Cet article
fait partie
du dossier
"Réforme
dela PAC : simulations et
analyses " publié
par INRA Sciences socialesM. BORTZMEYER*
J. CAVAILHES*G. LIENARD
*
INRA
Dijon-OFTVAL,
**
INRA
Dijon,
* 1
* INR
A Theix
Revenus et systèmes
de production.
L’élevage bovin
dans le Charolais
La production de viande bovine est l’un des grands secteurs concernés par les décisions de réforme du 21 mai 1992 ; celle-ci prévoit
unebaisse de
15 % du prix de la viande d’ici 1996, compensée par
uneforte
revalorisation des primes à la vache allaitante et
auxjeunes bovins mâles,
dans la limite d’un niveau de chargement à l’hectare. L’effet de
cesmesures
variera selon les systèmes de production et les régions : les
résultats de simulations micro-économiques d’exploitations-types par programmation linéaire présentés ici concernent la région charolaise.
Des systèmes de production
à cycle plus long
L’aire charolaise
centrale, qui
s’étend surles
départements
del’Allier,
de laCreuse,
de laNièvre et de la
Saône-et-Loire,
regroupeprès
de 800 000 vaches nourrices (23 % du total national). Les
systèmes
deproduction,
assezhomogènes,
sontextensifs,
à base deprairies
naturelles avec peu de consommations inter-
médiaires,
sur desexploitations
moyennes àgrandes, produisant
surtout des animaux"maigres"
(àengraisser
avant la vente en bou- cherie) et enparticulier
des broutards(âgés
de8 à 12 mois). La
productivité
du travail et les résultatséconomiques
ontlongtemps
été com-parables,
voiresupérieurs
à ceux des autresrégions productrices
de viande bovine.Lors de la simulation de "court
terme",
onobserve une substitution du blé par
l’orge
et ledéveloppement
des surfaces en maïs, accompa-gné
d’unallongement
ducycle d’élevage :
laproduction
de broutards lourds d’hiver (ven- dus à 12 moisenviron),
dominante dans la si- tuation deréférence,
recule auprofit
del’engraissement
(taurillons de 18 ou 24 mois).Les
exploitations qui
nepeuvent produire
demaïs
augmentent
leur sole céréalière.La simulation est très sensible au
rapport prix
dumaigre/prix
du gras,largement
indé-terminé
puisque
l’accord du 21 mai fixe seule- ment unprix
des animaux finis.Ainsi,
parexemple,
si leprix
dumaigre
chute de 25%, l’exploitation dirigée
par uncouple
de niveautechnique supérieur
passe àl’engraissement
de taurillons à
l’auge,
avecplus
de céréales (sansprise
encompte
des investissements que celapeut impliquer),
alorsqu’on
conserveun
système
à dominante de broutards si la baisse duprix
n’est que de 15 % pour lemaigre
et pour le gras(tableau
1).Avec l’achat de terres, de
cheptel
et uneaugmentation
decapital,
ces tendancess’accentuent surtout chez les
exploitants
moins
performants puisque
lesprimes repré-
sentent une
part plus importante
de leur pro- duit. Ce mouvement d’intensification simulé par le modèle va à l’encontre des évolutions des deux dernières décennies.Ces résultats varient fortement suivant la
présence
ou l’absence deprimes
rattachéesaux surfaces
supplémentaires.
Mais les pro- ductionssont,
dansl’ensemble,
peu sensiblesau montant des
primes,
àl’exception
desbroutards d’automne de 8-9
mois, aujourd’hui
très
répandus
etqui pourraient
fortementrégresser puisque
lapremière prime
auxmâles ne sera versée
qu’à l’âge
de dix mois.Vers
unredressement
du revenu
Une simulation à échéance
1992,
réaliséeen
intégrant
les baisses deprix
réelles (natu-rellement sans
compensation),
montre unebaisse du résultat courant de 40
%,
voireplus,
par
rapport
à1989, qui frappe
très sévèrement lesexploitants
de niveautechnique
moyen.Méthodologie
L’impact
de la réformeest apprécié
auniveau micro-économique, par programma-
tionlinéaire,
cequi permet
de raisonnersous
unehypothèse d’optimisation,
dans lecadre
des mesures
connues(l’adaptation
desmarchés,
enparticulier
la demande etle prix
desanimaux maigres, qui
nepourraient
être
simulés qu’au
niveaumacro-écono- mique,
sontlargement inconnus).
Les
activités
et lesparamètres
sontfixés à
dire
d’experts,
àpartir
de suivis delongue date
de réseauxd’exploitations.
On neprend que
lesspéculations actuelles et,
enrespec-
tant lacohérence
dessystèmes
deprodue- tion,
onchoisit
unmodèle simplifié compte-
tenu de
l’imprécision
du contextedes mar- chés. L’étalonnage
surl’année
deréférence (1989) permet
devérifier l’adéquation du
modèle
à la réalité.Les
simulations sont effectuées à &dquo;courtterme&dquo;, c’est-à-dire sans ajustement
des fac- teurs fixes niprogrès technique, puis
à&dquo;moyen terme&dquo;,
avecachat possible
de fac-teurs
quasi
fixes etaugmentation
de lapro-
ductivité dutravail.
L’horizon est le même dans lesdeux
cas : 1996. Ladémarche stric-
tement
micro-économique oblige à fixer
desquotas de primes
individuelspour les
céréales et les
jeunes bovins.
Les cas simulés sont
définis en fonction
des dotations en facteursfixes, des caractéris- tiques
familiales et du niveautechnique
demanière ’à
représenter
au mieux lapopula-
tion
(les quotas
deprimes donnent
uneplace
décisive au
système
deproduction antérieur
à la
réforme). On
rendcompte
ici des cassuivants :
uncouple d’âge moyen,
&dquo;enphase
de
croisière&dquo;,
sur 70ha différencié
par le niveautechnique,
bon ou moyen ; un chefjeune disposant
de 60 ha ettechniquement
performant ;
unexploitant pluri-actif
surune
petite exploitation (30 ha), suréquipé
etde niveau
technique moyen.
’A l’horizon
1996,
la simulation sans achat de terrespermet
un redressement du résultat parrapport
à 1992 : + 35 % pour lesexploitations
de bon niveau
technique
et + 65 à + 85 % pour lesexploitations
moinsperformantes qui
bénéfi-cient du caractère forfaitaire des aides. La bais-
se par
rapport
à 1989 est donc ramenée à 20 % environ. Les aidesreprésentent
alors laquasi
totalité du
résultat,
même pour lesexploita-
tions les
plus performantes
et 175 % pour le casd’un
exploitant pluri-actif.
Le revenu est doncfortement déterminé par leur niveau.
Mais d’ici
1996,
desadaptations peuvent
intervenir :agrandissement,
hausse de la pro- ductivité du travail ou de latechnicité, qui
améliorent les résultats par
rapport
au &dquo;court terme&dquo;. L’évolutiondépendra
del’adaptabilité
des
exploitations :
lesexploitants performants, qui disposent
d’unpotentiel
de croissance àpartir
decapacités
d’autofinancementimpor- tantes,
maintiennent leurs résultats par rap-port
à 1989 s’ils obtiennent des droits sup-plémentaires
pour que les animaux nouveauxsoient
&dquo;primés&dquo;.
Dans les cas de niveau tech-nique
moyen, le revenu 1989 nepeut
êtreretrouvé même avec des
augmentations
de sur-face de 20
%,
sauf si lesgains
de technicitépermettent
de serapprocher
du niveau tech-nique supérieur. Enfin,
lesexploitants
seretrouvant en situation financière difficile et à
qui
tout investissement estinterdit,
ne pour- ront que difficilements’adapter
aux nouvellesrègles
dujeu (figure
1). Notonscependant
que les mesures propres à la France n’ont pas été retenues dans ces simulations :parmi elles,
laprime
à l’herbe (300 F/ha de STH enrégime plein
pour lesexploitations
extensives) est favorable à la zone charolaise où de nom-breuses
exploitations peuvent
avoir uncharge-
ment inférieur à 1 UGB/ha.
Les simulations montrent donc que, loin de
procéder
à unnivellement,
le nouveau cadreinstitutionnel
pourrait
conduire à une diversi-fication des évolutions. Le mécanisme de ges- tion des références tracera bien entendu le cadre essentiel de ces évolutions.
Pour en
savoir plus :
Bortzmeyer M., Impact de la réforme de la politique agricole commune sur les exploitations bovines de la
zone charolaise, Dijon, Université de Bourgogne,
Faculté de sciences économiques et de gestion, 1992,
95 p. + annexes (mémoire de DEA).
Cavailhès J., &dquo;L’économie charolaise.
Évolution
d’unsystème productif
régional&dquo;,
Cahiers d’Economie etsociologie
rurales, n° 12, 1989, p. 8-54.Lherm M., D. Bébin, G. Liénard, Systèmes de production charolais en Creuse. Références 1989,
évolutions sur dix années : 1981-1990, Theix, INRA- ESR, 1992, 32 p.