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Primary Care Article 1 Gervais FINAL FRE

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ARTICLE 1 – SOINS DE COLLABORATION EN SANTÉ MENTALE

Événements marquants de l’évolution vers des soins de collaboration en santé mentale au Canada Michel Gervais, MD, FRCPC, MBA

Nul besoin de remonter très loin dans le temps pour trouver des hôpitaux psychiatriques aux allures de forteresses avec leurs murs érigés pour camoufler la folie. Bâtis en marge des villes et de la société, ces établissements fonctionnaient comme des microcosmes sociaux autocratiques fournissant tous les services nécessaires à leurs habitants. Avec leurs cimetières adjacents, ces zones d’apartheid social pour

« malades mentaux » offraient un séjour littéralement tout compris1. Le confinement des patients comme des soignants à l’intérieur de ces enceintes favorisait une gestion relativement prévisible de l’environnement. L’assujettissement à l’ordre social préétabli était la condition sine qua non pour vivre sans subir la répression. Il suffit de se rappeler le film culte Vol au-dessus d’un nid de coucou2 pour s’imprégner de cette ambiance institutionnelle. L’infirmière Ratched y apparaissait davantage comme une gardienne de la paix qu’une soignante. Un bon patient était un patient docile. À cet égard, le paradigme de la gestion d’Henri Fayol était créé sur mesure pour l’époque : prévoir, organiser, commander, coordonner, contrôler3.

Après la Seconde Guerre mondiale et, plus précisément, à partir des années 1960, un poussée

irrésistible de désinstitutionnalisation, souvent associé à l’ère postmoderne, a métamorphosé la société dans son ensemble et a presque éradiqué les hôpitaux psychiatriques au passage. Cette institution passait alors pour désuète, coûteuse et inefficace. L’ouverture de cliniques de santé mentale au sein de communautés devait assurer des soins branchés sur le monde contemporain et plus humain4,5. Nous savons aujourd’hui que de nombreuses embûches guettaient le processus de désinstitutionnalisation de la psychiatrie : le phénomène de la « transinstitutionnalisation » (les patients quittaient les hôpitaux psychiatriques abolis pour se retrouver en prison ou dans des ghettos socioéconomiques), la

criminalisation de la maladie mentale, la fragmentation des systèmes de prestation de soins, etc. Bref, trop de patients ont été privés des soins et des traitements contrairement à ce qui avait été anticipé6. Manifestement, quelque chose avait mal tourné. Parmi ces écueils incapacitant le système de soins en santé mentale, la communication entre les médecins de famille et les psychiatres était conflictuelle.

Pendant des années, les deux parties ont maintenu un dialogue de sourds. Au Canada comme dans d’autres pays (Nouvelle-Zélande, Angleterre, États-Unis), cette situation a été bien décrite.

1 Gervais, Michel, Lucie Gauthier, Lise Gélinas 2000. La réhabilitation de l’hôpital psychiatrique – Une question d’audace et de synergie. L’Information psychiatrique – Revue mensuelle des psychiatres des hôpitaux, volume 76, no 7 (juillet) : 787-795.

2 Forman, Milos (réalisateur) 1975. Titre du film : Vol au-dessus d’un nid de coucou.

3 Fayol, Henri 1916. General and Industrial Management. London, Pitman, 1949. Traduction de « Administration industrielle et générale » publié en 1916.

4 Grob, Gerald N 1992. Mental health policy in America: Myth and realities. Health Affairs, volume 11, no 3 (automne) : 7-22.

5 Lecomte, Yves 1988. Le processus de désinstitutionalisation aux États-Unis : première partie. Santé mentale au Québec, volume 13, no 1 : 34-47.

6 Torrey, Fuller 1988. Nowhere to go, The Tragic Odyssey of the Homeless Mentally Ill. Harper and Row (éditeur), New-York.

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D’un côté, les médecins de famille se sentaient abandonnés : [traduction] « ils déploraient la difficulté d’obtenir une consultation psychiatrique dans un délai raisonnable, la piètre communication entre les psychiatres et les médecins de famille, et la continuité des soins déficiente. Les médecins de famille n’étaient pas informés des changements apportés au traitement de leurs patients, ni de l’admission et du congé de ceux-ci. Ils ne se sentaient pas reconnus comme des membres de l’équipe de soins et regrettaient les mauvais rapports avec les équipes de santé mentale. »

De l’autre, les psychiatres soulevaient également des griefs légitimes : [traduction] « demandes de consultation incomplètes, orientation inappropriée de patients, attentes irréalistes, évaluations

inadéquates des patients préalablement aux demandes de consultation les concernant, et une réticence des médecins de famille à assurer le suivi auprès des patients ayant obtenu leur congé de l’hôpital7. » Pour réunir les conditions nécessaires à une collaboration plus harmonieuse entre médecins de famille et psychiatres, le Collège des médecins de famille du Canada (CMFC) et l’Association des psychiatres du Canada (APC) ont cosigné l’énoncé de principes Les soins de santé mentale partagés au Canada, publié en 19978. Déjà, le médecin de famille y était décrit comme le cœur de la chaîne d’approvisionnement des services de santé mentale. Devant cette tendance irréversible du transfert des ressources des hôpitaux vers les communautés, les activités managériales qui avaient été confinées aux établissements hospitaliers et exécutées par leur hiérarchie pyramidale allaient faire place à un réseau de ressources interdépendantes. Les citoyens qui cognaient à la porte d’un établissement de soins de santé allaient désormais avoir accès à un vaste réseau de services s’étendant bien au-delà des frontières de

l’organisme consultée. L’univers aseptisé de Mlle Ratched avait rendu l’âme.

Pour donner suite à cet énoncé de principes, les deux organismes ont fondé le groupe de travail conjoint APC-CMFC sur les soins de santé mentale partagés, très productif depuis sa formation. Il est à noter que cette initiative des deux organismes canadiens n’est pas orchestrée par une « planification

stratégique ». En effet, à la manière de l’équipage du vaisseau USS Enterprise dans la série télévisée Star Trek, ce groupe de travail se consacre essentiellement à « avancer vers l’inconnu ». Il est mandaté de découvrir des modèles d’organisation – l’équivalent de nouvelles formes de vie – qui seraient adaptés à un monde inédit de services intégrés. Bien que la stratégie du groupe comporte une certaine part de planification délibérée, elle repose surtout sur l’apprentissage informel. Cette stratégie « artisanale » consiste en la mise à jour continuelle d’une vision émergente façonnée par l’exploration et

l’apprentissage9.

De 2004 à 2006, l’Initiative canadienne de collaboration en santé mentale (ICCSM) était financée par le Fonds pour l’adaptation des soins de santé primaires du gouvernement du Canada. L’ICCSM se

consacrait à fournir [traduction] « aux décideurs et autres individus ou groupes concernés des comptes- rendus de la littérature expérimentale contemporaine sur l’efficacité des pratiques en matière de collaboration dans la prestation des services de santé mentale dans un contexte de services de première ligne ». Ses conclusions ont été résumées avec justesse par Bland et Craven10.

7 Bland, Roger, Marilyn A Craven 2002. Shared Mental Health Care: Bibliography and Overview. The Canadian Journal of Psychiatry, volume 47, no 2, Supplément 1 (avril) : 1S-104S.

8 Association des psychiatres du Canada (APC) et Le Collège des médecins de famille du Canada (CMFC) 1997, Exposé de position, rédigé par Kates, Nick, Marilyn A Craven, Joan Bishop, Theresa Clinton, Danny Kraftcheck, Ken LeClair, John Leverette, Lynn Nash, Ty Turner. Shared Mental Health Care in Canada. The Canadian Journal of Psychiatry, volume 43, no 8 (octobre) : 1- 12.

9 Mintzberg, Henry 2009. Managing. Berrett-Koehler Publishers Inc., p. 162-163.

10 Bland, Roger, Marilyn A Craven 2006. Better Practices in Collaborative Mental Health Care: An Analysis of the Evidence Base.

The Canadian Journal of Psychiatry, volume 51, no 6, Supplément 1 (mai) : 1S-72S.

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En 2004, lorsque l’ICCSM a commencé ses activités, l’étendue des soins de collaboration dépassait déjà largement les frontières de l’unique interaction entre médecins de famille et psychiatres. Pilotée par une dynamique coalition de 12 organismes de santé nationaux composés d’utilisateurs de services, de membres de familles et d’aidants naturels, de diététiciens, de médecins de famille, d’infirmières, d’ergothérapeutes, de pharmaciens, de psychologues, de psychiatres et de travailleurs sociaux, l’ICCSM était inspirée par la vision stratégique suivante : [traduction] « un système de santé publique bien intégré, dans lequel les prestataires de services de santé de diverses spécialités travaillent en

partenariat avec les usagers et leur famille, les collectivités et leurs collègues afin que les usagers aient accès à des services de prévention, de promotion de la santé, de traitement, d’intervention et de réadaptation dispensés par le prestataire le plus approprié, et ce, en temps opportun, à un endroit accessible, avec un minimum d’obstacles. » L’ICCSM a contribué à faire naître un nouveau monde de possibilités. Elle nous rappelle que la gestion, dans son caractère le plus crucial, passe nécessairement par la création11.

De la même manière que d’autres formes d’innovation, les services de santé mentale concertés ont séduit leur part d’adeptes de la première heure, mais certains groupes influents ont hésité à emboîter le pas dans une direction où l’ordre établi semblait flou. Dans cette approche fondée sur la

communautarisation des services, la structure du pouvoir est plus diffuse et peut sembler moins prestigieuse qu’au sein de grandes organisations comme les hôpitaux, où les spécialistes membres de l’élite exercent un rôle dominant.

Certaines associations médicales y ont vu un abandon inquiétant, voire dangereux, du rôle essentiel des médecins comme fournisseurs de services à des patients individuels. D’autres intervenants doutaient des bienfaits de la pratique en équipe et s’inquiétaient d’éventuelles complications juridiques. De nombreux psychiatres, en particulier, craignaient qu’une approche interdisciplinaire par réseau ne les expose à de hauts risques en matière de responsabilité médicale.

En septembre 2007, l’Association canadienne de protection médicale (ACPM) a publié un article intitulé Les soins concertés : perspective de la responsabilité médicale12 sur la question. À bien des égards, la prise de position de l’ACPM récusait la résistance féroce de certaines associations médicales. L’ACPM affirmait que « le même système de responsabilité civile médicale qui protège actuellement les intérêts des patients et des fournisseurs de soins peut aussi soutenir les pratiques de collaboration. »

Au-delà de ses recommandations sur la gestion des risques médico-légaux, l’ACPM estimait que « les soins concertés ont le potentiel d’améliorer grandement la prestation des soins de santé au Canada. [Il est possible] que les soins concertés deviennent un élément important d’une solution plus complète à l’amélioration de l’accès aux soins pour les patients. » Elle assure également être « déterminée à identifier et à réduire les risques inhérents aux soins concertés et à veiller à ce que les discussions sur la responsabilité civile médicale soient fondées sur des faits afin que les modèles novateurs de prestation des soins de santé, comme la pratique collaborative, ne soient pas entravés par un manque de

connaissances ou par des craintes sans fondement. »Cette prise de position a porté un dur coup à tous les tenants de la thèse selon laquelle la concertation des soins contrevenait généralement à la loi.

L’expansion des modèles de soins de collaboration avait atteint une telle ampleur et les avancées réalisées étaient si prometteuses que l’APC et le CMFC ont décidé d’endosser un nouvel énoncé de

11 Lapierre, Laurent 2005. Gérer, c’est créer. Gestion, volume 30, no 1 (printemps) : 10-15.

12 Association canadienne de protection médicale (ACPM) 2007. Collaborative Care: a Medical Liability Perspective (septembre).

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principes en août 201013. Plusieurs projets de soins de collaboration en santé mentale, au Canada comme ailleurs, ont livré des résultats cliniques supérieurs à ceux de modèles organisationnels traditionnels. Parmi ces résultats, on note un accès amélioré aux services de santé mentale et une capacité accrue des services de première ligne d’assurer la gestion des problèmes de maladie mentale et de toxicomanie. De meilleurs résultats cliniques, une utilisation plus efficace des ressources et une expérience de demande de soins et de traitement plus satisfaisante ont également été constatés.

Comme si les soins de collaboration avaient réalisé la quadrature du cercle.

13 Association des psychiatres du Canada (APC) et Le Collège des médecins de famille du Canada (CMFC) 2011, Exposé de position, rédigé par Kates, Nick; G Mazowita, F Lemire, A Jayabarathan, R Bland, P Selby, T Isomura, M Craven, M Gervais, D Audet. The Evolution of Collaborative Mental Health Care in Canada: A Shared Vision for the Future. The Canadian Journal of Psychiatry, volume 56, no 5 (mai) : 1-10.

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