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22 juin 2016
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Pour sa part, Christophe Dagot (UMR Inserm 1092, Université de Limoges) s’in
téresse à l’évaluation d’activités anthropi
ques sur la dissémination de l’antibiorésis
tance dans l’environnement. Soit à l’appa
rition croissante de bactéries résistantes et multirésistantes du fait d’une utilisation massive et répétée de ces molécules.
C’est dire la somme des difficultés mé
thodologiques à surmonter pour arriver à une analyse systémique de cette problé
matique. La lutte contre l’antibiorésistan ce réclame un décloisonnement et l’union de différentes spécialités et acteurs : médica
les, hospitalières, environnementales, bio
logie moléculaire et bioinformatique, spé
cialistes du risque, mais aussi sociologues, parties prenantes, décideurs.
De nouveaux outils sont ici développés,
issus des avancées et des baisses des coûts en biologie moléculaire permettant une exploitation (très) fine des bactéries, des gènes, de leur expression, de leur trans
fert. Le modèle « intégrons » fait partie de ces nouveaux outils. Il présente l’avantage d’être, dans une première analyse, une sorte d’indicateur de résistance et de tracer de manière quantitative une dissémination glo
bale de résistance dans les tissus urbains et les matrices environnementales.
Ainsi, le suivi des intégrons de résistance de classes 1, 2 et 3 (IMR) a pu être mené sur le site Pilote de Bellecombe (SIPIBEL), sur différents établissements de soins à l’échel le européenne, sur des technologies de trai
tement avancé, sur le milieu naturel, dans des sols. Les résultats obtenus montrent une concentration élevée et la diversité
des microorganismes dans des échantil
lons des effluents hospitaliers, avec une prévalence élevée d’IMR et une omnipré
sence de ces éléments avec une préva
lence élevée dans les eaux usées. Connaître et, si possible, maîtriser les mécanismes de résistance imposent notamment, pour ce chercheur, une standardisation des mé
thodes d’évaluation, la compréhension des mécanismes d’expression et de transmis
sion des gènes dans les systèmes anthropi
sés et l’exploitation des résultats à des fins d’évaluation des risques.
(A suivre)
menaces et gratitudes
Un nouveau patient est arrivé dans le service de psychiatrie. Nous commençons l’entretien d’entrée : – Je me présente : Coralie Wenger- Bonny, je serai votre médecin référent durant votre hospitalisa- tion. Par la suite, il se peut, en raison des problèmes de place dans l’hôpital, que vous soyez transféré dans une autre unité et que vous changiez de médecin référent. Dans ce cas, je trans- mettrai au nouveau médecin tout le travail qui aura été fait.
En effet, trois jours plus tard, je dois annoncer au patient qu’il est transféré dans une autre unité.
Une semaine après, au milieu de ma nuit de garde, le bip « agression » retentit ! Oh quel sursaut. Je bondis de mon lit de garde et me dirige vers l’endroit indiqué, avec quel ques appréhensions en tête.
J’arrive dans l’unité en même temps que le Sécuritas. Je lui adresse un regard reconnaissant. Les soignants arrivent un à un en renfort suite à l’appel. On nous explique la situa- tion : un patient a crié et menacé de frapper toutes les personnes qui l’approchent. Il s’est actuelle- ment enfermé dans sa chambre.
Nous décidons ensemble, et après discussion avec le médecin-chef de piquet, des possibilités d’appro ches, avec alternatives selon la réaction du patient. Le Sécuritas ouvre la porte de sa chambre. Le patient est debout proche de l’entrée et ne lève pas le regard vers nous. Il est très tendu, transpirant et tremble de tout son corps. Il est en train de déchirer les draps de son lit de toutes ses forces. Soudain, il lève la tête et me voit, s’arrête net et me dit :
– « Machine Wenger-Truc », vous m’avez abandonné dans cette nouvelle unité, je vous déteste ! Je lui explique que je peux com- prendre son mécontentement et son désarroi. J’ajoute qu’actuelle- ment, nous voyons qu’il est mal et que nous sommes trop inquiets pour sa sécurité ainsi que la nôtre.
Ainsi, nous lui demandons de prendre un traitement par la bouche en lui expliquant que s’il refuse, nous serons forcés de faire une injection.
Le patient renchérit, en criant avec un regard noir et un visage rouge écarlate :
– Si je vous revois un jour, « Ma- chine Wenger-Truc », je vous tue.
Je vous le promets, je vous tue ! Il tente de m’approcher avec le poing en avant. La situation à ce moment-là étant difficile à gérer, et comme décidé quelques minutes plus tôt, nous demandons au patient de nous suivre pour une mise en chambre de soins intensifs au vu du risque hétéro-agressif. Le patient accepte de suivre le Sécu- ritas mais me lance des regards sombres sur le trajet qui mène à cette chambre. Finalement, il accepte son traitement, parvient à se calmer et à s’endormir pour la suite de la nuit.
Deux semaines plus tard, j’avance dans le couloir de l’hôpital et aper- çois le patient au loin, marchant dans ma direction. Je freine, j’appréhende ; toutes ses menaces…
De quoi se souvient-il lors de cette nuit agitée ?
Il s’arrête, me dévisage et finale- ment me dit : « Bonjour Doctoresse Wenger-Bonny ! », avec un sourire sincère et dans le plus grand res- pect. Il poursuit son chemin sans me laisser le temps de répondre.
Je souris intérieurement. Cette politesse respectueuse résonne pour moi comme une demande de pardon ; comme pour gommer ce qu’il aurait pu dire dans un moment incontrôlé. Je suis soulagée de sa- voir qu’il a pu sortir de la cham bre de soins et qu’il semble aller mieux.
Sans oublier la violence lors de cette nuit de garde, je poursuis ma jour- née le cœur plus léger. Pourquoi me sens-je apaisée ? Est-ce que cette retrouvaille plus calme répond à une attente ? Pourquoi ai-je l’impres- sion que ce bonjour m’apporte une gratitude ? En continuant de marcher dans les couloirs, je me dis que, suite à cette expérience difficile, j’ai vraisemblablement eu besoin de voir les choses ainsi pour continuer…
Cela me fait songer à ce que l’on m’a dit de Bion qui pensait que le thérapeute devrait savoir être sans mémoire, ni désir lorsqu’il est face à son patient.1 carte blanche
Dr Coralie Wenger
Bonny
Chemin de Pierrefleur 54 1004 Lausanne coralie.wenger@gmail.com
1 bion WR. l’attention et l’interpréta- tion. paris : payot, 1970.
D.R.
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