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Chapitre IV. Population et logement en Algérie: réalités et perspectives

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Chapitre IV

Population et logement en Algérie:

réalités et perspectives

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Introduction

L’analyse et l'évaluation des besoins en logement n’a de sens qu'en parallèle avec celle concernant les ménages, tant le rapport est étroit entre le nombre de logement et le nombre de ménages puisque le premier a pour vocation d'héberger le second. Il sera donc nécessaire de tenter d'abord d'évaluer le nombre de ménages dans le futur car ce dernier représente la composante principale de la demande potentielle de logements.

Compte tenu de la situation de crise actuelle, il n'est pas exagéré de dire que le logement en Algérie, constitue et constituera sûrement dans les deux à trois décennies à venir un défi majeur. Tous les indicateurs font état d'une pression étouffante sur le parc existant. A titre d'exemple le taux d'occupation par logement atteint la valeur de 7.20 personnes par logement. La taille moyenne d'un ménage algérien étant de 6.58, cela donne 1.2 ménages par logement. Cette situation est, cependant, très nuancée selon les différentes régions du pays.

A Djelfa, par exemple, on a enregistré un taux d'occupation atteignant 9 personnes par logement. Cette situation est partagée par beaucoup d'autres régions du pays.

Le déficit en logement (demandes insatisfaites) en Algérie atteint 1.2 millions. Si on pondère ce chiffre par la taille moyenne des ménages en Algérie, soit 6.58, alors le nombre d'algériens non ou mal logés peut être évalué à 9 millions de personnes auquel il faut ajouter le contingent annuel des nouveaux demandeurs de logements chiffré à quelque 120000.

Pour analyser en perspective cette question de logement, il est dès lors nécessaire de mesurer le besoin qui sera généré par la formation des nouveaux ménages dans les trois à quatre décennies à venir. Cet exercice permettra de quantifier le parc de logements qui devrait être construit pour répondre aux besoins croissants des ménages.

Au départ de cette analyse une mise au point s’impose : lors de la collecte des données relatives à la situation des ménages et de l’habitat nous avons relevé que les statistiques font très souvent défaut. A titre d'exemple, cinq ans après la réalisation du recensement de 1998, les données relatives aux caractéristiques des ménages algériens et les conditions d’utilisation du parc de logement ne sont toujours pas publiées. Les statistiques publiées se limitent à quelques caractéristiques très sommaires. Cette limite a largement conditionné nos ambitions en matière d'analyse.

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1. De quelques caractéristiques des ménages algériens

Peu d’études ont abordé le domaine des ménages et des familles en Algérie. Il n’est pas inutile d’insister sur l’intérêt que peuvent apporter ce genre d’études pour analyser les principaux phénomènes démographiques comme la nuptialité et la fécondité, qui sont à la base du cycle de formation et de dissolution des ménages. Ces phénomènes sont par ailleurs eux-mêmes étroitement liés aux structures familiales présentes dans la société.

Nous ne prétendons pas ici entreprendre une telle analyse qui nécessite des données détaillées dont nous ne disposons malheureusement pas. Nous essayerons simplement d’apporter les quelques éléments qui caractérisent les principaux changements qui ont affecté les ménages algériens selon les données recueillies par les quatre recensements menés depuis l’indépendance. Nous esquisserons ensuite quelques hypothèses qui nous permettront de projeter le volume et la répartition des ménages à l’horizon 2038.

Evolution du nombre et de la structure des ménages en Algérie

En Algérie on Le statisticien algérien définit le ménage, dit ordinaire, comme « un groupe de personnes vivant ensemble dans un même logement sous la responsabilité d’un chef de ménage préparant et prenant en général les principaux repas ensemble. Ces personnes sont généralement liées entre elles par le sang par le mariage ou par alliance (ONS, 1978, p.

34).

Une personne seule peut constituer un ménage ordinaire et ce dernier peut être constitué d’une ou plusieurs familles. Par ailleurs chaque ménage est dirigé par un seul chef de ménage. Ce dernier est défini comme étant la personne reconnue comme tel par les autres membres du ménage. Le nombre des chefs de ménage correspond au nombre de ménages.

Théoriquement la formation de nouveaux ménages provient de l’éclatement des ménages composés de plusieurs familles et de la formation de nouveaux ménages suite, bien évidement, aux mariages. En dépit de l’explosion démographique observée au début des années 1970 produisant un potentiel énorme de formation des ménages à une échéance de 20 ou 30 ans, le nombre de ménages s’est peut accru de 1970 à 1998.

Selon les données du recensement de 1966 les ménages ordinaires étaient au nombre de 2031167. On en a dénombré 2349518 en 1977, 3183137 en 1987 et 4425521 en 1998. Le rythme de la progression annuelle des ménages était nettement inférieur à celui de la population. De 1966 à 1977 le taux d’accroissement annuel moyen des ménages n’a été que de 1,3%. Ce faible accroissement s’explique en partie par le fait qu’en 1966 il s’agissait de

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tous les ménages résidant en Algérie, alors qu'en 1977 on n'a recensé que les ménages dont le chef était de nationalité algérienne. Il ressort par ailleurs de ces chiffres que, après une prédominance numérique des ménages ruraux jadis, l’exode observé durant les dernières décennies a renversé les tendances de sorte que les ménages urbains sont devenus majoritaires. Ce facteur conjugué avec l’accroissement naturel des centres urbains a largement contribué à la dégradation observée des conditions d’habitat: il fallait non seulement répondre aux besoins croissants des migrants mais aussi aux besoins des populations citadines. L’une des conséquences graves de cette pression est, comme nous allons le voir, l’expansion des habitats précaires (bidonvilles).

Tableau 56 : Evolution de l’effectif des ménages par secteur de l’habitat.

1966 1977 1987 1998

Urbain

%

661063 32,5

954894 40,6

1688367 51,42

2680979 60,57 Rural

%

1370104 67,50

1394623 59,4

1595042 48,58

1744542 39,42

Total 2031167 2349518 3283409 4425521

Source:

1966,1977 (ONS, 1978, p. 74) 1987, (ONS, 1990, p. 33) 1998, (ONS, 2000, p. 3)

L’accroissement des ménages durant la période 1966-1998 n’est pas du aux seuls facteurs qui, théoriquement, contribuent de façon conséquente à l’accroissement des ménages, en particulier les mariages. Un procédé de standardisation permet d’isoler d’un côté la part qu'explique le seul accroissement de la population et d'un autre côté la part des facteurs socio-économiques qui favorisent la formation des ménages notamment le logement, l’emploi et les mariages. Le tableau 57 présente les résultats de ce procédé.

Tableau 57 : Décomposition de l'accroissement des ménages selon la part de chaque cause (1966-1998).

Causes 1966-1977 1977-1987 1987-1998

Accroissement de la population1 206 112 85

Facteurs socio-économiques -106 -12 15

1 L’accroissement des ménages dû à l’accroissement de la population durant une période donnée est la variation des ménages qu’on aurait observé si le rapport du nombre des ménages à la population totale était resté constant sur la période en question.

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Les chiffres du tableau 57 révèlent la prédominance de l’accroissement de la population: celui-ci a expliqué 206 % entre 1966-1977 de l'accroissement des ménages, 112

% entre 1977 et 1987 et 85 % entre 1987-1998. En revanche, comme cela était attendu, les facteurs socio-économiques tendent à freiner la formation de nouveaux ménages: il contribuent à concurrence de – 106% entre 1966 et 977 et de -12 % entre 1977 et 1987.

Mais entre 1987 et 1998 ils contribuent positivement (15 %) à l'accroissement des ménages.

Ces données montrent bien l'impact des crises du logement et de l’emploi qui, visiblement, ont freiné la formation de nouveaux ménages.

1.2. Taille des ménages

La taille du ménage est une variable déterminée par plusieurs facteurs d’ordre :

i) Sociologique : l'organisation de la société en terme de cohabitation de plusieurs familles au sein d’un même ménage a subi d’énormes changement favorisant l’éclatement des ménages composés de plusieurs familles. Cette tendance a été certainement freinée par la conjoncture socio-économique peu favorable (crise de logements, chômage, baisse du pouvoir d'achat etc...)

ii) Economique : l’influence des modes de production sur la taille et la structure des ménages est évidente. A l’opposé du mode de production agricole qui était jadis dominant, l’emploi formel et salarié ne favorise nullement la cohabitation de plusieurs familles au sein d’un même ménage.

La taille moyenne des ménages algériens n’a pas cessé d’augmenter jusqu’en 1982, date à laquelle elle amorce un léger mouvement de baisse traduisant des mutations socio- culturelles et économiques de la société algérienne.

Tableau 58 : Evolution de la taille moyenne des ménages.

1966 1970 1977 1982 1987 1998

Taille moyenne

des ménages 5,91 6,0 6,6 7,4 7,1 6,58

Source: (ONS, diverses publications)

Visiblement, le faible accroissement de l’effectif des ménages s’est fait au détriment de sa taille obligeant ainsi la cohabitation de plusieurs couples dans un même ménage et l’allongement du célibat pour les jeunes adultes.

A mesure que la société évolue et que s’améliorent les conditions de vie on s’attend à ce que les ménages nucléaires soient plus fréquents. La réalité algérienne est tout autre

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puisqu’elle est marquée par une double tendance, à la baisse pour les ménages à dimension réduite et à la hausse pour les ménages de large dimension.

Figure 45 : Répartition % des ménages selon la taille

0.00 10.00 20.00 30.00 40.00 50.00

1 2 3-4 5-7 8-10 11+

Taille des ménages

Répartition % 1966

1977 1987 1998

Source: Tableau A 35 en annexe.

La figure 45 montre deux étapes qui se distinguent: la première qui va de 1966 à 1987 où l’on observe une diminution des ménages de taille réduite au profit des ménages de taille élargie; et la deuxième qui va de 1987 à 1998 où un mouvement contraire se dessine.

Les ménages de quatre personnes et moins, qui constituent en 1966, 36.7% de l’ensemble des ménages n’en constituent qu’à peine 25% en 1987. En revanche la part des ménages de grande dimension a augmenté sensiblement. Celle de 8 personnes et plus, par exemple, est passé de 27.1 % en 1966 à 42 % en 1987.

En 1998 la taille modale n’a pas changé: elle se situe toujours entre 5 et 7 personnes.

Cependant la structure des ménages a visiblement changé par rapport à 1987: la part des ménages de taille réduite a augmenté. Celle, par exemple, des moins de quatre personnes est passée de 24.7 % à 29.9 % entre ces deux dates. En revanche la proportion des ménages constitués de plus de 11 personnes a baissé de 68% par rapport à 1987, passant de 15.2% à 4.9% sur la même période.

L’urbanisation et l’amélioration du niveau de vie de la population, notamment l’accès à l’emploi, l’amélioration des conditions de logement, contribuent beaucoup à la variation de la taille des ménages. Le plus influent d'entre eux est l’habitat qui demeure loin de répondre aux besoins des familles algériennes. En effet, en examinant le processus de la nucléarisation des ménages algériens, c'est à dire la part de ceux composés d'une seule famille (Figure 46) on constate que celui-ci était visiblement bien engagé à partir de 1977. La part des ménages nucléaires est passée de 59.2 % en 1977 à 67 % en 1987 puis à 71 % en 1998. La part des ménages composés de plusieurs familles demeure importante même si ceux-ci diminuent en

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proportion: entre 1987 et 1998 ils sont passés de 680 milles (20.7 %) à 615 milles ménages (14 %).

Figure 46: Evolution des types de ménages (1966-1998)

0 20 40 60 80 100

1966 1977 1987 1998

Années

Répartition des ménages % Total élargie

nucléaire

Source: Tableau A 36 en annexe.

Le changement de la structure des ménages tient davantage à la baisse de la fécondité qu'à la nucléarisation des ménages.

Le redressement de la situation, observé en 1998, est constaté même au niveau du nombre moyen de familles par ménage: celui-ci passe de 1.3 en 1966 à 1.15 en 1998.

Tableau 59 : Nombre moyen de familles par ménages.

1966 1987 1998

Nombre de familles 1.597.785 4.268.432 5.108.080 Nombre de ménages 2.031.167 3.283.409 4.425.521 Rapport

familles/ménages

1.3 1.3 1.15

Source : (ONS, 2000, p.3)

1.3. Caractéristiques des chefs de ménage

Par définition, le chef de ménage est la personne qui gère le budget et les revenus du ménage. Dans chaque ménage il n’y a qu’une personne qui se déclare en tant que telle (ONS, 1986, p. 29). Nous nous contenterons ici de procéder à une description sommaire de certaines caractéristiques du chef du ménage.

Dans une société comme l’Algérie le modèle culturel, qui veut que ce soit l’homme qui assume le rôle du principal pourvoyeur et du responsable du ménage, fait que la part des ménages dont le chef est du sexe masculin a toujours dépassé les 85%. Les femmes n’accèdent à ce statut que dans des cas bien précis : le veuvage, le divorce, la séparation ou l'infirmité du mari. Cette norme se traduit d'ailleurs par un écart considérable entre l’âge moyen des chefs de ménages des deux sexes: 42.4 ans en 1977, 46.1 en 1987 et 49.3 en 1998

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pour les hommes contre 55.6, 53.0 et 53.5 ans aux mêmes dates pour les femmes. On relève de la courbe des taux de chef de ménages hommes, qu'en 1977, il y avait un fort accès à ce statut dès l’âge de 30-34 ans: 84.70% contre 28.09 %. La situation est différente en 1998. Le taux de chef de ménage à 30-34 ans ne vaut que 38%.

Figure 47 : Taux (%) de chefs de ménages par groupes d’âge et par sexe (1977 – 1998).

Hommes

0 20 40 60 80 100 120

15-19 20-24 25-29 30-34 35-39 40-44 45-49 50-54 55-59 60-64 65-69 70-74 75+

Age

Taux % 1977

1987 1998

Femmes

0 5 10 15 20 25

15 -19

20 -24

25 -29

30 -34

35 -39

40 -44

45 -49

50 -54

55 -59

60 -64

65 -69

70

-74 75

+

Age

Taux % 1977

1987 1998

Source: Tableau A37 en annexe.

Dans une société arabo-musulmane, le mariage est, généralement, le principal facteur dans l'accès au statut de responsable de ménage. Mais avec les difficultés que connaît le pays en matière de logement on n'accède à ce statut qu’assez tardivement. En effet même en étant mariés, beaucoup de jeunes cohabitent au sein de la grande famille. D'autres retardent volontairement leur mariage à cause de la crise de logement.

La distribution des taux de chefs de ménage femmes au cours des trois recensements ne montre pas une grande différence. Les femmes acquièrent cette caractéristique à des âges

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relativement élevés (45 ans et plus). On notera, cependant, que les taux ont sensiblement diminué entre 1977 et 1998. A titre d’exemple le taux du groupe d’âge 50-54 est de 12% en 1998 alors que pour le même groupe d’âge ce taux était de 23% en 1977. Il s’agit probablement des générations des femmes devenues veuves durant la guerre de libération nationale.

On note également une hausse relative des taux de chefs de ménages femmes pour les groupes d’âges jeunes. A titre d'exemple le groupe d’âge 30-34 ans enregistre un taux de 2.9% en 1987 et de 5.16% en 1998. Il en va de même pour les groupes d’âges 35-39 et 40-44 ans où les taux sont passés, respectivement, de 6.8 à 8.9% et de 9.4 à 11.6%. Pour analyser ce phénomène de hausse il faut disposer de la répartition des taux par état matrimonial et par CSP. Ces variables nous auraient permis de situer les causes de cette hausse. Est-elle due à une augmentation des veuves et des divorcées ou bien est-ce un nouveau phénomène de société comme celui observé dans certains pays occidentaux où la femme accède à ce statut sans pour autant être veuve ou divorcée. Nous ne pouvons malheureusement pas nous prononcer sur la base des données existantes. Il nous semble cependant utile de rappeler que beaucoup de femmes veuves sont devenues par la force des choses chefs de ménages ces dernières années suite au phénomène du terrorisme qui a été à l'origine de la mort de nombreux jeunes adultes.

Concernant les autres variables socio-économiques des ménages, nous ne pourrons envisager des comparaisons temporelles significatives car il nous aurait fallu disposer au moins des données du dernier recensement, celui de 1998. Or cinq années après le déroulement de celui-ci les données les plus importantes sont encore inexploitées. Il est certain que 16 ans après le déroulement du recensement de 1987, d’énormes changements ont affecté les caractéristiques socio-économiques des ménages.

Selon une publication relativement récente relative à une enquête effectuée par le CENEAP (CENEAP, 1996) le taux de chômage des chef de ménage s’élève à 7.22%. Ainsi 28% des ménages algériens, c’est à dire près de 1.5 millions des ménages, vivent dans une extrême pauvreté. La lecture des données des trois recensements de 1966, de 1977 et de 1987 révèle que la part des inactifs et inoccupés reste de loin la plus importante et cela en dépit de la baisse observée entre 1977 et 1987 où cette proportion passe de 38.4% à 29.2%.

L’explication de ce phénomène réside dans le fait que, dans un ménage, le statut du chef est attribué souvent à la personne la plus âgée indépendamment de sa CSP (catégorie socio- professionnelle).

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La part des chef de ménages cadres moyens et cadres supérieurs a considérablement augmenté passant de 1.2% en 1966 à 10% en 1987.

Le recensement de 1987 « montre que 54% des ménages algériens ne comportent qu’un seul occupé et plus de 16% n’en ont pas. On a dénombré ainsi en moyenne 1.2 occupé par ménage, d’où un taux de charge de 5.8 personnes par ménage. Le nombre moyen d’occupé par ménage était, lors d’une enquête main d’œuvre et démographie réalisée en 1983, bien plus important (1.48) et le taux de charge a connu entre 1983 et 1987 une augmentation de 16% » (Aouragh L., 1996, p. 214). Il faut encore rappeler que ce ne sont que des moyennes qui cachent de graves réalités extrêmes. Depuis 1987 ces indicateurs se sont visiblement aggravés suite bien évidemment aux politiques et/ou absence de politiques qui ont marqué l’Algérie ces dernières années. Une enquête plus poussée pourrait non seulement mesurer le degré de cette aggravation mais aussi de la mettre en relation avec d’autres caractéristiques démographiques récentes. Le recul de l’âge au mariage, la reprise de la mortalité à certains âges, l'échec scolaire devenu très important ces dernières années sont autant de facteurs dont l'effet doit être exploré.

2. La projection des ménages

Considéré à juste titre comme l’unité de base autour de laquelle doivent se formuler presque toutes les évaluations des besoins sociaux notamment le logement avec ses équipements d’accompagnement à savoir les écoles, les crèches, les centres de soins, l’éclairage, une bonne partie de l’alimentation et des loisirs qui sont consommés en commun par les membres du ménages. En conséquence il est naturel de faire reposer la prévision des besoins futurs en consommation sur les perspectives des ménages : elles jouent en particulier un rôle important dans le domaine du logement où il est nécessaire d’ouvrir des perspectives à terme relativement long, en raison même de la durée de vie des logements.

Diverses méthodes de projection des ménages ont été imaginées et appliquées. Dans la littérature traitant des modèles de projection des ménages et des familles on rencontre souvent les approches suivantes.

1) La méthode des tables de mortalité, appelée aussi modèle de Brown-Glass-Davidson (Nations Unies 1974, p. 26). Celle-ci repose sur le modèle de population stationnaire. Cette méthode a fait l'objet de nombreuses critiques. D'une part elle nécessite une base de données fiables et très détaillées à savoir le nombre de personnes par ménages en rapport avec le groupe d’âge et le sexe du chef de ménage ainsi que d’autres agrégats socio-économiques

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qui, souvent, font défaut dans les pays sous-développés. D'autre part son fonctionnement repose sur un corps d’hypothèse difficilement vérifiable dans la réalité.

2) Méthode des statistiques d’état civil. Cette méthode a été proposée par Wolf-gang Illing (Nations Unies 1974, p 31). Elle repose sur l’équation suivante :

 

t

j

m j m

j j

t F M D S N

F

1 0

où F0 est le stock de famille pour l’année de base, M est la somme des mariages, S celle des divorces, Nm l’immigration nette des familles dans la période de référence et Dj les décès.

Cette méthode ne manque pas d’avantages. Elle permet notamment de lier la formation et la dissolution des familles à certains évènements, notamment les mariages, les divorces et les décès des personnes mariées. Mais elle n'est pas sans inconvénients qui en limitent la portée.

Le premier inconvénient est que, à ce jour, de nombreux pays comme l’Algérie, ne disposent pas de tables de mortalité par état matrimonial. Il faut par ailleurs projeter les mariages, les divorces et l’immigration des familles. Or l’extrapolation concernant ces phénomènes n’est pas chose aisée.. En définitive, même dans les pays développés où la production des données statistiques est suffisamment détaillée, l’application de ces méthodes n’a pas été très répandue. La méthode la plus simple et dont les résultats sont assez satisfaisants est connue sous le nom de méthode de chef de ménage. Par ailleurs « la presque totalité des projections de ménages réalisés dans le monde font toujours appel à cette méthode » (Duchène J., 1994, p. 1). Bien qu’elle ne tienne pas compte directement des aspects dynamiques du cycle de vie familiale c’est à dire la formation, la dissolution et la contraction des ménages, elle présente des avantages méthodologiques certains. Partant des perspectives de population établies préalablement, elle peut refléter les répercussions que peuvent avoir les scénarios de fécondité et de mortalité sur l’effectif, la structure et la taille moyenne des ménages. En pratique la technique est appliquée en deux étapes :

1) On calcule les taux de chef de ménages (ou de familles) selon le sexe, l’âge et d’autres agrégats, si possible, puis on projette les taux selon des hypothèses préalablement construites (constance ou variation).

2) On calcule le nombre des ménages selon le sexe et éventuellement les caractéristiques citées plus haut en appliquant les taux à la population projetée.

Le taux de chef de ménage s'exprime par:

   

 

ijt P

ijt ijt H

Tx

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où T désigne le taux de chef de ménage, H est le nombre de ménage et P est l’effectif de la population.

i j et t désignent, respectivement, l’âge, le sexe et l’année.

L’idéal serait que, outre les variables sus-citées, les chefs de ménages soient classés selon l’état matrimonial. Dans ce cas le taux serait donné par l’expression suivante:

   

 

ijkt P

ijkt ijkt H

Tx

où k désigne l’état matrimonial. L’introduction de cette dernière variable dans le calcul des taux peut donner, du point de vue méthodologique, une projection plus plausible.

Malheureusement les données que nous possédons ne nous permettent pas de procéder à un tel exercice.

En ce qui concerne la détermination future des taux, certains auteurs ont élaboré des modèles de régression multiples prenant comme variables indépendantes quelques caractéristiques socio-économico-démographiques supposées agir sur le niveau et la répartition des taux de chef de ménages (Duchène J., 1994). Malheureusement et pour les mêmes raisons déjà évoquées, nous ne pouvons appliquer un tel procédé. Nous ne pouvons donc qu'envisager une stabilité des taux appliquée aux deux trajectoires extrêmes de l’évolution de la population par wilayas (H1 et H2).

En plus de l’inexistence de données pouvant nous permettre l’élaboration de modèles de régression, la justification de l’hypothèse des taux adopté réside dans le fait que les variations par groupe d’âge n’ont pas une grande incidence sur le nombre total des ménages, la baisse des taux à un âge donné sera contrebalancée par la hausse des taux à d’autres âges.

Par ailleurs, la simulation de l’évolution du nombre de ménages selon les deux trajectoires extrêmes de la population assure une minimisation du risque d’erreur. En effet une étude menée par l’INSEE montre que si les générations futures décident d’avoir le même comportement à l’égard des ménages, l’accroissement de la population explique à lui seul 87% de l'accroissement des ménages (INSEE, 1990).

Pour vérifier cette conclusion nous avons appliqué les taux de chef de ménages observés en 1977 à la population de 1998. Il ressort de cela que le nombre total de ménages estimés en 1998 ne diffère que de 15 % de celui qui a été réellement dénombré (5.2 millions de ménages estimés contre 4.4 millions observés). Cette surestimation des ménages tient au fait que la formation des jeunes ménages durant la périodes 1977-1998 a été, comme on l'avait déjà noté, entravée par la crise de logements et le chômage.

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Figure 48: Comparaison entre le nombre de ménages observé et estimé 1998

0 100000 200000 300000 400000 500000 600000 700000 800000 900000 1000000

15-19 20-24 25-29 30-34 35-39 40-44 45-49 50-54 55 -59 60-64 65-69 70-74 75 et +

Groupes d'âges

Nombre denages

Observés Estimés

Source:Tableau A 38 en annexe.

3. Résultats des perspectives des ménages à l'horizon 2038

La projection du nombre des ménages a été obtenue en appliquant les taux observés en 1998 à la population projetée, par wilaya, selon les deux hypothèses extrêmes de fécondité (H1 et H2). Rappelons que la première de ces hypothèses suppose une baisse importante de l'indice synthétique de fécondité dès 2013. Dans la deuxième hypothèse nous avons supposé une stabilité de la fécondité durant toute la période de projection. Si ces hypothèses se vérifient, le nombre de ménages serait multiplié par 2.8 entre 1998 et 2038: il passerait ainsi de 4.4 millions à 13.3 millions.

La progression du nombre de ménages resterait soutenue encore pendant deux décennies avec un taux d’accroissement annuel moyen de 3.5%, soit 215 milles ménages par an entre 2003 et 2008. Ce rythme passe ensuite à 2.5% entre 2018 et 2033. Après cette date les ménages s’accroîtront à un rythme de 1.9% par an. Ce rythme soutenu s’explique bien évidemment par le fait que les générations qui deviendront chef de ménage durant les deux à trois prochaines décennies sont déjà nées.

A l'opposé des autres perspectives dérivées que nous avons présenté et que nous présenterons par la suite, à savoir les perspectives scolaires, alimentaires, l’effet d’une baisse substantielle de la fécondité ne montrera son impact sur la formation des ménages que dans un avenir très éloigné. A l'horizon 2033 la différence entre les deux hypothèses de fécondité sera insignifiante (Tableau 60)

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Tableau 60 : Evolution des ménages (1998-2038) selon les deux hypothèses de la projection de la population (H1 et H2).

Nombre de ménages

H1 Accroissement

annuel moyen

Taille moyenne

Nombre de

ménages H2 Accroissement annuel moyen

Taille

moyenne H2/H1

1998 4425.521 6.62 4425.521 7.72 1

2003 5248.75 164.65 6.02 5248.75 164.65 7.04 1

2008 6246.42 199.53 5.47 6246.42 199.53 5.93 1

2013 7445.28 239.77 4.96 7445.28 239.77 4.98 1

2018 8793.98 269.74 4.50 8793.98 269.74 4.55 1

2023 10140.50 269.30 4.14 10140.50 269.30 4.21 1

2028 11347.32 241.36 3.88 11347.32 241.36 3.99 1

2033 12386.26 207.79 3.71 12386.72 207.88 3.85 1.00004

2038 13331.16 188.98 3.58 13342.79 191.22 3.77 1.00087

Source : Tableau A 40 en annexe.

En ce qui concerne la taille moyenne des ménages, les deux scénarios conduisent à une légère différence en 2038 (3.58 contre 3.77, selon H1 et H2 respectivement). Cette baisse de la taille moyenne des ménages qui est amorcé dès 1987 est due en grande partie à la baisse de la fécondité.

L'un des traits majeurs de l’évolution des chefs de ménages est leur vieillissement. La figure 49 montre bien les changements attendus dans la répartition par groupes d'âges des chefs de ménages. Ainsi la part de ceux âgés de 65 ans et plus passera de 15 à 21 %. En chiffre absolu leur nombre devrait être multiplié 3.4. Ils passeront ainsi de 785000 à 2.7 millions de ménages.

Figure 49: Répartition par grands groupes d'âges des chefs de ménages (2003-2038)

0.00 2.00 4.00 6.00 8.00 10.00 12.00 14.00 16.00

15-19 20-24 25-29 30-34 35-39 40-44 45-49 50-54 55-59 60-64 65-69 70-74 75+

Groupe d'âges

Répartition %

2003 2038

Source: Tableau A 39 en annexe.

Le vieillissement des ménages découle de celui de la population.

Concernant la baisse attendue de la taille moyenne des ménages, il est certain qu’elle aura des répercussions économiques et sociologiques inévitables « L’influence de la taille de

(15)

la famille sur son comportement économique et, de façon plus générale sur les attitudes et les stratégies sociales de ses membres, … sont connu et largement sujettes à controverse. De nombreux points sont cependant bien établis à savoir :

i. Les conséquences financières pour le budget de l’état et de la sécurité social.

ii. Les conséquences économiques (modifications des propentions à consommer…)

Les conséquences sociologiques : (… position et stratégie des générations et des classes sociales dans le processus de reproduction.) » (Chesnais C., 1979, p. 6).

Figure 50: Taille moyenne des ménages en Algérie (1998-2038)

3.50 4.00 4.50 5.00 5.50 6.00 6.50 7.00

1998 2003 2008 2013 2018 2023 2028 2033 2038 Années

Taille moyenne des nages

H1 H2

Source: Tableau A 39 en annexe.

Le développement de ces points est très important dans l’élaboration d’une politique sociale qui ne manquerait pas de pertinence. Mais ce sujet déborde largement notre cadre d’analyse.

Il est évident que les évolutions présentées concernant les perspectives des ménages ne sont en réalité que des moyennes nationales. Les disparités sociologiques et démographiques qui caractérisent les différentes régions du pays conditionneront dans une large mesure le nombre, la structure et la taille des ménages.

Le facteur démographique à lui seul suffit pour donner des évolutions très différenciées hétérogène tant des rythmes d'évolution que des profils par âge (voir annexe III).

(16)

Figure 51: Taux d'accroissement annuel moyen (2003-2038) de l'évolution des ménages par wilayas.

0.00 0.01 0.02 0.03 0.04 0.05 0.06 0.07 0.08

Annaba Constantine Alger Oran Ain Temouchent Tlemcen guelma Sidi Bel Abbes Tizi Ouzou Béjaia El Taref Blida Souk Ahras Mascara Tipaza Oum El Bouaghi Skikda Saida Mostaganem Ensemble Naama Boumerdes Béchar Batna Tindouf Relizanr Bouira Tiaret khenchla Média Sétif Biskra Mila Ain Defla Tebessa Laghoit El bayadh Chlef Jijel Ghardaia Adrar Bordj Bou Tamenrasset Tissemsilt Illizi M'sila Ourgla Djelfa El oued

Wilayas

taux d'accroissement annuel moyen

Source: Tableau A 40 en annexe.

Il est évident que les rythmes d'évolution des ménages conditionneront la demande et les besoins en logement. Le défi sera exorbitant pour certaine wilayas, a cet égard l'exemple de Djelfa est édifiant car, outre le fait que les ménages de cette wilaya augmenteront à un rythme très rapide impliquant ainsi une demande importante en logement, cette wilaya vie déjà une crise de logement étouffante: le taux d'occupation par logement est évalué à 9 habitants par logement. Cette triste réalité est partagée par beaucoup d'autres wilayas mais à des degrés divers.

4. Le logement

Le logement constitue pour l’individu, la famille et la société un besoin essentiel au même titre que le besoin d’alimentation, d’éducation de santé ou de travail. Il constitue un indicateur précieux du niveau de développement, de la qualité de la vie et du bien être social.

De plus en plus d'études traitant de la question du logement foisonnent tant celle-ci constitue un défi majeur pour les pouvoirs publics et un besoin très mal satisfait pour une fraction importante de la population. La crise du logement, déjà problématique au début des années 1970, s’est considérablement aggravée. Les indicateurs les plus sommaires révèlent une situation très préoccupante en ce qui concerne le grand déséquilibre entre l’offre et la demande. Dans ce qui suit nous allons essayer de dresser un diagnostic de la crise de logement pour, ensuite, fonder quelques hypothèses sur la demande attendue tant pour

(17)

répondre aux besoins futurs en logements que pour soulager la pression, déjà étouffante sur les logements existants.

4.1. Situations passés et actuelle

Le patrimoine immobilier en Algérie est caractérisé par : i. Une pénurie aigue sur le plan quantitatif ;

ii. Un degré de confort et de salubrité médiocres au plan qualitatif.

Trois facteurs sont, à notre sens, à l'origine de cette situation :

1- Une poussée démographique importante produisant une part de plus en plus importante de jeunes et par conséquent un potentiel énorme de constitution de familles et/ou de ménages;

2- Un exode rural jamais égalé dans l’histoire récente de l’Algérie;

3- Enfin, un appareil de production incapable de répondre au déficit estimé à 1.2 millions de logements et au contingent annuel des 120.000 demandes (CENEAP, 1999, p.

27). Cet appareil s'est avéré aussi incapable, comme nous allons le voir, de permettre le renouvellement de la part importante du patrimoine immobilier qui dépasse largement la durée de vie normale d'une habitation. Pour caractériser le déclin des conditions d’habitat nous partirons de la situation du logement en 1966 où un parc de près de deux millions de logements pour une population de 12 millions d’habitants, comme situation de base satisfaisante.

"Au lendemain de l’indépendance « le départ massif des européens, libérant quelques 300.000 logements, à largement favorisé les conditions d’habitat de la population » (ONS, 1990, p. 5).

Depuis, la population algérienne s’est accrue de 12 à 17 millions dans la période séparant les deux premiers recensements puis à plus de 23 millions en 1987 pour atteindre 29.3 millions en 1998 et environ 32 aujourd'hui. Donc maintenir une situation où on comptait 168 logements pour 1.000 habitants (Tableau 61) aurait exigé que le parc de logements atteigne 2.8, 3.8 et 4.9 millions d’unités en 1977, 1987 et 1998 respectivement. Or qu’en fut- il réellement ?

L’exploitation des données relatives aux trois recensements qui ont succédé à celui de 1966 indiquent que, par rapport à cette date, la situation s’est dégradée dans les proportions suivantes: 22% en 1977, 27% en 1987 et 20% en 1998 (Tableau 61).

(18)

Tableau 61 : Déficit théorique de logement par rapport à la situation de 1966 et compte tenu de l’évolution de la population jusqu’à 1998 (en milliers).

1966 1977 1987 1998

Parc de logements occupé (1) 1982 2290 2990 4081

Population résidente 11826 16781 22820 29272

Nombre de logements pour 1000 H 168 136 131 139

Nombre de logements souhaités par rapport à la situation de 1966 (2)

/ 2800 3800 4900

Déficit (3)=2/1 / 22% 27% 20%

2 = 168 x effectif de la population de l’année considérée 3 = (2)*100/ (1)

Il ressort donc un énorme déficit systématique pour simplement maintenir la situation de l’habitat au niveau de ce qu’elle était, au seul plan quantitatif, en 1966, et sans tenir compte du nécessaire renouvellement d’une part importante de l’ensemble des logements déjà existants. Notons à ce sujet qu'en 1987 la moitié des logements occupés étaient construites avant 1962.

La situation de l’habitat exige non seulement de réduire le déficit énorme accumulé au cours du temps mais aussi d’éradiquer l'habitat précaire qui, malgré la baisse enregistrée depuis 1966, demeure toujours importante (Tableau 62).

En chiffres absolus ces logements qui ne présentent aucun cadre de vie digne sont passés de 204 mille unités en 1966 à 220 mille en 1998, soit une augmentation de 8%. Si l’on se réfère aux directives des politiques gouvernementales successives visant l’éradication totale de ce type de logement, on peut dire que le bilan est loin d'être satisfaisant.

Tableau 62 : Répartition du parc de logements selon le type de construction.

1966 1977 1987 1998

Nombre % Nombre % Nombre % Nombre %

Immeuble 154 7.8 190 8.3 417 13.9 685 16.78

Maison individuelle

1623 81.9 1887 82.4 1483 49 2255 55.26

Maison traditionnelle

1623 81.9 1887 82.4 874 29 811 19.87

Habitat précaire 204 10.3 213 9.3 192 6.4 237 5.81

Total 1982 100 2291 100 2999 100 4081 100

Source: Recensements de la population et de l'habitat

Il ressort des chiffres présentés au tableau 62 que le parc de logement s’est accru de 2.099 millions d’unités entre 1966 et 1998, soit une augmentation d'un peu plus de 100%. Si

(19)

l’on compare ce rythme avec celui de la population on comprend aisément pourquoi l’entassement au niveau des logements s'est considérablement développé (Figure 52). Le rythme d’accroissement du parc de logements est bien en deçà à celui de la population. Si par contre la croissance du nombre de ménages semble suivre celle des logements, elle le fait au détriment de sa taille qui n'a cesse de s'accroître.

Figure 52 : Evolution des ménages, des logements et de la population (1966=100)

100 125 150 175 200 225 250

1966 1977 1987 1998

Années

1966=100

Parc de logements Population totale Ménages

Cette crise a vraisemblablement freiné la tendance à la nucléarisation des ménages (ménage constitué d’une seule famille) engagée depuis les années 1970, obligeant deux ou plusieurs familles à cohabiter au sein d’un même ménage rendant ainsi l’entassement de plus en plus important au sein d’un même logement. Déjà en 1966 la part des logements occupés par des ménages de plus de sept personnes était de 38,2 %. En 1998, cette proportion atteint 50% soit prés de 2,2 millions de ménages. Si l'on pondère ce chiffre par la taille moyenne des ménages (6,95) le nombre d’algériens vivant dans un cadre d'habitat intolérable était de 15 millions.

Cette crise de logement a contribué largement à la baisse de la natalité de part l’effet qu'elle a du jouer dans le retard de l’âge au mariage obligeant ainsi les jeunes à rester plus longtemps au sein du foyer parental.

Les logements sont construits pour des ménages de taille réduite puisque l’essentiel du parc (70%) est constitué de logements de type 1 à 3 pièces. La taille des ménages (le nombre de personnes vivant dans un même logement) s’est élargie passant de 5,91 en 1966 à 6,65 en 1977 puis à 7,10 en 1987 et,enfin, à 6,95 en 1998.

(20)

Tableau 63: Répartition du parc de logements et des ménages qui les occupent selon la taille

Nombre de pièces par logement 1966 1977 1987 1998

1 à 3 86.9 83.0 71.1 67.7

4 à 5 11.0 14.0 20.9 23.4

6 et 7 2.1 3.0 7.9 8.9

TOTAL 100.0 100.0 100.0 100.0

Logements occupés par des ménages de :

1 à 6 61.8 49.2 43.4 50.96

7 à 10 29.9 35.4 37.9 40.49

11 personnes et plus 8.3 15.4 18.7 8.55

Total 100.0 100.0 100.0 100.0

Taille moyenne des ménages (1) 5.91 6.65 7.10 6.95

Taux d’aggravation de l’entassement par rapport à 1966 (2)

- 15.5% 20% 18%

(2)= Taille moyenne des ménages de l'année considérée/ 5.91 Source : (O.N.S 1991, p. 23)

Pour 1998 (CENEAP 1999, p. 29)

En considérant la situation de 1966, c'est à dire une moyenne de 5.91 personnes par logement, on peut calculer un taux d’aggravation de l’entassement au sein d’un même logement par rapport à 1966. Celui ci est passé à 12.5% en 1977 à 20% en 1987 et enfin à 18% en 1998. Ce taux révèle, une fois encore, une détérioration de la situation de l’habitat entre 1966 et 1998.

Cette détérioration devient encore plus perceptible si l'on considère la densité des logements (le nombre de logement pour 100 habitants). L'évolution de cet indicateur dans le temps (Tableau 64) rend compte de la précarité de la situation puisque on passe d’une situation où l’on avait 168 logements pour 1000 habitants en 1966 à 131 logements en 1987 et, enfin, à 139 logements en 1998. Ces chiffres tiennent même compte des habitats précaires.

4.1.1 Le rapport ménages/ logements

La détérioration des conditions d’habitat en Algérie peut aussi être appréciée par référence à un autre indicateur qui est le nombre de ménages pour mille logements disponibles.

(21)

L’analyse de cet indicateur dans le temps doit se référe à la situation de base de 1966 où on note une taille moyenne des ménages de 5,91 (Tableau 64).

Tableau 64 : Nombre de ménage pour 1000 logements disponibles

1966 1977 1987 1998 Nombre de ménages pour 1000 logements (1) 335 344 422 587

// (2) 335 387 505 690

(1): le rapport réel du nombre de logement sur la taille moyenne des ménages (2): le rapport standardisé = le nombre de logements d'une année considérée/ taille moyenne des ménages de 1966

En se référent à la première ligne du tableau 64, on observe que pour 1000 logements disponibles il y a eu 9 ménages supplémentaires entre 1966 et 1977, 78 entre 1977 et 1987 et 169 entre 1987 et 1998. La deuxième ligne représente le nombre de ménages pour 1000 logements si la taille du ménage était restée identique à celle de 1966.

La pression paraît encore plus accentuée selon ces chiffres car il y aurait eu : 52 ménages supplémentaires entre 1966 et 1977 ; 170 entre 1977 et 1987 et 335 entre 1987 et 1998.

Une autre approche qui met en valeur l’ampleur de la crise de l’habitat en Algérie, consiste à comparer le nombre de logements construits au cours d’une période donnée et le nombre de mariages enregistrés durant la même période. La comparaison entre le nombre de logements livrés et le nombre de mariages enregistrés rend, une fois encore, compte de la perte de vitesse de l'offre de logements par rapport à la demande. Le déficit est énorme: 69 % entre 1966 et 1977, 46 % entre 1977 et 1987 et 40 % entre 1987 et 1998.

Tableau 65: Evolution du nombre de mariages enregistrés à l'état civil et des nouvelles constructions entre 1966 et 1998

1966-1977 1977-1987 1987-1998 Nombre de mariages 1.000.000 1.291.000 1.803.000 Nombre de nouvelles constructions 308.000 700.000 1.091.000

Déficit

%

692.000 591.000 712.000

69% 46% 40%

Source : Annuaires statistiques de l’Algérie de 1966 à 2000 4.1.2 Le taux d’occupation par logement (TOL)

Cet indice qui établit le rapport entre la population totale et le parc de logements est passé de 6.1 en 1966 à 7.4 en 1977 puis à 7.7 en 1987 et enfin à 7.17 en 1998. Il montre lui

(22)

aussi une occupation de plus en plus intensive. Très simple à calculer cet indice ne rend cependant pas compte des disparités, parfois énormes, pouvant exister entre les différents types de logements. Il ne rend compte ni de la structure des ménages, ni encore moins, des caractéristiques des logements à savoir le degré de confort, la superficie et le nombre de pièces.

Les données des recensements, qui servent de base dans ce type d'analyse, permettent de classer les logements occupés en deux catégories: ceux relevant de la construction ordinaire et présentant des conditions minimales de confort et ceux appelés, pudiquement, constructions particulières ou précaires. Le taux d’occupation par logement révèle une situation bien plus grave si on ne considère que les logements dits ordinaires (Tableau 66). Il ressort ainsi qu’en retranchant les logements dénués de tout confort, la pression apparaît encore bien plus importante.

Tableau 66 : Taux d’occupation par logements (TOL)

TOL 1966 1977 1987 1998

Tous les logements 6.1 7.4 7.7 7.17

Sauf précaires 6.75 8.15 8.20 7.58

Source : (Recensements générale de la population et de l'habitat)

Or il y a tout lieu de croire que le nombre d'habitats précaires peut être vu à la hausse compte tenu du fait qu'une part importante des logements occupés par les ménages est classée sous la rubrique « non déclaré ». Une partie de ces logements, qui ne sont d'ailleurs pas classés dans la rubrique « autres habitat ordinaire », peut très bien être en réalité constituée de logements précaires. Leur nombre passe de 214 mille en 1977 à 1774 en 1987 et à 1370 en 1998 soit, respectivement, 9%, 5% et 3.4% de l’ensemble du parc de logement. Cette remarque semble se confirmer selon les chiffres du tableau 67 si on considère que le minimum de confort pour un logement serait que les commodités de base soient disponibles.

Nous avons retenu trois critères qui nous semblent être essentiels pour juger de la qualité de l’habitat à savoir :

i. l’alimentation en eau potable ;

ii. le rattachement à un réseau électrique ou un groupe électrogène;

iii. l’évacuation des eaux usées.

Le tableau 67 présente la part des logements recensés en 1998 et n’ayant pas ces trois commodités.

(23)

Tableau 67 : Nombre de logements ne disposant pas des commodités de bases (1998)

Commodités

AEP/ Réseau + puits Déchets : égout ou fausses

Réseau électrique ou groupe électrique

Nombre % Nombre % Nombre %

600 15% 483 12% 617 15%

Source : (ONS, 1999, p. 162, 166, 171).

4.1.3 Vieillissement du parc immobilier

Prendre en compte le vieillissement des logements comme critère d’appréciation pour juger de la qualité du parc immobilier n’est pas chose évidente car d’autres facteurs peuvent conduire à des conclusions biaisées. Les spécialistes en la matière (Hamidou R., 1989) donnent généralement une moyenne de 50 ans de vie pour un logement. Mais bon nombre d’immeubles très anciens et bien conservés ont un niveau de confort bien plus supérieur que des habitations plus récentes.

En 1987, près de la moitié des logements (48.9%) dataient d’avant 1962 (Tableau 68).

Depuis 1987 le parc de logements a été rénové à concurrence de 27%. Mais la part de ceux achevés avant 1962, c’est à dire ayant une vie moyenne de presque 50 ans demeure importante: 21.9% soit 89352 logements.

Tableau 68 : Date d’achèvement des logements recensés en 1987 et 1998.

Recensement Avant 1962

1963- 66

1967- 69

1970- 73

1974- 77

1978- 79

1980- 84

1985- 87

1988- 98 *

1987 48.9 4 2.9 5.7 8.9 4.7 17.2 7.7

1998 21.9 4 2.9 5.7 8.9 4.7 17.2 7.7 27

Source : Pour 1987 :(ONS 1991 p. 8)

* calculé à partir des logements livrés durant la période.

4.1.4. Le taux d'occupation par pièce

L’analyse faite sur la base du taux d'occupation par logement ne suffit certainement pas pour rendre compte de la situation qui prévaut dans le secteur de l’habitat. Les développements concernant le TOL ou le TOL corrigé ne peuvent revêtir une certaine base d'appréciation que si la taille du ménage correspond plus ou moins à la taille du logement. Il est évident qu’un TOL de 8 ou même 10 personnes par logement peut correspondre une situation bien plus acceptable qu’un TOL de 4 ou 5 personnes par logement pour la simple raison qu’il se pourrait que ce dernier TOL concerne des logements qui comportent moins de pièces. D’où la nécessité d’affiner encore plus l’analyse en cherchant des indicateurs susceptibles de fournir davantage de renseignements sur la qualité d’un logement, nous

(24)

calculerons donc non pas le TOL mais le taux d’occupation par pièce (TOP) qui est également un indicateur qui rend compte de la densité d'occupation du logement.

Le tableau 69 présente quelques normes établies par les Nations Unies en ce qui concerne l’occupation des pièces. Au lendemain de l’indépendance, et jusqu’en 1966, alors que le TOL était de moins de 6 personnes le TOP était de l’ordre de 2 personnes. Depuis lors, avec le retard accusé par la construction des logements par rapport à la croissance démographique, le TOP a dépassé les 2.5 habitants par pièce, situation jugée par les spécialistes en la matière de densité critique.

Tableau 69 : Les normes d’occupation des pièces.

Nombre de pièces 1 2 à 3 4 à 5 6 et plus

Maximum d’habitants 3 6 10 19

Source: (ONS 1991, p. 23)

Tableau 70 : Evolution du TOP en Algérie (1966-1998)

1966 1977 1987 1998

TOP 2.01 2.60 2.65 2.53

Source : (ONS 1991, p. 22).

Sur la base de normes établies par les Nations Unies (ONS, 1991, p. 22) nous pouvons déterminer différents degrés de densité d'occupation des pièces. Nous ne pouvons malheureusement traiter de la situation de 1998 au regard de ces normes par manque de données détaillées. La répartition des logements en 1987 selon le nombre de pièces et le nombre d’habitants qui les occupent effectivement est présentée au Tableau 71.

Tableau 71: Répartition de la population et des logements selon les normes internationales d’occupation des pièces

Normes internationales Situation en Algérie en 1987 En moyenne

dans une pièce

Situation Répartition (%) des logements

Nombres de personnes par logement

De 0.1 à 0.7 Sous peuplement 4.1 1.1

De 0.8 à 1.1 Peuplement normal 7.6 3.5

De 1.2 à 2.0 Surpeuplement acceptable 26.1 21.1

De 2.1 à 3.3 Surpeuplement critique 26.7 32.1

De 3.4 et plus Surpeuplement intolérable 35.5 42.1

100 100

Source: (ONS, 1991, p. 21)

(25)

La situation de la plupart des logements est donc assez grave puisque 60% de ceux-ci connaissent un surpeuplement critique ou intolérable, 30% ont un surpeuplement acceptable et, seulement 10%, sont sous-peuplés ou peuplés normalement. S’agissant de la population, on relève que 74.2% vit dans des conditions de surpeuplement critique ou intolérable soit près de 17 millions d’algériens. Le recensement de 1987 a relevé en outre que près de « 2.6 millions d’algériens vivent dans une pièce avec 2 personnes et plus, dont 600.000 vivant chacune d’elle dans une pièce avec 9 personnes et plus » (ONS, 1991, p. 23).

La situation présentée au tableau 71 n’a, hélas, pas évolué vers une situation plus acceptable. Au contraire il y'a tout lieu de penser que depuis 1987, les conditions d’habitats se sont détériorées davantage car, si on se réfère aux données du tableau 66, la répartition des logements par nombre de pièce est restée quasi-stable entre 1987 et 1998. Par ailleurs tous les autres indicateurs, à savoir la taille moyenne des ménages, les taux d’occupations par logement ou par pièces n’ont pas connu de changements positifs. Par contre la population, elle, a considérablement augmenté.

5. Evaluation des besoins de logements

Tout modèle de projection des besoins de logements doit prendre en compte les trois facteurs :

i. l’accroissement de la population (besoins démographiques);

ii. le surpeuplement des logements (besoins de la résorption du déficit);

iii. le remplacement des logements vétustes ou précaires (besoins de renouvellement).

Les projections que nous mènerons comporteront deux éléments :

1) Les besoins de remplacement dus à la nécessité de démolition de l’habitat précaire et le renouvellement de l’habitat impropre à l’habitation ;

2) Les besoins dus à la formation de nouveaux ménages.

Il faut savoir au départ qu'il existe des différences fort importantes entre les différentes wilayas concernant l'offre et la demande en logement. La figure 53 montre bien cela.

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