DIALOGUE
Entre PATRCIV JOSEPH
,Canonnier
de laCarmagnole
, etMe. Jacques IV À T E
II ~H O USE,
tenant laTaverne
portantpour
enseigne ,
Constitution Anglaise
,New
Street , à Londres.
Je ne suis pas publiciste
,
Je ne sais point ie grec , et bien peu îe latin ? J'apporte
mon
rémède en Vrai républicain.—
> « ——
i
L'Anglais
en se découvrant*Bonjour, M.
patronJoseph, comment vous
portez-vousLe
Français... i ... •. . j
Mets
tonchapeau
! jene me nomme
pasmon-
sieur , mais bien citoyen républicain ,
ou
bienjacobin
; je te rendrai le
bonjour
à cenom
,car je te crois étranger, et trop étranger à notre révolution
V puisque
tume
traite demonsieur.
Aujourd’hui
c’estune
ofTense : ilny
a plusde monsieur
en Francs. Icinous sommes
fouségaux;
il n’y a plus
que
des républicainsou
des traîtres;choisis ! es-tu digne de m’entretenir ?
Au premier
lHEKEWB£ilfcY
UBRARY
f
mot
je saurai te reconnoître , et à tes faits,je
saurai t'estimer.
U
Anglais.By God\ Quel peuple
, si tousressemblent?
Ouel changement
,mon bon ami
? tune me
re-connois donc
plus? Rappelle-toide
maîtreJacques
Water-House,
tenant la tavernede
la consti-tution anglaise , chez qui tu es
venu
plusieurs fois loger ,New
Street àLondres
,que
tu as estimé,que
tu asaimé
àentendre, quand
il te parloitde
la liberté anglaise. Est-il possibleque
tu
m’en
ayesimposé
si fortement ,moi
qui suisun descendant
desfameux
qui ont mis la libertédu peuple
anglais à l’ordredu jour
, qui l’ontsoutenu
avec fermeté ,de
pereen
fils , depuis des siècles.Comment
est-il possibleque
tume
reçoives ainsi ?
Cela me
surpasse.Le
Français*Que
celane
t'étonne pas ! tu n'es pas libre,
rien
moins que
libreIlAnglais en
Jermant
les poings.God damn
, maîtreJacques Water-House
n'estpas libre !
God damn
, tu es libre , toi, patron
Jo- seph
! définis-moidonc
ta liberté ?Le
Français.Point^d’emportemens
,ou
bien gare à laCa-
[
g
ramagnoîe.
Ecoute-moi
et sera lacomparaison que
je vais te faire de ta liberté factice avec lamienne
,soutenue
de la sainte égalité et de laraison.
Peuple
anglais , ave2-vousune
constitution ?Réponds pour l’homme
debonne
foi.L'Anglais
Oui
,nous en avons une
qui a été citée mille et mille foispour modèle
, par deshommes
ins-truits ,
même
par votreassemblée
constituante ,où on ne peut
disconvenir qu’ily
avoit de grandshommes,
tant par leurs talens oratoiresque
par leur érudition.Le
FrançaistDis plutôt
de
grands scélérats , puisqu’ilsvoü-
loientprendre pour modèle
la constitutionde
ton pays ,où on ne
voitque du
haut, etdu
bas,pend
antque chez nous
,peuple
vraiment libre,nous ne pouvons
reconnoîtreque
l’égalité qui 4appuyée de
la justice, doits sans efforts, sou- tenir notre liberté;L
Anglais.Tu
as fortement raison 4 sans égalité, point
de
liberté; mais nos représentans descommunes
forment
l’égalitédont
tu fais ton égide , etnous
l'avons par ce
moyen
toutcomme
vous.A
24
Lt Fra
rtçaisiTu
es dans Terreurou
dans l’ignofanee la plus stupide»Comment
est-il possibleque
deshommes
à qui
on
nepeut
refuser le senscommun
, aientpermis
* dansune
représentation nationale ,une chambie
haute etune chambre
basse ?Comment
est-il possible
que
deshommes
qui ont le senscommun
, souffrent qu’il existeune chambre
hautecomposée
decomtes, de barons,
de milords,de
lords et de tous les gens puissans en. richessedu
pays
.
pour
représenterun grand peuple
?De
né-cessité ils doivent l’opprimer , et ils l’opriment depuis des siècles , et leur intérêt est lié à la gloire qu’ils se font ue perpétuer leur ignorance et leur
accablement»
Ervous
dites avoirune
représen- tation nationaledans
ceshommes dont
l’intérêt a toujours étéde vous
asservir , envous
cares- sant, envous
permettantmême
de leur direou
‘
de
leur écrire des injures ,pourvu que
tu payes *\
•
pauvre peuple
?Quelle
représentation îL'Anglais
*Tu
as bien raison ; mais aumoins
tu doiscon-
sidérer
que nous
avons des représentans descom- munes
quipeuvent
entraver les attaquesque vou-
draientdonner
à la libertédu peuple
anglais * leshommes dont
tume
parles , et qui , suivanttoi 4 sont
nos
plus ffers antagonistesLe Français
.Je tanche
lemet
et jecoupe
lenœud
gordien-Vos
reptéseiKans- descommunes
vous ont' toujoursvendu
eivous vendent
encore aù plus offrant et dernier enchérisseur.Tout
estcommerce
dansvotre île industrieuse.
le commerce
quiy
a le plus d'appaspour
lesmarchands
de paroles, c’estde
représenter le peuple,qu’on
a l’audacede nommer
les
communes ou
lachambre
basse ; quellebonté d ame
dans cepeup
le souverain,de laisser ainsi avilir et fouler ses droits imprescriptibles et inaliénables,L'Anglais*.
God damn
, patronJoseph,
tum’ouvres
lesyeux
«-il se pourroit bien faire
que nous
fussionsdupes
des bellesmotions
faites en faveurdu peuple
parnos
grands orateurs * et quirarement
sontadop-
tées.
Le Fiançais
.Tu
as ouvert les,yeux
, ehbien! ouvre bien
les oreilles, je vais te dire
de
trop grandes vé*r
u
ésLa
moitiédu
tems , tout est préparé d’avance- et fait à lamain
, dans leurs comités secrets.La chambre
basse, trop biennommée
parce qu’elle- estvendue
d’avance, sait bien qu’elle va se faire-admirer du bon-hOmme
lepeuple
, en mettantau
jourquelques bons
projets en sa, faveur; elle’
A %
6
l'endort , et la
chambre haute
, d’accord et tropsouvent
d’accord , lui forge les fers , etquand
tout est préparé
pour
éterniser l’oppressiondu
souverain sans-culotte ,
M.
veto , caché derrièrela toile , les rive si bien
que
c’est sonpremier
rnëtien ils sontpresque
tous forgeronsou
serruriers.L
Anglais.9 f '
By God
,ami Joseph
,comme
tu raisonnes !quelle différence depuis 88 ,
où
tu prenois plai-sir à
m’entendre
,quand
je te parlaisde
notre liberté ,comparée
avec ledespotisme
,dont
les Français étaient lesjoyeux
esclaves.Le
Français.Mon ami
, dans le tems jevous
estimaisheu-
reux , jevous
croyais libres ,vous me
le disiez tous ; mais cinq ans de révolution dansmon
pays,m’ont un peu
instruit : j’ai appris les droitsde l’homme
etdu
citoyen : cesmêmes
droitsm’ont
apprismes
devoirs : j’aimédité
et accepté notre constitution : elle est belle , elle est simple et•
majestueuse comme
la nature ,dont
elle est la fille ? j’ai senti la dignité demon
existence : j’ai senti enfinque
j’étaisun homme
, etque
tous leshommes
étaientmes
semblables , etque
par- toutoù
je trouverais deshommes
libres ,ou
dignçs
de
l’être , jeme
feraisune
obligationde
U
3$ cclauçr iur leurs droits et sur leurs devoirs.i
7
L'Anglais
.Veriwel ,
mon
cherami
, je n’ai pas assez d’oreillespour
t’entendre : la force et la justessede
tonraisonnement
m’entraîne etme
convainc.Je ne m’étonne
plusde
voir les Français ardenspour
soutenirune
si belle liberté , etpour
lapremière
fois , jem’apperçois que nous
n’avonsqu’un
vainfantôme
de constitution.Le
Français.Vous en
avez le son , et les effets n’enpeuvent
êtrebons pour
le peuple.Que
signifie cettechambre
haute , sinonun jugement en
dernier ressort ,
soutenu
etpayé
par lemanne- quin monsieur
Veto , qui tient tous les fils des marionnettes , et ^ui les faitmouvoir
à son gré.Que
signifie cettedénomination
dechambre
basie, sinonun
avilissementprononcé
d’avance sur cemême peuple
souverain qui se croit représenté ?En
Angleterrecomme
par-toutailleurs , il nepeut y
avoir qu’un seul souverain qui dicte ses loix,et par-tout
où
ily
a des rois , ily en
a des milliers.L
Anglais.i
Effectivement
nous
avonsun
roi , mais c’estun
imbécille , incapable de rien, mais il se trouve entouréde
milliers deremplacans
,de
centaine de milliersde
substituts, turlu tu tu , et lepeu-
ple en est par-tout la victime ; tu as raison,Gran-
dement
raison , ilne
doity
avoirqu'un
seul sou- verain.Le Français
.Par-tout
où
ily
a des rois , ilne peut
exister d’égalité : par-toutoù
il n’y a pas d’égalité , il ne, peut exister de liberté ; les peuples sont esclaves : etvous vous
flattez d’avoirune
consti- tution ! Si elle n’est pas toute en faveurdu peuple
souverain , elle estbonne
àjetter dans laTamise, avec
tousceux
quiFont
faite , etceux
qui lasoutiennent.
ILAnglais,.
I beg
you
pardon
, patronJoseph
, tu t’éçhaufFe, maisépargne
dans ta juste colere , tonami Wa-
ter
House
,ne
le jette pas dans la.Tamise
, ilpeut
te servir plus utilement.Je conviens
de bonne
foique
jeme
suis plus éclairé dans ta conversation,
que
icne Faurou
été
pendant un
siecle ,en
lisant lesMornaing
jour- naux.Continue
, sois assuréque
tu n’aurag pas,perdu
ton teins. rLe
Ft:ançais.D
Parlons
de
Fiovjolabilité demonsieur
Veto , etde
tous ces puissans coquins qui .peuvent toutFaire, qui
peuvent
tout dire , sans en êtrecomp-
tables.
Sont
ce deshommes
dignesde
la liberté, qui ont mis cette question àFordre du
jour.Ceux
qui seprévient do
~ctte loimonstrueuse
,peuvent
ils avoir desAn
de soutenir la liberté despeuples? No
< : q rconque
semet
au dessus des lois , estun
r onstre : il ne peut avoirma
confiance : il est indigne de
me
faire et de rnedicter des lois Ici
nous sommes
tous inviolables.De
par la Loi , la Loi protégé notre inviolabilité.La
Loi seule est notre sauve garde contre tout attentat à netre liberté , et notre représentant lu1même
s’ysoumet
avec transport. Elle sait sa force , elle luidonne
son énergie , et hors la Loi, dans notrerépublique
, point de salut.L
Anglais , $ extasiant.Courage
, courage , patronJoseph
,Bravo
! bravissimo !Le
Français.Tu
vois ,mon bon ami
,une
très petite partie des vices de ta constitution. Il te fallaitune comparaison
vertueuse ,pour en
sentir tout le ridicule et te la faire détester.Eh
bien!mon ami, pourquoi
vos constituans y ont-ils glissé tous ces vices. C’étoitpour
la rendre nulle par suc- cession de tems , et enfin votregouvernement
l'a
rendu
telleque
pasun
Anglais debonne
foi , pas
un
seul Anglais ne lapourra
reconnaître à ces véritésmalheureusement
trop marquantes.Dans
la constitution anglaise , est ilune
loi quipermette
la trahison et d’acheter les traîtres ?10
Y
verra-t’onune
loi quipermette
à son ministred’employer poison
, perfidie , assassinat et incen- die ,pour empêcher un peuple de
devenir libre ?'V verra-t-on
une
loi quipermette
àun
ministre anglais de dépouiller, de pressurer le sang
du peuple
,pour
le forcerde
se liguer avec luipour empêcher un peuple
voisin d’être libre.Y
verra - t -on une
loi quipermette
àun mi-
nistre anglais d’avilir le
peuple
, son vrai souverain ,au
pointde
le rendrecomplice de
mille et mille attarltats infâmes autant qu’atroces centre la liberté française ?Y
verra-t-onune
loi quipermette
àun
minis- tre anglais de faire assassiner des français sans ar-mes
, dans le port deGènes
?Y
verra-t-onune
loi quipermette
àun
ministre anglaisde
faire assassiner des representans d’un grandpeuple
qui a reconquis sa liberté.Y
verra-t-onune
loi quipermette
àun
minis-tre anglais de mentir et
de tromper de
conti- nuité lepeuple
,son
souverain ,dont
il tienttous ses pouvoirs ?
Enfin , y verra-t-on
une
loi qui dise formelle-ment que
le roi et le ministre font tout etque
le
peuple
n’y est rien, pireque
rien, esclave?Non
,peuple
anglais ,noo peuple du fauxbourg
SaintAntoine
deLondres
,vous ne
le souffrirez/
1 1
pas plus
longtemps. La
sainte insurrection sera bientôt chezvous
à l’ordredu
jour. Il y a trop long teinsque vous
êtes des Sans-culottes ; vexez ,vilipendez , réveillez-vous , et d’un
coup de massue
abattez tousceux
qui en ont à revendre , et ilsseront trop
heureux
devous en
fournir.L'Anglais.
Mon bon
ami, les piedsme
pétillent d'êtreà
Londres:
jene
cessede
t’admirer;y
a-t-il bien des Françaiscomme
toi ?Le Français
.Va
faireun
touraux
frontières , tuy
trouverasdouze
cents mille républicains ,ou douze
cents mille héros quicombattent
victorieusement con~tre tous les- rois et leurs satellites.
Y-a-t-il bien des français
comme moi
. (pauvre
patronjoseph
) ! je suisconfondu
dans la fouleimmense
des républicains , il n’y eu a pasun
quine me
vaille, s’il ne vaut pasmieux.
L
Anglais,Une
Constitution telleque
celle des Français, qui en fait autant de héros , doit être néces- sairement sublime ; je te prie ,mon
ami ,de m’en
procurer quelques exemplaires ; j’en feraimon élément
; je lacommuniquerai aux
braves Sans Culottes qui viennentmanger
chezmoi,
etsois sûr
qu
elle sera bientôt goûtée etrépandue 4
-ns nos fauxbourgs.Le Français
»Avec
îe plusgrand
plaisir ,mon ami,
je t’en procurerai „ lebonheur
n'est pas faituniquement pour
la France , lebonheur
des républicains français sera toujours de le répandre»'L’Anglais..
God
darrrn , ilme
vientune
idée : je desirerois bienque
larépublique
française envoiâtquelques bons
missionnaires ,comme
toi . en Angleterre ,pour
y.faire apprécier votresublime
constitution..., v
Le Français
.' '
/'
' '
- > '
Ton
idée est très-bonne ,* elle pourroît fortbien
avoir lieu, et je croisque
larépublique
pourroîtbien,
souspeu, vous
enenvoyer une
centainede
mille ,pour
se joindreaux
Sans- culottes des troisroyaumes,
etpour y prêcher
la sainte Égalité , l’abus des richesses et la res- titution»
L'Anglais,
By
god ,mon ami,
larépublique
auroit bien raison , et je croîs , suivantmon
petitapperçu
,qu’elle
Uouveroit
biendu monde de son
parti , car cheznous
,comme
par-tout ailleurs , îepeuple
aime
la justice , et s’il s’est laissé mistifier si.US
long-teros, c’est qu’iî riy a pas
vu
clair T instruis sons-le i garre à sa juste colère , elle sera terrible*Adieu, mon bon ami, que
je t’embrasse, etsi par hazard tu étais
un
des cents mille mission- naires , n’oublie pas lamaison de
jaequesW
a ter-blouse ; l'enseigne
de
la constitution anglaise , àton arrivée , sera
changée
à la française ; n'oublie pas, dis-je, dem’y
venir voir, et tu y trou- veras gayeté ,bon
vin et sans-culotterieiLe
Français.Pardonne-moi mon premier mouvement
,mon
pauvre Watet-
blouse , je l’embrasse fraternelle-ment
etde
toutmon cœur
; toname
mérited’être libre,* profite et fais profiter les petites instructions
que
je t’aidonnées,
elles sont fon- dées sur la justice de la causepour
laquellenous combattons
. etpour
laquellenous com-
battrons avec persévérance sans lâcher prise 4 jusqu’à ce
que
notre liberté ,accompagnée de
sa ridelle et inséparable
compagne
, la sainte Egalité , soientreconnues
par tous lesennemis
qu’i
nous
la disputent.) »
Vive
laRépublique
î Paixaux Chaumières
, et guerre éternelleaux
tvrans.O J
GROS LUZENNE.
la
Société des Jacobins a arrêté dans sa séancedu
\
premier Tluviose, que le présent dialogue serait im-
primé aux
frais de la Société, distribué
aux Mem-
bres et