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Les variantes cantonales dans la prononciation des voyelles du français en Suisse romande

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Master

Reference

Les variantes cantonales dans la prononciation des voyelles du français en Suisse romande

SCHOUWEY, Vanessa

Abstract

Le travail de fin d'études que nous présentons ici porte sur les différences de prononciation des voyelles en Suisse romande. Nous nous sommes intéressés aux différences que l'on peut observer par rapport au français parlé en France, que l'on appelle français standard, aux différences que l'on perçoit entre les cantons romands, et également aux variations de prononciation à l'intérieur d'un même canton. Pour cela, nous avons élaboré un questionnaire contenant des paires de mots comprenant une voyelle susceptible d'être prononcée de diverses manières. Nous avons sélectionné trois voyelles, le « o », le « e » et le « a », car elles nous semblaient particulièrement sujettes à une variation de prononciation. De plus, nous nous sommes questionnés sur la signification de ces différences. Nous avons postulé l'hypothèse de l'homophonie. En effet, il se peut que ces variations de prononciation soient réalisées afin de distinguer deux mots qui, sans cette différence de voyelles, pourraient être homophones. Au terme de l'étude, nous avons effectivement relevé des différences importantes entre [...]

SCHOUWEY, Vanessa. Les variantes cantonales dans la prononciation des voyelles du français en Suisse romande. Master : Univ. Genève, 2008

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:1410

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DE GENÈVE et des Sciences de l’Éducation

Section de Logopédie

Mémoire de fin d’études

pour l’obtention du Master en Logopédie

L L e e s s v v a a r r i i a a n n t t e e s s c c a a n n t t o o n n a a l l e e s s d d a a n n s s l l a a p p r r o o n n o o n n c c i i a a t t i i o o n n de d es s v vo oy ye el ll le es s d d u u f fr ra an n ça ç a is i s e e n n S Su ui is ss se e r r o o ma m an n de d e

sous la direction du Professeur Ulrich Frauenfelder

par Vanessa Schouwey

mai 2008

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REMERCIEMENTS

Je désire remercier le professeur Ulrich Frauenfelder pour son accompagnement tout au long de mon mémoire, Sophie Dufour pour son aide et ses commentaires précieux, Cristina Silva pour sa collaboration dans l’analyse des données parisiennes, Marie-Stéphanie Hamm pour sa relecture indispensable, tous les participants qui ont accepté de passer quelques minutes à remplir le questionnaire, et tout mon entourage qui m’a soutenue du début à la fin de ce travail.

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TABLE DES MATIÈRES

RÉSUMÉ page 5

INTRODUCTION page 6

1. PREMIÈRE PARTIE : PARTIE THÉORIQUE page 7

1.1. L’histoire de la langue française page 7

1.2. L’histoire de la dialectologie et de la sociolinguistique page 9

1.3. La méthodologie dans les recherches de dialectologie page 11

1.4. La variation phonologique page 17

1.5. Le français de référence page 19

1.6. Le français parlé en Suisse romande page 22

1.7. Notre étude à proprement parler page 23

2. DEUXIÈME PARTIE : PARTIE EXPÉRIMENTALE page 25

2.1. But de la recherche page 25

2.2. Méthode page 25

2.2.1. Participants page 26

2.2.2. Matériel page 27

2.2.3. Procédure page 29

(5)

2.2.4. Plan d’expérience page 30 2.2.5. Hypothèses théoriques et opérationnelles page 30

2.3. Analyse des résultats page 32

2.3.1. Résultats obtenus auprès des Parisiens page 34

2.3.2. Le contraste [o] – [O] page 40

2.3.3. Le contraste [e] – [E] page 42

2.3.4. Le contraste [a] – [A] page 45

2.3.5. Le degré de certitude page 49

3. TROISIÈME PARTIE : DISCUSSION page 51

3.1. Interprétation des résultats page 51

3.2. Limites de l’étude page 63

CONCLUSION page 65

BIBLIOGRAPHIE page 66

ANNEXES page 68

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RÉSUMÉ

Le travail de fin d’études que nous présentons ici porte sur les différences de prononciation des voyelles en Suisse romande. Nous nous sommes intéressés aux différences que l’on peut observer par rapport au français parlé en France, que l’on appelle français standard, aux différences que l’on perçoit entre les cantons romands, et également aux variations de prononciation à l’intérieur d’un même canton. Pour cela, nous avons élaboré un questionnaire contenant des paires de mots comprenant une voyelle susceptible d’être prononcée de diverses manières. Nous avons sélectionné trois voyelles, le « o », le « e » et le

« a », car elles nous semblaient particulièrement sujettes à une variation de prononciation. De plus, nous nous sommes questionnés sur la signification de ces différences. Nous avons postulé l’hypothèse de l’homophonie. En effet, il se peut que ces variations de prononciation soient réalisées afin de distinguer deux mots qui, sans cette différence de voyelles, pourraient être homophones. Au terme de l’étude, nous avons effectivement relevé des différences importantes entre la Suisse et la France, entre les divers cantons romands, ainsi qu’à l’intérieur même de chaque canton. Nous avons cependant constaté que l’hypothèse de l’homophonie n’expliquait pas ces différences, car les résultats ne confirmaient pas notre postulat. Toutefois une autre interprétation nous a paru possible. Les mots présents dans ces paires ont une orthographe différente dans la plupart des cas de variations. Nous avons remarqué que, davantage que pour une raison d’homophonie, les différences faites dans la prononciation étaient sans doute dues à la différence de graphie. C’est pourquoi nous nous permettons de proposer, pour une étude ultérieure, l’analyse de la prononciation par rapport aux différences de graphies.

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INTRODUCTION

Cette recherche a pour point de départ l’observation que, en Suisse Romande, malgré une langue commune qu’est le français, chaque canton possède son accent. Au-delà de ce qu’on pourrait comprendre en parlant d’accent, l’aspect principal sur lequel va se pencher notre recherche concerne la prononciation des voyelles d’un canton à l’autre. Nous pouvons alors définir quelques questions de départ pour bien entrevoir la direction que nous allons prendre dans ce travail : 1) peut-on déterminer clairement les frontières entre ces divers accents et se tiennent-elles à l’endroit des frontières cantonales, 2) quelles sont les ressemblances et les dissemblances d’un canton à l’autre, et 3) quelle est la part de l’influence de la France sur les régions limitrophes de ce pays ?

Nous pensons que les accents, ou ce qu’il en reste, ne sont pas anodins et dépendent certainement d’une évolution que l’on peut rapprocher du parler des autres pays francophones, notamment de la France. Ce grand pays limitrophe pourrait avoir son influence dans les divers parlers romands : nous pensons alors que la prononciation des cantons proches de la France serait davantage semblable à la prononciation du français de référence que celle des cantons plus éloignés.

Dans cette recherche, nous allons donc essayer d’établir une répartition géographique des accents romands, en nous limitant à l’analyse de la prononciation de quelques phonèmes en particulier. Plus précisément, par le biais d’un questionnaire distribué dans tous les cantons romands, nous essayerons de définir quelles voyelles les habitants de ces cantons prononcent de la même manière et quelles distinctions ils font. Nous tenterons également de trouver des explications à ces variations, en recherchant l’historique de l’évolution du français en Europe.

À la lumière de cette évolution qui nous apporte quelques précisions quant à savoir pourquoi certaines distinctions de sons ne se font plus aujourd’hui, nous essayerons de comprendre pourquoi l’on trouve actuellement des différences d’un canton à l’autre, dans un pays si petit en superficie.

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1. PREMIÈRE PARTIE : PARTIE THÉORIQUE

L’idée de cette recherche part du constat qu’il n’existe pas « un » français romand, mais plusieurs. En effet, tout comme entre les diverses régions de France, il existe des variations entre les français parlés dans les divers cantons suisses, et c’est exactement sur ces différences que nous nous sommes penchés dans cette étude. Quelques ouvrages ont fait l’apologie des variations dans les régions de France, mais concernant les cantons de Suisse romande, on ne trouve que peu de matière.

1.1. L’histoire de la langue française

Pour résumer l’histoire du français, nous nous sommes beaucoup appuyés sur les textes de Henriette Walter (cf. bibliographie), professeure de linguistique à l’université de Haute-Bretagne à Rennes et directrice du Laboratoire de phonologie à l’École pratique des hautes études à la Sorbonne. Elle a elle-même dirigé de nombreuses enquêtes linguistiques (Walter, 1988, présentation de l’auteur, p. 3).

Plusieurs idées de l’origine du français sont nées au cours des ans. Le français viendrait de la langue gauloise, mais celle-ci est elle-même tirée de la langue des Romains qui ont conquis la Gaule. De plus, l’origine gauloise est plutôt réfutée car il ne reste que peu de mots extraits du gaulois dans le français d’aujourd’hui. Une autre idée qui paraît davantage pertinente est l’origine latine. En effet, le français vient en partie du latin, cependant il faut distinguer le latin dit classique, qui est la langue écrite des grands auteurs du Ier siècle avant J.-C. (Cicéron, César, Tite-Live, Virgile…), et le latin dit vulgaire, celui que parlaient les Romains. Le français provient alors du latin vulgaire importé en Gaule par les conquérants romains. De plus, il ne faut pas oublier que, après avoir adopté la langue des conquérants, les Gaulois ont subi l’influence des envahisseurs germaniques, en particulier celle des Francs, qui a beaucoup marqué le français. Mais revenons à notre latin. Le latin parlé en Gaule n’a pas abouti à une forme unique, mais s’est élargi avec le temps en parlers différents. Il s’est divisé en variétés régionales, les dialectes. Dès le moment où ces dialectes se sont diversifiés au point que le parler d’un village ne s’est plus confondu avec celui du village voisin, on a pu parler de patois. C’est ainsi que le français, en tant que forme particulière prise par le latin parlé en Ile-de-France, était lui-même à l’origine un patois du latin. Par la suite, cette variété

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de patois latin s’est répandue dans les autres régions pour finalement s’imposer comme LA langue du royaume de France. Comme le dit Henriette Walter, « le français n’est qu’un patois qui a réussi » (1988, p. 18).

Nous allons maintenant prendre quelques exemples d’influences latines, germaniques et autres pour illustrer cette naissance du français et son évolution. L’annexe I, « Histoire de la langue française » (p. 69), présente un résumé en dix points des influences diverses sur l’histoire du français. Concernant le Gaulois, il est difficile de connaître parfaitement son influence, car il reste très peu de traces écrites de son histoire. Néanmoins, il subsiste environ septante mots d’origine gauloise dans le français d’aujourd’hui (Walter, 1988, p. 40), dont quelques uns sont d’usage courant comme par exemple bec, boue, chemin, mouton. Il reste également des noms de villes qui proviennent de noms gaulois : LUGDUNUM a donné le nom de la ville de Lyon.

Les invasions germaniques, quant à elles, sont à l’origine de nos h aspirés comme dans hanche ou hêtre. Il s’agit, d’après Walter (1988, p. 56), du h expiré dans les mots allemands comme Hund. C’est pourquoi les mots français d’origine germanique et commençant par un h ne permettent ni la liaison ni l’élision. Les mots d’origine latine comme homme (de HOMO) permettent, eux, les liaisons et élisions. Le germanisme a également eu une influence sur certaines voyelles : les langues germaniques sont caractérisées par un fort accent d’intensité qui frappe une syllabe du mot, et un affaiblissement des voyelles voisines. Ces habitudes articulatoires germaniques ont eu des effets considérables sur la langue parlée en Gaule et ont affecté tous les mots de cette langue. Un exemple donné par Henriette Walter porte sur le mot latin TELA « toile », qui était accentué sur la première syllabe :

« Si l’on compare l’italien tela, le provençal telo, le francoprovençal tala, l’espagnol tela et le français toile, on constate que le français (semblable en cela aux autres parlers d’oïl) a perdu aujourd’hui la voyelle finale (écrite à la fin mais non prononcée). Au contraire, l’italien, le provençal, ainsi que les autres dialectes d’oc ou du francoprovençal, et l’espagnol ont conservé la voyelle finale. »

Henriette Walter, 1988, p. 59

Les Vikings ont eux aussi un lien avec l’histoire de notre langue. Les Normands ont surtout marqué d’une forte empreinte française la langue anglaise : on peut l’observer dans des mots anglais comme bachelor, qui vient du vieux français bachelier, qui signifiait

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« aspirant chevalier » puis « célibataire », ou encore des mots français utilisés presque tels quels en anglais : restaurant, garage, moustache, scene… En Français, les mots vague, cingler (« faire voile »), hauban (« cordage maintenant un mât ») viennent de cette période d’influence scandinave.

Aujourd’hui, le français règne partout, mais au Moyen Âge il n’était qu’un dialecte parmi d’autres. L’événement qui a fait du français la langue de la France date de 987, lorsque Hugues Capet a été élu roi (Walter, 1988, p. 87). Or, Hugues Capet était duc de France, ou plutôt de la région que l’on appelle aujourd’hui Ile-de-France. La région parisienne a très vite formé le centre naturel du domaine linguistique qui s’étendait, à la fin du Moyen Âge, jusqu’à la Loire. De plus, elle était une région importante pour l’économie et la culture. À cette époque est né un mouvement littéraire, les chansons de gestes, soutenu par la Cour, qui a contribué à rehausser le prestige de la langue de l’Ile-de-France. Cette langue est progressivement devenue une sorte d’idéal à atteindre pour les personnes de qualité et tout le monde voulait alors parler comme à Paris. La langue de la région parisienne devint donc la langue commune à l’ensemble du pays.

1.2. L’histoire de la dialectologie et de la sociolinguistique

Maintenant que nous connaissons davantage l’évolution de la langue française, nous allons pouvoir nous pencher sur deux branches d’étude des langues que sont la sociolinguistique et la dialectologie. On comprendra, par cet exposé, les complexités que l’on rencontre au départ d’une recherche centrée sur les variations d’une langue, car une langue est composée d’une multitude de facteurs, qu’il faut sélectionner minutieusement pour cibler les variables que l’on prendra en considération dans la recherche.

La dialectologie est la branche de la linguistique qui étudie les dialectes, ces parlers régionaux que l’on trouve à l’intérieur d’une même nation (Ducrot & Schaeffer, 1995, p. 137- 138). Cette étude dialectale est « nécessaire pour reconstituer dans le détail l’évolution linguistique » (Ducrot & Schaeffer, 1995, p. 138). Elle a par ailleurs amené à établir des atlas linguistiques.

La sociolinguistique est une discipline qui « se propose d’étudier la langue dans son contexte social, à partir du langage concret plutôt qu’à partir des seules données de l’introspection » (Ducrot & Schaeffer, 1995, p. 143). Elle est apparue dans les années soixante, aux Etats-Unis, sous l’impulsion de John Gumperz, Dell Hymes et William Labov.

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Ce dernier est d’ailleurs souvent considéré, du moins dans la tradition anglo-saxonne, comme le fondateur de la sociolinguistique moderne. L’étude sociolinguistique d’une variété linguistique peut prendre en considération un large éventail de composants sociaux, suivant la problématique traitée. Les plus courants sont l’âge, le sexe, le niveau socioculturel et parfois l’ethnie. Les variables sociolinguistiques sont ensuite comparées avec les variables sociales (Ducrot & Schaeffer, 1995, p. 143-148). Durand, Laks et Lyche (2003, p. 11) constatent que l’étude des langues permet de percevoir « la diversité des systèmes, la pluralité des usages et l’infinie variété des changements linguistiques ».

Tous les travaux contemporains en dialectologie et en sociolinguistique s’accordent pour reconnaître l’importance de la variation dans les échanges linguistiques (Durand et al., 2003, p. 13). Ce sont les facteurs géographiques qui sont les plus cités en tant que facteurs variationnels. Même si la plus étudiée est la variation phonologique, la variation concerne, à des degrés divers, l’ensemble des composantes de la grammaire, c’est-à-dire le lexique, la morphologie, la syntaxe, la sémantique ou encore la pragmatique. La description fine des variantes remonte au moins au XIXe siècle, mais l’analyse théorique et formelle de la variation trouve réellement son origine au XXe siècle chez Weinreich, Labov et Herzog (Durand et al., 2003, p. 13). C’est avec ces sociolinguistes que la dialectologie prend son essor et tente de mettre à l’épreuve le grand principe néogrammairien1 selon lequel tout changement phonétique est sans exception (Durand et al., 2003, p. 14). À la fin du XXe siècle, de grandes enquêtes de terrain sont mises sur pied et de nombreux atlas linguistiques sont créés. Un courant naît alors : le structuralisme. Il met l’accent sur la cohérence interne des systèmes et essaie de repérer les causes du changement. La variation proprement dite reste cependant évasive : « On se contente, le plus souvent, de postuler la co-présence de deux dialectes dans le système du locuteur et la variation se trouve réduite à un changement de code (code-switching) sans réelle pertinence linguistique ou grammaticale. L’analyse de la variation est alors totalement négligée » (Durand et al., 2003, p. 14).

On voit ensuite apparaître une véritable sociolinguistique, mais uniquement externe.

On peut la définir comme l’étude qui a pour objet les rapports généraux existant entre langage et société. L’explication des phénomènes sociolinguistiques n’est rapportée qu’à des dimensions socio-historico-politiques générales. Deux attitudes distinctes s’affrontent alors : d’un côté, on trouve un discours de caractère structural mettant l’accent sur la forme de la

1 C’est dans la deuxième moitié du XIXe siècle qu’un groupe de linguistes « a tenté d’introduire dans la linguistique historique les principes positivistes qui triomphaient dans la science et dans la philosophie contemporaines » (Ducrot & Schaeffer, 1995, p. 30). Pour le détail, nous pourrons lire ces six principes à la référence indiquée.

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langue, de l’autre, un discours qui insiste sur ses fonctions sociales (Calvet, 1993, in Durand et al., 2003, p. 15). Surgit alors le courant de la sociolinguistique interne, non sans difficultés, émergeant à la suite d’une publication de Weinreich (Durand et al., 2003, p. 15), et qui se préoccupe de l’analyse des grammaires, des structures et des processus linguistiques, en considérant l’hétérogénéité des structures linguistiques et la diversité des pratiques. Labov, lui, intègre dans son étude sur la variation en milieu urbain les facteurs sociologiques, donc extralinguistiques. La variation s’articule alors autour de trois axes : « le changement linguistique, l’hétérogénéité des pratiques linguistiques et […] l’existence d’une variation réglée et contrainte par le système linguistique lui-même » (Laks, 1992, in Durand et al., 2003, p. 16). Sous l’influence de Weinreich, « le concept clé qui sous-tend toute la démarche labovienne est celui d’un changement linguistique qui est l’expression d’un dynamisme sociolinguistique interne des systèmes grammaticaux » (Durand et al., 2003, p. 16). Ce dynamisme sociolinguistique impose au linguiste qui s’attache à l’étude des formes du passé, de connaître la nature des différences entre le passé et le présent ; c’est cependant ce qu’il cherche à déterminer. À l’examen minutieux du présent, des éléments du passé s’éclaircissent, car tout changement connaît à un moment donné un stade variable. En effet, durant une période plus ou moins longue, on observe une cohabitation entre deux prononciations pour un même mot (si l’on prend comme exemple la variation phonétique), soit chez un même locuteur, soit chez des locuteurs de générations différentes. Pour mettre en exergue cette variation, il convient d’utiliser des méthodes de recherche précises, et c’est dans le chapitre suivant que nous nous attarderons à présenter quelques techniques pratiquées jusqu’à aujourd’hui.

1.3. La méthodologie dans les recherches de dialectologie

Plusieurs méthodes d’enquête de terrain ont été utilisées pour étudier la problématique de la variation phonologique. Une des premières techniques a été celle des questionnaires écrits. Cette technique indirecte a été choisie en France dans la célèbre enquête de Martinet (1945) sur la variation en français. Les questions étaient du type : « Prononcez-vous de façon identique a) là et las, b) rat et ras, c) ta et tas ? Prononcez-vous en une ou deux syllabes : a) pied ? b) lion ? c) bouée ? d) buée ? » (Durand et al., 2003, p. 18). Finalement, il semble qu’une telle méthode ne fournit pas de résultats très fiables. En effet, le locuteur lambda n’a pas l’habitude de séparer la graphie de la phonie, ni d’utiliser des concepts théoriques tels que

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« syllabe » de façon univoque. De plus, il faut faire attention au fait que l’influence de la tradition normative pèse sur les réponses des locuteurs confrontés à de l’écrit (Durand et al., 2003, p. 18).

L’utilisation de listes de mots a montré que les résultats phonologiques obtenus sur base de la lecture de mots ne peuvent pas être considérés comme totalement fiables, mais cela ne signifie pas qu’ils ne présentent aucun intérêt :

« Même si l’informateur lit comme on lui a appris à lire, il n’en découle pas que ses réalisations soient aléatoires. En particulier, il existe une asymétrie dans la fiabilité des lectures à haute voix. La présence d’une opposition dans la lecture de la liste de mots (et en particulier dans les paires minimales), ne prouve pas, nous en convenons, que le locuteur fasse cette opposition dans la parole spontanée. En revanche, l’absence d’une opposition dans la lecture à haute voix est un indice très fort que l’enquêté ne pratique pas la distinction en question. »

Durand & Lyche, 2003, p. 220

D’autre part, lorsqu’on travaille avec une liste de mots, il faut penser au fait que l’écrit n’est pas accessible de la même manière à tous les interviewés. De plus, on ne peut nier que divers domaines de la prononciation du français sont en lien direct avec l’écrit. La liaison est un exemple frappant de ce genre de phénomènes. L’accent circonflexe peut aussi influencer la production d’un mot lorsqu’il est produit à partir de la lecture du mot ou par rapport à la production orale « naturelle ».

Pour pallier les inconvénients d’une liste de mots, notamment lorsque la liste est constituée de paires de mots en opposition (en particulier des paires minimales), plusieurs études ont examiné la prononciation à partir de la lecture d’un texte. Durand et Lyche (2003) ont élaboré un texte pour leur projet ‘Phonologie du français contemporain’ (PFC). Ce texte a été construit sous la forme d’un article de journal, dans un style simple. Les auteurs se sont assurés que tous les segments vocaliques et consonantiques du français standard étaient représentés. Ils y ont également inclus un ensemble de phénomènes phonologiques typiques du français, ainsi qu’un ensemble de paires minimales telles que patte – pâte, jeune – jeûne ou encore cote – côte. L’intégralité du texte est reproduite en annexes (annexe II, « Texte PFC », p. 70). Un autre texte a été produit par Henriette Walter pour une de ses enquêtes menée au

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début des années huitante. « Il cache un test permettant d’établir le système phonologique de chaque individu. Il contient ce que les phonologues appellent des paires minimales, comme jeune/jeûne, pomme/paume ou brin/brun » (Walter, 1988, p. 252). Nous le retrouvons également dans sa totalité dans les annexes de ce travail (annexe III, « Les recettes de la Tante Riboulet », p. 71).

À la suite des critiques observées par rapport aux divers questionnaires ou textes, la méthode indirecte a été partiellement abandonnée au bénéfice d’enquêtes plus directes. Pour l’élaboration d’atlas linguistiques, on a principalement interviewé des locuteurs âgés, surtout de sexe masculin, et perçus par la communauté comme une sorte de « mémoire vivante de pratiques linguistiques en voie de disparition » (Durand et al., 2003, p. 19). La première technique utilisée était une simple entrevue entre un enquêteur et un locuteur, sans magnétophone, de type question-réponse. Mais les limites de cette technique sont qu’elle ne permet pas d’étudier le discours en contexte, qu’elle ne dépasse pas le cadre du vocabulaire et de la prononciation et qu’elle donne rarement accès au vernaculaire2 du locuteur. D’autre part, l’enregistrement par l’oreille ne protège pas l’enquêteur de possibles erreurs. Enfin, la visite parfois trop rapide de l’enquêteur dans des régions qui lui étaient étrangères lui fermait sans doute l’accès à des observations plus fines et en contexte réel.

À partir des années cinquante, on a eu recours aux enregistrements par magnétophone et aux diverses techniques d’analyse du son. Ces nouvelles techniques ont permis dès lors de recueillir des corpus plus authentiques. Les études de dialectologie classique ont fourni des instruments précieux pour l’analyse de la variation linguistique, mais ce n’est que lorsque la sociolinguistique a pris le relais de la dialectologie, à partir des années 1960, que les préoccupations se sont centrées sur le niveau social.

« En se limitant à des locuteurs âgés et généralement

« patoisants » dans des communautés isolées, la dialectologie classique a cantonné une grande partie de la variation dans le diachronique et dans le monde rural. Il restait à réintroduire la variation dans sa dimension moderne, celle d’un monde dominé par de grands centres urbains d’où rayonne habituellement le pouvoir économique, politique, culturel et social. »

Durand et al., 2003, p. 21

2 Vernaculaire : langue parlée par un groupe de pairs dans leurs interactions quotidiennes (Ducrot & Schaeffer, 1995, p. 145).

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La sociolinguistique s’est intéressée alors à des phénomènes qui paraissaient révéler une interaction entre le domaine linguistique et le domaine social. Il s’agissait donc d’isoler les facteurs extra-linguistiques (individuels ou sociaux) qui font qu’une variable linguistique est réalisée sous plusieurs formes selon les contextes.

Une méthode qui est apparue par la suite est celle de l’interview rapide et anonyme.

C’est Labov qui l’a développée en jouant le rôle d’un client cherchant un rayon dans un magasin (Durand et al., 2003, p. 24). L’avantage de ce type d’enquête est qu’il fournit des données peu travaillées par la personne interviewée, car celle-ci répond de manière automatique à une question routinière. L’interaction rapide permet de réduire le rôle intrusif de l’enquêteur en tant qu’observateur. Les autres avantages de cette technique sont que l’on peut interviewer un grand nombre de sujets, que l’enquête se fait en contexte réel, que l’échange linguistique est authentique et que ce type d’enquête est très rapide. Cependant, on retrouve toujours une absence d’enregistrement : l’enquêteur ne peut donc pas réécouter les productions ni les étudier en détails, puisqu’il ne reste pas de traces, si ce n’est dans les réponses relevées par ce dernier. Ce point met en exergue le risque de subjectivité dans l’évaluation des productions.

Pour faire une étude sur les variations d’une langue sur une période donnée, deux techniques sont proposées : l’étude en temps réel et l’étude en temps apparent (Durand et al., 2003, p. 33). L’étude en temps réel consiste à interviewer des individus à un moment donné, puis de les retrouver pour une nouvelle enquête à 10, 20 ou 30 ans d’intervalle par exemple.

Cette méthode permet de tirer des conclusions fiables sur l’évolution de la langue. Cependant, il n’est pas évident, comme on le sait, d’effectuer des études longitudinales, car il est difficile de retrouver les mêmes sujets aux divers points de mesure. C’est pourquoi l’étude en temps apparent est un compromis plus ou moins adéquat, et cette méthode est la plus utilisée de nos jours. L’étude en temps apparent compare des locuteurs de différentes générations, à un même moment. Dans ces observations, il faut être attentif à ce qu’on appelle l’« effet d’âge »,

« selon lequel les jeunes locuteurs, à l’inverse de leurs aînés, ont peu d’inhibition linguistique et n’hésitent pas à utiliser des formes stigmatisées » (Durand et al., 2003, p. 34).

Toutes les techniques présentées ici ont chacune leurs points faibles et leurs points forts. C’est pourquoi il semble recommandé de combiner plusieurs méthodes plutôt que de n’en utiliser qu’une seule.

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Afin de clarifier le descriptif de ces différentes méthodes, nous proposons ici une présentation résumée de celles-ci, ainsi que des diverses variables qui semblent avoir une influence sur la variation phonologique :

Les méthodes possibles :

liste de mots, avec des paires minimales texte à lire à haute voix

conversation / entretien

épreuve de complétion (par ex. un arbre pleureur s’appelle un… /sol/ ou /sOl/)

Points faibles :

situation non naturelle

centration sur les mots → la lecture d’une liste de mots donne naissance à des prononciations artificielles et des hypercorrections

« De nombreux sujets qui ne réalisent pas dans la parole spontanée l’opposition a – A ou l’opposition E – F ralentissent leur lecture ou font même une pause lorsqu’ils sont confrontés à des paires graphiques du type : patte – pâte ou jeune – jeûne. […] L’accent circonflexe a manifestement une valeur symbolique forte chez les lecteurs. »

Durand & Lyche, 2004, p. 226

influence de l’écrit sur l’oral (en cas de lecture)

mettre des paires minimales risque d’attirer l’attention des locuteurs sur les contrastes et peut-être même les provoquer

présence du magnétophone (si enregistrement)

présence de l’enquêteur (si enregistrement ou entretien / conversation)

Facteurs potentiels de variabilité : situation géographique

« Il nous a semblé qu’il fallait d’abord faire porter nos recherches sur les facteurs géographiques. Mais donner la priorité à l’étude de la diversité sur le territoire ne signifie pas que l’on considère comme nulles les différences linguistiques liées aux milieux sociaux, à l’intérieur de chaque région. […] Ce que l’on peut simplement

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avancer, c’est que toutes les enquêtes réalisées à ce jour montrent que les différences entre un lettré toulousain et un lettré parisien sont beaucoup plus considérables que celles que l’on peut constater entre un lettré toulousain et un ouvrier de la même ville, ou entre un lettré parisien et un ouvrier parisien. Ce qu’il faut reconnaître, c’est que les différences sur le plan géographique l’emportent pour le moment, dans nos régions, sur les différences sociales. »

Walter, 1982, in Durand & Lyche, 2004, p. 220

sexe

« […] de nombreuses études ont montré qu’en général les hommes emploient des variantes vernaculaires plus que les femmes.

D’après Labov (1990), les formes majoritairement féminines sont indicatrices d’innovation, que ce soit en direction d’une variété standard ou vernaculaire […]. »

Pooley, 2004, p. 290-291

âge

On peut s’attendre à observer des différences phonologiques dues à l’âge des locuteurs interviewés. L’évolution d’une langue se fait avec les années, donc un locuteur de 10 ans ne prononcera pas forcément les mêmes mots de la même manière qu’un locuteur de 80 ans, tous deux de la même région.

catégorie socioprofessionnelle

De la même façon que pour la variable âge, on peut s’attendre à ce qu’un locuteur occupant une place professionnelle de haut niveau ait un vocabulaire ainsi qu’une prononciation différents, que l’on pourrait appeler soutenus, d’un locuteur travaillant dans les niveaux primaires ou secondaires, tels qu’ouvrier, paysan, etc.

De plus, il peut y avoir une influence due aux études effectuées.

niveau culturel (ou niveau d’instruction)

Ce niveau rejoint quelque peu la catégorie socioprofessionnelle. Il est souvent admis que le cercle culturel est en lien avec le cercle socioprofessionnel, ne serait- ce que par l’interaction avec des collègues de travail de même niveau

(18)

socioculturel. De plus, le locuteur ayant un poste de travail élevé fréquentera davantage une classe socioculturelle de ce même niveau, y compris au-delà de ses collègues. Ce niveau culturel peut donc également influencer le vocabulaire utilisé, ainsi que la prononciation.

1.4. La variation phonologique

La dialectologie classique a pour objet principal d’étude soit la phonologie, soit la morphologie, soit le lexique, et parfois les structures syntaxiques. Nous allons nous centrer ici sur la phonologie, objet de notre présente recherche. L’étude de la variation signifie alors la comparaison de deux ou plusieurs systèmes et, en phonologie, la comparaison de deux ou plusieurs inventaires phonémiques. Au-delà de la variation individuelle présente chez tous les locuteurs, variation que nous ne négligeons pas mais que nous attribuons à l’instabilité de certains facteurs géographiques (régionaux), nous nous attarderons directement sur l’analyse de systèmes plus élargis (cantonaux).

Pour théoriser la variation dialectale, nous nous appuyons sur la formalisation faite par Weinreich (1954, in Durand et al., 2003, p. 44), qui a proposé la notion de diasystème, notion qui permet une comparaison de deux dialectes :

« Un diasystème se situe à un niveau plus élevé dans la description et organise les similitudes et les disparités. Prenons un exemple très simplifié tiré d’une opposition vocalique bien connue entre le français standard et le français du Midi […]. On dira que le français standard maintient l’opposition entre les deux ‘a’, alors que le français du Midi l’élimine ; le diasystème qui représente cette distinction aura la forme suivante :

M a

Midi, Standard // i, u //

S a A

Le schéma met en valeur les similitudes et les oppositions. Les deux variétés de français partagent deux phonèmes (/i, u/), mais le français du Midi neutralise l’opposition qui existe dans le français

(19)

standard entre un / a / antérieur et un / A / postérieur. Cependant, on constate que le diasystème échoue lorsque l’on est confronté à d’autres exemples tels que les différences de distribution des phonèmes. »

Durand et al., 2003, p. 44-45

Le schwa3 en français est un exemple classique de phénomène variationnel. Dell (1958, in Durand et al., 2003, p. 48) avance que lorsque le schwa est précédé par une seule consonne en initiale de mot, il se maintient toujours si le mot précédent est terminé par une consonne ; cependant, il tombe facultativement si ce mot est terminé par une voyelle et d’autant plus facilement si le débit du locuteur est rapide et si ce dernier porte moins d’attention à son élocution.

« La plupart des schwas sont présents dans les formes sous- jacentes, en notant au passage qu’il y a une corrélation forte (et sans doute trop stricte) entre la graphie et la présence d’un schwa sous- jacent. À l’intérieur d’un mot, le schwa tombe obligatoirement dans le français standard : douc(e)ment, ach(e)teur, souv(e)nir… […] La chute d’un schwa à l’initiale d’un mot est comme nous l’avons vu plus haut facultative : mon n(e)veu ou mon neveu, Henri d(e)vait partir ou Henri devait partir, mangez l(e) gâteau ou mangez le gâteau. »

Durand et al., 2003, p. 48-49

D’autre part, un même locuteur peut varier ses productions, telles que par exemple ça dev’nait difficile (registre « standard ») ou ça d’venait difficile (registre « populaire »). En comparant les différents registres aussi bien pour le schwa que pour d’autres phonèmes, il est possible de dégager, dans le registre dit populaire, une tendance à favoriser la syllabe canonique CV (consonne-voyelle) (Durand et al., 2003, p. 48-49).

3 Le schwa correspond au « e muet », appelé aussi « e caduc » (Durand & Lyche, 2004, p. 220).

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1.5. Le français de référence

Le français standard, ou français de référence, est, selon le sens commun, le français parlé dans la région parisienne. Les français que l’on entend en Belgique, au Québec ou en Suisse sont des variations de ce français. Le français standard ne possède pas une description uniforme. Néanmoins, il est convenu que ce français de référence compte onze voyelles orales stables (/a A è é i u U o O E F/), quatre voyelles nasales (/B I D C/) et le schwa (/e/) (Durand & Lyche, 2004, p. 220). On les oppose selon leur antériorité ou postériorité, selon leur mode arrondi ou non arrondi, ainsi que selon leur degré d’ouverture. On peut représenter ces voyelles sous la forme d’un trapèze, que l’on appelle « trapèze vocalique » (tableau inspiré du cours de J.-P. Goldman, 2004) :

Cette présentation du français de référence n’est qu’une simplification. En effet, de nombreux locuteurs qui seraient considérés comme parlant un français « neutre » ne font pas forcément toutes les oppositions que l’on a citées. En l’occurrence, l’opposition entre le [a] et le [A] n’est pas universelle dans la région parisienne, ni d’ailleurs dans le reste de la francophonie. De plus, ce contraste a tendance à disparaître, au même titre que l’opposition entre [D] et [C].

Pour comprendre la formation du français, on a formulé un certain nombre de lois explicatives (Durand et Lyche, 2004, p. 222). Nous n’allons pas faire ici un compte rendu

Tableau I : Trapèze vocalique

arrondies

antérieures postérieures

fermées

mi- fermées

mi- ouvertes

ouvertes

[ UUUU ]

[ oooo ]

[ OOOO ]

[ AAA ] A [ iiii ] [ uuuu ]

[ éééé ] [ EEE ] E

[ èèè ] [ Fè FFF ]

[ aaaa ]

[ eeee ]

[ C C C C ] [ DDD ] D [ III ] I

[ BBBB ]

Légende :

nasales

(21)

exhaustif de ces lois, mais nous allons développer celles qui nous paraissent avoir une certaine pertinence pour notre recherche. La première est la LOI DE POSITION. Selon cette loi, les voyelles fermées (par ex. [é], [o]) apparaissent en syllabe ouverte (c’est-à-dire que la syllabe se termine par la voyelle) et les voyelles ouvertes (par ex. [è], [O]) en syllabe fermée (dans ce cas la syllabe se termine par une consonne). Prenons l’exemple de l’opposition [é] – [è] :

a) [é] syllabe ouverte inaccentuée vs [è] syllabe fermée accentuée [é] – [è] : céder – cède / lépreux – lèpre / agrégation – agreg b) [é] syllabe ouverte accentuée vs [è] syllabe fermée accentuée

[é] – [è] : léger – légère / fermier – fermière

Cependant, il reste de nombreuses asymétries qui rendent cette situation complexe.

Analysons la paire [o, O] : une syllabe ouverte accentuée n’autorise qu’une voyelle fermée ([o]) et les oppositions existent uniquement en syllabe fermée où les deux voyelles coexistent. On constate les tendances suivantes : le noyau d’une syllabe fermée par la fricative [R] est toujours une voyelle ouverte (par ex. encore /BkOR/), alors qu’une voyelle fermée s’impose devant [z] (par ex. chose /Hoz/). Malgré une forte consistance de cette loi de position, on observe des exceptions, telles que dans les paires minimales suivantes par exemple : haute – hotte, saule – sol, paume – pomme, où l’on trouve la plupart du temps une correspondance entre la graphie et la voyelle d’exception. En effet, dans la grande majorité des mots comprenant un « o », celui-ci est prononcé [O], donc est une voyelle ouverte. Quant à la graphie « au », elle est habituellement prononcée [o]. Au-delà de la loi de position, dans ces cas d’oppositions de voyelles, le locuteur se base davantage sur la graphie pour prononcer le mot.

Revenons à la paire [é, è] : c’est en finale ouverte que ces deux voyelles s’opposent.

En syllabe fermée, on n’observe pas d’exception, c’est le [è] qui est présent (par ex. pêche /pèH/, fermer /fèRmé/). En finale ouverte, la situation est complexe et on remarque un ensemble de paires minimales illustrant cette complexité : thé – taie, les – lait, été – était, etc.

Comme pour l’opposition [o, O], la graphie explique l’exception. En effet, la graphie « é » est presque toujours prononcée [é], les graphies « aie », « ait » ou « ais », se prononcent généralement [è]. C’est à nouveau la graphie qui semble l’emporter sur la loi de position.

« On remarque aussi une tendance dans la région parisienne à ouvrir la voyelle moyenne antérieure non arrondie dans cette position (Deyhime 1967a, 1967b). Dans certaines régions comme la Normandie (Montreuil 1995), des oppositions de longueur viennent se greffer sur

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la distinction tendue – relâchée [dans ce travail, « fermée – ouverte »], la chute du schwa provoquant l’allongement de la voyelle précédente comme dans épée qui s’opposerait alors à été. En syllabe fermée, la loi de position semble prévaloir dans toutes les variétés de français. »

Durand & Lyche, 2004, p. 224

On peut noter que le français de référence traditionnel autorise, en syllabes ouvertes, les oppositions entre [é] et [è], [o] et [O], [E] et [F] en syllabe accentuée : pécheur – pêcheur, côté – cotté, jeûner – jeunet. Pour un certain nombre d’exemples, le maintien de ce contraste est lié à la contrainte de la loi de FIDÉLITÉ À LA RACINE. Cette seconde loi, qui présente un certain intérêt pour notre sujet d’étude, stipule que l’on préserve, dans les dérivés morphologiques, les segments de la racine. C’est de cette façon qu’on peut expliquer des prononciations du type décoder /dékOdé/ (racine : code /kOd/) ou fêter /fèté/ (racine : fête /fèt/). On note également l’existence soit d’une tendance à la tension en syllabe ouverte, soit d’une tendance à l’HARMONIE VOCALIQUE. Cette troisième loi veut que la voyelle de la syllabe précédente s’accorde avec la voyelle de la syllabe suivante quant à son degré d’ouverture : si la deuxième est fermée, la première est fermée également, et vice versa si l’on parle de voyelles ouvertes. Ainsi, les cas suivants peuvent être expliqués par l’harmonie vocalique : bête – bêtise /bèt/ – /bétiz/, dos – dossard /do/ – /dOsaR/ ou pécher – pécheur /péHé/ – /pèHFR/.

Les trois lois que nous avons présentées ci-dessus semblent respecter une certaine hiérarchie, tout du moins dans les systèmes langagiers du Midi (étude menée par Durand et Lyche, 2004, p. 227) : LOI DE POSITION >> HARMONIE VOCALIQUE >> FIDÉLITÉ À LA RACINE. Cependant, dans l’étude citée ici, il n’a pas pu être vérifié si cette hiérarchie s’applique systématiquement ou non à d’autres variétés du français. Instinctivement, en tant que locuteurs suisses, on serait tenté de répondre par la négative. Dans le français parlé en Suisse romande, la loi de position n’est pas la première à être respectée : en effet, beaucoup de locuteurs romands prononcent des voyelles ouvertes en syllabes ouvertes. Reprenons l’exemple cité plus haut : céder est prononcé /sèdé/ plutôt que /sédé/ dans certaines régions romandes. La loi d’harmonie vocalique n’est pas non plus respectée partout. En effet, le mot bêtise n’est pas forcément prononcé /bétiz/. Par contre, il semble que la loi de fidélité à la racine soit assez constante, et cela dans la plupart des régions de Suisse romande.

(23)

1.6. Le français parlé en Suisse romande

Un aspect qui nous paraît important d’être relevé, et qui est l’un des points de départ de notre recherche, est que le français romand unitaire n’existe pas. En effet, on ne saurait parler d’un français national de Suisse romande, uniforme d’un canton à l’autre et tout à fait différent du français des régions francophones limitrophes. À l’image de la Belgique ou du Canada, il y a des particularités régionales de prononciation, de lexique, etc. Quelques usages linguistiques sont communs à l’ensemble de la Romandie, mais beaucoup de traits linguistiques sont cantonnés à une seule région ou, au contraire, sont partagés par les francophones de nos pays limitrophes. Ce constat n’est pas étonnant quand on sait que les parlers sous-jacents n’appartiennent pas tous au même dialecte, certains au franco-provençal4 et d’autres au franc-comtois5 (Manno, 2004, p. 333).

Au niveau du lexique, on ne peut pas non plus parler d’UN lexique romand, car tous les régionalismes ne sont pas forcément généralisés dans l’ensemble de la Suisse romande, certains étant limités à une partie du domaine romand. Quelques exemples sont donnés par Manno (2004, p. 333) : le mot ruper (« manger) est vaudois, arcade (« local commercial servant à abriter des commerces ») est genevois, huitante n’est produit de nos jours que dans les cantons de Vaud, de Fribourg et en Valais. De même,

« il n’existe pas de fr. [français] régional romand clairement détaché de celui des régions limitrophes. En règle générale, si le trait régional est propre à l’ensemble de la SR [Suisse romande], il est également attesté dans les zones françaises avoisinantes (Franche- Comté, Bourgogne, Savoie, Rhône-Alpes, etc., cf. Martin 1997 : 55 ; Rézeau 2001) (par ex. piorner « pleurer, se lamenter », appondre

« joindre, attacher »), voire dans d’autres régions périphériques (Belgique, Québec, etc.) (par ex. septante « soixante-dix », dîner

« déjeuner »). »

Manno, 2004, p. 334

4 « Ensemble linguistique qui serait intermédiaire entre ces langues [langue d’oïl et langue d’oc] et qui correspond à une aire géographique englobant le Lyonnais, la Savoie, le Dauphiné, une partie du Forez, de la Bourgogne, de la Franche-Comté, le Valais, les cantons de Fribourg, Neuchâtel, Vaud, le Val d’Aoste. » (Huchon, 2002, p. 59).

5 Dialecte de la langue d’oïl, appartenant à l’Est de la France (Huchon, 2002, p. 60).

(24)

Cette hétérogénéité entre les cantons se retrouve en phonologie. En effet, les voyelles sont prononcées différemment d’un canton à l’autre. On note en particulier l’opposition [o, O] et l’opposition [é, è] qui ne sont pas distinguées partout. Certains mots sont prononcés avec l’une des deux voyelles dans un canton, avec l’autre voyelle dans un autre canton. Par exemple, la locution « pot de lait » est parfois prononcée /po de lé/, parfois /pO de lè/.

« Parmi les particularités de prononciation, les Suisses partagent certains traits avec les Belges : par exemple, la voyelle est ouverte dans pot ou sabot (comme dans porte ou botte) et la différence entre patte et pâte est une différence de longueur et non de timbre.

Cependant il n’existe pas une variété de français commune à l’ensemble de la Suisse romande. À Genève, par exemple, rares sont ceux qui font une différence entre le o de pot et le o de peau. »

Henriette Walter, 1994, p. 275

La distinction entre cantons se fait donc, outre sur le lexique, sur l’ouverture des voyelles principalement. Les raisons de ces différences ne sont pas explicitées, mais on pourrait notamment penser que ces oppositions de voyelles seraient usitées en Suisse romande afin de différencier les homophones. Par exemple, les mots peau et pot ne sont pas prononcés de la même manière dans certains cantons, alors que dans d’autres les locuteurs ne font pas de différence, similairement au français standard. Cette distinction ne se rencontrant pas dans le français standard, elle serait une particularité du français de Suisse romande. C’est pourquoi nous nous proposons de tester cette hypothèse dans cette recherche.

Peu d’études font état des variations dans les voyelles du français de Suisse romande, c’est pourquoi il est difficile de trouver de bonnes références comme base théorique sans faire un détour par l’histoire du français en France, sur les hypothèses faites quant aux variations dans les divers parlers français en France.

1.7. Notre étude à proprement parler

La recherche qui fait l’objet de ce travail écrit a pour but d’établir une répartition géographique des diverses variantes de prononciation des voyelles du français en Suisse romande. Nous avons limité la recherche à quelques voyelles dont les contrastes nous

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paraissaient pertinents pour l’établissement de cette « carte géographique » : il s’agit du contraste entre les voyelles [o] et [O], du contraste entre le [é] et le [è] ainsi que celui entre le [a] et le [A]. Ce sont ces trois contrastes qui ont été sélectionnés parmi toutes les voyelles, car la variabilité est davantage présente sur ces voyelles dans le français standard. L’intérêt de cette recherche est d’abord d’attribuer à chaque canton romand son inventaire de voyelles, et d’autre part de comprendre les raisons qui pourraient expliquer ces diversités, malgré la proximité géographique que l’on peut observer entre chaque canton.

Cette étude est d’autant plus intéressante qu’il n’existe que très peu de documentations portant directement sur les variations phonologiques en Suisse romande, et surtout très peu, voire pas, qui tentent d’établir une répartition de ces contrastes vocaliques. Des études de ce type ont été menées du côté de la France, cependant nous n’avons rien trouvé de tel de notre côté de la frontière.

Afin d’établir un inventaire des différences de prononciation d’un canton à l’autre, nous avons procédé sous la forme d’un questionnaire. Celui-ci a été distribué dans les six cantons romands6, ainsi que dans la région parisienne de manière à récolter un corpus de locuteurs parlant ce qu’on appelle le « français de référence ». Ceci a été fait afin de confirmer la notion de « français de référence », qui devrait correspondre à la transcription phonétique que l’on retrouve dans les dictionnaires (base sur laquelle nous avons établi le questionnaire).

6 Les six cantons considérés comme romands sont les suivants : quatre cantons francophones unilingues : Genève, Jura, Neuchâtel, Vaud, et des aires francophones de deux cantons officiellement bilingues : Valais et Fribourg. Nous aurions pu encore prendre en considération le canton de Berne, car il comprend quelques habitants parlant le français, mais nous n’avons pas pris ce canton car il est davantage alémanique.

(26)

2. DEUXIÈME PARTIE : PARTIE EXPÉRIMENTALE

Dans cette deuxième partie, nous allons présenter les aspects techniques de la recherche, en rappelant le but de ce travail, la méthode utilisée, ainsi que les hypothèses que nous avons élaborées. Nous commenterons également les résultats obtenus, en nous appuyant sur les graphiques réalisés. Notre analyse restera, dans ce chapitre, très succincte. Le chapitre suivant permettra un examen plus détaillé des diverses observations faites dans cette étude.

2.1. But de la recherche

Notre recherche a pour objectif de clarifier la situation en ce qui concerne la réalisation des phonèmes vocaliques dans les différents cantons de Suisse romande. L’intérêt de cette étude est de comprendre les raisons qui font que les habitants de certains cantons maintiennent une distinction entre deux voyelles comme le [o] et le [O], alors que de telles distinctions ne semblent pas aussi marquées dans le français standard. Nous aimerions également établir une répartition géographique des voyelles selon les cantons. Comme cette recherche ne permet pas d’analyser tous les facteurs influençant la prononciation des voyelles du français, nous espérons que d’autres études plus complètes apporteront par la suite des clarifications supplémentaires quant à la situation des voyelles en Suisse romande.

2.2. Méthode

Malgré les observations relevées à la lecture de l’ouvrage de Durand et al. (2003, p.

18), nous avons procédé, pour cette recherche, sous la forme d’un questionnaire. En effet, nonobstant les doutes sur la fiabilité des jugements des locuteurs interviewés, nous avons choisi cette méthode car la recherche devait se faire dans un certain délai. C’est donc pour cette raison de temps que nous nous sommes arrêtés à l’étape du questionnaire. Cependant, il va de soi que si cette recherche devait être poursuivie au-delà de ce mémoire de Master, nous entreprendrions des démarches plus fiables, tels que des enregistrements de corpus.

(27)

2.2.1. Participants

Pour cette recherche, nous avons cherché à récolter un maximum d’échantillons des divers cantons romands. Nous avons donc, pour la Suisse romande :

15 participants du canton de Genève 21 participants du canton de Vaud 12 participants du canton du Valais 15 participants du canton de Fribourg 10 participants du canton de Neuchâtel 16 participants du canton du Jura

Pour le choix de ces personnes, le critère de la langue était primordial. Les participants sont donc soit de langue maternelle française, soit parfaitement bilingues. Les autres critères tels que le sexe, l’âge ou encore la profession n’avaient pas de portée particulière dans la sélection des participants. Nous pouvons cependant présenter brièvement un récapitulatif des variables sexe et âge :

Genève : 11 femmes, 4 hommes

moyenne d’âge 32.07 ans, écart-type ± 13.48 ans Vaud : 11 femmes, 10 hommes

moyenne d’âge 39.29 ans, écart-type ± 18.47 ans Valais : 8 femmes, 4 hommes

moyenne d’âge 36.42 ans, écart-type ± 12.98 ans Fribourg : 12 femmes, 3 hommes

moyenne d’âge 27.67 ans, écart-type ± 11.70 ans Neuchâtel : 7 femmes, 3 hommes

moyenne d’âge 26.50 ans, écart-type ± 8.96 ans Jura : 8 femmes, 8 hommes

moyenne d’âge 42.00 ans, écart-type ± 13.05 ans

D’autre part, nous avons essayé de prendre des personnes ayant vécu dans leur canton toute leur vie. Cependant, nous avons toléré les changements de cantons d’une ou deux années dus aux études. Nous n’avons donc conservé que les participants natifs de leur canton

(28)

et qui y habitent toujours. C’est pourquoi 17 participants, sur la totalité des questionnaires récoltés, n’ont pas été pris en compte car il s’agissait de participants ayant vécu dans différents cantons. De plus, nous avons axé notre observation notamment sur le lieu de vie de 0 à 20 ans, car nous considérons que la prononciation se constitue durant la période d’acquisition du langage puis à l’adolescence, et que c’est durant ces vingt premières années qu’elle peut encore être relativement influencée par l’entourage.

Une autre population a été étudiée, il s’agit de Français vivant à Paris. Nous leur avons fait remplir le même questionnaire, dans le but de contrôler la notion de « français de référence ». Nous avons récolté huit questionnaires. Les participants sélectionnés devaient avoir vécu toute leur vie dans la région de l’Ile-de-France, et bien entendu être de langue maternelle française. Nous présentons brièvement les variables sexe et âge :

6 femmes, 2 hommes

moyenne d’âge 27.88 ans, écart-type ± 11.33 ans

Nous pouvons, grâce à ces participants, observer si ce que l’on attend selon le français standard correspond à ce qui est réellement produit dans la région de l’Ile-de-France.

2.2.2. Matériel

Le matériel utilisé pour cette recherche se présente sous la forme d’un questionnaire.

Pour établir celui-ci, nous nous sommes référés à la transcription phonétique donnée par le Petit Robert (1993). Nous avons sélectionné des paires de mots basées sur les contrastes suivants : [o] – [O], [e] – [E] et [a] – [A] (pour la transcription des phonèmes, nous avons utilisé le système de caractères SAMPA, cf. annexe IV, p. 737). Pour chaque contraste, nous avons choisi dix paires de mots. Ensuite, pour chaque paire de voyelles appelant à une réponse « même » ([o] – [o], [e] – [e], [O] – [O], [E] – [E], [a] – [a] et [A] – [A]), le questionnaire comprend cinq paires. Pour les oppositions [o] – [O] et [e] – [E], il s’agit de distinguer le mode ouvert ou fermé de la voyelle, et pour les oppositions [a] – [A], c’est le mode antérieur ou postérieur qui est différencié. Pour schématiser les paires présentées, nous

7 À partir de ce chapitre, nous n’utilisons plus que ce système de transcription, car il a l’avantage d’employer les caractères standards du clavier de l’ordinateur.

(29)

pouvons les répartir en trois sections, selon leur utilité dans cette étude. Les paires les plus importantes, c’est-à-dire celles qui seront analysées dans les résultats de cette recherche, sont au nombre de soixante. Ces mots ont été choisis en fonction de leur prononciation et des variantes susceptibles d’être observées d’un canton à l’autre, sans pour autant qu’elles ne soient réalisées dans le français standard. Ces paires peuvent être réparties comme suit :

10 paires [o] – [O] exemple : paume – pomme 5 paires [o] – [o] exemple : peau – pot 5 paires [O] – [O] exemple : port – porc 10 paires [e] – [E] exemple : nier – niais 5 paires [e] – [e] exemple : nez – né 5 paires [E] – [E] exemple : lait – laid 10 paires [a] – [A] exemple : mal – mâle 5 paires [a] – [a] exemple : sale – salle 5 paires [A] – [A] exemple : grâce – grasse

Le questionnaire comprenait également trente paires de mots dont le contraste porte sur d’autres voyelles du français. L’intérêt d’étudier également ces autres voyelles est que des distinctions sont faites dans certains cantons, alors qu’elles ne sont réalisées ni en France ni dans d’autres cantons suisses. Ces paires ne seront considérées qu’à titre d’observation, leur analyse dépassant le cadre de cette étude. Les contrastes sont les suivants :

2 paires [2] – [2] exemple : vœu – (je) veux 1 paire [@] – [@] exemple : ce – se

3 paires [9] – [9] exemple : cœur – chœur 3 paires [2] – [9] exemple : jeûne – jeune 3 paires [2] – [@] exemple : ceux – ce 5 paires [i] – [i] exemple : (il) vit – vie 5 paires [i] – [i:] exemple : qui – quille 3 paires [e] – [e:] exemple : penser – pensée 4 paires [E] – [E:] exemple : mettre – maître 1 paire [9~] – [E~] exemple : brun – brin

(30)

Enfin, nous avons présenté un autre type d’items, ce que l’on appelle les fillers. Il s’agit d’éléments distracteurs permettant d’éviter au participant la focalisation sur les contrastes étudiés, contrastes qu’il sait être pertinents quant à leur différence d’un canton à l’autre. En ciblant toujours sur la voyelle, nous avons introduit 43 paires de mots se prononçant clairement différemment (ex. : faire – fort) et 45 paires de mots se prononçant clairement de la même manière (ex. : sans – cent)8. Dans sa totalité, le questionnaire est constitué de 178 paires de mots.

Parallèlement à cette liste de mots, deux colonnes se présentaient dans lesquelles les participants devaient mettre une croix, selon qu’ils considéraient prononcer de manière égale les deux mots (colonne « même »), ou de manière différente (colonne « différent »). Une colonne supplémentaire était dévolue à leur degré de certitude concernant le contraste traité (« faible », « moyen » ou « fort »), chacun devant entourer ce qui convenait le mieux selon son appréciation personnelle de sa prononciation. Cet élément a été ajouté car nous nous sommes aperçus que selon le contraste vocalique étudié, il n’est pas toujours évident de savoir si l’on prononce d’une manière identique ou non les deux mots présentés.

Deux questionnaires différents ont été distribués (annexe V, p. 74 [nous ne présentons ici qu’une des deux versions]). Les deux versions comprenaient les mêmes items, mais dans un ordre différent, ceci afin d’éviter un éventuel biais lié à l’ordre de présentation des paires de mots. D’autre part, chaque participant devait remplir une feuille intitulée « Données personnelles », sur laquelle il avait à indiquer divers éléments pertinents pour le thème de l’étude, tels que ses lieux de domicile durant sa vie, les langues qu’il parle, etc. (annexe VI, p.

80).

2.2.3. Procédure

Les participants devaient remplir leur questionnaire au plus près de ce qu’ils estimaient être leur prononciation. Il leur était demandé de mettre une croix dans l’une ou l’autre colonne, « même » ou « différent », ainsi que de se prononcer sur leur degré de certitude quant à leurs réponses.

Chaque participant devait consacrer environ vingt minutes à remplir le questionnaire, mais sans la contrainte de devoir le faire en une fois. Chacun était donc libre de compléter une

8 La différence entre 43 et 45 est due à un mauvais calcul lors de la rédaction du questionnaire. Cela ne porte cependant pas à conséquence dans notre recherche.

(31)

première partie, puis une autre à un autre moment. C’est pour cette raison que le questionnaire est scindé en trois séries.

2.2.4. Plan d’expérience

Dans l’optique de mieux comprendre la procédure, nous précisons ici les variables indépendantes (variables manipulées), les variables dépendantes (variables mesurées), ainsi que les variables contrôlées de la recherche.

Variables indépendantes :

facteur intrasujet : les paires de voyelles (9 modalités : [o] – [o], [O] – [O], [o] – [O], [e] – [e], [E] – [E], [e] – [E], [a] – [a], [A] – [A], [a] – [A])

facteur intersujet : le canton d’origine et de résidence actuelle du participant (6 modalités : Genève, Vaud, Valais, Fribourg, Neuchâtel et Jura)

Variable dépendante :

la prononciation de chaque participant (2 modalités : même ou différente)

Variable contrôlée :

séquence de présentation des items (2 séquences, donc 2 questionnaires, afin de contrebalancer les biais de l’ordre)

2.2.5. Hypothèses théoriques et opérationnelles

Hypothèse théorique 1 :

Nous supposons qu’il existe un manque de stabilité dans la prononciation des voyelles entre les cantons de Suisse romande. De plus, nous postulons qu’un facteur de variabilité concerne la localisation géographique des cantons entre eux et également par rapport à la proximité avec la France.

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