A NNALES DE LA FACULTÉ DES SCIENCES DE T OULOUSE
P AUL S ABATIER
Spectres d’absorption des chromates alcalins et de l’acide chromique
Annales de la faculté des sciences de Toulouse 1resérie, tome 1, no1 (1887), p. D1-D11
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D.I
SPECTRES D’ABSORPTION
DES
CHROMATES ALCALINS ET DE L’ACIDE CHROMIQUE,
PAR M. PAUL
SABATIER,
Professeur de Chimie à la Faculté des Sciences de Toulouse.
Les solutions ou les cristaux de bichromate de
potasse, interposés
sur letrajet
d’un rayon de lumièreblanche,
absorbenténergiquement
les radia-tions les
plus réfrangibles.
Le rouge et lejaune passent
à peuprès complè-
tement ; au
contraire,
même pour une faibleépaisseur
del’absorbant,
leviolet et le bleu
manquent
à peuprès totalement,
lespectre
se trouvantlimité dans le vert au
voisinage
de lalongueur
d’onde545 (millionièmes
demillimè
tre ) .
L’acide
chromique
secomporte
de même. Pour les chromates neutresalcalins, l’absorption qui paraît
s’exercer depart
et d’autre duspectre,
quoique principalement
vers leviolet,
n’atteint pas les rayons verts, l’cx- tinction ne survenantguère,
pour desépaisseurs
moyennes, que pour deslongueurs
d’onde inférieures àMode d’observation. - Pour évaluer les
absorptions
relatives autdiverses
radiations, je
me suis servi duspectrophotomètre
de M. Crovade Chim. et de
Phys.,
5esérie,
t.XXIX,
p.556; 1883). L’appa-
reil a été
soigneusement gradué
à l’aide de raiesspectrales
connues, selonles indications de M.
Lecoq
de Boisbaudran(Spectres lumineux,
p.21).
J’ai
employé
cellesqui
suivent :L’observation attentive de ces raies m’a servi à
repérer
lespositions
duvernier
micrométrique,
et les résultatsreportés graphiquement
ont donnéune courbe continue
parfaitement régulière.
J’insisterai en
passant
sur la nécessité de donner leplus grand
soin à laconstruction du vernier
qui,
à cettecondition, remplace avantageusement
le micromètre latéral à réflexion des
spectroscopes
ordinaires.J’ai
employé,
pour l’observation desliquides
àétudier,
undispositif spé-
cial très
commode,
et dontj’ai emprunté
le mécanisme aux colorimètres industriels.La
liqueur
estplacée
dans uncylindre
vertical C encristal
fermé à sapartie
inférieure par uneglace
horizontale bien travaillée. Unpiston cylin- drique P
de cristal trèslimpide, ayant
le même axe que lecylindre
àliquide, peut plonger
dans cedernier, grâce
à unpignon
denté K : laposi-
tion du
piston
estindiquée
àchaque
instant par un vernier mobile lelong
d’une échelle divisée en
millimètres,
dont le zérocorrespond
au contact dela base du
piston
avec le fondplan
ducylindre.
Onpeut
ainsi à volontéintercepter
entre laglace
et lepiston transparent
une colonneliquide
dehauteur déterminée
(’ ).
Les rayons issus d’un bec
Bengel
A arrivent horizontalement surun miroir ou sur un
prisme
à réflexion totale Mqui
les renvoie verticale-ment sur le
cylindre
où ils traversent laglace
defond,
leliquide
et lepiston
( 1 ) En vue d’une série de recherches spectrophotométriques qui sont en cours d’exécu- tion, j’ai fait subir à cet appareil une modification assez importante. Le piston plongeur en
cristal plein est remplacé par un cylindre creux rnobile, semblable au cylindre extérieur,
ayant même axe, mais un diamètre environ deux fois plus petit. Il est de même obturé à sa partie inférieure par une glace à faces bien parallèles.
Cette disposition permet de maintenir constante l’épaisseur liquide traversée par la lu-
mière, tout en faisant varier sa nature : par exemple, le cylindre extérieur reçoit une disso-
lution d’un sel coloré, le cylindre intérieur contenant seulement du dissolvant.
La hauteur effective des cylindres est 250mm.
plongeur.
Un secondprisme
à réflexion totale N lesdirige
horizontalementsur la branclle directe du
spectrophotomètre.
Un second bec
Bengel,
convenablementdiaphragmé,
estdisposé
latéra-lement vis-à-vis de
l’appareil
à nicols mesureurd’intensité.
Les dcuxBengel
se rattachent à unc même conduite de gaz sur le
trajet
delaquelle
se trouveFig. i.
un
régulateur
depression :
on évite ainsi les soubresauts dus à des varia- tionsbrusques
du débit dans la conduite.Quant
aux variations lentes depression,
elles étaientnégligeables pendant le jour,
c’est-à-dire aux heures où la consommation urbaine était faible etrégulière.
Aux heurescrépuscu- laires,
la variation depression
à l’usine et de consommation devient au contraire énorme et m’aobligé
à alimenter leslampes
exclusivement avec desgazomètres
de laboratoire.Le
spectrop]10ton1ètre
étantréglé
àl’ordinaire,
le nicol auzéro,
la fenteoculaire fixée à une
largeur convenable,
on introduit dansl’appareil
àliquides
de l’eau purelimpide,
en hauteurégale
à la hauteurqu’on
veutdonner au
liquide
à étudier( ~ ).
Ons’arrange
de manière à obtenirl’égalité
lumineuse des deux
spectres.
Ceréglage
est assez facile à réaliser si l’in- tensité duspectre
latéral estplus grande
tout d’abord : il suffit de diminuer par un mouvement lent de vis l’accès du gaz dans le beccorrespondant.
Les lumières étant
semblables,
sil’égalité
est atteinte pour unecouleur,
elle l’est aussi pour toutes les autres. Pour des intensités assez
vives,
il~
vaut mieux effectuer le
réglage
dans lesportions
moins brillantes duspectre,
c’est-à-dire dans le bleu ou le vert : le vert m’a paru réunir tout à la fois les
avantages
d’une moindrefatigue
de l’oeil et d’une sensibilitéplus grande.
Néanmoins, l’égalisation
initiale des deux lumières demeure uneopéra-
tion fort délicate : le
plus
souvent, on n’arrivequ’à
uneégalité approchée, .
et il en résulte une erreur
légère,
d’ailleurssystématique, qui
diminue ouaccroît tous les résultats dans une même série de mesures. Ces erreurs se
produisant
tantôt audétriment,
tantôt auprofit
de la lumièredirecte,
seront évidemment éliminées si l’on
prend
la moyenne des valeurs fournies par de nombreusesexpériences ( 2 ).
~Le
liquide
coloré étantplacé
dans la cuvecylindrique,
onrègle
à l’aidedu
pignon l’épaisseur
traversée par les rayons;puis
on amène le vernier circulaire à une division choisie pourlaquelle
la table ou la courbe del’ap-
.pareil
font connaître lalongueur
d’onde du rayonqui
tombe sur la fenteoculaire. Une
absorption plus
ou moinsénergique
s’exerce sur lespectre
direct. Il faut tourner le nicol sur le cercle
divisé,
de manière à obtenirl’égalité
des deux lumières. Si w estl’angle
derotation,
nous aurons, endésignant
parIa
l’intensitéinitiale,
parI~
l’intensité transmiseaprès
l’ab-sorption,
.d’où l’on déduit
rapport qui
donne laproportion
de lumière transmise pour lalongueur
d’onde 03BB.
( 1 ) Cette précaution n’est pas d’une nécessité absolue, l’eau pure bien filtrée en épaisseur
faible ne produisant qu’une absorption très petite.
(2) On atteint plus de précision quand on opère avec une fente (objectif) très étroite donnant un faible éclairement; mais un tel point de départ ne saurait convenir dans le cas
de liqueurs à pouvoir très absorbant.
Il
importe
de vérifier detemps
à autre le zéro del’appareil,
c’est-à-direl’égalité
des deuxspectres
en dehors de touteabsorption.
On arriveplus pratiquement
au même but en intercalant dans une série continue de me- suresplusieurs
observations d’une même radiation : la valeur trouvée pour co doit êtretoujours
la même.Calcul cles
coefficients
de transmission. - On admet que la loi théo-riqùe
de transmission d’une radiation à travers un milieu absorbantd’épais-
seur e
s’exprime
par la relation1 étant l’intensité transmise sans
absorption,
Il l’intensité réduite par l’ab-sorption, 03B1
étant une fractionqu’on appelle coefficient
de transmission. Cc coefficient varie avec lalongueur
d’onde du rayon considéré. Il est évident que, pour un même corpsabsorbant,
ilchange
avec la concentration. Pour rendrecomparables
entre elles les mesures de cescoefficients,
il faut rap-porter
à des unités convenablement choisies.J’ai choisi comme concentration normale celle d’une
liqueur
renfermantpar litre léq d’acide
chromique
CrO3 =50gr,
2, sousn’importe quel état,
acide
libre,
chromate neutre ou bichromate. L’unitéd’épaisseur
sera le ’. centimètre. En
prenant
une telleliqueur,
on obtiendra immédiatement la valeur des coefficients de transmission enopérant
sur uneépaisseur
deon y arrivera de même par un calcul très
simplc,
pour uneépaisseur quel-
conque connue
d’où
Pour des
liqueurs
de concentrationdifférente, l’absorption
mesuréechange
et nedépend
évidemment que de la masse du chromate ou d’acidechromique placée
sur letrajet
du rayon~’ ). Donc,
pourvu que le dissolvant n’introduise aucunchangement chimique
dans l’état du corpsdissous,
unecertaine
épaisseur
e d’unliquide
contenant dans Il litres exercera la(1) Les pertes de lumière dues aux réflexions et à la traversée du dissolvant n’inter- viennent d’aucune façon; car le réglage ayant eu lieu en présence d’une même épaisseur du dissolvant, 1 et I‘ sont diminuées dans une même proportion.
même
absorption qu’une épaisseur -
deliqueur
normale. La formulesera donc
~ étant
l’épaisseur
traversée(exprimée
encentimètres)~
/~ étant le nombre de litresoccupés
par Iéq d’acidechromique
sousn’importe quel
état.2014 Les mesures ont été faites pour des
épaisseurs
de tet 2cm avec des solutions contenant par litre
15 19, 30 49, Ieq
d’acidechromique.
ainsi trouvé pour les coefficients de transmission
(moyenne
decinq expériences) :
Les rayons rouges sont transmis sans
perte appréciable.
La dilution n’a aucune influence.
En prenant
pour abscisses leslongueurs
(Fonde et pour ordonnées les valeurs de 03B1 obtenues
plus liante
on trouvequ’elles
forment une courberégulière [fig. 2 (1)] :
Fis-. 2.
( ’ ) Les croix indiquent les valeurs données par le bichromate de potasse.
Bichromate de
potasse.
- La dissolution normale renferme par litre1 2 équivalent
dusel, soit 1 2 K Cr2O7
=173gr, 7
.La formule de transmission pourra être écrite
ln étant le nombre de litres
occupés
par debichromate,
soitI!~~b’’, ~E.
.Les
expériences
ont été faites pour desépaisseurs comprises
entre i etsur les dissolutions
ayant
parlitre 1 et 1/4 d’équivalent
de bichromate. Leurs résultats et aussi descomparaisons
directes ont montré que la dilution n’exerce aucune influence sur la loi de transmission par le bichromate. Voici les moyennes dequinze expériences :
La loi de
l’épaisseur
est vérifiée par la concordance des valeurs issuesd’expériences
distinctes.Puisque
la dilution nechange
rien auphénomène, II y
a tout lieu decroire que les coefficients sont les mêmes pour le bichromate cristallisé. J~ai vérifié cette conclusion sur deux lames de bichromate
provenant
des ateliers de Laurent. Leursépaisseurs
étaient etO~m, 02~.
Dans la formule detransmission,
on a2, j étant la densité des cristaux de
bichromate; l’expression
devientJ’ai trouvé ainsi
valeurs très concordantes avec celles
qu’ont
données les dissolutionsde
bichromate. ’
Si l’on compare les coefficients que nous venons de trouver a ceux d~
l’acide
chromique,
nous remarquionsqu’ils
sont sensiblementIdentiques.
On
peut
s’en assurer enrepérant
sur la courbe de la 2 les résultats fournis par le bichromate depotasse;
lespoints correspondants
sont sensi-blement confondus avec la courbe. J’en conclus à l’identité
rigoureuse
desdeux spectres.
vérifié ce résultat par une
expérience
directe endisposant
dans tecylindre
vertical un volumequelconque
d’acidechromique~ puis ajoutant
par
portions
successives moins de depotasse :
on constate que lespectre
d’absorption
demeureidentique.
Donc le bichromate dechromique qu’il
contient.Les dissolutions de bichromate d’ammoniaque ont les mêmes coeffi- cients de transmission que le bichromate de
potasse.
J’ai trouvé :toujours
lespectre d’absorption
de l’acidechromiquc.
La chute de lumière y est extrêmement
rapide
du côte du vert, le bleuet le violet subissant une extinction à peu
près
totale. J’ai tenté d’évalué!la valeur très
petite
dequelques
coefficients de transmission pour les rayonsbleus,
enopérant
sur uneliqueur
très diluée ne contenant par litre-
1 200
(d’équi
valent(1 ).
La formule donne
(Fou
i t ) Lnc telle dissolution est jaune orange, assez semblable aux dissolutions de chromate neutre.
.J’ai ainsi trouvé
pour )
des valeurs extrêmementpetites; j’en
citerai deuxparmi
lesplus grandes :
Un
peut
donc admettre sans erreur sensible que, sous uneépaisseur
même
petite,
le bichromate arrête toute radiationplus réfrangible
que À = 5 i 8 millièmes de ~,. .Chromate neutre de
potasse.
- La dissolution normalerenferme
litre soit
97gr,
2.J’ai
opéré
sur desépaisseurs comprises
entreo, 5
et pour des disso- lutions tenant par litre et 2éq de chromate neutre. La loi del’épaisseur
s’est trouvée sensiblement
vérifiée,
les valeurs obtenues pour les coeffi- cients y étant fort voisines pour les diversesépaisseurs. J’indique
ci-dessousles résultats moyens pour les deux
concentrations ;
lesexpériences
ont étéfaites au
voisinage
de 20° :En
prenant
pour abscisses leslongueurs
d’onde et pour ordonnées les coefficients detransmission,
onforme,
pourchaque série,
une courberégu-
lière. La courbe
pleine 3) correspond
à la concentration 2éq ==1 lit;
lacourbe
ponctuée
serapporte
à une dilution deux foisplus grande.
Les deux courbes ne sont pas tout à fait confondues. La dilution a pour effet de diminuer les coefficients de
transmission, principalement
pour leslongueurs
d’onde lesplus
courtes. C’est assurément l’indice d’unelégère
dissociation du chromate neutre en bichromate et alcali
libre,
le bichromate3.
forme exerçant une
absorption énergique
sur les rayons lesplus
réfrall-gibles.
L’addition d’un excès de
potasse
aux solutions de chromate neutre crll-pèche
cette dissociation et relève un peu toute lacourbe,
en accusant pour laliqueur
une teintegénérale plus
verdâtre. Toutefois les différences ainsi introduitespeuvent
être considérées commenégligeables.
Mélanges de chromate neutre et clc bichromate. - Soit une radiation
simple
traversant unmélange
de chromate ncutre et de bichromate de potasse dissous dans l’eau à concentration normale contient diacidechromique); soient p
laproportion
d’acidechromique
contenue à l’état dechromate
neutre, q
cellequi s’y
trouve à l’état debichromate; l’absorption
exercée sera la même que si le rayon traversait successivement les deux
liquides superposés
en deuxcouches,
au lieu d’êtremélangés. Donc,
si I~:est
l’épaisseur traversée,
nous aurons03B3
et 03B2
étant connus, on pourra, à l’aidc de celteformule,
déterminer I’ si l’on sc conne 1 et q, ou bienp q
si l’on mesure directement lcrapport [ . I l
serait donc facile de déterminer au
spectrophotomètre
lacomposition
d’unD.I I
mélange
de chromate et de bichromate.Malheureusement,
si l’on compare lesspectres d’absorption
des deuxsels,
on reconnaîtqu’une
telleopération
serait loin d’être
pratique.
Larégion
sensibled’absorption (pour
les con-centrations
normales)
estcomprise,
pour le chromate neutre, entre les lon- gueurs d’onde525-!~g!~;
pour lebichromate,
entre590-545.
Avec des ra-diations
plus réfrangibles
que5l_~5, l’absorption
exercée par le bichromateest extrêmement
intense,
lecoefficient )
est très voisin de zéro et sa mesure nepeut
être effectuée avecprécision.
La seule méthode
possible
consisterait donc à faire sur une série de mé-langes
connus des mesures directes de transmission . J’en ai fait un assezgrand nombre, qui
donnent des courbesallongées
intermédiaires entrecelles du chromate neutre et du bichromate. Pour en donner une
idée, j’in-
scrirai les valeurs des
quantités
de lumière transmises à travers de solutions normales :On
pourrait
ainsi établir une Table des transmissions pour desmélanges qui
varientprogressivement;
mais la nécessité demultiplier
lesexpériences
pour chacune des déterminations rendrait très fastidieuse une telle série de recherches.