 entre 2 et 5 ans;
3,8 p. 100 entre 5 et 15 ans.
La rougeole est donc une affection avec laquelle il fautcomp¬
ter; mais un fait important à signaler est l'abaissement de la mortalité, depuis que des pavillons spéciaux sont créés. Ainsi,
eu 1884, à Paris, les décès s'élevaient à 57 p. 100; en 1895, ils
sont descendus à 14,4 p. 100. Ces derniers chiffres sont conso¬
lants.
Fièvre scarlatine.
« Si la scarlatine, dit Moizard, peut se montrer à tout âge,
mêmedans lavieillesse, c'estsurtout unemaladie de l'enfance.» Les nourrissons, quoique pouvant être atteints, y résistent
habituellement davantage que les enfants plus âgés. Pour Baginsky, les neuf dixièmes des cas de mort par scarlatine ont
lieu dans les 10 premières années; d'après les statistiques de Londres, le maximum serait entre 2 et 3 ans.
Rilliet et Barthez placent la plus grande fréquence entre 6 et
10 ans, d'accord en cela avec Dieulafoy.
Comme toutes les affections, en général, la scarlatine atteint
de préférence les faibles, les tarés, mais elle naît toujoursd'une
autre scarlatine, directement ou indirectement. Nous trouvons donc ici, et bienen tête, encore, la contagion. Mais une affection contagieuse suppose un germe; quel est donc le germe
delà
scarlatine? Comment ce germe arrive-!-il dans l'organisme;
quels sont, en quelques mots, les ravages qu'il crée,
quel
avenir réserve-t-il aujeune malade? Toutes questionsqu'ilnous
faut résoudre.
Nous ne connaissons pas le véritable agent de la fièvre
scarla¬
tine ; Hallier en 1869, Coze et Feltz en 1872, Ivlebs en
1875
virent leurs recherches restervaines.
Litten, Ileubner, Barhdt, Crooke, Babès, Bourges,
Lemoine,
ont vu dans les exsudais un streptocoque particulier. Le
plus
souvent seul, le microbe s'associe, dans les complications
pul¬
monaires,avec le pneumocoque,dans les anginesavec le
staphy¬
locoque, le bacterium coli. L'urine le contient, surtout si
elle est
albumineuse ; il pullule dans le sang, produisant la septicé¬
mie, l'endocardite, les arthrites, etc... Babès voulait distinguer
ce streptocoque du pyogène ; d'autres auteurs, Wartz, Bourges,
en font une variété d'une même espèce. Lesuns disent
qu'il agit
dans la scarlatine en tant que germe d'infection secondaire qui
cache le microbe scarlatineux; pour d'autres, Fiessinger,
Berge,
11 serait seul l'agent de cette affection, grâce à une