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546 Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 7 mars 2012

actualité, info

«Le patient malgré lui»

Comment se crée insidieusement la confu­

sion entre une compétence libérale et son instrumentalisation par le pouvoir politique ? Réponse : on met le doigt dans l’engrenage par le truchement du certificat médical de bonne santé. «Je soussigné docteur X, cer­

tifie etc.».

Ainsi sans nous en rendre compte, notre profession consent avec bienveillance au piège de la dérive totalitaire soft vers un monde encore plus «civilisé». J’adhère à l’idée de Dürrenmatt : « les Suisses sont tous pri­

sonniers, mais également tous gardiens, afin qu’ils se sentent tout de même un peu libres».

Nous reprenons à notre compte des règle­

ments, tarifs et pratiques perverses pour des raisons de paix financière et de conformisme voûté. Je conforte par ma signature les con­

frères et les politiciens «qui vont avec» dans leur besoin pathologique de précaution jus­

carte blanche

Dr Christian Danthe Rue de l’Ancienne­Poste 61 1337 Vallorbe

cdanthe@worldcom.ch

Prévenir l’épidémie des démences (1)

Pas un jour, ou presque, sans que l’on rap­

pelle au plus grand nombre la fatalité an­

noncée de notre temps : l’augmentation crois­

sante de la durée moyenne de l’espérance de vie se paie d’un bien lourd tribut : l’aug­

mentation parallèle (et tout aussi spectacu­

laire) de la prévalence de ces démences bien spécifiques qui sont dites «liées à l’âge».

Une véritable épidémie, nous dit­on, qui me­

nace des pays hier encore qualifiés d’indus­

trialisés. Un autre trait médiatique récent consiste à faire comme si toutes ces démen­

ces, présentes et à venir, étaient des mala­

dies d’Alzheimer. C’est aller bien vite en be­

sogne comme le rappelaient, il y a quelques jours, sous les ors parisiens de la vieille Aca­

démie (française) de médecine, les Prs Hu­

gues Chabriat et Marie­Germaine Bousser (Service de neurologie, Hôpital Lariboisière, Université Paris Diderot).

On estime généralement aujourd’hui que la prévalence des démences chez les sujets de plus de 65 ans approche les 7% et que si les deux tiers d’entre elles correspondent bien à une maladie d’Alzheimer (MA), le tiers restant est d’origine vasculaire. «Dé­

mence vasculaire (DV)», donc, pour ne plus dire vascular dementia. «Il s’agit là d’un dé­

clin cognitif sévère de cause vasculaire, ré­

sument les Prs Bousser et Chabriat. Mais il s’agit en fait d’un syndrome hétérogène aux nombreuses variétés étiopathogéniques : lé­

sions ischémiques sous­corticales multiples, accident vasculaire cérébral (AVC) siégeant en zone cognitive stratégique, infarctus cor­

ticaux multiples, hypoperfusion cérébrale chro nique, angiopathie amyloïde…».

Classiquement, ces démences vasculaires sont de survenue ou d’aggravation brutale

après un ou plusieurs AVC et elles compor­

tent un déclin cognitif de type sous­cortical.

Elles s’opposent ainsi à la démence corticale progressive qui caractérise la MA. Toutefois, des travaux récents (incluant notamment les données issues de l’imagerie cérébrale) ont montré que cette opposition classique n’avait en réalité plus vraiment lieu d’être. Les dé­

mences liées à l’âge sont le plus souvent mixtes, avec une synergie entre les lésions de la maladie d’Alzheimer et (au minimum) des facteurs de risque vasculaire, puis des lésions cérébrales silencieuses et (au maxi­

mum) des AVC cliniquement par­

lants. «Il en résulte qu’en raison de l’absence actuelle de traitement préventif de la maladie d’Al zhei­

mer, la meilleure prévention de la démence en général est bel et bien la prévention des AVC, soulignent les Prs Bousser et Chabriat. Celle­

ci est basée essentiellement sur le traitement précoce des facteurs de ris que vasculaire, et notamment de l’hypertension artérielle.»

Dans ce contexte, il n’est pas inutile de rappeler ce que signi­

fient précisément les termes, fré­

quemment utilisés, de «démence»

et de «déficit cognitif vasculaire» (ou vascu- lar cognitif impairment), ce dernier réunissant l’atteinte cognitive mineure (mild cognitive impairment vasculaire ou MCIV) ainsi que les formes plus sévères.

Démence. Ce diagnostic est porté sur la base d’un déclin des fonctions cognitives par rapport à un état antérieur. Ce déclin con­

cerne au moins deux domaines cognitifs et il est suffisamment sévère pour altérer les activités de la vie quotidienne. Le diagnostic de démence est d’autre part basé sur une évaluation cognitive qui doit porter sur au moins quatre domaines : fonctions exécutives, mémoire, langage, fonctions visuo­spatiales.

Noter enfin que les altérations des activités de la vie quotidienne sont indépendantes des séquelles sensori­motrices de l’événement vasculaire cérébral.

MCIV. Il inclut les quatre sous­types du MCI : amnésique ; amnésique associé à l’at­

teinte d’autres domaines ; atteinte d’un do­

maine non amnésique ; atteinte de plusieurs domaines non amnésiques. La classification est ici basée sur une évaluation cognitive qui doit porter sur au moins quatre domaines :

fonctions exécutives, mémoire, langage, fonc­

tions visuo­spatiales et sur un déclin cogni­

tif par rapport à un état antérieur portant sur au moins un domaine. Enfin, les activités de la vie quotidienne sont normales ou légère­

ment altérées indépendamment de la pré­

sence de symptômes sensori­moteurs.

Le concept de déficit cognitif vasculaire avec ses deux principaux degrés de sévérité, le MCIV et la DV, a été récemment repris et adopté par un groupe de travail internatio­

nal sous l’égide de l’American Heart Asso­

ciation, de l’American Stroke Association et de l’American Academy of Neurology. Vou­

loir les séparer serait oublier que les affec­

tions dégénératives et les affections vascu­

laires cérébrales sont toutes deux à la fois fréquentes et liées à l’âge. «Ce serait aussi oublier que les neurones, les cellules gliales et les vaisseaux cérébraux – collectivement réunis au niveau de l’unité neurovasculaire – sont indissociables, soulignent les deux auteurs de la communication. En effet, cette unité qui est impliquée dans le maintien de l’homéostasie au niveau micro­environne­

ment au sein du tissu cérébral apparaît pro­

avancée thérapeutique

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Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 7 mars 2012 547 qu’à la moelle rouge de nos épiphyses spon­

gieuses. Ils se montrent tellement carencés en logique élémentaire que nous avons acquis à notre insu l’inconscience d’engager notre pouvoir, notre honneur et la confiance accor­

dée à notre statut privilégié sur une double proposition intriquée : Une affirmation sans preuve contenant en son sein une négation sans fondement du type :

«Je soussigné docteur X, certifie que Mon­

sieur Z est en parfaite santé, et que rien ne s’oppose médicalement à la pratique de sa charge.»

En d’autres termes, il n’est pas malade se­

lon le modèle bio­psycho­social de l’OMS, donc il est en état complet de santé physi que, psychique et sociale. Vous sous­entendez par là aussi posséder une idée claire de son intimité, dont vous ignorez l’essentiel. Cela implique entre autres qu’il n’est pas censé ni la connaître ni l’affirmer par lui­même sans re­

quérir à mon expertise, c’est­à­dire à mon mensonge, et sans ma caution de représen­

tant assermenté de l’Autorité (en France, l’Or­

dre des médecins, subordonné au pouvoir monarchique). Comment peut­on encore pré­

tendre être en bonne santé sociale dans ces conditions de violence en faveur d’une telle performance et de telles normes ? Paradoxe du menteur !

Le patient malgré lui 1 est un livre éclairant et pondéré, bien documenté et argumenté qui

contraste avec le coup de gueule qui pré­

cède. Son message s’adresse à la médecine occidentale dans son ensemble. Son auteur, notre collègue Laurence de Chambrier, a dé­

crit, d’un point de vue critique, un système qu’elle connaît. Elle participe ainsi à une inter­

rogation salutaire (dont nous sommes tous capables) sur la généralisation de l’abus du

«certificat médical de bonne santé» et sa poli­

tisation implicite. Sa protestation sur le fond rejoint parfaitement la mienne. Elle dénonce la démesure menaçante du pouvoir médical.

Elle nous annonce les dérapages qui nous ex­

poseront à des bavures monumentales dans un avenir proche. Voici un extrait de sa qua­

trième de couverture.

«De tout temps la médecine a voulu faire croire qu’il était possible de prévenir la mala­

die et même la mort. Cet abus permet au Mar­

ché de la santé de proliférer à l’infini. Puisque

nous mourons toujours autant. Mais au­delà de la marchandisation de la santé, la méde­

cine qui, autrefois avait pour but de soulager, soigner, guérir, exerce maintenant un pouvoir sans limite à des fins de plus en plus obs­

cures. Alors qu’elle était au service de l’hu­

main, elle en a pris possession. Désormais elle contrôle, régule, le surveille. Personne n’y échappe.

L’exemple du certificat de bonne santé il­

lustre bien l’absurdité du système tentaculaire qui s’est développé : aujourd’hui, l’homme n’a plus le droit de dire "je suis en bonne santé".

Le médecin doit en témoigner à sa place en produisant un certificat signé. Cela veut dire que nous vivons dans une société où tout in­

dividu est considéré comme malade jusqu’à preuve du contraire.»

Le docteur Knock ou le triomphe de la mé­

decine était un chapelet de gags jusqu’à au­

jourd’hui. Mais dès maintenant, par le relais des lois et des pratiques avec l’approbation des marchés, le médecin jadis aristocrate de­

vient lui aussi un esclave grec. Or nous n’avons pas encore atteint le creux de la vague, nous n’avons pas encore touché le fond. Personne ne s’indigne contre le fait qu’il est l’artisan de sa propre aliénation. Un livre à lire et à médi­

ter pour une vision à plus long terme d’une so­

ciété plus libre.

1 De Chambrier L. Le patient malgré lui. Paris : éditions l’Harmattan, 2011.

fondément altérée dans sa structure et sa fonction, non seulement dans les DV mais aussi dans la MA. Il résulte de ces deux fac­

teurs une intrication entre altérations neuro­

nales primitives et secondaires à l’atteinte vasculaire aboutissant à une démence quali­

fiée de "mixte", beaucoup plus fréquente, notamment chez les sujets âgés, que les for­

mes dites "pures" de MA et de DV.»

L’IRM est l’examen de choix pour étudier les lésions cérébrales observées dans les di­

verses variétés de démence vasculaire : in­

farctus corticaux uniques ou multiples de grande taille, petits infarctus patents clinique­

ment ou silencieux, hémorragies cérébrales macro ou microscopiques, hypersignaux de la substance blanche, atrophie corticale. «De nombreuses études ont montré que, même en l’absence d’AVC, la présence d’infarctus silencieux, d’hypersignaux de la substance blanche, et de micro­saignements, ainsi que

le volume et la progression des hypersignaux étaient corrélés au risque de démence, pré­

cisent les Prs Bousser et Chabriat. Ces lé­

sions ne sont toutefois pas spécifiques, puis­

que les infarctus silencieux, les hypersignaux et les micro­saignements peuvent être pré­

sents dans la MA. A l’inverse, l’atrophie hip pocampique, signe précoce de la MA, peut être d’origine vasculaire, sou­

lignant une fois de plus l’in­

trication des facteurs dégénératifs et vascu­

laires dans la pathogénie des démences.»

Parmi les facteurs de risque d’AVC, ceux qui, présents à l’âge moyen de la vie, ont une relation prouvée avec le risque de démence sont l’hypertension artérielle, le diabète, l’hy­

percholestérolémie et l’augmen tation de la protéine C réactive (CRP). La relation semble moins solidement établie pour le tabac, l’al­

cool ou l’obésité. De tous les facteurs, c’est l’hypertension artérielle qui a l’imputabilité la plus forte. Et la pression artérielle systo­

lique ambulatoire sur 24 heures serait un marqueur de risque de déclin cognitif en­

core plus sensible que celle mesurée chez le

médecin. Des travaux récents suggèrent par ailleurs que la présence de marqueurs du vieillissement (l’augmentation d’épaisseur intima­média de la carotide com mune, la ri­

gidité aortique, l’athérome extra ou intra­

crânien) serait corrélée aux lésions cérébra les silencieuses d’origine vasculaire et au déclin cognitif.

Pour les Prs Bousser et Chabriat, la décou­

verte de la cause – ou souvent des causes – associées telles que la fibrillation atriale, l’athé­

rome et les maladies des petites artères chez les sujets âgés – est essentielle à la mise en place de mesures de prévention secondaire, afin de tenter d’éviter un nouvel AVC, fac­

teur déterminant de l’aggravation de la dé­

mence.

(A suivre)

Jean-Yves Nau jeanyves.nau@gmail.com

CC BY extranoise

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(1) Dans la très grande majorité des autres cas, "le diagnostic identifie la maladie d'Alzheimer, mais ne parvient pas à établir l'existence d'une cause additionnelle