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La restauration du touladi des réservoirs de la Haute-Mauricie

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Academic year: 2022

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La restauration du touladi des réservoirs de la Haute-Mauricie

P l a n d ' a c t i o n 1 9 9 5 - 1 9 9 7

ÉVALUATION DE LA FAISABILITÉ D'INDUIRE

LA REPRODUCTION DU TOULADI (Salvelinus namaycush) SUR DES FRAYÈRES SITUÉES EN PROFONDEUR

APPLICATION À LA PROBLEMATIQUE DES RESERVOIRS DE LA HAUTE-MAURICIE

Gouvernement du Québec Ministère de l'Environnement et de la Faune

Hydro

Québec

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Direction de la faune et des habitats Direction régionale Mauricie—Bois-Francs

ÉVALUATION DE LA FAISABILITÉ D'INDUIRE LA REPRODUCTION DU TOULADI (Salvelinus namaycush)

SUR DES FRAYERES SITUÉES EN PROFONDEUR

APPLICATION À LA PROBLÉMATIQUE DES RÉSERVOIRS DE LA HAUTE-MAURICIE

par Sylvain Laçasse GDG Environnement ltée

et Jean Benoît

Direction régionale Mauricie—Bois-Francs

Ministère de l'Environnement et de la Faune Québec, octobre 1995

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LAÇASSE, S. et J. BENOÎT. 1995. Évaluation de la faisabilité d'induire la reproduction du touladi (Salvelinus namaycush) sur des fray ères situées en profondeur - Application à la problématique des réservoirs de la Haute-Mauricie. Ministère de l'Environnement et de la Faune, Direction de la faune et des habitats et Direction régionale Mauricie—Bois-Francs. Rapport technique. 62 p.

Dépôt légal - Bibliothèque nationale du Québec, 1995 ISBN : 2-550-24775-2

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Ill

RÉSUMÉ

L'objectif de la présente étude consistait à évaluer la faisabilité d'induire la reproduction du touladi (Salvelinus namaycush) sur des frayères situées en profondeur, en vue d'une éventuelle application à la problématique des réservoirs de la Haute-Mauricie (réservoirs Kempt, Manouane, Châteauvert et Mondonac). À cette fin, une mise à jour des revues de littérature antérieures portant sur le comportement reproducteur et l'habitat de fraie du touladi et d'une espèce au comportement parfois similaire, l'omble chevalier (Salvelinus alpinus), a été entreprise.

Les résultats compilés dans la littérature indiquent que, dans la majorité des cas, les caractéristiques du substrat constituent un facteur plus déterminant dans la sélection d'un site de fraie par le touladi et l'omble chevalier que la profondeur du site. Ainsi, à moins que le substrat ne soit de meilleure qualité en plus grande profondeur en terme de perméabilité et de propreté, il semble que ces espèces vont chercher à utiliser davantage les sites les moins profonds offrant un substrat propice à la fraie.

L'aménagement de frayères artificielles pour le touladi sur des sites localisés en-dessous de la zone de marnage représente donc une mesure d'atténuation qui pourrait être appliquée dans les réservoirs hydroélectriques de la Haute-Mauricie, à condition que la perméabilité et la propreté du substrat sur les frayères artificielles soient supérieures à ce qu'on retrouve sur les frayères naturelles situées dans la zone de marnage, de façon à exercer une attraction chez les géniteurs. Cependant, deux autres facteurs devront être pris en considération lors de l'aménagement de telles frayères. Il s'agit du comportement de retour du touladi vers des frayères spécifiques et du potentiel de sédimentation.

En ce qui concerne le comportement de retour vers des frayères spécifiques, on ne peut pas affirmer, d'après les exemples disponibles, que la proximité d'une frayère naturelle et l'ensemencement d'oeufs et/ou d'alevins sont des prérequis absolus au succès d'une frayère artificielle. Toutefois, les chances que la frayère artificielle soit utilisée par les géniteurs sont vraisemblablement améliorées par l'application de telles pratiques d'aménagement.

Par ailleurs, le potentiel de sédimentation apparaît comme le facteur le plus susceptible de limiter le succès à long terme des frayères artificielles, en dépit de caractéristiques de substrat initialement optimales. En conséquence, certaines recommandations sont formulées quant à la gestion des niveaux d'eau et la conduite d'études complémentaires.

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V

AVANT-PROPOS

Après avoir précisé les éléments de la problématique du touladi dans les lacs réservoirs du Québec, un groupe de travail conjoint, Hydro-Québec (Vice-présidence Environnement et région Mauricie) - ministère de l'Environnement et de la Faune (Direction régionale Mauricie - Bois-Francs et Direction de la faune et des habitats), concluait à la nécessité de préciser la situation du touladi dans les réservoirs de la Haute-Mauricie et d'apporter des solutions concrètes afin d'y assurer la restauration des stocks. Le plan de restauration des lacs réservoirs de la Haute-Mauricie se veut également un projet pilote dont la démarche pourrait être appliquée à d'autres lacs réservoirs, le cas échéant.

Une démarche structurée a été entreprise afin d'atteindre les objectifs suivants :

• Compléter les informations environnementales (physiques, biologiques et socio- économiques) sur ces réservoirs;

• Établir l'impact du marnage sur les habitats et les populations de touladi des réservoirs de la Haute-Mauricie, en particulier sur les sites de reproduction, et sur le processus de recrutement de l'espèce dans ces milieux;

• Évaluer et proposer la mise en place de mesures d'atténuation via l'aménagement de l'habitat de reproduction du touladi et/ou à partir d'une gestion intégrée des eaux des réservoirs.

Un plan d'action, couvrant les années 1995 à 1997 inclusivement, établit la liste des études et des activités à réaliser dans le cadre d'une entente de partenariat entre Hydro- Québec et le ministère de l'Environnement et de la Faune. Cette entente établit le partage des rôles et des responsabilités de chacun des organismes et la présente étude s'inscrit dans le cadre de la réalisation des activités 1995 du plan d'action.

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TABLE DES MATIÈRES

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RÉSUMÉ iii AVANT-PROPOS v TABLE DES MATIÈRES vii LISTE DES ANNEXES ix

1. INTRODUCTION 1 2. RAPPEL DU COMPORTEMENT REPRODUCTEUR DU TOULADI . . . 3 3. SIMILARITÉ DU COMPORTEMENT REPRODUCTEUR DU TOULADI

ET DE L'OMBLE CHEVALIER 5 4. CARACTÉRISTIQUES DES SITES DE FRAIE DE L'OMBLE CHEVA-

LIER ET DU TOULADI 7 4.1 Profondeur du site de fraie 7 4.1.1 Omble chevalier 7 4.1.2 Touladi 9 a) Lac Seneca 10 b) Lac Green 11 c) Lac Koshlong 12 d) Lac Tahoe 13 e) Grands Lacs 14 f) Lac Minnewanka 17 g) Lac Mitis . 18 h) Lac des Baies 19 i) Lac aux Sables 20 j) Lac Mountain 21 k) Lac Mondonac 22 1) Lac Saint-Patrice 22 m) Lac David 23 n) Lacs Megisan et Jacques-Cartier 24 o) Lacs Mary et Smoke 24 p) Lacs Thompson et Cold Stream 25 4.1.3 Bilan 25

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TABLE DES MATIÈRES (suite)

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4.2 Caractéristiques du substrat 26 4.2.1 Omble chevalier 26 4.2.2 Touladi 27 4.2.3 Bilan 28 5. COMPORTEMENT DE RETOUR VERS DES FRAYERES SPÉCIFI-

QUES 30 5.1 Considérations théoriques 30 5.2 Implications pratiques 32 6. POTENTIEL DE SÉDIMENTATION SUR LES FRAYERES 35 6.1 Nettoyage du substrat par les géniteurs 35 6.2 Cas de sédimentation sur des frayères artificielles 37 6.3 Conditions nécessaires à l'autonettoyage du substrat 38 7. PROPOSITIONS DE GESTION DES NIVEAUX D'EAU ET D'AMÉNA-

GEMENT DE FRAYÈRES EN PROFONDEUR DANS LES RÉSER-

VOIRS À TOULADI 41 8. RECOMMANDATIONS 43

LISTE DES RÉFÉRENCES 45

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IX

LISTE DES ANNEXES

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Annexe 1. Correspondance des chartes granulométriques utilisées par

Benoît et Lamoureux (1991) et par le MEF (1994) 55

Annexe 2. Liste des personnes contactées 59

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1. INTRODUCTION

En raison de son comportement reproducteur particulier, le touladi (Salvelinus namaycush) représente l'une des espèces de poissons les plus susceptibles d'être affectées par les fluctuations du niveau d'eau dans les réservoirs hydro-électriques du Québec. En effet, le type de gestion qui y est pratiqué nécessite une baisse hivernale du niveau d'eau, ce qui peut potentiellement exonder les oeufs déposés durant l'automne sur les surfaces enrochées situées en zone littorale. Cependant, des études récentes effectuées dans des réservoirs québécois ont démontré que les populations de touladi ne présentent pas toutes le même degré de vulnérabilité face au marnage, puisqu'au réservoir Mitis (Bas-Saint- Laurent), une baisse de trois à quatre mètres du niveau d'eau au cours de l'hiver affecterait de façon peu significative le recrutement du touladi (Bélanger et Gendron, 1993), alors qu'au réservoir Mondonac (Haute-Mauricie), un marnage de deux mètres exonderait la grande majorité des oeufs déposés (Laçasse et Gilbert, 1992). Les résultats obtenus lors de ces deux études ont donc mis en lumière l'importance de la profondeur des sites de fraie sur la vulnérabilité du touladi dans les réservoirs.

Le présent mandat s'inscrit dans le prolongement des études antérieures portant sur la situation du touladi dans les réservoirs hydro-électriques du Québec. L'objectif consiste à évaluer la faisabilité d'induire la reproduction du touladi sur des frayeres situées en profondeur, en vue d'une éventuelle application à la problématique des réservoirs de la Haute-Mauricie. Ce mandat représente un des éléments du plan d'action 1995-1997 visant la restauration des populations de touladis des réservoirs Kempt, Manouane, Châteauvert et Mondonac (MEF et Hydro-Québec 1995).

La réalisation de la présente étude comportait deux étapes distinctes. Dans un premier temps, une mise à jour des revues de littérature antérieures portant sur le comportement reproducteur et l'habitat de fraie du touladi et d'une espèce au comportement parfois similaire, l'omble chevalier {Salvelinus alpinus), a été entreprise. À cette fin, les principaux intervenants impliqués dans l'étude et la gestion du touladi au Québec, en Ontario et aux États-Unis ont été contactés afin de vérifier la présence d'informations

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« non publiées » sur le sujet. Puis, dans un deuxième temps, les interventions les plus prometteuses afin de favoriser la reproduction efficace du touladi sur des frayères situées en plus grande profondeur ont été identifiées.

Le deuxième chapitre du présent rapport fait un bref rappel du comportement reproducteur du touladi, alors que le troisième chapitre dresse un parallèle avec le comportement de l'omble chevalier. Au chapitre 4, les caractéristiques des frayères sélectionnées par ces deux espèces sont approfondies, en précisant quelles sont les caractéristiques les plus influentes dans le choix d'un site de fraie et plus particulièrement, quelle est l'importance de la profondeur du site sur cette sélection.

Par ailleurs, des propositions de gestion des niveaux d'eau et d'aménagement de frayères en profondeur dans les réservoirs à touladi sont présentées au chapitre 7. Auparavant, on discute aux chapitres 5 et 6 de deux facteurs pouvant limiter le succès de ces interven- tions, soit le comportement de retour des géniteurs vers des frayères spécifiques et le potentiel de sédimentation sur les frayères aménagées. Le rapport se termine au chapitre 8 avec des recommandations d'études complémentaires.

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2. RAPPEL DU COMPORTEMENT REPRODUCTEUR DU TOULADI

Le touladi se reproduit durant l'automne, généralement en octobre dans le Québec méridional, et presque exclusivement en milieu lacustre. Chez cette espèce, les géniteurs utilisent des sites de fraie très spécifiques, certains de ces sites étant utilisés d'année en année. Les frayères du touladi ont été décrites par de nombreux auteurs, principalement en Ontario, au Québec et aux États-Unis. En général, les caractéristiques considérées comme idéales pour la fraie de cette espèce sont les suivantes (Benoît et Lamoureux, 1991):

• Substrat composé à plus de 90 % de cailloux, de galets et de blocs (4 cm à 50 cm de diamètre)1, propre (sans sable ni limon) et perméable aux oeufs (interstices abondants et profonds).

• Site fortement exposé à l'action des vagues, ayant une pente relativement forte (> 20 %) et localisé à proximité d'une zone profonde.

Il est à noter que parmi ces caractéristiques considérées comme idéales pour la fraie du touladi, il n'est fait aucune référence à la profondeur du site.

Le comportement reproducteur du touladi diffère nettement de celui des autres espèces de salmonidés, particulièrement en regard des aspects suivants (MacLean et al., 1990;

Martin et Olver, 1980) :

aucune territorialité ni agressions entre les mâles lors de la période de reproduc- tion. Il est d'ailleurs fréquent d'observer plusieurs mâles s'attrouper autour d'une ou quelques femelles durant cette période, le rapport des sexes étant généralement débalancé en faveur des mâles.

1 Avant que les chartes granulométriques utilisées par le MEF ne soient standardisées (1994), Benoît et Lamoureux (1991) considéraient comme idéaux les moellons ayant une taille variant entre 6,5 cm et 40 cm de diamètre (voir annexe 1).

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pas de changement de coloration ni de morphologie chez les géniteurs durant la période de reproduction.

les oeufs ne sont pas enterrés à l'intérieur d'un nid de gravier, mais ils sont plutôt déposés au-dessus d'un substrat rocheux perméable de façon à ce qu'ils puissent s'infiltrer à travers les interstices.

la reproduction se déroule exclusivement pendant la nuit.

Cependant, comme on le verra au chapitre suivant, le comportement reproducteur du touladi se rapproche parfois sensiblement de celui de l'omble chevalier.

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3. SIMILARITE DU COMPORTEMENT REPRODUCTEUR DU TOULADI ET DE L'OMBLE CHEVALIER

Contrairement au touladi chez qui la reproduction en milieu lotique est un phénomène plutôt exceptionnel, l'omble chevalier est une espèce au comportement reproducteur flexible qui peut frayer aussi bien en eau vive qu'en eau calme. De plus, l'omble chevalier est une espèce territoriale qui prépare généralement un nid dans le gravier pour le dépôt des oeufs (Johnson, 1980). Cependant, il existe plusieurs exceptions notables à cette généralisation puisque dans certains plans d'eau, le comportement reproducteur de l'omble chevalier s'apparente à celui du touladi.

En effet, dans le lac Floods (Maine), l'omble chevalier ne semble pas démontrer de territorialité et ne construit pas de nid, mais dépose plutôt ses oeufs au-dessus d'un substrat de galets, de blocs et de gros blocs (10 cm à 100 cm de diamètre) (Kircheis, 1976). Les oeufs ne sont pas adhésifs et calent à travers les interstices du substrat où ils sont protégés des prédateurs. Ce type de comportement serait répandu dans les lacs du Maine et chez les populations maintenant éteintes du New Hampshire (Newell, 1958;

Kircheis, 1976, 1980). Un comportement similaire a été observé dans le lac Thingvallavatn en Islande (Sandlund et ah, 1992) ainsi que dans le lac Léman en Suisse (Rubin, 1987). Dans le cas du lac Thingvallavatn, Sandlund et al. (1992) décrivent un comportement territorial chez l'omble chevalier, mais ils mentionnent aussi qu'il n'est pas rare de voir plusieurs mâles s'attrouper autour d'une femelle, une situation couramment observée chez le touladi.

De plus, tout comme chez le touladi, l'omble chevalier est une espèce qui se reproduit à une faible intensité lumineuse, soit au crépuscule, pendant la nuit ou en zone profonde (Johnson, 1980; Kircheis, 1976). Enfin, les températures de fraie sont similaires chez les deux espèces, puisque la reproduction se déroulerait entre 4°C et 10°C chez les populations dulcicoles d'omble chevalier (GDG Environnement, 1995) comparativement à des températures de 6°C à 12°C chez le touladi (Liimatainen et al, 1987). Aux réservoirs Mondonac et Mitis, la fraie du touladi s'est déroulée aux environs de 8°C (Laçasse et Gilbert, 1992; Bélanger et Gendron, 1993).

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La similarité du comportement reproducteur de ces deux espèces, tant sur le plan temporel que spatial, aurait même entraîné des cas d'hybridation dans certains plans d'eau du Maine, du New-Hampshire, du Labrador et du Nouveau-Québec (Kircheis, 1985; Hammar et al, 1989; J. Benoît, comm. pers.).

Ainsi, compte tenu que le comportement reproducteur de l'omble chevalier se rapproche parfois sensiblement de celui du touladi, l'utilisation d'exemples tirés de la littérature sur l'omble chevalier paraît donc appropriée dans le cadre de la présente étude.

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4. CARACTERISTIQUES DES SITES DE FRAIE DE L'OMBLE CHEVALIER ET DU TOULADI

4.1 Profondeur du site de fraie

4.1.1 Omble chevalier

Chez l'omble chevalier, les profondeurs de fraie répertoriées dans la littérature sont très hétérogènes, variant de moins d'un mètre dans le lac Floods (Maine) (Kircheis, 1976) à 127 m dans le lac Léman (Suisse) (Rubin et Buttiker, 1992). Il est à noter que l'on ne considère ici que les frayères reconnues, c'est-à-dire celles où des oeufs, des alevins ou des géniteurs en train de frayer ont été observés. Cependant, les cas où l'omble chevalier se reproduit à plus de dix mètres de profondeur sont tous localisés dans de grands lacs d'Europe centrale (Suisse, Autriche et Allemagne) ainsi que dans quelques lacs Scandinaves et britanniques (GDG Environnement, 1995). Ces grands plans d'eau présentent en certains endroits des pentes très abruptes sur lesquelles les graviers, cailloux et autres moellons peuvent dégringoler sur de grandes distances avant de s'accumuler en zone profonde. De plus, les courants y sont suffisamment puissants en zone profonde pour maintenir, par endroits, le gravier propre de toute accumulation de sédiments fins.

Rubin et Buttiker (1987, 1992) ont constaté que la formation des "omblières" en zone profonde est souvent rattachée aux activités humaines, comme par exemple les rejets d'une entreprise de dragage dans le lac Neufchâtel ou la proximité de carrières sur les rives du lac Léman. Néanmoins, on retrouve aussi des frayères d'origine naturelle en zone profonde, sur les cônes d'alluvions se formant à l'embouchure de certains tributaires (Meng et Muller, 1988; Rubin et Buttiker, 1992). L'apport constant de matériaux d'origine artificielle ou naturelle est d'ailleurs un facteur qui contribuerait à conserver propres les frayères en zone profonde (Rubin et Buttiker, 1992). Chez les populations dulcicoles d'omble chevalier d'Amérique du Nord, la profondeur maximale de fraie répertoriée est de six mètres, dans les lacs Sunapee et Français (Newell 1958; Massé et Venne, 1993). Toutefois, dans ces deux derniers cas, il s'agit de mentions anecdotiques puisque la population indigène du lac Sunapee est éteinte (Kircheis, 1980), alors que la

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principale frayère du lac Français a été identifiée d'après les observations d'anciens pêcheurs (Massé et Venne, 1993).

Ainsi, chez l'omble chevalier, les cas de fraie à plus de dix mètres de profondeur semblent liés à des caractéristiques physiques particulières des plans d'eau (grande superficie, courants puissants, pentes abruptes, apport constant de matériaux propres) permettant de conserver un substrat adéquat à des profondeurs importantes. Toutefois, cela ne suffit pas à expliquer pourquoi l'omble chevalier fraie en grande profondeur dans les grands plans d'eau d'Europe centrale alors que des sites tout aussi propices se retrouvent en plus faible profondeur (Rubin et Buttiker, 1992). L'explication se retrouverait dans la vitesse de refroidissement et de réchauffement des eaux de surface, puisque ces eaux dans les lacs d'Europe centrale se refroidissent probablement trop tard à l'automne et se réchauffent trop rapidement au printemps pour favoriser l'incubation des oeufs ainsi que la survie et la croissance initiale des alevins (Gillet, 1985). D'après Guillard et al. (1992), lors des premiers nourrissages, la température limite serait de 12°C pour les alevins de l'omble chevalier. Par contre, dans les lacs Scandinaves et nord-américains, le réchauffement des eaux de surface est suffisamment lent pour permettre aux alevins d'effectuer leurs premiers nourrissages à proximité des rives, de telle sorte que la fraie de l'omble chevalier en faible profondeur y est généralisée (GDG Environnement, 1995).

En résumé, à l'exception des grands plans d'eau d'Europe centrale où la profondeur des sites de fraie apparaît comme un facteur déterminant en raison de conditions thermiques particulières, les caractéristiques du substrat seraient le facteur clef dans la sélection des frayères chez l'omble chevalier. À cet effet, Rubin et Buttiker (1992) mentionnent que la présence de gravier et de cailloux propres semble être l'élément prépondérant dans le choix d'un site de fraie, beaucoup plus que la profondeur.

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4.1.2 Touladi

y

Chez le touladi, la fraie en grande profondeur semble être l'exception plus que la règle, puisque dans les lacs ontariens (excluant les Grands Lacs), 98 % des frayères se retrouvent à une profondeur inférieure à 4,5 m, la moyenne pour l'ensemble des sites étant de 1,4 m (MacLean et al, 1990). Cela s'explique par le fait que la fréquence d'occurence du substrat grossier est inversement proportionnelle à la profondeur (Chabot et Archambault, 1981), de telle sorte qu'à une profondeur d'environ trois à cinq mètres, la majorité du substrat se compose généralement de particules fines (sable et limon).

Cependant, quelques mentions de fraie à plus de cinq mètres de profondeur ont été rapportées par le passé au Canada et aux États-Unis dans les lacs Minnewanka, Pyramid, Simcoe, Nipigon, Great Bear, Cayuga, Seneca, Green, ainsi que dans les Grands Lacs (Machniak, 1975).

Lors d'un atelier de travail tenu en Ontario et portant sur l'habitat de reproduction du touladi, la profondeur a été identifiée comme une des caractéristiques requises à la fois pour la fraie et pour une survie optimale des oeufs et alevins (Fitzsimons, 1995a). D'après cet auteur, la profondeur de fraie serait le résultat d'un compromis entre le fait que les forces érosives doivent être suffisamment grandes pour nettoyer les interstices du substrat, sans toutefois être trop fortes pour éviter de perturber les oeufs déposés. Cela expliquerait pourquoi le touladi ne fraie pas à proximité des rives dans les Grands Lacs, puisque l'action des glaces et des vagues y est trop importante (Gunn, 1995). Une relation significative entre la profondeur de fraie et la taille du plan d'eau a été obtenue, à partir des données provenant de 24 lacs (R2=0,79) (Fitzsimons, 1995a) :

Profondeur (m) = 0,1 + 0,9 log Superficie (km2)

Dans les pages qui suivent, les frayères à touladi les plus intéressantes dans le contexte de la présente étude sont décrites individuellement, par plan d'eau. Une attention particulière a été portée aux frayères naturelles situées en grande profondeur, ainsi qu'aux frayères artificielles aménagées dans des lacs et des réservoirs. Dans chacun des cas, les

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facteurs les plus déterminants dans la sélection d'une profondeur de fraie donnée ont été identifiés.

a) Lac Seneca

Dans certains plans d'eau de l'état de New-York (Finger lakes), on retrouve parfois des aires d'enrochement à de grandes profondeurs. C'est le cas du lac Seneca où les cônes d'alluvions ("cobble gravel fans") s'étendent jusqu'à plus de 60 m, sur des pentes pouvant atteindre 50° et plus. Dans ce plan d'eau, la population indigène de touladis possède un comportement reproducteur particulier, puisqu'elle fraie relativement tôt à l'automne (septembre-octobre) et en grande profondeur, sur les cônes d'alluvions. En effet, des oeufs ont déjà été trouvés jusqu'à 30 m de profondeur et un alevin a été récolté à environ 40 m (Royce, 1951; Storr, 1962 in Sly et Widmer, 1984).

Les touladis indigènes auraient pu aussi choisir de frayer à proximité des rives dans le lac Seneca, puisqu'on retrouve par endroits des dépôts naturels de substrat grossier ("rock debris") à moins de trois mètres de profondeur. Sly et Widmer (1984) mentionnent cependant que le substrat propice est sévèrement restreint à proximité des rives, ce qui serait attribuable au compactage des roches, à l'exposition trop forte à l'action des glaces et des vagues et à l'accumulation de sédiments entre les interstices à partir de deux mètres de profondeur. La population indigène de touladis du lac Seneca se serait donc adaptée à frayer en profondeur plutôt qu'à proximité des rives, en raison de la plus grande disponibilité de substrat grossier propre sur les cônes d'alluvions. Ainsi, il semble que la disponibilité d'un substrat propice conditionne davantage le comportement de fraie du touladi au lac Seneca que la profondeur des fray ères.

Au cours des dernières décennies, une dégradation des frayères en profondeur a été observée au lac Seneca suite à l'eutrophisation du lac et à l'accumulation de sédiments fins et de matière organique (Sly et Widmer, 1984). Le fait que le substrat propre et perméable soit de plus en plus restreint au-delà de 20 m semble avoir eu pour conséquence de forcer les géniteurs à frayer à des profondeurs plus faibles que par le

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passé, là où les températures sont trop élevées pour le développement des oeufs ("it could be argued that the fish chose to spawn on the cleanest coarse substrate, despite poor thermal conditions", Sly et Widmer, 1984, p. 183). En effet, des oeufs ont été récoltés à des profondeurs aussi faibles que quatre mètres, alors que d'après les profils de température en septembre-octobre, les géniteurs auraient dû normalement frayer à des profondeurs d'environ 18 m à 44 m (Sly et Widmer, 1984). La dégradation des frayères naturelles situées en profondeur serait responsable du fait que de moins en moins de géniteurs indigènes contribuent au recrutement au lac Seneca (Sly et Widmer, 1984; Sly, 1995).

Le cas du lac Seneca est intéressant puisqu'il suggère que certaines populations sont adaptées à un comportement reproducteur particulier (dans ce cas, une reproduction hâtive et l'utilisation d'un substrat grossier propre) et qu'il peut être difficile de modifier le comportement de ces populations. Par exemple, il aurait pu être avantageux pour- les géniteurs indigènes du lac Seneca de retarder leur période de fraie en novembre-décembre de façon à ce que les oeufs déposés à moins de 20 m aient de meilleures chances de survie. Le touladi semble tout de même disposer d'une certaine plasticité quant à son comportement reproducteur, puisque des géniteurs originant de lignées du lac Seneca ensemencées dans le lac Ontario se reproduisent plus tard en saison (novembre) et en plus faible profondeur (2 m à 6 m) que la population d'origine (J. H. Elrod, comm. pers.).

Il est à noter qu'au cours des dernières années, de plus en plus de géniteurs sont observés en faible profondeur dans le lac Seneca, aux environs d'un brise-lame, durant les mois de novembre et décembre (Sly, 1995). Comme on le verra plus loin dans le cas des Grands Lacs, cette situation pourrait être attribuable à l'introduction de lignées de touladis frayant en eau peu profonde et plus tard à l'automne.

b) Lac Green

Un autre cas intéressant a été étudié par Hacker (1957) dans le lac Green au Wisconsin.

Dans ce plan d'eau, les touladis fraient à une profondeur d'environ 20 m à 30 m, sur un

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substrat variant de l'argile au gravier fin, alors que des surfaces enrochées sont disponibles près du rivage. Hacker (1957) a observé que les oeufs déposés sur ce type de substrat sont très vulnérables à la prédation. Comme les géniteurs du lac Green proviendraient de l'ensemencement d'une sous-population du lac Michigan frayant en grande profondeur sur de l'argile, ils auraient donc conservé cette particularité génétique une fois transplantés dans le lac Green (Hacker, 1957). Cela démontre, encore une fois, qu'il peut être difficile de modifier le comportement reproducteur du touladi lorsqu'il est adapté à des conditions particulières.

Toutefois, l'aménagement d'une frayère artificielle enrochée à environ 20 m de profondeur dans ce plan d'eau a été utilisé avec succès par le touladi (Hacker, 1957).

Ainsi, il semble que dans le cas du lac Green, la profondeur du site conditionne davantage le comportement reproducteur du touladi que le type de substrat, à l'inverse de ce qui a été observé au lac Seneca. L'exemple du lac Green fait donc ressortir l'importance de la sélection de souches génétiques particulières lorsqu'on désire induire la fraie sur des sites localisés en eau plus profonde.

c) Lac Koshlong

Dans le lac Koshlong (Ontario), une frayère a été localisée sur un haut-fond prolongeant une île, à une profondeur de 10 m à 13 m (Stewart, 1987). Aucun oeuf n'a été trouvé en plus faible profondeur à cet endroit, en dépit du fait que des recherches exploratoires ont été menées entre 0,5 m et 15 m. Le substrat sur cette frayère était peu perméable (interstices < 10 cm), en raison de l'incrustation des interstices par des sédiments fins et de la faible taille des moellons. Les oeufs déposés à cet endroit subissaient donc une forte prédation par les touladis immatures (Stewart, 1987).

Aucune autre frayère n'a été confirmée dans ce plan d'eau, même si l'on retrouve par endroits des sites apparemment propices en plus faible profondeur. Stewart (1987) a émis l'hypothèse que la fraie en grande profondeur dans le lac Koshlong pourrait originer d'une particularité génétique de la lignée ensemencée dans ce plan d'eau. Tout comme

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au lac Green, le fait d'avoir conservé cette particularité génétique semble avoir été peu bénéfique du point de vue du recrutement.

Des moellons de 8 cm à 25 cm de diamètre ont été ajoutés sur le dessus de la frayère identifiée au lac Koshlong, de façon à améliorer la perméabilité du substrat (interstices

> 30 cm). Le suivi réalisé a permis de constater que la densité moyenne d'oeufs a augmenté de 23 fois à cet endroit, alors que la prédation par les touladis immatures a diminué de 74 oeufs/estomac à 0,7 oeuf/estomac (Brown et al., 1987). Cependant, d'après Chuck Brady (comm. pers.), le recrutement ne serait toujours pas réalisé avec succès sur cette frayère, malgré une amélioration du dépôt d'oeufs et de leur survie initiale. Cette dernière observation démontre que les conditions de développement des oeufs et des alevins (qualité de l'eau, oxygénation, sédimentation, etc.) sont des facteurs tout aussi importants à considérer que les conditions de substrat lors de l'aménagement de frayères artificielles en profondeur.

d) Lac Tahoe

Le touladi au lac Tahoe (Sierra Nevada) possède un comportement reproducteur très particulier. En effet, les oeufs sont déposés à travers des macrophytes (Chara deliculatd), à des profondeurs variant entre 40 m et 65 m (Beauchamp et al, 1992). À ces profondeurs, on ne retrouve aucune surface enrochée propice à la fraie sur les sites fréquentés par les touladis durant la période de reproduction au lac Tahoe. Aucune évidence de fraie n'a été constatée à des profondeurs plus faibles, en dépit de la présence de surfaces enrochées entre 0 m et 20 m, ni sur les pentes enrochées abruptes s'etendant par endroits jusqu'à environ 100 m de profondeur (Beauchamp et al, 1992).

Beauchamp et al. (1992) ont supposé que la population de touladis du lac Tahoe originerait de l'ensemencement d'une lignée frayant en zone profonde, tout comme dans le cas des populations des lacs Green et Koshlong discutés précédemment. Toutefois, compte tenu du fait que le lac Tahoe est localisé loin au sud de la limite de distribution naturelle de cette espèce, il serait aussi possible que le touladi adopte dans ce plan d'eau

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un comportement similaire à celui de l'omble chevalier dans les grands lacs d'Europe centrale. En effet, si le touladi frayait à moins de 20 m au lac Tahoe, les températures propices à la fraie ne seraient atteintes qu'en décembre (Beauchamp et al, 1992), ce qui implique que le réchauffement des eaux de surface au printemps serait probablement trop rapide pour favoriser la survie et la croissance initiale des alevins. Il semble donc que, comme aux lacs Green et Koshlong, la profondeur du site conditionne davantage le comportement reproducteur que le type de substrat au lac Tahoe, bien que le mécanisme de sélection pourrait être différent (c'est-à-dire que le mécanisme pourrait être génétique dans les lacs Green et Koshlong, mais environnemental au lac Tahoe).

e) Grands Lacs

Dans les Grands Lacs, bien que la fraie en très grande profondeur (> 100 m), sur du substrat fin, ait déjà pu exister chez certaines sous-populations (preuves indirectes ou anecdotiques), les preuves directes de fraie (échantillonnage d'oeufs) semblent indiquer que les frayères sont actuellement localisées à moins de dix mètres de profondeur, sur du substrat grossier et propre (Thibodeau et Kelso, 1990). Cela pourrait être dû au fait que la plupart des sous-populations indigènes des Grands Lacs frayant en zone profonde sont disparues au cours des dernières décennies et que les touladis maintenant introduits originent de lignées frayant en eau peu profonde (T. A. Edsall, comm. pers.). Cependant, des preuves indirectes indiquent que certaines sous-populations indigènes du lac Supérieur frayeraient encore en eau profonde (Bronte, 1993; T. A. Edsall, comm. pers.).

Des échantillonnages d'oeufs plus récents ont permis de confirmer l'utilisation de sites de fraie à des profondeurs inférieures à dix mètres, sur un substrat rocheux, dans le lac Ontario (Horns et al, 1989; Marsden et al, 1991; Marsden et Krueger, 1991; Perkins et Krueger, 1994a, 1994b; Casselman 1990 in Fitzsimons 1995a; Fitzsimons, 1995b), alors que des tentatives d'échantillonnage sur des surfaces enrochées plus profondes (aux environs de 25 m à 45 m) se sont révélées infructueuses dans le lac Michigan (Horns et al, 1989, 1991). Dans le lac Supérieur, des oeufs ont été récoltés entre 0,5 m et 4,5 m de profondeur sur trois frayères, à travers un substrat grossier (Kelso et al, 1995). Sur

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ces dernières frayères, aucun oeuf n'a été trouvé plus profondément en dépit du fait que l'inventaire a été poursuivi au hasard jusqu'à 25 m de profondeur, sur du substrat fin (< 2 mm), le substrat propice à la fraie étant absent à plus de 6,3 m de profondeur (Kelso et al, 1995). Par ailleurs, un échantillonnage effectué récemment sur un haut-fond du lac Huron, à une profondeur supérieure à 15 m, a révélé la présence de juvéniles 0+ ayant été manifestement produits à cet endroit (T. A. Edsall, comm. pers.).

Sur les frayères de Stony Island et Yorkshire Island du lac Ontario, il a été observé que seulement une faible portion de la superficie des hauts-fonds est effectivement utilisée par les géniteurs. Les facteurs les plus déterminants dans la sélection exacte du site de reproduction seraient d'abord liés à la qualité du substrat (taille des moellons, épaisseur du substrat, perméabilité et propreté) (Marsden et al, 1988; Marsden et Krueger, 1991) mais aussi à la configuration du site (pente de 10° à 45° dont le contour est orienté de façon parallèle aux courants dominants mais perpendiculaire aux vents automnaux dominants) (Fitzsimons, 1995a). Les « bris de pente », c'est-à-dire les sites localisés à la jonction d'une pente douce et d'une pente abrupte, seraient des endroits privilégiés par les géniteurs sur ces frayères (D. L. Perkins, comm. pers.; Marsden et Krueger, 1991;

Fitzsimons 1995a, 1995b). L'attrait de ces bris de pente est probablement dû à la présence de moellons de taille optimale, combinée à une accumulation minimale de sédiments fins, d'où une meilleure perméabilité du substrat.

À partir d'un inventaire d'oeufs réalisé sur sept frayères du lac Ontario, une régression linéaire multiple a été développée par Fitzsimons (1995b), en utilisant la densité d'oeufs comme variable dépendante et la superficie de fraie, la taille du substrat, la profondeur et le dépôt d'oeufs théorique comme variables indépendantes. La relation significative suivante a été obtenue (R2=0,99). Il est à noter que la profondeur ne fait pas partie des variables qui ont été retenues à l'intérieur de cette équation.

Densité d'oeufs (no./m2) = -1,27 log Superficie de fraie (m2) + 6,12 log Taille du substrat (cm) - 1,20

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Par ailleurs, le taux de survie des oeufs au moment de leur récolte sur ces sept frayères a été mis en relation avec plusieurs variables indépendantes, incluant la profondeur du site (Fitzsimons, 1995b). Toutefois, une seule relation significative a été obtenue entre le taux de survie des oeufs et la longueur du "fetch" (R2=0,88) :

Taux de survie (%) = 80,48 - 0,69 Longueur du « fetch » (km)

Dans les Grands Lacs, plusieurs cas de fraie du touladi sur des structures artificielles enrochées (brise-lames, prises d'eau ou autres) situées en faible profondeur ont été démontrés (Thibodeau et Kelso, 1990; Fitzsimons, 1995a). Gunn (1995) et Marsden et al. (1995) mentionnent que ces structures présentent un attrait pour les géniteurs en raison du fait qu'elles sont relativement propres, comparativement aux surfaces enrochées naturelles qui sont sévèrement dégradées en plusieurs endroits. Ainsi, lorsque la disponibilité d'un substrat grossier et propre est limitée, le touladi semble répondre promptement au stimulus induit par l'ajout de substrat propice (Gunn, 1995).

Marsden et al. (1995) ont aménagé six frayères artificielles de petite superficie (environ 15 m2 chacune) à proximité de la frayère naturelle de Stony Island, dans le lac Ontario.

Ces frayères ont été aménagées sur un substrat marginal pour la reproduction (sable et/ou gravier), avec des moellons de taille similaire à ceux retrouvés sur la frayère naturelle.

Chacune des six frayères artificielles a été spontanément utilisée par les géniteurs, les densités d'oeufs y étant 25 fois plus élevées que sur le substrat marginal environnant. De plus, le taux d'éclosion des oeufs sur les sites artificiels a été nettement supérieur à celui obtenu sur le substrat marginal environnant, mais comparable à celui obtenu sur la frayère naturelle. Ces observations suggèrent donc que le type de substrat, sa propreté et sa perméabilité sont des facteurs clés dans la sélection des sites de fraie par le touladi et que les géniteurs sont très sensibles au stimulus induit par l'addition de substrat optimal et ce, même si l'on retrouve une frayère naturelle de grande superficie à proximité (Marsden et al, 1995). Ces auteurs ont aussi noté que les frayères artificielles situées à six et huit mètres de profondeur ont été davantage utilisées par les géniteurs que celles aménagées à quatre mètres, ce qui pourrait suggérer que les géniteurs préfèrent les sites plus

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profonds, lorsque ceux-ci sont disponibles. Toutefois, il semble que la probabilité de rencontre de chacun des aménagements par les géniteurs expliquerait davantage ce dernier phénomène (Marsden et al, 1995).

D'après T. A. Edsall (comm. pers.), la sélection d'une profondeur de fraie serait partiellement déterminée par la génétique; toutefois, le touladi démontrerait aussi une certaine plasticité quant à la sélection d'une profondeur de fraie. Ainsi, il serait possible, jusqu'à un certain point, d'amener le touladi à se reproduire à des profondeurs différentes de celles d'origine {"the spawning depth selection is partly determined by genetics, but is also sufficiently plastic that it can be manipulated to some degree to suit local conditions", T. A. Edsall, comm. pers.).

f) Lac Minnewanka

Le niveau d'eau du lac Minnewanka, situé dans le parc national de Banff, a été rehaussé de 23 m par l'érection d'un barrage. Quelques années plus tard, il a été observé que la fraie était plus étalée verticalement qu'elle ne l'était avant la construction du barrage. En effet, le touladi a utilisé les nouvelles surfaces enrochées disponibles en eau peu profonde et des oeufs ont été déposés jusqu'à environ 9,5 m de profondeur (Cuerrier, 1954; Rawson 1945 in Wilton 1985). En raison de cet étalement de la fraie, il a été supposé que les oeufs et les alevins sont probablement moins concentrés qu'auparavant, ce qui implique que leur taux de survie pourrait être supérieur (Cuerrier, 1954). De plus, l'amplitude variable du marnage d'année en année (maximum de 11 m) ne mettrait pas en danger le recrutement du touladi, même si une partie des oeufs déposés en faible profondeur sont exondés (Wilton, 1985)

Une situation similaire a été rapportée pour des populations d'omble chevalier habitant deux réservoirs suédois (Torrôn et Storsjoute) dont les niveaux ont été rehaussés d'une dizaine de mètres (Johnson, 1980; Cuerrier, 1954; Wilton, 1985). Avant la création de ces réservoirs, l'omble chevalier frayait en faible profondeur (1 m à 2 m). Après le rehaussement du niveau, l'omble aurait continué à utiliser ses anciennes frayères,

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maintenant situées en zone profonde, tout en utilisant progressivement les nouveaux sites de fraie disponibles en faible profondeur, de telle sorte que la fraie a été étalée entre 1 m et 15 m. L'amplitude du marnage dans ces deux réservoirs semble varier d'année en année, tout comme au lac Minnewanka. Ainsi, l'occurence de marnages de forte amplitude lors de certaines années pourrait permettre d'éviter la sédimentation sur les frayères en profondeur, alors que les marnages de faible amplitude permettraient la production de fortes classes d'âge. Les observations réalisées dans les réservoirs Torrôn et Storsjoute ont permis aux auteurs de conclure que la reproduction de l'omble chevalier est plus dépendante de la nature du substrat que de la profondeur, ce qui s'appliquerait aussi au cas du touladi dans le réservoir Minnewanka.

g) Lac Mitis

L'impact du marnage sur la reproduction du touladi dans le réservoir Mitis (Bas—Saint- Laurent) a été étudié pendant deux années consécutives. Les résultats de ces études ont amené les auteurs à suggérer que « les géniteurs rechercheraient des sites présentant un substrat adéquat aux plus grandes profondeurs possibles » (Bélanger» et Gendron, 1993, p. ii).

La majorité des oeufs (88 %) ont été observés entre 4,5 m et 6,0 m de profondeur sur la principale frayère du réservoir Mitis (île Invisible). Sur six autres sites, des oeufs ont été trouvés en majorité entre 2,0 m et 4,0 m (Bélanger et Gendron, 1993). Le comportement du touladi dans ce plan d'eau pourrait s'expliquer par le fait que le substrat est de meilleure qualité en plus grande profondeur. En effet, comme les pentes sont générale- ment fortes sur les frayères (> 25 %), les moellons ont tendance à s'amonceler au bas de la pente, de telle sorte que la perméabilité du substrat augmente avec la profondeur.

Souvent, l'allure générale des frayères montre un relief composé de plusieurs paliers créant une certaine hétérogénéité du substrat. Une telle succession de paliers a déjà été observée sur d'autres frayères, comme au lac du Missionnaire en Mauricie (J. Benoît, comm. pers.). Bélanger et Gendron (1993) ont observé que c'est souvent sur ces micro-sites (paliers) que l'on retrouve les concentrations d'oeufs les plus abondantes.

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Ainsi, dans le cas du réservoir Mitis, la qualité du substrat influencerait davantage le comportement reproducteur du touladi que la profondeur. Autrement dit et contrairement à l'hypothèse avancée par Bélanger et Gendron (1993), il ne s'agirait pas vraiment d'un choix préférentiel pour des sites en profondeur.

Une hypothèse alternative pourrait permettre d'expliquer l'utilisation de sites en profondeur au réservoir Mitis. Chez le touladi, le comportement de marquage du substrat serait important et inciterait les géniteurs à frayer sur des sites précis identifiés par des substances chemoattractives (Foster, 1985). Or, comme les oeufs déposés en faible profondeur, à moins de deux à trois mètres, seraient exondés d'année en année, il n'y aurait donc pas de substances chemoattractives déposées par les alevins à ces endroits et pas de retour possible des géniteurs, contrairement aux zones plus profondes non exondées (C. Banville, comm. pers.). Il serait aussi possible d'après Gendron et Bélanger (1992) que le substrat en profondeur ait été nettoyé plus qu'à l'habitude lors des travaux de réfection du barrage réalisés durant l'été 1991, alors que le niveau a été exceptionnelle- ment abaissé de quatre mètres à partir du 16 juillet jusqu'au 9 décembre. Ainsi, la propreté exceptionnelle du substrat en profondeur observée à l'automne 1992 pourrait être inhabituelle et elle pourrait se dégrader au cours des prochaines années (à confirmer).

À l'hiver 1992-1993, il a été évalué que le marnage de 4,5 m au réservoir Mitis aurait exondé seulement 12 % des oeufs déposés sur la frayère de l'île Invisible et environ 50 % des oeufs déposés dans la partie supérieure du réservoir (Bélanger et Gendron, 1993).

h) Lac des Baies

Une évaluation de l'impact du marnage sur la reproduction du touladi, similaire à celle réalisée au réservoir Mitis, a été effectuée au lac des Baies (lake of Bays) en Ontario (Tarandus Associates, 1988). Toutefois, la conclusion de cette dernière étude est diamétralement opposée à celle formulée par Bélanger et Gendron (1993), puisque dans le lac des Baies, les touladis auraient plutôt tendance à frayer sur les sites les moins profonds offrant un substrat propice à la fraie {"lake trout appear to have a distinct

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propensity for spawning in the shallowest depths at which spawning substrate exists ", Tarandus Associates, 1988, p. 22).

Dans le lac des Baies, le substrat n'offre pratiquement aucun potentiel pour la fraie du touladi au-delà de trois à quatre mètres de profondeur, à l'exception de quelques petites plages disséminées sur certains sites. À deux de ces sites, des oeufs ont été observés à environ six mètres sur des surfaces propices mesurant à peine 2,0 m2. Sur les 14 frayères

i

inventoriées en plongée, la majorité des oeufs ont été trouvés à moins de trois mètres de i

profondeur et plus particulièrement, entre un et deux mètres (dans huit cas sur 14), ce qui correspond à la strate où le substrat apparaît généralement le plus propice à la fraie (Tarandus Associates, 1988).

Il est à noter que quatre des 14 frayères inventoriées dans le lac des Baies avaient été aménagées au cours des années précédentes de façon à agrandir les superficies de fraie en-dessous de la zone de marnage qui possède une amplitude d'un mètre (Deyne et Chappie, 1988). L'étude de Tarandus Associates (1988) ainsi qu'une étude interne de l'OMNR (Arnett, 1988) ont permis de démontrer que ces frayères artificielles attirent davantage les géniteurs que les frayères naturelles adjacentes. En effet, une densité de 515 oeufs/m2 a été obtenue sur les sites aménagés comparativement à 139 oeufs/m2 sur les sites naturels adjacents (Arnett, 1988). Il semble que l'excellente qualité du substrat sur les sites aménagés expliquerait cette préférence (Tarandus Associates, 1988).

Ainsi, il a été estimé que 28 % des oeufs déposés sur les frayères naturelles pourraient être exondés advenant un marnage d'un mètre, cette proportion chutant à 12 % en incluant les oeufs déposés sur les frayères artificielles (Tarandus Associates, 1988).

i) Lac aux Sables

Des frayères à touladi ont été aménagées à l'hiver 1992 dans le lac aux Sables (Mauricie), à des profondeurs variant entre 1,4 et 3,2 m, soit immédiatement en-dessous des frayères naturelles. Un suivi réalisé à l'automne 1993 a permis de démontrer que les frayères

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aménagées ont été nettement plus utilisées que les frayères naturelles, malgré le fait qu'elles soient situées plus profondément (Scrosati, 1994). D'après Jean Benoît (comm.

pers.), cette situation serait attribuable à la bonne qualité du substrat sur les frayères aménagées, tant du point de vue de l'épaisseur du substrat que de sa propreté, comparativement au substrat des frayères naturelles. En effet, les frayères naturelles dans ce plan d'eau sont fortement dégradées en raison de l'ensablement du substrat, du compactage des moellons et de la modification des rives par les villégiateurs. Il est important de noter que l'attraction exercée par les frayères artificielles sur les géniteurs s'est faite très rapidement puisque dès la première année, la majorité des géniteurs ont préféré utiliser les sites aménagés plutôt que les frayères traditionnelles.

Les observations réalisées au lac aux Sables sont très similaires à celles décrites précédemment au lac des Baies, puisque dans les deux cas, la qualité du substrat influencerait davantage le comportement reproducteur du touladi que la profondeur.

j) Lac Mountain

Des travaux d'aménagement ont été réalisés dans le lac Mountain (Ontario) afin d'agrandir la principale frayère à touladi de ce plan d'eau, à une profondeur suffisante pour tenir compte d'une amplitude de marnage de 2,4 m (Haxton, 1991). Durant l'automne suivant, des oeufs ont été trouvés sur le site aménagé; toutefois, la majorité des oeufs ont été observés dans le secteur non aménagé de la frayère traditionnelle (Haxton, 1991). Cela serait dû au fait que le substrat dans le secteur aménagé était suffisamment épais et perméable pour que les oeufs échappent à l'attention des observateurs, contrairement aux oeufs déposés dans le secteur non aménagé et moins perméable (T. Haxton, comm. pers.). Ainsi, l'agrandissement de cette frayère en zone plus profonde semble avoir été efficace, bien qu'on ne puisse pas savoir si le secteur aménagé a été davantage utilisé que les secteurs adjacents par les géniteurs.

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k) Lac Mondonac

Une évaluation de l'impact du marnage sur la reproduction du touladi a été réalisée au réservoir Mondonac (Haute-Mauricie) en 1991. La majorité des oeufs observés au cours de cet inventaire ont été trouvés entre 0,5 m et 1,5 m de profondeur, à l'exception de quelques uns qui furent trouvés sur un haut-fond, entre 3,0 m et 4,0 m de profondeur (Laçasse et Gilbert, 1992). Pour la plupart des frayères, cela s'explique facilement par le fait que le substrat au-delà de deux mètres de profondeur est généralement composé à 100 % de sable dans ce réservoir. Toutefois, sur la principale frayère (île au Drapeau), aucun oeuf n'a été observé à plus de deux mètres en dépit du fait que le substrat était apparamment tout aussi propice jusqu'à une profondeur de quatre mètres. Le fait que le touladi ait frayé à moins de deux mètres sur la principale frayère du réservoir Mondonac et qu'il ait apparemment négligé la strate de deux à quatre mètres laisse supposer qu'il se reproduit aux plus faibles profondeurs où du substrat propice à la fraie est disponible.

À l'hiver 1991-1992, il a été estimé qu'un marnage de deux mètres aurait exondé la quasi totalité (98 %) des oeufs déposés au réservoir Mondonac (Laçasse et Gilbert, 1992).

1) Lac Saint-Patrice

Un inventaire d'oeufs a été réalisé par Chabot et Archambault (1981) sur deux frayères insulaires dans le réservoir Saint-Patrice, en Outaouais. Sur le premier site, des oeufs ont été trouvés entre 0,25 m et 3,0 m de profondeur, la densité maximale étant observée à 0,5 m. Sur le second site, des oeufs ont été observés entre 0,5 m et 2,0 m de profondeur, la densité maximale se situant à 1,5 m. Il est à noter que les aires d'enrochement sur les deux sites s'étendaient jusqu'à cinq mètres par endroits; toutefois, l'inventaire n'a pas été complété au-delà de deux mètres sur le second site (Chabot et Archambault, 1981). La première frayère, davantage utilisée par les géniteurs, a été jugée vulnérable au marnage puisqu'une baisse d'à peine 62 cm pourrait y exonder 52 % des oeufs (Chabot et Archambault, 1981).

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Dans ce même lac, des oeufs ont aussi été découverts à une profondeur de six à huit mètres sur un haut-fond à pente abrupte d'environ 60° (Chabot et Langevin, 1983). À cet endroit, on retrouve des galets (7 cm à 13 cm de diamètre) très propres sur une épaisseur de 45 cm. Cependant, sur les douze autres hauts-fonds à pente abrupte inventoriés au cours de cette étude, aucun oeuf n'a été trouvé, apparemment en raison du fait que ces sites étaient recouverts en partie ou en totalité par des sédiments fins (Chabot et Langevin, 1983). Ces derniers auteurs ont émis l'hypothèse que le touladi choisit ses sites de fraie en fonction des caractéristiques du substrat (épaisseur, perméabilité et propreté), indépendamment de la profondeur du site.

Ainsi, compte tenu de l'utilisation de frayères situées à différentes profondeurs dans ce réservoir, le recrutement du touladi ne serait que partiellement affecté par le marnage hivernal. Cela expliquerait pourquoi aucune relation de cause à effet n'a été trouvée entre la force des classes d'âge et l'amplitude de la baisse du niveau d'eau durant la période d'incubation des oeufs (moyenne de 0,66 m) au lac Saint-Patrice (Anonyme, 1991).

m) Lac David

Le niveau d'eau du lac David (Outaouais) est géré en fonction des besoins de la drave.

Dans ce plan d'eau, le touladi se reproduit sur une frayère riveraine, à moins d'un mètre de profondeur (Dumont et al, 1982). Ces auteurs ont observé que la densité relative des oeufs sur la frayère diminue à mesure que la profondeur augmente, ce qui s'expliquerait par le fait que l'épaisseur du substrat diminue en s'éloignant de la rive. Ainsi, la nature du substrat influencerait la sélection exacte du site de déposition des oeufs au lac David (Dumont et al, 1982). Au-delà d'une profondeur de 1,2 m, les auteurs mentionnent que la pente devient très abrupte, mais ils ne décrivent pas le substrat présent à cet endroit.

Une visite hivernale de cette frayère a montré qu'une baisse du niveau de 25 cm, combinée à la formation d'une couche de glace d'épaisseur équivalente, pourrait se traduire par une mortalité d'environ 60 % des oeufs déposés (Pariseau, 1981).

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n) Lacs Megisan et Jacques-Cartier

La déposition des oeufs a été étudiée de façon exhaustive au lac Megisan, en Ontario.

Les résultats obtenus indiquent que les oeufs ont été trouvés entre 0,15 m et 1,25 m de profondeur, en dépit du fait qu'un substrat similaire ait été échantillonné jusqu'à trois mètres (Kelso, 1995). Des résultats comparables ont été obtenus au lac Jacques-Cartier, dans la région de Québec, où les plongeurs n'ont trouvé aucun oeuf au-delà d'un mètre de profondeur, malgré le fait que le substrat propice s'étend jusqu'à environ trois mètres (Boivin, 1992; J.-G. Frenette, comm. pers.). À l'intérieur de la strate où des oeufs ont été trouvés au lac Megisan, aucune relation significative n'a été obtenue entre la profondeur et la densité d'oeufs (Kelso, 1995), contrairement à ce qui a été observé précédemment pour la fray ère du lac David en Outaouais.

Par ailleurs, les géniteurs du lac Megisan ont utilisé seulement 26 % des superficies propices à la fraie identifiées, négligeant des surfaces enrochées similaires en terme de substrat, de perméabilité, d'exposition aux vents et de profondeur. Ainsi, la sélection des sites de reproduction au lac Megisan apparaît très spécifique, mais l'identification plus précise des critères de sélection ne semble pas possible (Kelso, 1995). Cet auteur était arrivé à la même conclusion suite à l'inventaire de cinq frayères dans le lac Supérieur (Kelso et al, 1995).

Le fait que le touladi ait frayé à moins de 1,25 m au lac Megisan et qu'il ait apparem- ment négligé la strate plus profonde laisse supposer, tout comme aux lacs des Baies et Mondonac, qu'il se reproduit aux plus faibles profondeurs où du substrat propice à la fraie est disponible.

o) Lacs Mary et Smoke

Au lac Mary (Ontario), l'amplitude du marnage peut potentiellement atteindre 0,8 m.

L'inventaire réalisé sur deux frayères dans ce plan d'eau a permis de déterminer que les oeufs sont vulnérables au marnage sur la première frayère, puisque déposés à moins de

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0,6 m de profondeur, mais non sur la seconde frayère où ils sont déposés entre 1,0 m et 1,3 m (Wilton, 1985). Les observations de cet auteur ne nous permettent cependant pas de déterminer pourquoi les oeufs ne sont pas déposés plus profondément sur la première frayère ou moins profondément sur la seconde. Toutefois, comme l'inventaire en plongée a été réalisé jusqu'à 4,5 m sur la première frayère, il est permis de croire que le substrat propice s'étendait jusqu'à cette profondeur et que le touladi aurait donc choisi de frayer à proximité de la rive.

Tout comme dans le cas du lac Mary, le lac Smoke (pare Algonquin, Ontario) est soumis à un marnage annuel de faible amplitude, de l'ordre de 1,0 m à 1,5 m. Cependant, d'après Frank Hicks (comm. pers.), un tel marnage ne poserait pas de problèmes graves pour la population de touladis, puisque certaines fray ères s'étendraient jusqu'à six mètres de profondeur sur des pentes abruptes.

p) Lacs Thompson et Cold Stream

Le touladi fraie à moins de 1,2 m de profondeur dans les lacs Thompson et Cold Stream (Maine), mais principalement en deçà de 0,3 m (DeRoche, 1969). Dans ces deux lacs, les surfaces enrochées s'étendent par endroits jusqu'à 12 m de profondeur. Cependant, l'inventaire en plongée de trois sites profonds n'a pas permis de trouver d'évidence de fraie (DeRoche, 1969). Ainsi, le touladi dans ces lacs aurait, encore une fois, choisi de frayer à proximité de la rive, négligeant des sites apparamment propices en profondeur.

4.1.3 Bilan

La tendance dégagée lors de la description précédente des frayères nous permet de conclure que, dans la majorité des cas, les caractéristiques du substrat constituent un facteur plus déterminant dans la sélection d'un site de fraie par le touladi et l'omble chevalier que la profondeur du site, à l'exception des populations de touladi des lacs Green, Koshlong et Tahoe, de certaines sous-populations de touladi des Grands Lacs et

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des populations d'omble chevalier des lacs d'Europe centrale chez lesquelles la génétique ou la vitesse du réchauffement printanier des eaux de surface entreraient aussi enjeu.

Ainsi, à moins que le substrat ne soit de meilleure qualité en plus grande profondeur (comme dans le cas du réservoir Mitis ou, par le passé, dans le lac Seneca), il semble que le touladi va chercher à utiliser davantage les sites les moins profonds offrant un substrat propice à la fraie. Cette situation est probablement attribuable au fait que les conditions hydro-dynamiques sont plus favorables au maintien de la qualité des conditions de développement des oeufs et des alevins sur les sites les moins profonds.

4.2 Caractéristiques du substrat

4.2.1 Omble chevalier

Johnson (1980), dans sa revue de littérature portant sur l'omble chevalier, affirme que cette espèce fraie presque invariablement sur un substrat graveleux. D'ailleurs, les expériences classiques en laboratoire de Fabricius (1953) et de Fabricius et Gustafson (1954) ont permis de démontrer que, si on lui donne le choix entre plusieurs types de substrat, l'omble chevalier choisit le gravier mélangé à des moellons, de préférence au sable ou aux moellons seuls, le stimulus visuel du gravier ayant été démontré lors de ces expériences. Toutefois, des cas de fraie sur plusieurs autres types de substrat ont été rapportés dans la littérature (GDG Environnement, 1995). Malheureusement, les documents en question ne permettent pas toujours de discerner s'il s'agit d'alternatives à l'absence de gravier propice ou d'un choix volontaire de l'omble chevalier, même en présence de gravier.

Par exemple, dans les cas où la fraie se déroule, comme chez le touladi, sur un substrat de galets et de blocs, il paraît évident qu'au lac Thingvallavatn, l'omble chevalier n'a pas le choix de frayer sur ce type de substrat puisque l'ensemble des rives semble relativement uniforme (Sandlund et ah, 1992). Toutefois, au lac Floods, Kircheis (1976) ne souligne pas l'absence de gravier sur les rives du lac; il mentionne cependant qu'on

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retrouve plusieurs sites ayant un substrat propice de galets et de blocs autour du lac, mais que l'omble chevalier ne fraie que sur un seul de ces sites, là où les conditions d'exposition aux yents sont les meilleures (pointe de roches se prolongeant en haut-fond sous l'eau).

Dans le cas des frayères à omble chevalier du Maine, du New Hampshire et du Québec, les descriptions du substrat sont souvent imprécises (GDG Environnement, 1995). Ainsi, l'utilisation d'expressions comme "rubble" (Newell, 1958) ou "falaises de roches"

(Dumont et Monette, 1979) peut laisser entrevoir qu'on retrouve une certaine proportion de gravier à ces endroits. C'est le cas du lac Français, dans le parc national de la Mauricie, où l'on retrouve du gravier et des cailloux (0,2 cm à 7,0 cm de diamètre) mélangés à des moellons plus grossiers au pied d'une falaise, à six mètres de profondeur.

D'après d'anciens pêcheurs, il s'agirait de la principale frayère de l'omble chevalier dans ce plan d'eau (Massé et Venne, 1993).

4.2.2 Touladi

D'un simple point de vue adaptatif, la survie de la progéniture devrait être le facteur le plus déterminant lors de la sélection d'un site de fraie par le touladi., Or, les caractéris- tiques des frayères qui influenceraient le plus la survie de la progéniture sont la perméabilité et la propreté du substrat (Wagner, 1982; Gunn, 1995).

En effet, puisque le touladi ne recouvre pas ses oeufs de gravier comme le font les autres salmonidés, il devient impératif que les oeufs et les alevins puissent être protégés des prédateurs à l'intérieur des interstices d'un substrat rocheux perméable. De plus, cela réduit les risques que les oeufs et les alevins soient projetés sur la rive avec les vagues ou transportés sur des sites moins perméables et donc plus sujets à la prédation. Par ailleurs, les particules fines qui se déposent dans les interstices d'un substrat rocheux peuvent avoir deux effets distincts : d'une part, elles peuvent réduire la perméabilité du substrat et par conséquent, la protection accordée aux oeufs qui y seraient déposés, et d'autre part, elles peuvent faire suffoquer les oeufs déposés.

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Les autres caractéristiques généralement reconnues comme importantes dans la sélection d'un site de fraie par le touladi (pente et exposition à l'action des vagues et des courants) seraient en réalité des facteurs secondaires ayant d'abord une influence sur la perméabilité et la propreté du substrat mais aussi sur l'oxygénation des oeufs (MacLean et ah, 1990;

Fitzsimons, 1995a). Par ailleurs, la taille et la forme des moellons influenceraient la perméabilité du substrat (profondeur, largeur et abondance des interstices) et par conséquent, la vulnérabilité des oeufs à la prédation (Gunn, 1995).

Wagner (1982) suggère que les structures artificielles soient aménagées avec des moellons de 5 cm à 50 cm de diamètre (correspondant aux catégories cailloux, galets et blocs de l'annexe 1) et des interstices d'au moins 30 cm de profondeur, en se basant sur des observations réalisées sur plusieurs frayères dans les Grands Lacs. Par contre, certaines observations effectuées récemment dans des lacs de plus petites dimensions laissent présager que le substrat le plus activement utilisé par les géniteurs pourrait être de plus petite taille (2 cm à 10 cm de diamètre) que dans les Grands Lacs (Gunn, 1995;

McAughey et Gunn, 1995; MacDonald, 1991; Tarandus Associates, 1988). Ces moellons de 2 cm à 10 cm (gravier et cailloux) sont typiquement disséminés en petites plages à travers des galets et des blocs. Un tel patron de distribution du substrat serait un facteur important à considérer lors de l'aménagement de frayères (MacDonald, 1991). En effet, les aménagistes auraient trop souvent tendance à utiliser des moellons de taille uniforme qui imitent mal les conditions retrouvées sur les frayères naturelles. Du côté de la forme des moellons, certains auteurs ont suggéré que les roches angulaires sont plus efficaces que les roches arrondies pour protéger les oeufs (voir par exemple Fitzsimons, 1995a), alors que d'autres auteurs suggèrent le contraire (voir par exemple MacDonald, 1991).

4.2.3 Bilan

Sur la base des observations précédentes et de la conclusion formulée à la section 4.1.3, il apparaît envisageable d'aménager des frayères à touladi sur des sites plus profonds dans les réservoirs, en-dessous de la zone de marnage, à condition que les caractéristiques du substrat et plus particulièrement, sa perméabilité et sa propreté,

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soient supérieures à ce qu'on retrouve sur les frayères naturelles situées dans la zone de marnage, de façon à exercer une attraction chez les géniteurs. Dans de telles conditions, l'aménagement de frayères a été réalisé avec succès dans certains réservoirs comme les lacs des Baies et Mountain en Ontario, ainsi que dans le lac aux Sables en Mauricie (voir section 4.1.2).

Il existe cependant deux facteurs qui peuvent entraîner l'insuccès des aménagements, en dépit de caractéristiques de substrat initialement optimales, et qui sont à considérer lors de l'aménagement de frayères artificielles sur des sites en profondeur. Il s'agit du comportement de retour vers des frayères spécifiques et du potentiel de sédimentation.

Ces deux facteurs sont discutés dans les chapitres suivants.

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5. COMPORTEMENT DE RETOUR VERS DES FRAYÈRES SPÉCIFIQUES

5.1 Considérations théoriques

Encore aujourd'hui, il subsiste beaucoup de désaccord à savoir si les touladis retournent se reproduire sur leur frayère natale. Cependant, il paraît évident que des sites très spécifiques sont utilisés par les géniteurs et que certains de ces sites sont utilisés d'année en année (Gunn, 1995). Plusieurs auteurs ont toutefois démontré que les géniteurs se déplacent entre différentes frayères au cours d'une même nuit, d'une même saison ou de saisons consécutives (DeRoche, 1969; MacLean et al, 1981; Peck, 1986; Liimatainen et al, 1987; Gendron et Bélanger, 1992; McLeish et Haxton, 1993; Monroe et Hawkins, 1994). De plus, il a été démontré que les femelles voyagent davantage d'une frayère à l'autre que les mâles, ces derniers étant plus fréquemment recapturés à leur site de marquage (MacLean et al., 1981; Liimatainen et al, 1987; Monroe et Hawkins, 1994).

En fait, ces études suggèrent que le comportement du touladi se situe quelque part entre le retour exclusif vers une frayère spécifique et la sélection aléatoire du site de fraie (Monroe et Hawkins, 1994). Plusieurs hypothèses peuvent expliquer ce comportement du touladi :

• Les géniteurs pourraient retourner vers un secteur particulier du lac, puis utiliser n'importe quel site potentiel de fraie se trouvant dans ce secteur (Monroe et Hawkins, 1994).

• Les géniteurs pourraient voyager d'une site potentiel à l'autre, à la recherche d'une frayère marquée avec des substances chemoattractives déposées par les alevins (Foster, 1985; MacLean et al, 1990) ou à la recherche de leur frayère natale (Monroe et Hawkins, 1994).

Les géniteurs pourraient aussi voyager d'un site potentiel à l'autre afin d'inspecter la qualité des sites, de façon à trouver une surface enrochée perméable où les interstices ne sont pas remplis de sédiments fins, ce qui suppose qu'ils seraient en

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mesure de détecter de telles accumulations de sédiments (Marsden et Krueger, 1991).

Comme les femelles se déplacent davantage que les mâles, il serait aussi possible qu'elles voyagent d'une frayère à l'autre afin de juger les groupes de mâles présents sur chaque site avant de fixer leur choix (MacLean et al, 1990).

• Enfin, les géniteurs pourraient se reproduire sur plusieurs frayères au cours d'une même saison, puisque le dépôt des gamètes n'est pas complété en un seul acte (Peck, 1986; MacLean et al, 1990; Monroe et Hawkins, 1994).

Chez les populations dulcicoles d'omble chevalier, la capacité des géniteurs de retourner vers une frayère spécifique au cours d'une même saison et d'année en année apparaît mieux documentée, en particulier dans les réservoirs Torrôn et Storsjoute (Suède), dans le lac Windermere (Angleterre) et dans le lac Floods (Maine) (Gillet, 1985; McCleave et al, 1977).

Si l'on admet que le comportement de retour vers des sites de fraie spécifiques puisse être effectif jusqu'à un certain point chez les touladis, on peut s'interroger sur les facteurs qui leur permettraient de retrouver ces sites d'année en année. Comme on l'a mentionné précédemment, des substances chemoattractives (phéromones) seraient déposées sur les frayères par les alevins (Foster, 1985). Toutefois, d'après Gunn (1995), bien que la présence de substances chemoattractives pourrait influencer la sélection précise du site de fraie à l'échelle locale, d'autres facteurs d'orientation interviennent probablement à l'échelle du plan d'eau, comme par exemple la topographie du lac, les contrastes d'éclairage, les repères visuels, etc. Cette dernière hypothèse a aussi été avancée dans le cas de l'omble chevalier (McCleave et al, 1977).

Par ailleurs, les touladis pourraient aussi retourner d'année en année vers des sites de fraie spécifiques simplement parce que les géniteurs expérimentés les connaissent (Gunn, 1995). Cela a été suggéré par des expériences de modification du substrat sur des

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