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Empathie et développement adulte : l'influence de la prise de perspective sur l'évaluation de la douleur

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Academic year: 2022

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Master

Reference

Empathie et développement adulte : l'influence de la prise de perspective sur l'évaluation de la douleur

JOYE, Laetitia

Abstract

L'empathie est un processus complexe qui se développe durant l'enfance en parallèle au développement des fonctions exécutives et de la théorie de l'esprit, allant d'une forme égocentrique vers une forme plus mature. Les auteurs rendent généralement compte de deux composantes de l'empathie dont l'évolution à l'âge avancé se distingue : une composante automatique qui reste stable avec l'âge et une composante contrôlée sujette au déclin. Dans cette étude, nous répliquons le paradigme de douleur utilisé dans l'étude de Jackson, Brunet, Meltoff, et Decety (2006) qui consistait à demander à nos participants, 40 jeunes adultes (M=28,74, SD=4,84), 39 adultes d'âge moyen (M=50,00, SD=5,05) et 36 adultes âgés (M=69,76, SD=6,54), d'effectuer une tâche d'évaluation de situations plus ou moins douloureuses en fonction de leur perspective (soi) ou de celle d'une personne distante (autrui). Les participants ont également effectué une tâche d'inhibition, et répondu à différents questionnaires. Des modèles à effets mixtes avec sujets et items aléatoires ont été appliqués sur les temps de réponses et [...]

JOYE, Laetitia. Empathie et développement adulte : l'influence de la prise de perspective sur l'évaluation de la douleur. Master : Univ. Genève, 2009

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:2592

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Mémoire de recherche de Master en Psychologie du Développement

Août 2009

Laetitia JOYE

Sous la direction de la Professeure Gisela Labouvie-Vief Jury : Martial Van der Linden

Anne-Laure Gilet Joseph Studer

Empathie et développement adulte : l’influence de la prise de perspective sur l’évaluation de la

douleur.

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REMERCIEMENTS

Tout d’abord, je tiens à remercier Madame la Professeure Gisela Labouvie-Vief de m’avoir permis d’effectuer mon travail de recherche sur ce sujet qui m’intéresse particulièrement, ainsi que pour ses nombreuses explications et sa mobilisation.

Je remercie également Monsieur Joseph Studer pour toute l’aide et le soutien qu’il nous a apporté au cours des années de Master, ainsi que pour tout le temps qu’il a pris pour lire, corriger et nous expliquer les sujets difficiles. De plus je tiens à le remercier pour la très bonne entente et l’ambiance chaleureuse qu’il a instauré entre nous.

Je remercie également Monsieur le Professeur Martial Van der Linden d’avoir accepté de faire partie du jury d’évaluation.

Je tiens également à remercier Madame Céline Vock avec qui je partage le même sujet de recherche et avec qui nous avons pu réfléchir et discuter des points théoriques importants de cette recherche.

Je remercie également tous les volontaires qui ont accepté de participer aux passations des épreuves gratuitement et dans la bonne humeur.

Un grand merci également à mon copain et à mes amis pour leur soutien, leur patience et leur compréhension durant la rédaction de ce mémoire.

Enfin, je tiens particulièrement à remercier mes parents et mon frère qui m’ont toujours soutenus et encouragés dans mes études et sans qui, je ne serais pas arrivée où j’en suis actuellement.

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TABLE DES MATIERES

1. RESUME ... 4

2. CADRE THEORIQUE ... 5

2.1 Définition de l’empathie ... 5

2.2 Les composantes de l’empathie ... 6

2.2.1 La composante automatique ... 6

2.2.2 La composante contrôlée ... 7

2.3 Développement de l’empathie ... 10

2.4 Empathie, fonctions exécutives et régulation émotionnelle ... 12

2.5 Empathie à l’âge avancé ... 13

3. PROBLEMATIQUE ... 18

4. METHODE ... 20

4.1 Population ... 20

4.2 Matériel ... 23

4.3 Procédure ... 24

4.3.1 Tâche d’évaluation de la douleur pour soi ou pour autrui ... 24

4.3.2 Tâche des flèches ... 26

5. RESULTATS ... 27

5.1 Empathie auto-évaluée ... 27

5.2 Tâche d’évaluation de la douleur pour soi et autrui ... 28

5.2.1 Division de l’échantillon en fonction du score d’interférence ... 29

5.2.2 Données manquantes et données extrêmes ... 29

5.2.3 Analyse de la tâche d’évaluation de la douleur pour soi et autrui ... 30

5.2.4 Principaux résultats ... 30

6. DISCUSSION ... 37

6.1 Effet de l’âge ... 37

6.2 Effet de la perspective ... 37

6.3 Effets en lien avec le niveau d’inhibition des participants ... 38

6.4 Effets en lien avec le niveau de douleur des stimuli ... 40

7. CONCLUSION ... 44

8. REFERENCES ... 46

ANNEXES ... 51

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1. RESUME

L’empathie est un processus complexe qui se développe durant l’enfance en parallèle au développement des fonctions exécutives et de la théorie de l’esprit, allant d’une forme égocentrique vers une forme plus mature. Les auteurs rendent généralement compte de deux composantes de l’empathie dont l’évolution à l’âge avancé se distingue : une composante automatique qui reste stable avec l’âge et une composante contrôlée sujette au déclin. Dans cette étude, nous répliquons le paradigme de douleur utilisé dans l’étude de Jackson, Brunet, Meltoff, et Decety (2006) qui consistait à demander à nos participants, 40 jeunes adultes (M=28,74, SD=4,84), 39 adultes d’âge moyen (M=50,00, SD=5,05) et 36 adultes âgés (M=69,76, SD=6,54), d’effectuer une tâche d’évaluation de situations plus ou moins

douloureuses en fonction de leur perspective (soi) ou de celle d’une personne distante (autrui).

Les participants ont également effectué une tâche d’inhibition, et répondu à différents questionnaires. Des modèles à effets mixtes avec sujets et items aléatoires ont été appliqués sur les temps de réponses et ont révélé que l’interaction âge x perspective x inhibition était significative. Cet effet indique que le déclin des capacités d’inhibition avec l’âge provoque des difficultés de différentiation entre soi et l’autre et donc de prise de perspective d’autrui, ce qui renforce les données indiquant un déclin de la composante contrôlée de l’empathie avec l’âge.

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2. CADRE THEORIQUE

2.1 Définition de l’empathie

L’empathie représente, selon Hoffman (2000), un processus psychologique qui

implique que la perception d’une personne en détresse induit chez l’observateur des émotions qui sont plus congruentes avec la situation de l’autre qu’avec sa propre situation. Elle peut être initiée par la perception directe de la détresse ou de l’inconfort d’autrui, mais aussi par l’imagination de situations futures ou par des situations fictives dans des films ou des romans.

Dans tous les cas, pour qu’une situation soit perçue empathiquement, il faut que l’observateur adopte, de façon plus ou moins consciente, le point de vue subjectif de l’autre (Decety &

Jackson, 2004). L’empathie est donc une capacité complexe, qui implique tant bien des processus émotionnels et cognitifs, et qui joue un rôle primordial dans le comportement prosocial et altruiste (Grühn, Rebucal, Diehl, Lumley, & Labouvie-Vief, 2008).

Pour pouvoir être empathique, il faut ressentir les émotions de l’autre mais aussi les reconnaître et les comprendre (Decety & Jackson, 2004). De Vignemont et Singer (2006, in Singer & Lamm, 2009) expliquent qu’un comportement empathique implique le ressenti d’un état affectif similaire à celui d’une autre personne, engendré par l’observation ou

l’imagination de l’état affectif de l’autre, tout en sachant que la source de son ressenti est l’état de l’autre. L’empathie découle donc en partie de la théorie de l’esprit, qui correspond à la capacité d’attribuer à autrui des états mentaux, tels que des pensées, des désirs, des

intentions et des émotions qui lui sont propres (Gallagher & Frith, 2003).

En général, les auteurs s’accordent sur le fait que l’empathie dépend de deux

composantes primaires, une composante automatique qui repose sur une résonance affective entre soi et l’autre et permet à l’individu de ressentir l’état émotionnel de l’autre, et une composante contrôlée qui repose sur la capacité de comprendre l’état émotionnel de l’autre en le différenciant de son propre état, ce qui requiert des capacités exécutives. L’individu doit également être capable d’une certaine flexibilité mentale pour pouvoir adopter la perspective subjective de l’autre et réguler ses propres émotions (Decety & Jackson, 2004).

Les deux composantes de l’empathie évoluent de façon différente durant le lifespan car elles dépendent de diverses capacités cognitives et sociales qui ont beaucoup d’influence sur leur développement et leur déclin.

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Notre étude s’intéresse spécialement à l’évolution des capacités d’empathie à l’âge adulte, ainsi qu’aux conséquences du vieillissement et du déclin de certaines fonctions cognitives sur les deux composantes de l’empathie. De plus, elle s’intéresse particulièrement aux situations douloureuses. En effet, nous avons pu constater dans la littérature que plusieurs études sur l’empathie utilisent des paradigmes de douleur (Decety & Lamm, 2006 ; Jackson et al., 2006 ; Jackson, Meltzoff, & Decety, 2005) car l’expression de douleur donne un signal crucial qui peut motiver les comportements d’aide chez l’observateur.

2.2 Les composantes de l’empathie

2.2.1 La composante automatique

La composante automatique de l’empathie peut être comprise en tant que capacité à détecter immédiatement l’état affectif d’autrui. Elle repose sur un partage affectif avec autrui, également appelé contagion émotionnelle, qui peut être défini par « une identification totale, sans discrimination entre les émotions de l’autre et ses propres émotions, qui est produite par la tendance des individus à synchroniser automatiquement leurs expressions faciales, leurs vocalisations, leurs postures et leurs mouvements avec ceux d’autrui, ce qui a pour

conséquence de les faire converger émotionnellement » (Decety & Jackson, 2004).

Le fait de comprendre les signaux émotionnels d’autrui représente un avantage

adaptatif certain, et il est particulièrement important pour la formation et le maintien des liens sociaux. Le partage affectif est donc sous-tendu par un précablage génétique qui s’est

développé au cours de l’évolution, ce qui lui permet d’être activé de façon inconsciente et automatique dès la naissance.

Preston et de Waal (2002) ont expliqué le phénomène de résonance émotionnelle grâce au Modèle Perception-Action qui postule que la perception de l’état émotionnel d’autrui active automatiquement le même état émotionnel chez l’observateur. En effet, lorsqu’une personne observe quelqu’un exprimer une émotion, les représentations qu’elle a sur cet état émotionnel sont activées et cette activation engendre un ressenti émotionnel similaire chez l’observateur. Ce modèle a été créé, à la base, pour expliquer des phénomènes de résonance motrice. Des chercheurs (Rizzolatti & Craighero, 2004), ayant réalisés des études en imagerie chez les singes, ont découvert une certaine catégorie de neurones, appelés neurones miroirs, dans le cortex prémoteur, qui est impliqué dans la programmation de mouvements volontaires.

Ces neurones déchargent aussi bien lors de l’exécution d’un mouvement, que lorsque l’animal

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observe une autre personne effectuer le mouvement. Chez l’homme, des études ont montré que certaines régions du cortex prémoteur sont aussi activées lorsque l’on observe quelqu’un effectuer une action, pour autant que cette action fasse partie de notre répertoire

comportemental (Decety & Jackson, 2004). L’existence d’un tel type de neurones chez l’homme expliquerait des phénomènes similaires tant dans le domaine moteur, que dans le domaine émotionnel. En effet, au niveau des émotions, il a déjà été démontré que

l’observation d’une expression faciale émotionnelle chez autrui provoque chez l’observateur une activation automatique des muscles du visage impliqués. Le fait de reproduire

l’expression faciale génère ensuite des changements dans le système nerveux autonome, qui provoquent le ressenti de l’émotion (Hatfield, Cacioppo, & Rapson, 1994).

Des études en imagerie ont pu ensuite démontrer l’activation des mêmes réseaux neuronaux lors du ressenti d’une émotion ou lors de l’observation de quelqu’un exprimant cette émotion (Decety & Chaminade, 2003 ; Decety & Lamm, 2006). De plus, des études de cas supportent l’idée qu’un système neuronal similaire soit impliqué tant dans l’expression d’une émotion que dans sa reconnaissance (Decety & Jackson, 2004). Ce même mécanisme semble aussi impliqué dans notre faculté à comprendre la douleur d’autrui (Decety & Lamm, 2006). En effet, il a été démontré que certaines régions du réseau cérébral, qui sont activées lorsqu’un individu ressent de la douleur, le sont également lorsque cette personne éprouve de l’empathie pour une autre personne ressentant de la douleur (Singer, 2006).

Ce couplage automatique entre perception et action donnerait aux individus la possibilité de prédire et de comprendre le comportement d’autrui (Decety, 2005a). Il peut nous permettre de mieux comprendre le phénomène de contagion émotionnelle qui est engendré automatiquement par la perception de l’état d’autrui. De plus, ce mécanisme de couplage est indispensable pour que les individus puissent partager l’expérience de l’autre.

Cependant, il n’est pas suffisant pour rendre compte de l’empathie dans sa globalité (Decety, 2005a), car il implique une identification totale aux émotions de l’autre sans différenciation entre la situation de l’autre et sa propre situation.

2.2.2 La composante contrôlée

Pour avoir une réelle compréhension empathique de la situation d’autrui, il ne suffit pas de projeter nos propres émotions et pensées, mais il faut prendre en compte la singularité de l’autre personne (Decety, 2005a). L’empathie est donc également constituée d’une

composante contrôlée qui permet aux individus d’adopter la perspective d’autrui. Cette

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composante dépend de la théorie de l’esprit de la personne, ainsi que de sa capacité à se différencier de l’autre. Elle requiert des ressources exécutives pour permettre au sujet d’inhiber temporairement sa propre perspective et de se mettre à la place de l’autre. Cette composante est donc volontaire et consciente et elle dépend de processus qui permettent la régulation de l’émotion et de la cognition grâce, entre autre, à des mécanismes d’attention sélective et de self-régulation. La composante contrôlée dépend donc de la maturation des fonctions exécutive et apparaît plus tard dans le développement.

La composante contrôlée de l’empathie dépend de la capacité de la personne à se différencier de l’autre et donc à reconnaître les émotions qu’elle ressent comme étant les siennes ou celles de l’autre. Cette différenciation permet de pouvoir réagir à la situation d’autrui en ayant une bonne compréhension de ce que l’autre ressent, tout en régulant nos propres émotions qui, si elles sont ressenties trop intensément, donnent lieu à une détresse personnelle (Decety & Jackson, 2004). Elle est la variable qui permet de passer à de l’empathie véridique, au sens où on va tenter de réduire la détresse d’autrui dans un but altruiste et non pas pour réduire sa propre détresse, et représente donc la base de la

composante contrôlée de l’empathie. En effet, il a été démontré que se projeter soi-même dans une situation aversive conduit à une détresse personnelle forte et une préoccupation

empathique faible, alors que le fait de se concentrer sur les réactions émotionnelles et comportementales d’autrui induit une préoccupation empathique élevée et une détresse personnelle faible (Batson et al., 2003 ; in Decety & Lamm, 2006). La différenciation soi- autre implique cependant la capacité à inhiber sa propre perspective, son propre ressenti émotionnel au profit d’une réponse émotionnelle adaptée à la situation de l’autre Elle nécessite donc des ressources exécutives (Decety, 2005b). Pour qu’une telle différenciation soit possible, l’individu doit développer une conscience de soi qui lui permet d’avoir un regard introspectif quant à son état mental et lui permet donc de pouvoir en attribuer un aux autres (Humphrey, 1990).

Cette distinction soi-autre implique également l’activation de régions cérébrales spécifiques, tels que le cortex pariétal inférieur droit ainsi que les aires préfrontales qui semblent déterminantes (Decety & Jackson, 2004). Plusieurs recherches ont également démontré le rôle majeur du cortex pariétal dans le sentiment d’agentivité, c’est-à-dire dans la capacité à distinguer les actions produites par soi-même des actions produites par autrui (Blakemore & Frith, 2003). Le cortex pariétal inférieur droit est activé lorsque les individus se représentent mentalement les actions d’une autre personne (Ruby & Decety, 2001), ou encore

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lorsque les individus prennent la perspective d’une autre personne pour évaluer ses croyances ou ses émotions (Ruby & Decety, 2004). Dans une étude en imagerie, Ruby et Decety (2001) ont demandé à des participants sains soit de s’imaginer en train de faire une action de tous les jours, soit d’imaginer l’expérimentateur effectuant la même action. Les résultats ont montré que dans les deux conditions, le réseau correspondant aux représentations motrices de l’action était activé (aire motrice supplémentaire, cortex prémoteur et région occipito-temporal), ce qui est en accord avec les résultats des études sur les neurones miroirs. Cependant, la prise de la perspective de l’autre pour simuler les actions engendrait une activation sélective du cortex frontopolaire et du lobule pariétal inférieur droit.

Lorsque les sujets doivent adopter la perspective d’une autre personne pour évaluer une situation douloureuse, les circuits neuronaux activés sont quasiment identiques à ceux qui sont activés par leur propre perspective. En effet, une étude en IRMf montre que lorsque le sujet adopte la perspective d’une autre personne, on remarque une activation significative des régions impliquées dans les aspects affectifs du processus de douleur, comprenant le cortex cingulaire antérieur, le thalamus, et les parties antérieures de l’insula, mais aucune activation n’a lieu dans le cortex somatosensoriel (Decety & Lamm, 2006). De même, dans leur étude en imagerie, Jackson et al. (2006) ont montré aux participants des photographies de mains et de pieds dans des situations plus ou moins douloureuses. La consigne était soit de s’imaginer dans la situation, soit d’imaginer une autre personne. Les résultats montrent que lorsque les individus répondaient en fonction de leur propre perspective, les jugements de douleur étaient plus élevés et les réponses plus rapides. Cependant, cette étude a également démontré que les réseaux neuronaux activés lors de la perception des images de situations douloureuses dans les deux perspectives montraient des similarités. La seule différence étant que dans la perspective de soi les jugements de douleur impliquaient de façon plus étendue les aires de douleur dans le cortex somatosensoriel secondaire, la partie postérieure du cortex cingulaire antérieur et dans la partie médiane de l’insula et que dans la perspective de l’autre, on observait une activation spécifique de certaines parties du cortex frontal qui sont impliquées dans le contrôle exécutif.

L’empathie est donc formée de deux composantes qui diffèrent de part leur nature et leur évolution. Cependant, selon le modèle de fonctionnement de l’empathie proposé par Decety et Lamm (2006), ces deux composantes ne peuvent donner lieu à un réel

comportement empathique que si elles sont présentes toutes les deux. L’empathie implique donc à la fois des mécanismes de résonance émotionnelle, engendrés par l’activation de

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réseaux neuronaux communs entre les situations où le sujet ressent de la douleur et celles où il observe la douleur d’autrui, mais aussi des processus contrôlés et intentionnels permettant de faire la distinction entre la situation de l’autre et sa propre situation et activant des structures cérébrales spécifiques impliquées dans le contrôle exécutif.

2.3 Développement de l’empathie

L’empathie se développe au cours de l’enfance, partant d’une forme très automatique, puis devenant de plus en plus complexe et mature. Ce développement se fait en parallèle au développement des fonctions exécutives, qui va permettre à l’enfant de se différencier progressivement de l’autre. Hoffman (2000) explique que la composante automatique de l’empathie est présente dès la naissance. En effet, les pleurs des nouveaux-nés en réaction aux pleurs d’un de leur pair, montrent que les nourrissons sont déjà capables de résonance

affective, Selon Hoffman (2000), jusqu’à la fin de la première année de vie, les enfants réagissent à la détresse d’autrui en mimant leurs expressions faciales. Ces mécanismes appelés mimétismes moteurs (mimicry), sont des actions de synchronisation automatique entre les expressions faciales, la voix et la posture de l’observateur et de la personne observée.

Les changements résultant de cette synchronisation induisent chez l’observateur une émotion qui correspond à celle de la personne observée. Cependant, comme les enfants de cet âge n’ont pas encore une conscience de soi bien différenciée de l’autre, ils ne peuvent pas identifier la situation ou l’émotion de l’autre comme source de cet affect et ressentent donc une détresse réelle qu’ils vont chercher à apaiser de la même manière que lorsqu’ils sont effectivement dans cette situation.

En effet, pour que l’enfant puisse ressentir de l’empathie de façon mature, il faut qu’il fasse une distinction claire entre lui et l’autre et qu’il ait une compréhension de la façon dont les sentiments sont exprimés, et par quels évènements ils sont généralement provoqués. La composante contrôlée requiert donc des capacités exécutives et de régulation émotionnelle permettant de se mettre à la place de l’autre. La capacité à se différencier de l’autre émerge peu à peu au cours du développement. Tout d’abord, l’enfant acquière la permanence de l’objet et donc la capacité de se reconnaître en tant qu’objet différencié du monde externe. La compréhension de soi en tant qu’agent d’un comportement est ensuite très importante car elle permet de construire une image de soi en tant qu’entité indépendante du monde externe et capable d’agir sur ce monde (Decety & Jackson, 2004). Zahn-Waxler, Radke-Yarrow, Wagner, et Chapman (1992) ont montré que des enfants de 2 ans ont déjà la capacité de

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ressentir l’émotion de l’autre, et ont acquis le répertoire comportemental leur permettant d’exprimer des comportements d’aide. Cependant leurs tentatives sont souvent méconduites par manque de compréhension des états internes de l’autre comme différent des siens.

C’est entre 2 et 5 ans que les enfants développent une Théorie de l’Esprit leur permettant de comprendre les états internes d’autrui, tels que leurs émotions, intentions, pensées et désirs, comme étant différenciés des leurs. Grâce à la Théorie de l’Esprit, ils comprennent l’autre en tant qu’être indépendant et distinguent les moments où leur propre perspective et celle de l’autre sont similaires et les circonstances dans lesquelles elles diffèrent (Decety & Jackson, 2004). Cette période coïncide avec le développement de compétences exécutives telles que l’inhibition de distracteurs lors de la poursuite d’un but, la flexibilité mentale et la mémoire de travail (Moses, 2005). A partir de cette période, les enfants vont commencer à comprendre les causes et les conséquences des émotions, en particulier le fait qu’une émotion peut affecter l’expression faciale d’une personne, qu’elle peut résulter de l’action de quelqu’un d’autre et que cette même émotion peut engendrer un comportement d’aide chez une tierce personne.

Vers 8-9 ans, ils comprennent qu’un évènement peut parfois engendrer des émotions opposées. Cette capacité à coordonner les affects positifs et négatifs dans différentes

perspectives (soi-autre) est un aspect important de la différenciation émotionnelle (Fischer &

Ayoub, 1994 ; in Labouvie-Vief & Marquez, 2004). Les enfants savent également que l’émotion ressentie par autrui lors d’une situation dépend de ses expériences passées. Dès l’adolescence, ils comprennent les disparités entre l’émotion qu’une personne ressent dans une situation et celle qui serait normalement attendue. En effet, ils peuvent déduire que si une personne est triste dans un moment joyeux, elle doit certainement être beaucoup plus triste qu’une personne montrant de la tristesse dans une situation triste. Ayant développé une conception de soi et d’autrui en tant que personne avec des histoires et des identités distinctes, ils commencent également à prendre conscience du fait que les personnes peuvent ressentir des émotions découlant d’une situation immédiate, mais également d’un pattern plus large d’expériences de vie ou de contextes,

Les deux composantes de l’empathie ont donc une évolution différente. La composante automatique étant présente dès la naissance, et la composante contrôlée se développant au cours de l’enfance, parallèlement au développement des fonctions exécutives.

Les capacités d’empathie de l’enfant évoluent donc jusqu’à l’adolescence, en passant d’une forme automatique à une forme plus complexe et mature.

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2.4 Empathie, fonctions exécutives et régulation émotionnelle

Comme nous l’avons vu, il existe un lien fort entre le développement d’une forme d’empathie mature et le développement de capacités exécutives. Carlson et Moses (2001) ont démontré que les fonctions exécutives jouent un rôle prépondérant dans l’apparition de la capacité des enfants à se différencier de l’autre et à lui attribuer des états mentaux. Selon Miyake, Friedman, Emerson, Witzki, et Howerter (2000) le contrôle exécutif, permettant d’organiser, de séquencer et de réguler le comportement, est composé des capacités de switching (flexibilité mentale), de mise à jour de l’information et d’inhibition. En effet, ces capacités exécutives sont très importantes pour que les individus puissent accéder à un type d’empathie mature, l’inhibition permettant d’inhiber temporairement sa propre perspective et de se concentrer sur la perspective d’autrui et la flexibilité mentale permettant de passer d’une perspective à l’autre. De plus, en sus des capacités comprises dans le contrôle exécutif, il est également crucial de pouvoir réguler ses propres émotions, de façon à ne pas être submergé par un sentiment de détresse personnelle.

Le développement de la composante contrôlée de l’empathie est dépendant du développement des capacités de contrôle exécutif car elle requiert une différenciation entre soi et l’autre. Cette différenciation soi-autre nous permet de comprendre l’état d’esprit et le comportement d’autrui, mais, pour ce faire, ceci nécessite une coordination des

représentations mentales de soi-même et de l’autre et donc demande des ressources exécutives.

Des recherches développementales ont montré que la capacité d’inhibition est un facteur crucial de la théorie de l’esprit car elle est nécessaire pour supprimer la perspective de soi qui prime, en faveur d’une perspective autre. En effet, des recherches (Royzman, Cassidy &

Baron, 2003) ont démontré que notre mode de raisonnement par défaut est biaisé par notre propre perspective. Les gens sont fondamentalement égocentriques et ont beaucoup de

difficulté à se détacher de leur perspective pour imaginer ce que d’autre personnes pensent ou ressentent. La prise de perspective d’autrui implique donc un processus actif dans lequel l’individu imagine les similarités et les différences entre sa propre expérience et celle de la personne qu’il observe, pour qu’il puisse conceptualiser la situation de l’autre en fonction de ses connaissances mais en prenant en compte l’état mental de la personne cible. Ce processus requiert donc de la flexibilité mentale pour passer d’une perspective à l’autre (Decety &

Sommerville, 2003), ainsi que de régulations faites par l’individu quant à son propre état mental, pour éviter de le projeter sur l’autre (Reeder & Trafimow, 2008).

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En résumé, pour pouvoir avoir une compréhension empathique efficace, il faut ajuster nos représentations en maintenant une séparation claire entre soi et l’autre. Cette régulation de la perspective de soi se fait par inhibition et le cortex préfrontal joue un rôle essentiel dans ce processus (Decety & Jackson, 2004). En effet, Decety (2005a) a indiqué que les patients souffrants de démence fronto-temporale (qui provoque des déficits exécutifs), ont des difficultés à attribuer des intentions distinctes des leurs à autrui, qui résultent de leur incapacité à se décentrer et donc à adopter une autre perspective que la leur.

La composante contrôlée de l’empathie requiert également la capacité de réguler ses émotions. En effet, il a été démontré que les individus qui sont à même de réguler leurs émotions, sont plus enclins à ressentir de l’empathie et à agir de façon morale avec les autres (Eisenberg, 2000), car il est nécessaire de pouvoir réguler ses propres émotions engendrées par la situation afin de se concentrer sur l’état émotionnel de l’autre et ne pas projeter ses émotions ou ressentir une détresse personnelle. Pour qu’une situation soit comprise de façon empathique, l’observateur doit donc réguler son propre état émotionnel, activé

automatiquement par l’interaction avec l’autre de part le mécanisme de couplage perception- action (Decety, 2005a), car, sans ce contrôle, seul un partage affectif effectué sur la base d’une contagion émotionnelle ne pourra avoir lieu et la situation sera vécue de façon aversive (Decety & Jackson, 2004).

Le lien entre régulation émotionnelle et empathie a également été démontré au niveau neurologique, notamment par Decety et Jackson (2004) lors d’une étude en imagerie dans laquelle ils ont remarqué que les régions cérébrales qui sous-tendent la régulation

émotionnelle, comme les régions orbitofrontales dorsolatérales et ventromédian, étaient activées lors d’une tâche d’empathie.

2.5 Empathie à l’âge avancé

Le développement de l’empathie durant l’enfance est un sujet relativement bien décrit dans la littérature, mais il n’existe actuellement que peu d’études sur son évolution à l’âge adulte. Certaines d’entre elles, basées sur des mesures d’empathie auto-rapportées, indiquent soit une stabilité des capacités, soit un léger déclin avec l’âge. Glück, Bluck, Baron, et McAdams (2005), par exemple, ont montré, lors d’une étude sur la sagesse dans laquelle l’empathie était mesurée grâce à une sous-échelle nommée empathie et support, que les adultes montraient moins cette forme de sagesse que les adolescents. Toutefois, leur seconde étude n’a montré aucune différence d’âge lorsque les notions d’empathie et de support étaient

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relevées à partir de récits de vie des participants. Un déclin des capacités d’empathie a également été rapporté dans l’étude de Schieman et Van Gundy (2000), ainsi que dans celle de Phillips, MacLean, et Allen (2002), dans lesquelles les jeunes adultes obtenaient un plus grand score d’empathie que les adultes âgés. Cependant, dans cette dernière étude, lorsque le niveau d’éducation des participants était contrôlé, les différences liées à l’âge disparaissaient.

Grühn et al. (2008) ont eux aussi mis en évidence de moins bons scores d’empathie chez les adultes âgés que chez les jeunes adultes, mais lors d’une seconde étude, longitudinale cette fois, les résultats n’indiquaient aucun déclin lié à l’âge dans l’empathie. Ceci suggérait que les différences d’âge observées dans les études transversales traduisaient un effet de cohorte plutôt qu’un effet d’âge. Il semble donc qu’une relative stabilité des capacités d’empathie avec l’âge ressorte de ces études et elle pourrait être expliquée par le fait que les personnes développent, au cours de leur vie, une meilleure capacité à comprendre, anticiper et réagir aux réponses émotionnelles des autres, grâce à leurs nombreuses expériences interpersonnelles (Magai, 2001). Cependant, nous avons vu que l’empathie est formée de deux composantes, une composante automatique et une contrôlée, et que celles-ci ne se développent pas de la même manière durant l’enfance. Il est donc probable que leur évolution à l’âge adulte diffère également.

En effet, la composante contrôlée de l’empathie requiert des capacités d’inhibition afin d’inhiber sa propre perspective, activée automatiquement, et de se concentrer sur celle de l’autre. Cependant, différentes études indiquent que certaines fonctions exécutives, telles que l’inhibition, la vitesse de traitement de l’information et la flexibilité attentionnelle entre autres sont particulièrement affectées par le vieillissement (Phillips et al., 2002 ; Reimers & Maylor, 2005 ; Salthouse, 1996 ; Salzman, Strauss, Hunter, & Archibald, 2000). Lahar, Isaak et McArthur (2001), par exemple, ont démontré que les personnes âgées sont plus sensibles aux distracteurs dans des tâches de détection de cibles. Ce déclin pourrait avoir des conséquences sur la possibilité d’inhiber sa perspective au profit de celle de l’autre et donc engendrer un déclin de la composante contrôlée de l’empathie. Cepeda, Kramer et Gonzalez de Sather (2001) ont démontré, grâce à une étude effectuée auprès d’individus entre 7 et 82 ans, que les capacités de switching (flexibilité mentale) sont également affectées par le vieillissement. Les résultats ont mis en évidence que les coûts cognitifs lors d’opérations de switching

augmentent au cours de la vie, ce qui se traduit par des temps de réactions plus longs chez les personnes de plus de 60 ans. Kray et Lindenberger (2000) évoquent également une

augmentation avec l’âge du coût général de switching.

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Au vu de l’évolution avec l’âge des capacités exécutives, différents auteurs postulent que les composantes automatique et contrôlée de l’empathie sont affectées différemment par le déclin (Bailey, Henry, & Von Hippel, 2008 ; Phillips et al., 2002 ;). Bailey et al. (2008) ont mis en évidence un déclin des capacités d’empathie contrôlée et une préservation des

capacités d’empathie automatique avec l’âge. Ils expliquent le déclin de la composante contrôlée par le fait que le déclin des capacités d’inhibition influencent négativement les capacités de théorie de l’esprit et de prise de perspective avec l’âge, contrairement à d’autres aspects du fonctionnement cognitif, tels que l’intelligence, la mémoire, la flexibilité mentale et la vitesse de traitement. Ces auteurs expliquent le déclin de la prise de perspective et de la théorie de l’esprit par le déclin de l’inhibition. En effet, ils ont mis en évidence qu’avec l’âge, les individus éprouvent une difficulté grandissante à prendre la perspective d’autrui, et

l’inhibition joue un rôle majeur dans cette compétence car elle permet d’inhiber sa propre perspective et de se concentrer sur celle de l’autre. Bien que certains auteurs aient trouvé une augmentation des capacités de théorie de l’esprit avec l’âge (Happé, Winner, & Brownell, 1998), la plupart des études ont mis en évidence des déficits liés à l’âge dans cette dernière.

En effet, Maylor, Moulson, Muncer et Taylor (2002) ont mis en évidence chez des

participants âgés, des capacités de théorie de l’esprit significativement inférieures à celles des jeunes et ce, principalement lorsque les demandes en ressources exécutives étaient élevées. Il semble donc que le déclin de l’inhibition engendre une plus grande difficulté à inhiber sa propre perspective et de se concentrer sur le point de vue de l’autre (Bailey & Henry, 2008).

Il est également possible que le déclin des capacités de prise de perspective avec l’âge soit dû à des changements de stratégie de régulation de l’affect. En effet, pour pouvoir prendre la perspective d’autrui, il est nécessaire de pouvoir réguler son propre affect provoqué

automatiquement par contagion émotionnelle et de se concentrer sur l’état affectif de l’autre.

Cependant, Labouvie-Vief et Marquez (2004), indiquent que les capacités de régulation émotionnelle subissent également des changements avec l’âge. Selon ces auteurs, il existe deux modes de régulation de l’affect, l’optimisation et la différenciation/complexité.

L’optimisation a pour but d’éviter l’affect négatif et de maximiser l’affect positif et ceci ne requiert que peu de ressources. La différenciation/complexité, par contre, a pour but de construire une compréhension complexe et objective de soi et des autres et donc de

développer des représentations objectives de la réalité et ceci requiert des ressources. Pour que le fonctionnement d’une personne soit optimal, les deux modes doivent opérer de façon intégrée. Cependant, les gens peuvent plus ou moins favoriser un des deux modes ce qui leur

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donne un profil émotionnel différent. En effet, il apparaît que les personnes hautes en

optimisation ont plus tendance à minimiser leurs affects et cherchent à ignorer l’affect négatif, alors que les personnes hautes en différenciation sont capables de se distancier, d’analyser et de rationaliser leurs propres émotions. Une recherche de Labouvie-Vief, Zhang et Jain (2003 ; in Labouvie-Vief & Marquez, 2004) semble montrer que la différenciation diminue

progressivement à partir de 60 ans et qu’avec l’âge et le déclin cognitif, les individus ont tendance à davantage utiliser des stratégies d’optimisation, moins coûteuses en ressources.

Selon Carstensen (1991), cette augmentation de l’optimisation avec l’âge engendre une augmentation du bien-être, car elle permet de diminuer les émotions négatives et ce biais de positivité est également présent lors du rappel d’informations. Une augmentation des affects positifs et une diminution des affects négatifs avec l’âge sont également rapportées par Mroczek et Kolarz (1998). Cependant, Magai (2001) explique ce phénomène par le fait que les personnes âgées choisissent leur environnement social de façon à ce qu’il leur permette d’éviter les affects négatifs et les conflits et de maximiser les émotions positives. Il semble donc que les capacités de régulation de l’affect se modifient avec l’âge et ces changements pourraient affecter la capacité des adultes âgés à inhiber leur propre ressenti émotionnel dans le but de prendre la perspective d’autrui et d’empathiser avec sa situation.

La théorie de Labouvie-Vief (2008) sur l’homéostasie permet d’évoquer une autre explication possible aux difficultés de prise de perspective des adultes âgés. Selon cette théorie, le fonctionnement des individus dépend du niveau d’activation généré par la tâche à effectuer. Le point d’équilibre correspond au niveau d’activation permettant un

fonctionnement optimal et un ressenti de bien-être. Un niveau d’activation légèrement supérieur à ce point d’équilibre engendre en général de l’intérêt et de l’excitation et donc des émotions positives. Cependant chaque déviation génère de la tension et donc des efforts cognitifs pour restaurer l’équilibre. L’effort nécessaire augmente avec la distance qui sépart le niveau d’activation actuel de la personne de son point d’équilibre. Lorsque la déviation est trop grande, cela provoque une tension trop élevée et aversive (point de rupture) et donc pour éviter des émotions trop négatives, toxiques pour son bien-être, le sujet abandonne souvent la tâche. Un niveau d’activation optimal permet à l’individu de traiter de façon intégrée des émotions ou des tâches cognitives avec un haut niveau de complexité. Dans le cas de

l’empathie, par exemple, un bas niveau d’intégration de la complexité implique un ressenti de détresse personnelle dû aux processus de contagion émotionnelle, alors qu’un haut niveau d’intégration de la complexité permet d’inhiber sa propre détresse en différentiant son état

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émotionnel de celui de l’autre ce qui permet, comme nous l’avons vu, une réponse

empathique mature (Labouvie-Vief, 2008). C’est au cours du développement que l’enfant développe ses capacités d’intégration et augmente donc le niveau de complexité qu’il est capable de traiter. En effet, sa zone d’équilibre s’élargit de façon à ce qu’il puisse fonctionner de façon intégrée pour un intervalle de niveau de tension plus grand. De plus, les processus de régulation de certains affects s’automatisent, de la même façon que les connaissances fluides se cristallisent au cours du développement. Une structure cognitivo-émotionnelle cristallisée se forme, et grâce à elle, certaines émotions complexes qui étaient auparavant suractivantes peuvent être traitées de façon intégrée. Cette automatisation protège donc de la suractivation, elle augmente le champs d’équilibre de la personne, et donc augmente le niveau de tension acceptable et repousse les points de rupture (Labouvie-Vief, in press).

Il est connu qu’au cours du vieillissement, le fonctionnement automatique n’est que peu affecté, alors que le fonctionnement contrôlé l’est beaucoup. Lors de cette période de vie, les connaissances cognitivo-émotionnelles qui ont été cristallisées au cours de la vie

permettent donc aux adultes âgés de fonctionner de façon aussi intégrée que les jeunes adultes dans des situations pas trop complexes et qui ne requièrent pas de capacités d’inhibition (Labouvie-Vief, 2008). Plusieurs études montrent d’ailleurs que des personnes âgées peuvent être aussi performantes que des jeunes dans des tâches qui sont personnellement relevantes pour eux. Blanchard-Fields (2007), par exemple, a montré que les adultes âgés étaient plus compétents que les jeunes adultes dans des tâches de résolution de problème interpersonnels ou ayant caractère émotionnel saillant. Hess, Rosenberg et Waters (2001) ont, quant à eux, montré que les adultes âgés étaient plus à même d’effectuer des inférences ou de mémoriser des informations sur une personne cible de leur catégorie d’âge. Mais lorsque les activations sont trop élevées, que les situations sont trop complexes et requièrent des capacités

d’inhibition, les adultes âgés ne sont plus capables de fonctionner de manière intégrée. En effet, plusieurs études montrent que des niveaux d’activations élevés (provoqués par des stimuli fortement émotionnels ou des tâches cognitives complexes) engendrent une rupture des capacités de traitement de la tâche chez les âgés, et ce d’autant plus s’ils doivent effectuer une tâche cognitive complexe sur du matériel émotionnel. En effet, s’ils sont capables de réguler l’activation provoquée par certaines émotions dans un contexte approprié, ils n’en seront plus capables lorsqu’ils sont en plus confrontés à une tâche complexe impliquant la mobilisation de ressources. Grühn, Scheibe, et Baltes (2007) ont montré que lors de présentation d’images fortement activantes, les adultes âgés avaient plus de difficultés de

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mémorisation que les jeunes adultes. Une étude de Wurm, Labouvie-Vief, Aycock, Rebucal et Koch (2004), relate également des difficultés de traitement des stimuli très activants

importantes chez les personnes âgées. En effet, lors de présentation de mots de niveau d’arousal différents dans une tâche de stroop émotionnel, les adultes âgés avaient des temps de réponse significativement plus longs pour les mots de niveau d’activation élevé, ce qui n’était pas le cas dans le groupe des jeunes adultes. Un fonctionnement intégré n’est donc pas possible chez les âgés lors de situations très activantes ou requérant trop de ressources.

3. PROBLEMATIQUE

Nous avons donc vu qu’il existe deux composantes de l’empathie, une composante automatique permettant le partage des émotions d’autrui et une composante contrôlée permettant de prendre la perspective de l’autre afin d’évaluer la situation. Ces composantes n’évoluent pas de la même manière au cours de la vie. En effet, la composante automatique semble être opérationnelle dès la naissance et reste stable tout au long du lifespan. La composante contrôlée, quant à elle, requiert des capacités cognitives de plus haut niveau, telles que des capacités exécutives et de régulation de l’affect. Son évolution au cours de la vie est donc conditionnée par le développement de ces capacités. Les fonctions exécutives, et en particulier l’inhibition et la flexibilité mentale, se développent au cours de l’enfance, permettant progressivement à l’enfant de prendre la perspective de l’autre pour évaluer une situation. Cependant, Jackson et al. (2006) ont démontré, grâce à un paradigme de douleur, que le fait de prendre la perspective d’autrui pour évaluer une situation est un processus coûteux. En effet, pour pouvoir évaluer la douleur ressentie par une personne, il est nécessaire de pouvoir prendre la perspective de l’autre et d’inhiber sa propre perspective, qui est la perspective « par défaut » (Royzman et al., 2003). Or, les capacités d’inhibition et de flexibilité mentale déclinent au cours du vieillissement et entraînent donc des difficultés de prise de perspective. Nous avons également vu que l’empathie, et plus précisément la prise de perspective d’autrui, requiert des capacités de régulation émotionnelle afin d’inhiber sa propre détresse engendrée par la situation en différentiant son état émotionnel de celui de l’autre (Reeder & Trafimow, 2008). Cependant, les stratégies de régulation émotionnelle se modifient avec l’âge (Labouvie-Vief & Marquez, 2004). De plus, la prise de perspective, impliquant une compréhension de l’état affectif d’autrui ainsi qu’une différentiation soi-autre, est une tâche complexe et pour la traiter de façon intégrée, il est nécessaire que le niveau d’activation engendré soit optimal. En effet, si les stimuli sont trop activants

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émotionnellement ou cognitivement, les adultes âgés risquent de ne plus avoir assez de ressources disponibles pour réguler la tension provoquée par la suractivation et de subir une rupture de leurs capacités de prise de perspective (Labouvie-Vief, 2008).

On remarque donc que le déclin des capacités exécutives et de régulation de l’affect entraîne le déclin des capacités de prise de perspective d’autrui et de différenciation soi-autre qui forment la composante contrôlée de l’empathie. Afin d’examiner l’effet de ce déclin sur les capacités d’empathie, nous nous sommes inspirés du paradigme de douleur utilisé par Jackson et al. (2006), et avons observé l’évolution des capacités d’empathie de la douleur pour soi et pour autrui de l’âge adulte à l’âge avancé. Pour ce faire, nous avons demandé à des participants entre 20 et 80 ans d’évaluer des situations de différents niveaux de douleur en fonction de leur propre perspective (condition soi) ou en fonction de la perspective d’une autre personne (condition autre).

Nous nous attendons à trouver différents effets liés à l’âge des participants, à la perspective adoptée, aux capacités d’inhibition des sujets, ainsi qu’au niveau de douleur des images présentées. En effet, nous nous attendons à retrouver les effets de perspective déjà mentionnés dans l’étude de Jackson et al. (2006) et donc à ce que les temps de réponse des participants soient plus élevés en condition autre qu’en condition soi. Nous nous attendons également à ce que les participants âgés aient des temps de réponse plus lents que les jeunes adultes dus au ralentissement de la vitesse de traitement avec l’âge qui est un phénomène bien connu dans la littérature (Salthouse, 1996).

De plus, la différenciation soi-autre impliquant un coût en termes de ressources exécutives et étant donné que les fonctions exécutives sont sujettes au déclin avec l’âge, nous nous attendons à ce que la différenciation devienne plus difficile et requière plus de temps chez les personnes âgées. En outre, nous nous attendons à ce que le niveau d’inhibition des participants module leur capacités de prise de perspective, c’est-à-dire que les personnes avec un bon niveau d’inhibition aient des temps de réponse augmentant plus avec l’âge en

condition autre qu’en condition soi, et que les personnes avec un mauvais niveau d’inhibition aient des temps de réponse plus élevés en condition autre qu’en condition soi étant jeunes, puis qu’avec l’âge et le déclin exécutif, la prise de la perspective d’autrui devienne

problématique et qu’ils aient donc des temps de réponse similaires entre les deux conditions.

Au vu du déclin des capacités de régulation émotionnelle, nous nous attendons aussi à ce que les personnes âgées ne soient plus capables de prendre la perspective de l’autre lorsque

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des images représentant une situation qui engendre une douleur forte leur est présentée, c’est- à-dire à ce que pour les images de douleur faible, les temps de réponse augmentent avec l’âge et d’autant plus en condition autre, alors que pour les images de douleur forte, les temps de réponse entre les deux conditions soient très différents chez les jeunes, ces différences disparaissant à l’âge avancé.

4. METHODE

4.1 Population

Les participants ont été recrutés au moyen de petites annonces et grâce aux

informations contenues dans la base de donnée de l’Unité de Recherche en Psychologie du Développement Social et Affectif. Les 117 individus (M= 48.79; SD= 17.61) recrutés ont participé de manière volontaire à cette étude. Après les avoir répartis en 3 groupes en fonction de leur âge, nous avions au final 40 jeunes adultes entre 20 et 39 ans (M=28.74 ; SD=4.84) dont 50% de femmes, 40 adultes d’âge moyen entre 40 et 59 ans (M=50.00 ; SD=5.05) dont 50% de femmes et 37 adultes âgés entre 60 et 79 ans (M=69.76 ; SD=6.54) dont 54,05%

étaient des femmes. Les participants étaient informés au préalable que l’étude portait sur l’évolution de l’empathie au cours de la vie.

Les groupes d’âge ne présentaient aucune différence significative au niveau des années d’éducation, F(2, 114) = 1.582 , p = 0.210, 2 = .027.

De plus, les scores des participants au test du CES-D (CES-D ; Radloff, 1977 ; version française : Fuhrer & Rouillon, 1989), soit le « Center for Epidemiologic Studies-Depression Scale », mesurant la symptomatologie dépressive dans la population générale, ne présentaient pas de différence significative, F(2, 114) = 1.766 , p = 0.175, 2 = .03), soulignant que la symptomatologie dépressive ne différait pas entre les différents groupes d’âges.

Les participants avaient cependant des scores significativement différents en vitesse de traitement que nous avons mesurée avec le DSST, ou Digit Symbol Substitution Task (DSST ; Wechsler, 1997 ; version française: Wechsler, 2000), tâche faisant partie des sous-tâches mesurant le QI performance dans la WAIS-IV. Les participants devaient remplacer en 2 minutes un maximum de valeurs numériques entre 1 et 9 par les codes correspondants, fournis en exemple sur le haut de chaque page d’essai. Le score correspondait au nombre total

d’items effectués moins les erreurs commises. Les scores des participants à ce test

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présentaient des différences significatives, F(2, 114) = 29.802 , p <.05, 2 = .343, et les analyses post-hoc ont montré que ces différences étaient significatives entre tous les groupes d’âge. En effet, les jeunes adultes (M= 83.550 ; SD= 15.793) avaient tendance à être plus performants à cette tâche que les adultes d’âge moyen (M= 69.500 ; SD= 12.932), eux-mêmes plus performants que les adultes âgés (M= 56.946 ; SD= 16.541). Ces données correspondent à la littérature, indiquant une diminution de la vitesse de traitement avec l’âge (Salthouse, 1996).

Les scores de vocabulaire des participants ont été évalués par la tâche du Mill Hill (Mill Hill ; Raven, Raven, & Court, 1998 ; version française: Deltour, 1993), qui est une échelle de vocabulaire consistant en 34 items où le participant doit sélectionner le synonyme d’un mot parmi une liste de 6 propositions. Nous avons utilisé la partie B de ce test dans notre étude. Sa cotation est dichotomique (juste=1 pt, faux=0 pt) et 10 points de base sont attribués à chaque participant. Nous avons observé des différences significatives entre les résultats des différents groupes, F(2, 114) = 6.128 , p < .05, 2 = .097, et les analyses post-hoc ont indiqué que les adultes d’âge moyen (M= 36.275 ; SD= 4.894) ainsi que les adultes âgés (M= 36.757 ; SD= 4.199) obtenaient de meilleures performances que les jeunes adultes (M= 33.425 ; SD=

4.523) à ce test. Ceci est en accord avec différentes études utilisant le Mill Hill, dans lesquelles les participants âgés obtenaient également de meilleurs scores que les jeunes (Bestgen & Van der Linden, 2001 ; Postal & Mathey, 2007).

Nous avons également mesuré les affects des participants grâce au PANAS (PANAS ; Watson, Clark, & Tellegen, 1988), ou Positive and Negative Affect Schedule, qui est une échelle des affects positifs et négatifs et qui rend compte du bien-être subjectif de la personne en mesurant les scores d’affects positifs (PANAS positif) et d’affects négatifs (PANAS négatif). Les scores au PANAS positif ont montré des différences significatives entre les participants des différents groupes d’âge, F(2, 114) = 8.721 , p <.05, 2 = .133. En effet, les analyses post-hoc ont montré que les adultes âgés (M= 4.500 ; SD= 0.658) présentaient

significativement moins d’affects positifs que les jeunes (M= 5.155 ; SD= 0.872) et les adultes d’âge moyen (M= 5.140 ; SD= 0.786). Dans la littérature, les résultats de différentes études sont en désaccord quant à l’évolution des affects positifs avec l’âge. En effet, Mroczek et Kolarz (1998) ont montré que l’affect positif augmentait avec l’âge, ce qui ne correspond pas aux résultats que nous avons obtenus sur notre échantillon. Cependant, Charles, Reynolds et Gatz (2001) ont montré que l’affect positif restait relativement stable jusqu’au milieu de l’âge adulte, mais qu’après 60 ans, ce dernier diminuait légèrement. Ceci explique donc que nous

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trouvions une légère diminution des affects positifs dans notre groupe d’adultes âgés, ce dernier étant composé d’adultes entre 60 et 80 ans. Nous avons également retrouvé des différences significatives dans les scores au PANAS négatif, F(2, 114) = 3.448 , p <.05, 2

= .057, les adultes âgés (M= 2.524 ; SD= 0.772) présentant significativement moins d’affects négatifs que les adultes d’âge moyen (M= 3.027 ; SD= 0.981) mais aucune différence

significative avec les jeunes (M= 2.952 ; SD= 0.928). Cette diminution des affects négatifs avec l’âge a été également observée par divers auteurs dans la littérature (Mroczek & Kolarz, 1998 ; Charles et al., 2001).

La représentation mentale de la douleur, évaluée par le SPS (SPS ; Decruynaere, 2007) ou Situational Pain Scale qui mesure la représentation mentale de la douleur dans 18

situations douloureuses imaginaires, ne différait pas entre les groupes d’âge, F(2, 114) = 0.587, p = 0.557, 2 = .010. Ce résultat indique que tous les groupes d’âge ont la même représentation de la douleur.

Finalement, les scores d’interférence ont pu être calculés grâce à la tâche des flèches ou Arrow Task (Salthouse, Toth, Hancock, & Woodard, 1997, adapté par Delaloye, 2004; De Ribaupierre et al., 2008) et nous ont informé sur les capacités d’inhibition des participants.

Les scores des participants à cette tâche ont montré des différences significatives, F(2, 113) = 4.311 , p<.05, 2 = .071, soulignant que les adultes âgés (M= 78.861 ; SD= 58.054) étaient plus sujets à l’interférence que les jeunes adultes (M= 50.600 ; SD= 22.965). Cependant, lorsqu’ un indice d’interférence tenant compte des différences au niveau de la vitesse de traitement des participants était calculé, les différents groupes d’âge ne présentaient plus de différences significatives, F(2, 113) = 0.122, p = 0.885, 2 = .002. Cette observation ne correspond pas à certaines données de la littérature (Von Hippel, 2007) indiquant un déclin de l’inhibition avec l’âge. Cependant, cet effet avait déjà été observé par Salthouse et al. (1997).

Nous avons également mesuré un degré d’empathie auto-évalué par les participants grâce au questionnaire IRI (IRI ; Davis, 1980) ou Interpersonal Reactivity Index. Ce questionnaire se compose de 4 sous-échelles mesurant les différentes dimensions de l’empathie. Aucune différence d’âge n’a été observée pour les différentes sous-échelles cognitives et affectives, mais nous reviendrons sur ces résultats dans la partie « résultats » de ce travail. Les détails de tous ces résultats se trouvent dans le tableau 1.

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Tableau 1.

Tableau récapitulatif des statistiques descriptives de l’échantillon Jeunes

n= 40

Age moyen n= 39

Agés n= 38

Effect size

M SD M SD M SD

Age 28.74 4.84 50.20 5.14 69.73 6.46

Vitesse de traitement 83.55 15.79 69.50 12.93 56.95 16.54 0.343 Affect positif 5.16 0.87 5.14 0.79 4.50 0.66 0.133 Affect négatif 2.95 0.93 3.03 0.98 2.52 0.77 0.057

Dépression 11.03 7.38 9.30 7.18 12.59 0.53 0.030

Interférence 50.60 22.97 63.48 39.19 78.86 58.05 0.071 Indice d’interférence 0.17 0.08 0.16 0.09 0.17 0.12 0.002

Education 16.88 3.90 17.25 13.72 14.03 3.97 0.027

Représentation de

douleur 1.43 0.41 1.51 0.31 1.45 0.38 0.010

Vocabulaire 33.43 4.52 36.28 4.89 36.76 4.20 0.097

4.2 Matériel

Le matériel consistait en 120 images de mains et de pieds en situation plus ou moins douloureuse. Toutes les images représentaient des situations familières pouvant arriver dans la vie de tous les jours, telles que se coincer les doigts dans une porte par exemple (voir annexe D1 et D2, p. 57). Différents types de situations douloureuses sont représentés (douleur mécanique, douleur thermale et douleur par pression). Ces images ont été obtenues du Pr.

Jean Decety de l’université de Chicago, elles ont déjà été utilisées dans plusieurs études (e.g., Jackson et al., 2006). Ces images étaient classifiées en 4 niveaux de douleur subjective (no pain, low pain, medium pain et high pain). Afin de contrôler que ces différentes catégories d’images étaient perçues de la même manière entre les jeunes adultes et les adultes âgés, nous avons demandé à 40 participants - 20 jeunes adultes (M = 25.46, SD = 2.81) et 20 adultes âgés

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(M = 66.96, SD = 8.15) - d’évaluer le niveau de douleur de chaque image. L’analyse de ces évaluations n’a malheureusement pas permis de retrouver les mêmes catégories pour les jeunes adultes et les adultes âgés. Nous avons donc décidé de calculer la valeur moyenne de douleur évaluée entre les jeunes adultes et les adultes âgés pour chaque image. Ce sont ces valeurs (en continu) que nous allons utiliser dans nos analyses. D’autre part, une ANOVA sur chaque image nous a permis de montrer que 14 images étaient perçues significativement différemment entre jeunes adultes et adultes âgés (ps <.05). Les scores par images et pour chacun des groupes d’âge se trouvent en annexe (voir annexe A1, p. 52). Notre étude pilote s’est donc révélée problématique, car elle ne nous a pas permis de retrouver les mêmes niveaux de douleur que l’étude de Jackson et al. (2006), ce qui nous a forcé à utiliser une valeur moyenne de douleur pour chaque image.

4.3 Procédure

Chaque participant passait l’ensemble des tâches prévues, à savoir: le choix d’une personne distante, la tâche d’évaluation de douleur pour soi et pour autrui, la tâche des flèches, la tâche de Digit Symbol, le Mill Hill, le questionnaire démographique, et les questionnaires restants (CES-D, IRI, SPS, PANAS). L’ordre de passation des épreuves était identique pour tous les participants, à l’exception des derniers questionnaires (CES-D, IRI, SPS, PANAS) qui ont été présentés dans trois ordres différents, contrebalancés entre les participants. La passation de l’expérience durait entre 1h15 et 1h30 et se déroulait en plusieurs parties qui seront présentées ci-après. A son arrivée au laboratoire, l’expérimentateur proposait un

formulaire d’information et de consentement au participant qu’il complétait et signait s’il était d’accord de participer à l’étude.

4.3.1 Tâche d’évaluation de la douleur pour soi ou pour autrui

Premièrement, on demandait au participant de donner les noms de deux personnes de son choix, l’une qu’il considère comme proche (e.g., ami, membre de la famille) et l’autre comme non proche (e.g., ami d’ami, collègue, voisin). Selon Bailey et al. (2008) la tendance à la réduction du réseau social à l’âge avancé entraîne des capacités d’empathie contrôlée plus importantes dans des situations impliquant des partenaires familiers, la perspective à adopter étant plus proche de la sienne, et diminuent dans des situations impliquant des partenaires non familiers. Pour observer les capacités réelles de prise de perspective d’autrui, nous n’avons utilisé dans la tâche que le prénom de la personne distante comme cible dans la condition

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autre, toutefois le fait de demander le nom d’une personne proche permettait au participant de bien faire la différence entre proche et distant.

L’expérimentateur lisait ensuite à haute voix la consigne de la tâche d’évaluation de la douleur pour soi ou pour autrui. Le détail des consignes est fourni en annexe (voir annexe B1, p. 55). Il expliquait au participant que des images de pieds et de mains dans des situations plus ou moins douloureuses défileraient et qu’il devrait quantifier le degré de douleur perçue soit dans sa propre perspective, soit dans la perspective de la personne distante qu’il avait choisie au préalable. L’évaluation de la douleur se faisait au moyen d’une échelle en 7 niveaux (1= pas de douleur ; 7= douleur forte). Son évaluation de la douleur était donc fonction de la perspective imposée par la tâche. En effet, le participant devait tantôt se représenter dans la situation, tantôt évaluer le degré de douleur ressenti par la personne distante de son choix. Les images étaient présentées sur un écran 19 pouces grâce au logiciel E-prime (Schneider, Eschman, & Zuccolotto, 2002) permettant d’enregistrer les évaluations des participants ainsi que les temps de réponse.

Cette tâche totalisait 240 essais précédés par 20 items d’entraînements, soit 120 photos réparties en 4 listes de 30 photos chacune. Les listes ont été formées aléatoirement avec approximativement le même nombre d’images de chaque niveau de douleur par liste et ne présentaient aucune différence d’âge significative au niveau de la douleur ressentie.

L’expérience se divisait en 2 sessions de 4 blocs chacune, un bloc correspondant à une liste.

L’ordre d’apparition des images au sein d’un même bloc était aléatoire, par contre la perspective à adopter était alternée entre chaque bloc. Dans chaque session, le participant voyait la moitié des images dans la perspective soi et l’autre moitié dans la perspective autre.

Les images évaluées dans la perspective soi dans la première session étaient évaluées dans la perspective autre dans la deuxième session et vice-versa. Au final, le participant avait évalué toutes les images dans la perspective soi et toutes les images dans la perspective autre.

L’ordre d’apparition des perspectives était contrebalancé entre les participants.

Chaque essai était constitué d’une croix de fixation d’une durée de 1000 ms, puis de l’apparition de l’image. Le participant disposait de 4000 ms pour donner sa réponse (voir annexe C1, p. 56). En cas de non réponse, le logiciel enregistrait cette information comme une donnée manquante. Les variables manipulées au cours de cette expérience étaient l’âge, la perspective utilisée et le niveau de douleur des images. Les évaluations subjectives de douleur, ainsi que les temps de réponses étaient enregistrés dans le logiciel.

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4.3.2 Tâche des flèches

Une fois cette première partie terminée, le participant devait effectuer différentes tâches. La première tâche à effectuer était la tâche des flèches ou Arrow task (Salthouse et al., 1997, adapté par Delaloye, 2004; De Ribaubierre et al., 2008) et qui est une tâche d’inhibition informatisée. Les stimuli étaient des flèches pointant vers la droite (>) ou vers la gauche (<) et apparaissant sur l’axe horizontal situé au centre de l’écran. Les stimuli pouvaient apparaître soit à gauche, soit à droite, soit au centre de cet axe. Cette tâche impliquait des essais congruents (dans lesquelles la direction du pointage de la flèche et son emplacement sur l’écran requéraient la même réponse, e.g. une flèche pointant à gauche et située à gauche de l’écran), incongruents (dans lesquels le pointage et l’emplacement de la flèche requéraient des réponses opposées, e.g. une flèche pointant à gauche et située à droite de l’écran), et neutres (dans lesquels les flèches étant situées au centre de l’écran, seul la direction de pointage devait être prise en compte). La tâche comprenait un total de 144 items (48 neutres, 48 congruents, 48 incongruents), précédés d’un entraînement de 31 items. La tâche était divisée en 6 blocs de 24 essais chacun comprenant 8 essais de la condition neutre, 8 essais de la condition congruente et 8 essais de la condition incongruente. L’ordre de présentation des différentes conditions était aléatoire à l’intérieur d’un bloc. A chaque essai, un point de fixation apparaissait durant 500 ms, suivi de la cible apparaissant pendant 90 ms, suivi d’un écran blanc affiché jusqu’à la réponse du participant, suivi enfin d’un écran blanc apparaissant pendant 1000 ms. Les réponses ainsi que les temps de réaction étaient enregistrés par le logiciel. Comme les stimuli étaient présentés très rapidement (e.g., 90ms) nous nous sommes assurés que les participants avaient bien compris la tâche en contrôlant le pourcentage de réponses correctes dans la condition neutre. Ceci nous a permis d’exclure un participant âgé qui n’avait vraisemblablement pas répondu à la tâche correctement, ayant un taux de réponses correctes au niveau du hasard. Nous avons ensuite exclu les réponses incorrectes et lissé les temps de réaction par condition pour chaque participant. Les moyennes et écarts-types des temps de réaction ont été calculés par participant et par condition, ce qui nous a permis

d’éliminer les réponses se trouvant à plus de 3 écarts-types de la moyenne, ainsi que les temps de réaction inférieurs à 150ms. Nous avons également calculé la médiane de chaque condition pour chaque participant, c’est-à-dire 3 scores par participants (un pour les items congruents, un pour les incongruents et un pour les neutres). Les scores d’interférence étaient calculés en soustrayant le temps de réaction médian des items neutres à celui des items incongruents.

Cependant, ces scores ne contrôlaient pas l’influence de la vitesse de traitement. Pour contrer

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