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3. TROISIÈME PARTIE : DISCUSSION

3.2. Limites de l’étude

Au terme de cette recherche, nous pouvons rendre compte de quelques points faibles.

En effet, il est difficile de déterminer la prononciation des Suisses romands sur la seule analyse d’un questionnaire écrit. Cette méthode révèle des faiblesses, comme on l’a mentionné dans la partie théorique. Par exemple, le fait que les participants aient pour tâche de réfléchir sur des paires de mots attire l’attention de chaque locuteur sur la voyelle étudiée.

Cela peut donc influencer le participant, qui va vraiment réfléchir sur sa prononciation, alors qu’on cherche à savoir quelles voyelles sont réalisées dans sa production spontanée. Afin

d’analyser la prononciation, il serait encore nécessaire d’interviewer chaque participant. Cela n’a pas été fait pour la raison suivante : ce travail de fin d’études a été mené sur une durée de seize mois et en parallèle des cours et des stages universitaires. C’est pourquoi il n’a pas été possible de se déplacer à travers les six cantons et d’interviewer un nombre suffisant de participants. Cette démarche aurait été la meilleure façon pour parvenir à l’établissement du constat de la répartition géographique des différentes voyelles. Cependant, nous considérons que la démarche du questionnaire apporte une première information qui, malgré des points faibles, est révélatrice de la présence ou non des différentes voyelles d’une manière globale.

D’autre part, le questionnaire élaboré pour cette recherche ne permet pas de connaître la voyelle utilisée. En effet, à l’image de l’item trot – trop chez les Jurassiens, nous ne pouvons pas observer à travers le questionnaire si le locuteur prononce un [o] ou un [O]. Nous ne pouvons pas non plus analyser le degré de variation entre deux voyelles qualifiées de différentes par le participant. De la même façon, un participant qualifiera peut-être sa prononciation d’identique alors qu’à l’aide d’un programme d’analyse informatique, nous découvririons une différence. Tous ces aspects de précision n’ont pas pu être étudiés par la simple analyse des réponses à notre questionnaire. Une autre faiblesse de notre étude porte sans doute sur la construction du questionnaire en lui-même. Les mots des items auraient dû être choisis également sur la base de leur fréquence dans la langue française, fréquence qui aurait due être plus ou moins égale entre chaque mot. En effet, certains mots, comme maure, sont peu présents dans le langage courant. Il est donc difficile pour chacun de savoir exactement quelle est sa prononciation pour de tels mots.

Pour la suite de l’étude, il nous paraîtrait intéressant d’investir dans l’enregistrement audio des locuteurs des divers cantons, au travers d’interviews. De cette manière, une analyse acoustique serait possible et permettrait d’établir la répartition des voyelles basée sur un critère objectif, et non plus sur le jugement personnel et subjectif de chaque participant.

CONCLUSION

Cette étude nous a permis d’établir le fait que les six voyelles [o], [O], [e], [E], [a] et [A] sont présentes dans tous les cantons romands. Nous avons pu déterminer que certains cantons font davantage de différences pour l’un ou l’autre couple de voyelles. Cependant, il n’est en effet pas simple d’établir clairement une « carte géographique » des voyelles en Suisse romande. Les variations vocaliques existent encore partout, et pour cela nous ne pouvons pas attribuer à tel ou tel canton un éventail défini des voyelles qu’il possède. Notre étude a toutefois permis d’apercevoir une variation entre les cantons, que l’on connaît communément sous le nom d’« accent », mais elle a également apporté un nouvel éclairage quant à l’absence de consensus à l’intérieur d’un même canton pour telle ou telle voyelle. Par ce fait, on se rend compte qu’on est encore loin d’une prononciation uniforme, malgré la superficie réduite de notre région linguistique. Les raisons de ces variations entre cantons et à l’intérieur de chaque canton sont encore floues. Cependant, il est probable que des facteurs tels que le statut social, l’entourage social et familial, ou encore la localisation rurale ou urbaine du lieu d’habitat, sont révélateurs de ces dissemblances. Pour étudier chacun de ces facteurs individuellement, il serait nécessaire de les isoler et de sélectionner des participants selon ces variables. Malgré ce manque d’éclaircissement, nous avons pu observer dans notre étude que certaines variations tendent à diminuer et que, à la lumière des données théoriques, nous pouvons imaginer une modification vers une atténuation de ces variations vocaliques dans les siècles à venir. Le français est en constante évolution et une étude de ce type réalisée dans quelques décennies pourrait bien révéler quelques surprises. L’étude du français est riche, il y a encore beaucoup d’éléments à observer, à analyser, et nous espérons que d’autres études de ce type verront le jour. De plus, nous pourrions proposer, comme suite de notre travail, d’axer une nouvelle étude sur les différences orthographiques. L’observation que l’on a relevée concernant les diverses graphies présentes entre deux mots amène à investiguer davantage cet aspect du langage oral. Une nouvelle étude permettrait de confirmer l’influence de l’écrit sur la prononciation et de vérifier si cette influence est systématique ou non. Auquel cas, encore une fois, la prononciation réelle ne correspondrait pas au français de référence.

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