En Iran, "le gouvernement se talibanise un peu plus chaque jour"
LEMONDE.FR | 30.12.09 | 17h12
ix mois après la réélection contestée de Mahmoud Ahmadinejad à la présidence de la République islamique, de violents affrontements continuent d'opposer les forces de l'ordre aux manifestants hostiles au gouvernement. Nous avons joint plusieurs Iraniens sur place. Simples observateurs ou militant engagés dans le mouvement d'opposition, ils décrivent tous une radicalisation de la répression. Nous connaissons certains de ces interlocuteurs, d'autres non. Tous ont demandé que leurs propos restent anonymes.
"Mon père est fiché comme opposant", B., 24 ans, étudie à l'université des sciences médicales de Téhéran
Ma famille est divisée en deux. D'un côté, mon père, ancien juge du temps du chah qui vend maintenant des pièces mécaniques. De l'autre, mes deux oncles, fervents supporteurs de la fermeté du guide envers l'Occident. De la fenêtre, j'aperçois des blessés qui se rendent à l'hôpital Amir Alam. J'ai vu hier soir deux policiers traînant un homme au visage maculé de sang. La peur règne dans nos rues. On nous répète sans cesse que tous ceux qui sont contre le guide
soutiennent l'Amérique et les sionistes. Je suis inquiet pour mon père. Il est déjà fiché comme opposant au régime.
"Le gouvernement se talibanise un peu plus chaque jour", S., 47 ans, habite à Téhéran. Elle a assisté à la procession de l'Achoura dans la capitale.
Les violences de dimanche m'ont beaucoup choquée. L'avenue Azadi était pleine de monde. Il y avait des lacrymogènes et des feux allumés par des manifestants pour se protéger du gaz. Les gens étaient très énervés et criaient des slogans contre la dictature et contre le guide suprême. J'ai vu des personnes armées de pierres et de bâtons. On nous a dit qu'il y avait eu des coup de feu, que les forces de l'ordre avaient le permis de tuer. En sortant de chez moi pour assister à la cérémonie de Cham-e Ghariban (quand la famille de l'imam Hossein cherchait ses morts avec des bougies sur le champ de bataille), j'ai rencontré des voisins et beaucoup de monde qui se rendaient sur l'avenue Mirdamad. Il y avait des bassidjis qui
traversaient en moto les petites rues pour semer la peur.
Ce qui est sûr, c'est que le régime se talibanise un peu plus chaque jour. J'ai peur que le gouvernement ne pousse l'opposition à se radicaliser. Cela fait six mois que la colère s'accumule contre les arrestations, les assassinats, les viols en prison et les mensonges. Mais pour l'instant, il n'y a que la rue et les universités qui se mobilisent contre le régime. Il n'y a pas eu de grève des commerçants du bazar ou des salariés de l'industrie. Cette violence est sans issue. Même si la
mobilisation de l'opposition me donne de l'espoir, j'ai peur que mon pays sombre dans le chaos, ou bien il y aura un autre coup d'Etat par quelqu'un de puissant comme Mohammad Khalibaf, le maire de Téhéran, ou l'ancien chef des pasdarans, Mohsen Rezai, qui était candidat à la dernière élection présidentielle.
"Je me bats contre le régime", M., 28 ans, architecte. Il milite activement au sein du mouvement vert, contre la réélection de Mahmoud Ahmadinejad.
Nous ne nous attendions pas à un tel déchaînement de violences. J'ai participé à presque toutes les manifestations depuis le mois de juin, et je peux témoigner que la répression des opposants pendant les célébrations de l'Achoura a été
particulièrement sauvage et brutale. Contrairement à ce que disent les médias officiels, une trentaine de personnes ont été tuées. On leur a tiré dans la tête, directement. Il faut nous défendre, mais nous ne répondrons pas à la violence par la
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30/12/2009
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violence.
Il y a six mois, seuls les étudiants et les classes moyennes libérales participaient aux manifestations. Aujourd'hui, de plus en plus de gens religieux nous rejoignent. Des gens qui ne supportent plus que des crimes soient commis au nom de Dieu.
La mort du grand ayatollah Montazeri a été une vraie secousse. Beaucoup pensent qu'il a été empoisonné par le régime.
La contestation gagne de plus en plus de villes. Le jour de l'Achoura, quatre personnes ont été tuées à Tabriz, dans le nord-ouest du pays, deux sont mortes à Najaf-Abad, une à Ispahan et une à Qom. Le mouvement a gagné Shiraz, Ahvaz, Mashhad, Babol, Babolsar, Sari, Ardabil, Sanandaj, Kerman, Zahedan, Hamedan, Rasht, Anzali, Yasooj, Sirjan, Kerman...
Aujourd'hui, je ne manifeste ni contre les fraudes électorales ni pour que Moussavi devienne président. Je me bats contre le régime. Je veux que l'Iran devienne une démocratie où la religion et l'Etat sont séparés. Nous ne pouvons plus repartir en arrière.
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