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L'enseignement secondaire au risque des enquêtes Pisa Suisse. Parcours scolaires, performances et orientation à Genève

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Academic year: 2022

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L'enseignement secondaire au risque des enquêtes Pisa Suisse.

Parcours scolaires, performances et orientation à Genève

FELOUZIS, Georges, CHARMILLOT, Samuel, FOUQUET-CHAUPRADE, Barbara & Service de la recherche en éducation

Abstract

Que nous apprennent les enquêtes Pisa sur l'éducation en Suisse et à Genève ? Pour répondre à cette question, l'équipe du Groupe Genevois d'Analyse des Politiques Éducatives (GGAPE) a entrepris une analyse des enquêtes Pisa Suisse 2003 et 2006 dans la perspective de comparer les performances des élèves dans les cantons et rendre compte de la place de Genève dans cette comparaison. L'analyse apporte des éléments nouveaux sur l'efficacité et l'équité des systèmes éducatifs cantonaux, et permet de montrer les effets des filières dans le cycle d'orientation, au plan de l'efficacité et de l'équité : plus les filières sont polarisées au plan social comme académique, plus les inégalités sociales d'enseignement sont fortes dans les cantons. Une analyse plus précise des performances des élèves à Genève est ensuite proposée. Le parcours des élèves qui ont passé Pisa en 2003 et en 2006 à Genève a été reconstitué de la fin de l'école primaire jusqu'à leur sortie de l'enseignement secondaire. La comparaison entre les élèves scolarisés dans le système sans filière et ceux du système [...]

FELOUZIS, Georges, CHARMILLOT, Samuel, FOUQUET-CHAUPRADE, Barbara & Service de la recherche en éducation. L'enseignement secondaire au risque des enquêtes Pisa Suisse. Parcours scolaires, performances et orientation à Genève. Genève : Service de la recherche en éducation, 2010, 186 p.

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:17425

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Remerciements

Ce rapport a reçu le soutien du SRED au plan financier et au plan de la mise à disposition des données. Nous tenons à remercier Madame Karine Müller, Directrice du SRED et Monsieur Dominique Gros, Directeur adjoint, pour l’intérêt qu’ils ont témoigné à cette recherche et pour l’aide qu’ils nous ont apportée. Nous remercions aussi vivement Monsieur Christian Nidegger qui nous a fourni les données anonymées de la BDS et nous a accompagné dans le décryptage des variables et de leur mode de construction.

Les enquêtes Pisa Suisse 2003 et 2006 nous ont été fournies par l’Office Fédéral de la Statistique. Nous remercions Madame Huguette Mc Cluskey, Directrice nationale du programme PISA 2000-2003-2006 pour sa disponibilité.

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SOMMAIRE

Remerciements ... 3

SOMMAIRE ... 5

INTRODUCTION ... 7

CHAPITRE 1 : Genève dans l’espace académique suisse. Une analyse comparative ... 17

CHAPITRE 2 : Parcours scolaires et performances à Genève ... 65

CHAPITRE 3: Les orientations après la 9ème. Poids des compétences et effets de filières . 94 CHAPITRE 4 : Des orientations scolaires aux inégalités sociales à l’école ... 128

Conclusion générale : Politiques éducatives et inégalités scolaires ... 156

BIBLIOGRAPHIE ... 162

TABLE DES MATIERES ... 168

TABLE DES TABLEAUX ET DES GRAPHIQUES ... 170

ANNEXES ... 176

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INTRODUCTION

objectif de ce rapport est de penser les politiques éducatives à Genève en raisonnant sur leurs résultats, c’est-à-dire sur ce qu’elles produisent en termes de compétences et d’inégalités. La simplicité apparente de cet objectif ne doit pas nous tromper : la tâche n’est pas simple et il a fallu opérer un certain nombre de choix pour circonscrire notre objet de façon à définir de manière opératoire ce que nous entendions par « politiques éducatives » ou encore par « compétences » et « inégalités ».

En d’autres mots, nous ne proposons nullement ici un panorama complet de ce que produit l’éducation à Genève, tant la tâche est vaste et relève plus d’une observation régulière sur le long terme des conséquences de l’éducation, comme le fait le SRED depuis de longues années, que d’un rapport de recherche dont la vocation est davantage de cibler un objet restreint.

Disons d’abord que ce rapport est le fruit d’une collaboration entre le Service de la Recherche en Éducation (SRED), et la Section des sciences de l’éducation de l’université de Genève (FPSE). Notre équipe, le Groupe Genevois d’Analyse des Politiques Éducatives1 (GGAPE) se consacre à l’étude des politiques éducatives du point de vue de leurs conséquences. Nous centrons nos réflexions sur les questions suivantes : quel système éducatif produit quel niveau de compétence? Comment les politiques éducatives sont-elles conçues, à partir de quels référentiels ? Comment sont-elles mises en œuvre et dans quel contexte ? Ce rapport ne traite pas de toutes ces questions, mais seulement de la première : quel système éducatif prévaut à Genève ? Que produit-il en termes de parcours scolaires, de compétences et de capital humain ? Quelle est l’ampleur des inégalités scolaires que l’on observe et comment peut-on les expliquer ? On voit que les politiques éducatives sont étudiées « en aval » (c’est-à-dire par ce qu’elles produisent) et non « en amont ». Il n’est pas question ici de raisonner sur la conception et la mise en œuvre de ces politiques en étudiant le fonctionnement du Département de l’Instruction Publique (DIP), ses différents services et les principaux acteurs de la politique scolaire. Cette approche sera pour l’instant laissée de côté, non pas par manque de pertinence ou d’intérêt, mais simplement parce qu’il faut bien commencer par quelque chose et qu’il nous a semblé pertinent de produire dans un premier

1http://www.unige.ch/fapse/ggape/index.html

L’

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temps une analyse des données existantes de façon à être complémentaire avec les résultats régulièrement proposés par le SRED ainsi que par les enquêtes Pisa successives.

Traiter de la question des compétences et des inégalités dans le système éducatif genevois nécessite à la fois une approche longitudinale et comparative. Dans l’idéal, une comparaison de panels d’élèves dans plusieurs cantons suisses permettrait de décrire de façon fine et de comprendre la formation des compétences et des inégalités dans des systèmes éducatifs différenciés. Cela permettrait ainsi de situer Genève par rapport à ses voisins. Mais en termes de disponibilité des données, cette approche n’est pas à l’ordre du jour, même si la réforme HarmoS comprend un volet « monitorage » qui pourrait inclure un tel dispositif d’observation. Pour l’instant, et compte tenu des données disponibles, nous avons procédé en utilisant plusieurs bases de données. D’abord, celle des élèves inscrits chaque année dans l’enseignement secondaire genevois. Cette première base de données nous a permis de reconstruire les parcours de formation des élèves dans les différentes filières du secondaire 1. Ensuite, les bases de données Pisa Suisse qui ont l’avantage de proposer un échantillonnage d’élèves de 9ème dans 12 cantons en 2003. L’originalité de notre approche a consisté à relier ces deux bases de données, et ainsi à retracer le parcours de plus de 1600 élèves qui ont passé les tests Pisa en 2003 et autant en 2006 à Genève. Nous disposons donc de leur parcours dans le système éducatif genevois, de leur niveau de compétence en mathématiques, lecture et sciences lorsqu’ils étaient en classe de 9ème, et de leur parcours ultérieur après leur orientation en fin de 9ème. Nous pouvons donc répondre à au moins trois questions : quels parcours produisent quelles compétences ? Quelles compétences produisent quelles orientations ? Observe-t-on des évolutions entre 2003 et 2006 ? À ces trois questions spécifiques de notre enquête, nous pouvons en ajouter une quatrième : quelle est la place de Genève dans l’espace académique suisse et comment expliquer les scores relativement faibles des élèves genevois par rapport aux autres cantons dans les enquêtes Pisa ?

1. Trois questions sur le système éducatif genevois

Ces questions ont fait l’objet d’une analyse quantitative qui a consisté à rassembler des données au départ hétérogènes, c’est-à-dire construites dans des perspectives très différentes. La base de données élèves est constituée par un ensemble de renseignements administratifs dont l’un des buts est de produire de la statistique publique en éducation. Il faut à la fois décrire l’état des effectifs et leurs caractéristiques à un moment donné, mais aussi prévoir, d’une année sur l’autre, les effectifs dans chaque filière et chaque

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établissement de façon à organiser l’enseignement rationnellement. Pour les données Pisa, le but est tout autre puisqu’il s’agit de produire de la connaissance sur les compétences des élèves dans divers domaines (mathématiques, lecture, culture scientifique) dans une perspective comparative entre pays et en l’occurrence ici, entre cantons suisses2. La mise en relation de ces deux bases de données permet d’enrichir de façon significative les résultats des enquêtes Pisa. Ceux-ci sont en effet toujours « transversaux», au sens où l’on connaît les caractéristiques et les scores aux tests des élèves au moment de l’enquête, sans toutefois avoir d’éléments tangibles sur leur parcours de formation, les écoles successivement fréquentées ou encore leur destin scolaire après l’enquête. La présente recherche permet donc, dans une large mesure, d’enrichir les résultats Pisa d’une dimension longitudinale dans le contexte spécifique du Canton de Genève.

D’où les trois questions qui ont servi de point de départ à notre analyse :

Question 1. Quels parcours scolaires produisent quelles performances aux tests Pisa ? Cette première question a pour ambition d’expliquer les modalités de production du

« capital humain » à partir des parcours scolaires. Nous entendons par « parcours scolaires » à la fois le curriculum formel de la fin du primaire jusqu’en 9ème, mais aussi les dimensions plus « cachées » de ces curricula constituées par la nature des écoles fréquentées, leur degré de ségrégation sociale et ethnique, leur statut public ou privé, etc. Il aurait été pertinent d’inclure dans l’analyse les résultats des élèves aux épreuves cantonales passées en fin de 6ème, qui aurait permis une mise en perspective longitudinale des tests Pisa passés trois ou quatre ans après par les élèves mais cela n’a pas été possible pour des raisons adminsitratives. Notre perspective ici sera celle des théories du School mix (Thrupp, 1995 ) dont on mesurera les capacités explicatives sur les données genevoises incluant les caractéristiques individuelles des élèves, leur note aux épreuves cantonales de 6ème, la nature et les caractéristiques de leurs établissements successifs, etc.

Question 2. Quelle performance produit quelle orientation en fin de 9ème ? La question n’est plus ici d’expliquer les performances par les parcours, mais à l’inverse d’expliquer les parcours par les performances, sur le modèle de l’enquête TREE qui traite du passage à l’emploi (Meyer, 2005). Comment ont « cheminé » les élèves qui ont répondu aux tests Pisa dans le secondaire 2 ? Après la 9ème, les élèves ont plusieurs choix d’orientation en fonction

2 Rappelons que la Suisse produit, outre sa participation à l’enquête Pisa internationale, un « sur- échantillon » qui permet de comparer les cantons entre eux sur la base d’élèves scolarisés en 9ème au moment de l’enquête. Pour l’enquête Pisa internationale, l’échantillon est constitué d’élèves de 15 ans, quel que soit leur degré de scolarisation.

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de leur niveau de regroupement (A ou B) et de leur note (une moyenne générale inférieure à 4,5 limite fortement les choix). Notre hypothèse est que les orientations en fin de 9ème dépendent certes du niveau académique des élèves, mais aussi d’autres facteurs tels que les vœux, les caractéristiques personnelles, le contexte scolaire dans lequel ils évoluent (établissement, classe). Le fonctionnement de l’orientation est déterminant pour comprendre les parcours et l’on sait, depuis les travaux de Christopher Jencks (1979) ou de Marie Duru- Bellat et Alain Mingat (1996), que les seules qualités académiques des élèves ne suffisent pas à en rendre compte. Les « effets de système » ne sont pas à négliger, ainsi que les effets d’établissements.

Question 3. Quelle évolution observe-t-on entre 2003 et 2006 ? Les deux premières questions ont été mises en œuvre en mobilisant les enquêtes Pisa 2003 et 2006, ainsi que les données du SRED correspondantes, dans la perspective de mesurer les évolutions du système éducatif genevois quant à son niveau d’efficacité et d’équité. Disons d’emblée que cette comparaison ne considère pas un nombre d’années suffisant pour que l’on puisse observer une évolution significative. Les processus scolaires relèvent de tendances lourdes qui n’évoluent que lentement, sauf dans le cas où des réformes viennent chambouler de façon nette les équilibres existants. Il serait préférable d’envisager une comparaison à plus long terme, à l’aide de Pisa 2012 par exemple lorsque la prochaine réforme de l’enseignement public genevois aura été mis en place.

SCHEMA 1 : Le plan a priori de la recherche

PHASE 1 :

Quels parcours produisent quelles performances

?

PHASE 2 :

Quelle performance produit quelle orientation ?

PHASE 3 :

Quelles évolutions entre 2003 et 2006 ? 6ème

7 7ème

8

8ème 9ème

Post obligatoire

Épreuves cantonales

=> => => Pisa

2003 / 2006

Maturité gymnasiale ou Maturité technique

ou Diplôme EDD

ou Maturité professionnelle Etc.

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Comme dans toute recherche de terrain, certaines données se sont avérées indisponibles pour l’enquête. C’est le cas des résultats des épreuves cantonales passées par les élèves en fin de 6ème primaire. Par ailleurs, comme nous le notions plus haut, la comparaison entre 2003 et 2006 s’est avérée peu instructive car le temps entre ces deux observations n’est pas suffisant pour que l’on puisse observer une quelconque évolution majeure. La comparaison entre les deux cohortes ne fera donc pas l’objet d’un chapitre à part entière. Elle sera traitée au fil du texte lorsque des éléments pertinents apparaîtront. En revanche, il nous est vite apparu que l’on ne pouvait raisonner sur le seul cas genevois en ne mettant pas à profit les apports des enquêtes Pisa pour comparer la situation de chaque canton. C’est ainsi que nous avons porté nos investigations sur la situation scolaire de Genève par rapport aux autres cantons suisses, au plan des compétences acquises comme des différents principes d’inégalité qui régissent l’accès aux savoirs scolaires : le milieu socioéconomique d’origine, le genre, la migration, l’âge et bien entendu la filière de scolarisation.

2. L’éducation secondaire à Genève : qu’en savons-nous ?

Que peut-on dire, en première approximation, de l’éducation à Genève ? D’abord, qu’elle présente des caractéristiques paradoxales. Le taux de maturité gymnasiale y est plus élevé qu’ailleurs en Suisse (OFS-CDIP, 2005), alors que les performances des élèves genevois sont bien en-deçà de la moyenne fédérale, si l’on se fie aux enquêtes Pisa. Pour ne prendre qu’un exemple, les scores des élèves de 9ème en mathématiques aux épreuves 2003 sont de 508 à Genève contre 537 en moyenne en Suisse (OFS-CDIP, 2005). Parmi l’ensemble des cantons de l’enquête, Genève a le score le plus faible avec le Tessin.

Fribourg est à 553, Saint-Gall à 551, le Jura à 540, Zurich à 536 et le Tessin à 510. De façon générale, les cantons alémaniques ont des résultats moyens plus élevés (542) que les cantons Romans (528) ou Italiens (511). Ajoutons que la comparaison des taux d’accès à la maturité gymnasiale en fonction des cantons place Genève au plus haut (30 %) alors que les autres cantons, sauf le Tessin, ne dépassent pas les 25% (CSRE, 2006).

Comment expliquer cette situation ? Dans la littérature consacrée à ces questions, plusieurs hypothèses ont été évoquées, mais aucune n’est véritablement parvenue à rendre compte de tels écarts entre cantons et a fortiori de la situation très particulière de Genève.

La nature du système genevois est un premier facteur. Celui-ci est dit « mixte » au sens où, pour des raisons historiques notamment étudiées par Bain et al (2003), trois établissements sont des collèges à niveau et option (Bois-Caran, Budé et Coudriers) et proposent donc des

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classes hétérogènes (« H »). Les autres collèges, au nombre de 15, regroupent les élèves de façon différenciées en fonction des exigences « A », « B » et « C » en 7ème et seulement en « A » et « B » ensuite à partir de la 8ème (Cap c’o, 2003). Ce découpage se complexifie encore en 9ème avec une filière à exigences élevées (« A ») et des filières « B » différenciées en fonction du niveau des élèves en mathématiques et en allemand. Les schémas 2 et 3 donnent une illustration graphique à cette organisation. La question est alors de savoir dans quelle mesure cette organisation peut être à la base des scores plutôt faibles des élèves genevois. La comparaison proposée par Jean-Philippe Antonietti et Ninon Guignard (OFS- CDIP, 2005) entre les différents systèmes cantonaux conclut qu’aucune relation n’apparaît entre la nature des systèmes éducatifs et les performances des élèves de 9ème aux tests Pisa. « À ce niveau d’agrégation, il paraît impossible d’attribuer les différences de performances observées au choix d’un système de formation » (p 22). De même la question du temps d’apprentissage consacré à l’enseignement des mathématiques est évoquée comme un facteur explicatif potentiel des différences de performances. Pourtant, si cette relation se vérifie globalement pour les cantons suisses, « deux cantons rompent ce schéma général. Ce sont les cantons du Tessin et de Genève. Étant donné le nombre d’heures enseignées dans ces cantons, leurs performances auraient dû être meilleures » (p 23).

SCHEMA 2 : Les filières en 7ème et 8ème à Genève

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SCHEMA 3 : Les filières en 8ème et 9ème à Genève

La faiblesse des scores des élèves genevois pourrait aussi être imputée à la nature du public scolaire du canton, dont on sait qu’il est composé d’une forte proportion de migrants dont les difficultés scolaires sont potentiellement liées à leur parcours migratoire en lui-même ou à une maîtrise imparfaite de la langue d’enseignement, en l’occurrence le français. Même si la dimension migratoire n’explique pas l’ensemble des différences cantonales aux tests Pisa, elle rend compte d’une part non négligeable. Cela montre qu’un des problèmes de l’interprétation des résultats Pisa réside dans l’ignorance du niveau de départ des élèves dans chaque canton dont certains scolarisent des élèves dont le parcours migratoire constitue un handicap scolaire assez lourd pour pénaliser leurs résultats aux tests. On peut aussi, à la suite des travaux de Muriel Meunier sur Pisa 2000 (Meunier, 2007), se demander si les faibles résultats des élèves immigrés et issus de l’immigration ne sont pas le produit de processus de ségrégation qui cantonneraient les allochtones dans certains établissements comme cela a pu être montré en France (Felouzis & al, 2005) et aux Etats-Unis (Coleman, 1966 ; Jencks, 1979). On voit donc que la question de l’efficacité est difficilement dissociable de celle des inégalités. Du point de vue des inégalités liées au statut socio- économique, Urs Moser et Simone Berweger (OFS-CDIP, 2005) notent que « dans le canton de Genève, ce lien (entre origine sociale et performances) est légèrement plus marqué qu’en

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moyenne nationale, tandis que la valeur moyenne est, elle, nettement inférieure à celle des autres cantons » (p 99).

En définitive, le cas de Genève est nettement à part dans le paysage scolaire suisse, par les résultats des élèves et la force des inégalités, comme par la nature du système éducatif proposé. D’où la nécessité d’entreprendre une double comparaison. Une première comparaison « synchronique » permettra de situer Genève par rapport aux autres cantons ceteris paribus. Une comparaison plus « diachronique » étudiera, à l’intérieur même du système genevois, les parcours des élèves avant et après la classe de 9ème pour laquelle nous disposons de leur niveau de compétence.

3. Parcours scolaires et performances dans l’enseignement genevois

Le premier chapitre de ce rapport traite donc de la place de Genève dans l’ensemble de la Suisse du point de vue des compétences des élèves. Au regard de la nature du débat scolaire et des réformes allant dans le sens d’une relative harmonisation des parcours scolaires dans les différents cantons, il est utile de comprendre et d’expliquer les écarts de scores moyens entre élèves liés au contexte cantonal. Cette comparaison est entreprise ici dans la perspective non seulement d’expliquer le facteur cantonal, mais aussi plus généralement de rendre compte des conséquences de l’organisation scolaire sur les performances des élèves et sur les inégalités. Notre thèse est qu’une part importante de la faiblesse des scores des élèves genevois est due à l’âge moyen des élèves qui sont parmi les plus jeunes de la Suisse : ils ont un an de moins que les élèves de beaucoup de cantons alémaniques. Lorsqu’on neutralise cette dimension dans les analyses, le score des genevois est très proche de la moyenne. Du point de vue du lien entre les politiques scolaires et la production des inégalités éducatives, la comparaison des 12 cantons de l’enquête est très instructive car elle montre que le découpage en filières étanches et hiérarchisées, qui prévaut dans certains cantons, pénalise fortement les élèves les plus faibles en leur proposant une offre scolaire moins exigeante et moins formative. Dans ce contexte, les inégalités (socioéconomiques comme migratoires) s’en trouvent exacerbées et peuvent même relever d’une exclusion dans les cantons les plus ségrégatifs. De cette première approche, il ressort des résultats qui éclairent les politiques éducatives sur les conséquences des modes de répartition des élèves dans les filières du secondaire. Cette répartition n’informe que très peu le niveau de performance moyen des élèves, elle explique en revanche beaucoup de choses sur le terrain des inégalités sociales et migratoires : dans les systèmes éducatifs où la mise à l’écart des plus défavorisés est la plus précoce et la plus

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radicale, les écarts de compétence sont les plus marquées, montrant l’étroite relation qui unit ségrégation scolaire et inégalités d’acquisition.

Ce premier panorama général permet de situer Genève à sa juste place et de rompre avec les comparaisons brutes qui situent Genève au plus bas : les compétences en mathématiques sont légèrement en-dessous de la moyenne suisse, et les inégalités se situent elles aussi dans la moyenne, si l’on établit une comparaison toutes choses égales par ailleurs. C’est dans ce cadre que le chapitre 2 traite de la question des parcours scolaires dans leurs relations avec les scores Pisa en 9ème. Au départ, le projet de départ prévoyait une mesure du niveau des élèves en fin de scolarité primaire (à partir des épreuves cantonales) pour mesurer ensuite l’effet propre des parcours sur les compétences en 9ème. Malheureusement, les données issues des épreuves cantonales n’ont pas été mises à notre disposition, et nous ne disposons donc pas d’une mesure précise du niveau scolaire des élèves à leur entrée dans le secondaire. Toutefois, les analyses conduites permettent de montrer plusieurs phénomènes intéressants, en utilisant une particularité genevoise en matière d’organisation scolaire. Au début des années 1970, certains établissements ont mis en place la « réforme II » du cycle d’orientation consistant à scolariser les élèves dans des classes hétérogènes. L’expérimentation n’a pas eu les effets persuasifs nécessaires pour être généralisée, mais elle est restée active dans les trois établissements de l’expérience.

D’où la coexistence d’un système avec filières et d’une autre sans filières. L’avantage d’une telle coexistence, si elle n’apparaît pas au premier abord du point de vue des élèves et de la pédagogie, est une ressource précieuse pour le sociologue soucieux de comparer les effets de ces systèmes. C’est donc en partie sur cette comparaison qu’est construit ce deuxième chapitre.

Le chapitre 3 raisonne sur les parcours des élèves dans le secondaire 2 en étudiant plus particulièrement les déterminants de ces parcours : le niveau de compétence dans les différents domaines testés par Pisa, le milieu socioéconomique, le sexe et l’âge, etc. Nous examinons aussi dans ce chapitre le lien entre la filière de scolarisation en 9ème et le parcours jusqu’à l’obtention éventuelle d’un diplôme.

Le chapitre 4 entreprend une analyse plus précise des orientations par une approche multiniveau. Il traite de la question de la construction des inégalités sociales dans les processus d’orientation. Quel est le poids des caractéristiques personnelles sur ces orientations, et surtout du contexte de scolarisation créé par la filière ? Quelles sont les probabilités, pour un élève dont le niveau de compétence est dans la moyenne genevoise,

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d’être orienté vers la filière gymnasiale ? Toutes choses égales par ailleurs, la filière de scolarisation a-t-elle un poids dans la définition de son orientation ?

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CHAPITRE 1 : Genève dans l’espace académique suisse. Une analyse comparative

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une des particularités de l’espace académique suisse est de présenter un ensemble très diversifié de systèmes éducatifs dans un espace national restreint du point de vue géographique. Dans un pays de 7,5 millions d’habitants, on peut considérer que chacun des 26 cantons propose un système éducatif spécifique, tant du point de vue de l’âge réel d’entrée en enseignement primaire, que de la nature et de la précocité des différents paliers d’orientation ou encore des programmes et des curricula suivis par les élèves. Cette diversité académique est, d’un point de vu politique et national, un handicap que devraient progressivement résoudre les politiques d’harmonisation en voie de négociation (HarmoS). Toutefois, ce handicap devient un avantage réel pour le sociologue désireux de comparer les systèmes éducatifs et leurs conséquences sur les compétences des élèves. Bien mieux que les comparaisons internationales, qui risquent toujours d’attribuer aux différences de structures éducatives ce qui relève de facteurs culturels ou sociaux, les comparaisons inter-cantonales ont le mérite de proposer au sociologue de l’école un espace scolairement assez différencié pour légitimer les comparaisons, et assez fortement unifié pour les rendre intelligibles. Le propos de ce chapitre est donc de tirer avantage de cette situation suisse pour comprendre les mécanismes de production des compétences scolaires et les inégalités qui en résultent, ce qui nous conduira à raisonner d’une part sur les mérites comparés des différents systèmes éducatifs cantonaux et d’autres part de raisonner de façon plus générale sur les conditions de production des compétences et des inégalités. Cela nous conduira de ce fait à situer Genève par rapport aux autres cantons au plan de l’efficacité et de l’équité de son système éducatif.

Ce premier chapitre a donc pour objectif de mettre au jour les mécanismes scolaires qui sont au principe de l’efficacité et de l’équité de chaque système éducatif cantonal. Pour atteindre cet objectif, nous ne partons pas de rien. Les travaux sur les liens entre systèmes

3 Une partie de ce chapitre a été publié dans une forme largement remaniée dans Felouzis, G., Charmillot, S., Fouquet-Chauprade, B. (2011). Les inégalités scolaires en Suisse et leurs déclinaisons cantonales : l'apport de l'enquête Pisa 2003. Revue suisse de sociologie, 1, 33-55.

L’

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éducatifs et production des inégalités sont nombreux dans la littérature internationale et nous en utiliserons quelques-uns dans ce texte. Outre les classiques de la sociologie de l’école (Jencks, 1979; Coleman et al., 1966), nous pensons aux travaux de Gamoran et Mare (1989) sur les conséquences des filières dans l’enseignement secondaire, ou encore ceux de Kerckhoff (1986) sur le cas de la Grande-Bretagne. Nous pensons aussi aux travaux issus de l’analyse des enquêtes Pisa dont les sources d’inspiration théoriques et méthodologiques sont très proches des nôtres (Monseur & Crahay, 2008 ; Marks, 2006 ; Felouzis, 2009).

L’enquête « Pisa Suisse » constitue notre cadre empirique (OFS-CDIP, 2005). Elle a consisté à recueillir, sur le modèle des enquêtes « Pisa international », les compétences des élèves en mathématiques, en lecture et en culture scientifique, avec la particularité de n’interroger que des élèves scolarisés en classe de 9ème , c’est-à-dire durant la dernière année de scolarité obligatoire. Tous les cantons n’ont pas participé à l’enquête. Seuls 12 sur 26 sont dans ce cas. On sait que les enquêtes Pisa, par souci de comparer des systèmes éducatifs très disparates sur l’ensemble du globe, interrogent des élèves de 15 ans, quel que soit leur niveau de scolarisation et leur filière. Dans le cas Suisse, cet impératif de la comparaison saute dès lors que les systèmes éducatifs cantonaux sont assez semblables pour être comparés à un niveau scolaire donné. Le choix a donc été fait de questionner un échantillon représentatif par canton d’élèves scolarisés en 9ème. On a ainsi les moyens de comparer les systèmes éducatifs cantonaux et de comprendre comment chaque système tend à produire un niveau de compétence et d’inégalité qui leur sont propre (Moser &

Berweger, 2005 ; Nidegger, 2008). On peut de ce fait raisonner sur les effets de contexte liés aux modes de regroupement des élèves dans des filières plus ou moins sélectives et homogènes du point de vue social et académique. Dans la lignée des travaux sur la School effectiveness (Angus, 1993 ; Thrupp, 1995), nous questionnerons donc les capacités comparées des politiques éducatives cantonales à être efficaces et équitables.

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ENCADRE 1.1 : Pisa Suisse : enquête, méthode, variables

L’enquête Pisa suisse permet une comparaison entre cantons du point de vue des compétences dans trois domaines : la lecture, les sciences et les mathématiques.

L’échantillon est construit de façon à être représentatif de l’ensemble des élèves scolarisés en 9ème dans les douze cantons de l’enquête : Argovie, Berne, Fribourg, Genève, Jura, Neuchâtel, Saint-Gall, Thurgovie, Tessin, Vaud, Valais, Zurich. Dans la suite de ce texte, nous distinguerons les parties alémaniques et romandes de deux cantons : Berne et Valais.

Les questionnaires et les tests sont les mêmes que dans l’enquête Pisa internationale, et les critères de passation et de codage des réponses obéissent à la même rigueur méthodologique. En tout, près de 20 000 élèves suisses représentatifs de l’ensemble des élèves de chaque canton de l’enquête, sont questionnés sur les domaines suivants :

- Leurs caractéristiques personnelles (leur milieu familial, âge, sexe, possessions dans leur foyer, etc.) dont l’ « index socioéconomique » (ESCS) qui mesure le statut économique, social et culturel de l’élève. Il synthétise pour cela les informations suivantes : le statut professionnel et le niveau de formation le plus élevé des deux parents ainsi que le patrimoine culturel familial.

- Leur attitude envers l’enseignement et les matières (en 2003, les mathématiques sont le domaine majeur)

- Leurs compétences mesurées par des tests en lecture, sciences et mathématiques (domaine majeur de 2003)

La description précise des modalités de constitution de l’échantillon, de passation des tests et des questionnaires, et de constitution des bases de données sont décrites dans les quatre publications suivantes :

OCDE (2004). Apprendre aujourd’hui, réussir demain. Premiers résultats de Pisa 2003.

Paris : OCDE.

OCDE (2005). Pisa 2003. Data Analysis Manual. Paris: OCDE.

OFS-CDIP (2005). Pisa 2003 : compétences pour l’avenir, Neuchâtel/Berne : OFS/CDIP.

Nidegger C., (coord.). (2008). Compétences des jeunes romands. Résultats de la troisième enquête PISA auprès des élèves de 9e année. Neuchâtel : IRDP.

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1. L’état des inégalités scolaires en Suisse

La sociologie de l’éducation, on le sait, a pris pour objet les inégalités dans leurs relations avec les systèmes éducatifs. Ce que les anglo-saxons appellent le schooling renvoie à cette idée qu’Émile Durkheim (1938) inaugurait dans ses cours au tout début du 20ème siècle, et publiés sous le titre l’Évolution pédagogique en France : les systèmes éducatifs proposent des formes scolaires qui ont des conséquences différenciées sur les individus. Les recherches actuelles dans le domaine ne disent pas autre chose, même si elles tendent à approfondir les processus éducatifs à l’œuvre dans l’éducation elle-même (Hallinan, 2000) et à raisonner sur des critères multiples d’inégalités. L’origine sociale garde certes un poids très fort dans la définition des performances et des parcours scolaires, mais d’autres dimensions ont une capacité propre à définir les « destins » scolaires : l’origine ethnique et le genre notamment.

C’est dans cette perspective que nous situons notre propos, afin de comprendre la place qu’occupe Genève dans l’espace académique suisse. Comment les inégalités scolaires s’organisent-elles et en fonction de quels critères ? De quoi dépendent-elles ? En première approximation, nous pouvons raisonner sur les scores moyens par canton et leur dispersion entre élèves à partir des coefficients de variation4, nous pouvons ensuite mettre en lien ces scores moyens avec l’index socioéconomique (ESCS). La comparaison s’opère ici à partir des compétences des élèves mesurées par les tests Pisa en mathématiques5.

Le tableau 1.1 résume deux dimensions qui permettent de qualifier les systèmes éducatifs : l’efficacité, mesurée ici par la moyenne des scores, et l’équité, mesurée par les indices de dispersion d’une part et l’effet de l’index socioéconomique sur le niveau de compétence en mathématiques d’autre part. Il s’agit là - rappelons le - des compétences des élèves de 9ème, ce qui explique un score moyen de 535, celui-ci est plus élevé que celui atteint par les élèves de 15 ans pour la Suisse dans l’enquête internationale Pisa (526).

4 Le coefficient de variation se calcule en divisant l’écart type avec la moyenne. Il permet donc de comparer la dispersion de moyennes différentes, comme c’est le cas dans le tableau 1.1.

5 Sans autre indication, c’est que nous raisonnons sur les scores en mathématiques. Les analyses conduites sur les autres domaines de compétence (lecture et sciences) donnent les mêmes types de résultats.

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TABLEAU 1.1 : Score moyen et inégalités sociales dans les cantons Suisses Pisa 2003

Cantons

Score moyen du canton

Coefficient de variation (%)

Part de variance des scores expliquée par

l’index socioéconomique.

(ESCS) (%)

Un point de plus sur l’échelle économique

sociale et culturelle implique

Argovie 543 17,5 16,4 36,2

Berne al 530 16,7 9,9 27,3

Berne fr 528 15,7 10,4 28,7

Fribourg 559 14,0 4,6 17,1

Genève 508 16,9 11,7 29,3

Jura 539 13,9 5,0 18,3

Neuchâtel 527 15,1 12,5 27,7

Saint-Gall 550 15,8 16,2 35,3

Thurgovie 551 16,5 12,8 35,1

Tessin 510 15,1 10,1 24,4

Vaud 524 16,2 11,5 29,2

Valais al 549 15,1 8,7 27,7

Valais fr 549 14,2 10,0 26,6

Zurich 536 18,5 20,9 40,3

Ensemble 535 16,6 12,2 30,3

Lire ainsi : En Argovie, le score moyen aux tests PISA est de 543, le coefficient de variation de 17,5% indique une dispersion plus forte que la moyenne des cantons suisses (16,6%), l’origine sociale explique 16,4% de la variance des scores en mathématiques, une augmentation d’un point sur l’échelle économique, sociale et culturelle implique une augmentation du score en mathématiques de 36,2 points

Du point de vue des scores moyens par cantons, on observe des différences significatives et fortes. Alors que Fribourg, Thurgovie, Saint-Gall et le Valais ont des scores largement supérieurs la moyenne Suisse (ils obtiennent au moins 550), d’autres cantons dépassent à peine la barre des 500 points, comme le Tessin et Genève. Ces contrastes ne manquent pas d’intérêt, au plan politique comme sociologique. Car ils montrent que les systèmes éducatifs proposés dans chaque canton n’ont pas le même niveau d’efficacité et que cela doit être mis en relation avec la nature du système éducatif. Peut-on « expliquer » ces contrastes par le degré de segmentation des filières ? Par les procédures d’orientation et l’âge du premier palier ? Ou encore peut-on associer ces scores à d’autres dimensions liées au public scolarisé dans chaque canton : la proportion de migrants parmi les élèves, le niveau socioéconomique moyen, etc. En d’autres termes on se demandera, dans la suite de cette analyse, si l’on peut ramener ces inégalités cantonales à des effets de contexte (la nature des systèmes éducatifs qui prévalent dans chaque canton) ou des effets de composition, liés à la nature du public scolarisé (par exemple 40 % des élèves genevois sont immigrés et cela peut jouer un rôle dans le niveau moyen de compétence dans ce canton).

Mais le niveau moyen des scores des élèves n’est qu’une première mesure des effets des systèmes éducatifs. Les inégalités de compétences entre individus, ici mesurées par le coefficient de variation, donnent à voir des résultats tout aussi contrastés, bien que de façon

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différente, entre cantons. Certains sont en effet plus égalitaires que d’autres, au sens où les différences d’acquis entre élèves y sont plus faibles. Le Jura, Fribourg et le Valais francophone sont les cantons où les compétences des élèves sont les plus homogènes (le coefficient de variation est d’environ 14%, bien plus faible que la moyenne). Dans deux autres cas, les contrastes entre élèves sont beaucoup plus élevés que dans la moyenne Suisse : il s’agit d’Argovie et de Zurich avec respectivement 17,5% et 18,5% contre 16,6%

en moyenne. Enfin, d’autres cantons se situent dans la moyenne suisse, à l’instar de Genève avec un coefficient de variation de 16.9%. De tels résultats ne manquent pas d’interroger le sociologue de l’école, et nous faisons l’hypothèse que ces inégalités sont liées à la forme scolaire qui prévaut dans ces cantons. Peut-on voir dans la filiarisation plus ou moins poussée dans chaque canton une propension à produire plus ou moins d’inégalités individuelles dans les acquis scolaires ? C’est ce que la littérature internationale sur la question tend à montrer (Gamoran & Mare, 1989 ; Kerckhoff, 1985 ; Monseur & Crahay, 2008). Toutefois, il nous faut, avant d’entreprendre une approche interprétative, aller plus avant dans la description des inégalités.

Au-delà des inégalités entre individus, dont Christopher Jencks (1979) a montré toute l’importance pour qualifier la nature et le fonctionnement des systèmes scolaires, il est important de mesurer les effets des caractéristiques sociales des individus sur leurs compétences. Cet effet est mesuré dans le tableau 1.1 par la corrélation entre le score en mathématiques d’une part et l’index socioéconomique de l’autre. Nous donnons ici la part de variance des scores expliquée par l’index socioéconomique (le R² x 100) et la pente de la droite des moindre carrés, qui se lit comme l’augmentation du score moyen lorsque l’index socioéconomique augmente d’un point6. On voit que l’origine sociale a un poids très contrasté en fonction du canton sur la définition des compétences des élèves. En moyenne la part des scores expliquée par l’index ESCS est de 12,2 %, mais elle est de plus de 20 % à Zurich (qui confirme sa position de canton scolairement très inégalitaire) et autour de 16 % en Argovie et Saint-Gall. Cela signifie que les inégalités sociales dans ces cantons sont bien plus marquées qu’ailleurs en Suisse. Inversement, le Jura, Fribourg, le Valais et le Tessin ont des inégalités bien plus faibles (entre 5 % et 10 % de variance expliquée par cette variable). Ce résultat est confirmé par la dernière colonne du tableau 1.1: à Zurich, un point supplémentaire sur l’index socioéconomique induit en moyenne 40 points de plus en mathématiques (plus de 35 points à Saint-Gall, Argovie et Thurgovie), alors qu’à Fribourg et dans le Jura, les scores n’augmentent que de 17 à 18 points. Quant à Genève, là encore le canton se situe dans la moyenne suisse avec une part de variance expliquée de 11.7%. Par

6 L’index socioéconomique est une variable centrée et réduite, de moyenne 0 et d’écart type 1. Une unité supplémentaire signifie donc ici un écart type supplémentaire.

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ailleurs, dans ce canton l’augmentation d’un point sur l’index socioéconomique produit une augmentation d’un peu plus de 29 points de plus des scores moyens en mathématiques.

Cela signifie que certains cantons - en général alémaniques - sont socialement bien plus inégalitaires que d’autres. Dans ce paysage des inégalités académiques suisses, Genève tient une position moyenne : les inégalités individuelles et sociales ne sont ni plus ni moins fortes que dans la moyenne nationale.

Cette première description donne à voir tous les contrastes des systèmes éducatifs suisses, du point de vue de leur efficacité comme de leur équité différentielle. On ne peut toutefois se satisfaire de cette première description, tant il est vrai que les inégalités scolaires relèvent de mécanismes complexes, que seule une approche analytique peut éclaircir. Les inégalités sociales par exemple ne sont pas indépendantes d’autres inégalités - liées au genre, au statut migratoire, etc.- dont on peut questionner l’influence respective sur les compétences des élèves. Mais une approche analytique des inégalités peut aussi apporter des éléments sur la comparaison entre systèmes éducatifs cantonaux en testant l’hypothèse d’effets de composition. Les scores moyens par canton ne sont en effet que la somme des compétences individuelles qui dépendent aussi, on le sait, des caractéristiques des individus. Or, si l’on veut comprendre l’efficacité différentielle des systèmes éducatifs cantonaux, il nous faut prendre en compte la nature du public de chaque canton.

Le tableau 1.2 présente une analyse de régression (General Linear Model) qui considère simultanément cinq variables dont on sait qu’elles agissent de façon significative sur les compétences en mathématiques. Il s’agit du niveau socioéconomique, du statut migratoire, de l’âge, du canton et du genre. Comment, et à quel degré, ces cinq dimensions influencent-elles les scores des élèves en mathématiques ? La réponse est donnée par la part de variance expliquée par chaque variable dans le modèle de régression. Lorsqu’on considère simultanément ces cinq variables, la plus explicative, et de loin, est l’index socioéconomique des élèves. Toutes choses égales par ailleurs, l’ESCS explique plus de 10% des scores en mathématiques, loin devant le canton (5,1%), le statut migratoire (4,7%), le genre (3,1%) et l’âge (3%). Un point de plus sur l’échelle de statut socioéconomique implique près de 27 points de plus aux tests Pisa. Sans surprise, les inégalités scolaires en Suisse obéissent donc aux mêmes lois que dans les autres pays : le niveau socioéconomique a, toutes choses égales par ailleurs, un poids déterminant dans la définition des apprentissages et des parcours scolaires.

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Le statut migratoire, bien que moins explicatif de la variance, a un effet très fort sur les scores. Les « natifs »7 ont en moyenne 52 points de plus que les migrants de première génération, et ceci toutes choses égale par ailleurs, c’est-à-dire en neutralisant les effets du niveau social notamment. Le genre est aussi significatif avec de moindres compétences en mathématiques pour les filles (-28 points environ). Dans les autres domaines de connaissance testés par Pisa (et notamment en lecture) les inégalités sont au détriment des garçons, ce qui laisse penser que les stéréotypes genrés gardent un poids très fort dans la définition des parcours et des acquisitions scolaires. Enfin, l’âge des élèves est corrélé négativement aux compétences : plus les élèves sont précoces, plus ils sont performants en mathématiques et inversement pour les plus âgés. Nous reviendrons sur cet effet de l’âge individuel à propos des inégalités cantonales de réussite.

7 La variable « natif » est définie ici en fonction de la variable « Country of birth » de Pisa. Trois catégories sont définies dans cette dernière variable : natif (né suisse de parents nés en suisse), deuxième génération (né en suisse de parents né hors de suisse) et première génération (né hors de suisse de parents nés hors de suisse). Notre variable « Natif » code 1 les natifs et 0 les premières et deuxièmes génération.

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TABLEAU 1.2 : Part de variance des scores en mathématiques expliquée par chaque variable (Modèle de régression)

Part de variance expliquée par la variable ()

Coefficient et erreur standard Index

socioéconomique 10,3 % 26,5 (0,33)

Canton

Argovie Berne al Berne fr Fribourg Genève Jura Neuchâtel Saint-Gall Tessin Thurgovie Valais al Valais fr Vaud Zurich

5,1 %

10,9 -8,2 -9,3 16,1 -42,9 -10,6 -22,1 23,9 -43,9

22,5 19,3 -3,58 -21,3

(1,24) (1,10) (3,05) (1,76) (1,55) (2,93) (2,04) (1,30) (1,65) (1,61) (2,68) (1,88) (1,20) Réf.

Statut migratoire Natif 2ème génération 1ère génération

4,7 %

52,0 19,5

(1,07) (1,42) Réf.

Genre

Femme Homme

3,1 %

- 27,8 (0,65) Réf.

Âge 3,0 % - 15,37 (0,37)

du modèle : 25 %

Qu’en est-il des inégalités entre cantons ? Lorsqu’on neutralise l’effet des caractéristiques individuelles des élèves, on observe que les scores restent contrastés d’un canton à l’autre. Toutes choses égales par ailleurs, et comparés au canton de Zurich, Genève et le Tessin ont des scores très faibles (plus de 40 points en moins, ce qui est considérable), alors que Thurgovie et Saint-Gall font bien mieux (plus 20 points). À la lumière de ces résultats, nous pourrions en conclure que certains cantons sont plus efficaces que d’autres soit en raison de la qualité de leur organisation scolaire, soit en relation avec des pratiques éducatives propres à leurs traditions cantonales. En effet, les cantons alémaniques font globalement mieux que les cantons romands et une revue de la littérature montre qu’aucune variable présente dans les enquêtes Pisa n’explique pour l’instant ces contrastes.

Ces résultats tendraient à montrer qu’il ne s’agit pas d’un effet de composition (c’est-à-dire d’effets liés à la nature du public scolaire de chaque canton), mais plutôt d’un effet de

« contexte » au sens où chaque système éducatif cantonal, par sa forme et ses

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caractéristiques propres, tendrait à produire un niveau de compétence donné. C’est l’hypothèse explorée par l’équipe Monitorage de l’éducation en Suisse (OFS-CDIP, 2005) dont le propos est de raisonner sur les liens entre les caractéristiques des systèmes éducatifs cantonaux et leur niveau de performance et d’inégalité. Or, la mise en relation notamment des modes de répartition des élèves dans différentes filières et les performances moyennes par cantons ne donne pas de réponse définitive à la question de savoir quelles sont les caractéristiques des systèmes qui permettraient de rendre compte des inégalités cantonales de performances des élèves. Le rapport conclut sur ce point en disant que « les analyses effectuées ne permettent pas d’apporter une réponse claire à cette question, mais tout au plus d’émettre des hypothèses » (p. 133). L’une de ces hypothèses concerne l’âge moyen des élèves dans chaque canton : on observe en effet des différences notables de ce point de vue, liées à l’âge d’entrée à l’école primaire. Toute la question revient alors à tenter de construire des analyses qui permettent de comprendre ces différences cantonales, non pas au niveau individuel - comme dans la régression présentée au tableau 1.2 - mais au niveau agrégé (âge moyen des élèves par canton). Une possible solution à notre « énigme » serait donc de repenser le niveau d’analyse à partir duquel nous raisonnons.

2. Comment expliquer les inégalités entre cantons ? Les paradoxes de l’âge

Ces données méritent donc d’être examinées plus avant pour tenter d’apporter de nouveaux éléments et rendre compte des sources de ces inégalités cantonales. Notre hypothèse est que ces différences de scores sont effectivement le résultat du fonctionnement des systèmes éducatifs cantonaux. Pour des raisons diverses, et notamment d’âge d’entrée dans le système éducatif en fonction du mois de naissance, les élèves de chaque canton se distinguent fortement selon leur âge moyen. Or, les modèles de régression habituellement utilisés pour « neutraliser » ces différences de composition du public scolaire ne parviennent pas à neutraliser ces différences d’âge. En effet, cette variable mesure ici deux phénomènes opposés selon que l’on considère le niveau individuel de l’élève (on mesure alors le retard scolaire lié à la nature des parcours), ou le niveau agrégé (qui renvoie à l’âge moyen des élèves de 9ème). Dans le premier cas, l’âge varie de façon inverse des compétences (les plus âgés sont les moins performants car ils sont scolairement en retard) alors que dans le deuxième cas, les plus âgés sont plus performants que les plus jeunes (leur maturité intellectuelle est plus affirmée).

On est donc ici dans les « paradoxes de l’âge » dont les conséquences contradictoires rendent difficile la production d’analyses « toutes choses égales par ailleurs ». On peut

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formuler le problème en d’autres termes : l’âge n’a pas les mêmes conséquences au niveau individuel et au niveau collectif. Ses effets individuels renvoient, au sein même d’un système éducatif donné, à la diversité des parcours scolaires liée à la réussite ou à l’échec scolaire.

Les plus jeunes sont donc en moyenne meilleurs que les plus âgés à un niveau de scolarité donné, dès lors que l’âge reflète la précocité ou au contraire le retard dans les acquisitions.

Les effets agrégés de l’âge sont tout autres, puisque certains systèmes scolarisent leurs élèves plus tardivement que d’autres, sans pour autant que cela reflète un quelconque retard scolaire. On voit donc bien la nécessité, dans le cadre de cette analyse, de raisonner aux deux niveaux à la fois : au plan individuel (comme présenté au tableau 1.2) et au plan collectif. C’est donc typiquement un cas où l’analyse multiniveau (Bressoux, 2008) est requise dès lors que l’on soupçonne des effets différenciés des variables en présence au niveau individuel et collectif. Il nous reste donc à mesurer tout à la fois l’ampleur et les conséquences de ces effets agrégés sur les scores moyens des élèves par canton.

Pour cela, nous donnons dans un premier temps (tableau 1.3) quelques caractéristiques de la population de chaque canton et des mesures d’association entre variables.

TABLEAU 1.3 : Les caractéristiques agrégées de l’échantillon des élèves de 9ème par canton

Canton

Proportion de filles

Niveau socio économique

moyen

Proportion d’élèves

natifs

Âge moyen des élèves8

Score moyen en mathématique

s

Argovie 48,7 -0,10 79,1 16,0 543

Berne al 49,4 -0,16 87,4 15,8 530

Berne fr 50,2 -0,50 80,3 15,7 528

Fribourg 51,7 - 0,005 85,1 15,7 559

Genève 51,3 0,26 54,2 15,2 508

Jura 52,6 0,05 88,5 15,6 539

Neuchâtel 51,7 0,13 76,2 15,5 527

Saint-Gall 50,1 -0,27 78,8 16,0 550

Thurgovie 49,4 -0,28 80,2 15,9 551

Tessin 48,6 0,01 71,3 15,1 510

Vaud 51,3 0,20 74,6 15,6 524

Valais al 59,6 -0,26 88,7 16,0 549

Valais fr 50,6 0,11 80,2 15,4 549

Zurich 47,6 0,02 73,4 15,8 536

Ensemble 49,6 -0,02 78,0 15,7 535

Mesure d’association* 0,033 0,025 0,147 0,169 0,023

* Il s’agit, pour le sexe et le statut migratoire du V de cramer. Pour les autres variables, nous utilisons l’eta2. Chacune de ces mesures se lit comme un coefficient de détermination. Lire ainsi : En Argovie, 48,7 % des élèves de l’échantillon Pisa 2003 sont des filles, le niveau socioéconomique moyen est de -0,1, 79,1 % des élèves sont natifs, ils ont 16 ans en moyenne et leur score moyen est de 543.

8 Nous présentons ici l’âge des élèves de façon « brute » c’est-à-dire quantifiée en nombre d’années.

Dans les analyses qui suivent, et pour des raisons de cohérence des modèles multiniveaux, l’âge sera une variable centrée et réduite de moyenne 0 et d’écart type 1.

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Les cantons accueillent des populations scolaires contrastées au plan socioéconomique comme migratoire et de l’âge. Ces deux dernières variables sont celles qui distinguent le plus les cantons avec des coefficients de détermination de 0,147 et 0,169 respectivement. Toutefois, ces deux variables ne présentent pas les mêmes difficultés des points de vue analytique et interprétatif. Le statut migratoire (être natif de la première ou de la deuxième génération d’immigration) influe sur les scores en mathématiques de façon univoque, quel que soit le niveau considéré. Du point de vue individuel comme du point de vue agrégé, les natifs ont toujours de meilleurs résultats comparés aux élèves immigrés de première et de deuxième génération. De même, les cantons qui ont le plus petit nombre d’immigrés sont aussi ceux dont les scores bruts sont les plus élevés (la corrélation entre les deux séries de données par canton est de 0,68). Genève est le canton qui présente la plus faible proportion d’élèves natifs (54,2% pour 78% en moyenne), quant au niveau socio économique moyen il est très nettement au-dessus de la moyenne (0.26 pour -0.02 en moyenne). Il est donc pour le moment difficile d’en tirer des conclusions quant au faible score obtenu en moyenne par les élèves de ce canton (508 pour 535 en moyenne).

Pour l’âge, il en va tout autrement. Si cette variable indique un retard scolaire ou une précocité dans le parcours, elle varie de façon inverse des scores, y compris toutes choses égales par ailleurs, comme le montre le tableau 1.2 : la « pente » associée à cette variable est de – 15, ce qui signifie qu’une année d’âge en plus pour un élève implique 15 points en moins en mathématiques en moyenne. Dans ce cas, la corrélation entre ces deux variables est négative et très significative. Il en va tout autrement au niveau agrégé où l’âge moyen indique un temps de maturation différencié pour les élèves qui évoluent dans des systèmes qui ne le sont pas moins du point de vue de l’âge d’entrée à l’école. La maturité intellectuelle et cognitive est alors l’atout des plus âgés comparés aux plus jeunes, comme le montrent les travaux sur le birthday effect (Bell & Daniels, 1990 ; McDonald, 2001). C’est ce qu’indiquent les résultats du tableau 1.3 : les élèves à Genève et dans le Tessin ont en moyenne 15 ans en 9ème. Ils ont donc une année de moins par rapport aux élèves d’Argovie et de Thurgovie qui ont 16 ans en moyenne. Non pas parce que ces derniers ont redoublé plus souvent9, mais parce qu’ils sont rentrés plus tardivement à l’école et bénéficient ainsi d’une maturité

9 Voir à ce propos les tableaux A1 et A2 en annexes: globalement les élèves genevois redoublent moins que dans le reste de la Suisse (12.5% des élèves scolarisés en 9ème en 2002 avaient déjà redoublé au moins une fois pour 15.2% sur l’ensemble du pays). Par ailleurs, les tableaux présentés en annexe montrent qu’en moyenne les élèves scolarisés à Genève entrent à l’école primaire obligatoire à 5 ans et 7 mois alors que la moyenne suisse se situe à 6 ans et 5 mois (atteignant même plus de 6 ans et 8 mois à Saint-Gall et presque 7 ans dans le valais alémanique). Enfin, les élèves ayant déjà redoublé au moins une fois à Genève restent plus jeunes que les élèves redoublants dans la plupart des autres cantons, montrant là encore qu’un âge avancé au niveau agrégé n’est pas un indicateur de retard scolaire mais d’une entrée plus tardive dans le cursus obligatoire.

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intellectuelle que n’ont pas encore les élèves des cantons romands. En considérant les données agrégées par canton (graphique 1.1), le coefficient de détermination des scores par l’âge moyen est de 0,5 ce qui indique une très forte corrélation positive entre ces deux variables. Une corrélation n’implique pas nécessairement une causalité, mais il s’avère que plus l’âge moyen des élèves dans chaque canton est élevé, plus les scores moyens sont élevés. Mais au niveau individuel, cette relation s’inverse : plus les élèves sont âges, moins leurs scores sont élevés.

GRAPHIQUE 1.1 : Âge moyen par canton et scores en mathématiques

On est donc dans un cas typique « d’effet de structure » qui se manifeste ici par une relation négative entre l’âge et les compétences en mathématiques au niveau individuel et une relation positive entre ces deux variables au niveau agrégé. Cette inversion du sens de la corrélation peut laisser perplexe tant elle est contre-intuitive. Pourtant, il s’agit là d’un problème classique de la statistique que W. Robinson (1950) a développé dans un article intitulé « Ecological correlations and the behavior of individual ». Il montre notamment que l’ecological correlation entre l’illettrisme et de la proportion de Noirs dans les États américains est très élevée (.946) alors qu’en considérant les données individuelles, cette

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corrélation n’est que de .203. Il en conclut que ces deux mesures ne sont pas substituables et que l’on ne peut déduire les comportements individuels d’une corrélation sur des données agrégées. Dans le cas de nos données, nous aboutissons à des contrastes encore plus marqués, puisque les deux corrélations (écologique et individuelle pour reprendre le vocabulaire de Robinson) sont de signes différents. On est alors dans le cas d’un « effet see- saw » (Bressoux 2008, p. 275) qui montre simplement que les deux variables (l’âge individuel et l’âge agrégé par canton) ne mesurent pas la même chose. D’où l’impossibilité des modèles de régression habituellement utilisés à la neutraliser de façon adéquate.

À ce stade de notre raisonnement, il devient nécessaire d’étayer à partir de données empiriques et de résultats robustes ces premières pistes descriptives et interprétatives. Nous sommes alors confrontés à une question de méthode : comment prendre en compte dans l’analyse les conséquences de l’âge moyen des élèves par canton et plus généralement les politiques scolaires qui influent directement sur l’âge des élèves dans chaque système éducatif ? On peut en effet raisonner de la façon suivante : les élèves de Genève et du Tessin ont des scores inférieurs en moyenne d’environ 30 points par rapport à la moyenne de la Suisse. Et leur « handicap » atteint plus de 40 points si on les compare aux cantons dont les scores sont les plus élevés. Toutefois, ayant 0,5 an de moins que la moyenne des élèves de l’échantillon, quels seraient leurs scores s’ils avaient l’âge moyen et donc une maturité intellectuelle plus importante qu’au moment du test ? À n’en pas douter, ils seraient supérieurs par le fait des apprentissages acquis en une année de scolarité supplémentaire.

Comment alors comparer ce qui est comparable, c’est-à-dire des cantons dont les caractéristiques du public selon l’âge seraient similaires ?

On voit que le problème qui nous préoccupe concerne des effets de contexte liés à la nature même des systèmes éducatifs cantonaux, sans que l’on puisse imputer de façon mécanique ces résultats à « l’efficacité » de ces systèmes puisqu’il ne s’agit en fin de compte que de différences liées à l’âge d’entrée à l’école et d’un artefact lié à la nature de l’enquête qui est basée sur un échantillon d’élève scolarisés en 9ème et non de 15 ans comme dans Pisa international. Classiquement, ces effets de contexte doivent être étudiés par des analyses multiniveaux (Bressoux, 2008) conçues pour rendre compte de l’influence du contexte sur les pratiques sociales en évitant les effets de structure évoqués plus haut.

Nous avons donc considéré les caractéristiques individuelles des élèves (âge, sexe, index socioéconomique, statut migratoire), leurs caractéristiques agrégées (âge moyen par canton), pour expliquer leurs scores en fonction du contexte créé par les particularités du système éducatif cantonal dans lequel ils sont scolarisés. Les résultats des différents modèles sont consignés au tableau 1.4.

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