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Analyse de l'activité des formés lors d'une formation "Crew Resource Management" en milieu hospitalier

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Academic year: 2022

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Master

Reference

Analyse de l'activité des formés lors d'une formation "Crew Resource Management" en milieu hospitalier

GRAF, Joëlle

Abstract

Ce mémoire prend la forme d'une étude exploratoire pour une recherche de plus grande envergure qui débutera prochainement. Notre approche théorique se situe dans le champ de l'analyse de l'activité et plus précisément dans l'approche empirique du Cours d'Action.

L'exploration se situe également au niveau méthodologique, car nous avons utilisé la souscomposition de l'activité signe de Theureau (2015), qui pour l'heure, a peu été exploitée.

Nous cherchons à connaître quels éléments perturbent et font sens pour le/la formé(e) dans le cadre d'une formation « Crew Resource Management » en milieu hospitalier et donnée en salle. Nous avons cherché à savoir si cette perturbation s'accompagne d'une construction, d'une transformation, d'une validation ou d'une invalidation d'une connaissance. Les résultats obtenus nous ont permis de donner quelques orientations pour la construction du dispositif de cette formation.

GRAF, Joëlle. Analyse de l'activité des formés lors d'une formation "Crew Resource Management" en milieu hospitalier. Master : Univ. Genève, 2016

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:88647

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TITRE/SOUS-TITRE

Analyse de l'activité des formés lors d'une formation "Crew Resource Management" en milieu hospitalier

MEMOIRE REALISE EN VUE DE L’OBTENTION DU/DE LA

MATRISE UNIVERSITAIRE EN SCIENCES DE L’EDUCATION, ORIENTATION FORMATION DES ADUTLES

PAR Joëlle Graf

DIRECTEUR DU MEMOIRE

Germain Poizat, Maître d’enseignement et de recherche, Université de Genève

JURY

Marc Durand, Professeur ordinaire, Université de Genève

Domizio Suva, chirurgien orthopédiste, Hôpitaux Universitaire de Genève

GENEVE septembre 2016

UNIVERSITE DE GENEVE

FACULTE DE PSYCHOLOGIE ET DES SCIENCES DE L'EDUCATION SECTION SCIENCES DE L'EDUCATION

(3)

RESUME

Ce mémoire prend la forme d’une étude exploratoire pour une recherche de plus grande envergure qui débutera prochainement. Notre approche théorique se situe dans le champ de l’analyse de l’activité et plus précisément dans l’approche empirique du Cours d’Action.

L’exploration se situe également au niveau méthodologique, car nous avons utilisé la sous- composition de l’activité signe de Theureau (2015), qui pour l’heure, a peu été exploitée.

Nous cherchons à connaître quels éléments perturbent et font sens pour le/la formé(e) dans le cadre d’une formation « Crew Resource Management » en milieu hospitalier et donnée en salle. Nous avons cherché à savoir si cette perturbation s’accompagne d’une construction, d’une transformation, d’une validation ou d’une invalidation d’une connaissance.

Les résultats obtenus nous ont permis de donner quelques orientations pour la construction du dispositif de cette formation.

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1

Université*de*Genève*

Faculté*de*Psychologie*et*des*Sciences*de*

l’Education*

!

Mémoire(

de

Master en Sciences de l’éducation Orientation formation des adultes

Septembre 2016

ANALYSE DE LACTIVITE DES FORMES LORS DUNE FORMATION « CREW RESOURCE

MANAGEMENT » EN MILIEU HOSPITALIER

Par Joëlle Graf

Sous la direction de Germain Poizat

Jury composé de :

Germain Poizat, Maître d’enseignement et de recherche, Université de Genève, Directeur de mémoire.

Marc Durand, Professeur ordinaire, Université de Genève.

Domizio Suva, Chirurgien orthopédiste, Hôpitaux Universitaires de Genève.

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2

Remerciements

Je tiens à remercier toutes les participantes et tous les participants pour leur confiance et leur engagement à l’égard de cette recherche.

Merci également aux formateurs pour leur accueil et leur bienveillance à mon égard lors des journées de formation.

Je remercie aussi ma famille et mes ami(e)s pour leur soutien tout au long de mes études, en particulier ma mère qui a été la correctrice de mon mémoire.

Merci enfin à Germain Poizat pour ses précieux conseils, sa disponibilité et sa bienveillance envers ce projet.

! !

(6)

3 Table!des!matières!

PREAMBULE!...!7!

1! INTRODUCTION!...!9!

1.1! FORMATION!CREW!RESOURCE!MANAGEMENT!...!9!

1.1.1! Caractéristiques.des.formations.CRM...10!

1.1.2! Les.cinq.générations.de.formation.CRM...10!

1.1.3! Le.succès.et.échec.du.CRM...12!

1.1.4! Formation.CRM/MTT.(médical.team.training).dans.la.santé...13!

1.1.5! Quels.impacts.objectifs.les.effets.du.CRM.ontIils.sur.l’organisation.et.sur.la.sécurité.du. patient.?...15!

1.2! ORGANISATION!HAUTEMENT!FIABLE!(HRO)!...!16!

1.2.1! Gestion.de.l’erreur...19!

1.3! LA!CULTURE!DE!SECURITE!:!EMERGENCE!DU!CONCEPT!...!21!

1.3.1! Quelle.culture.de.sécurité.?...23!

1.3.2! Culture.de.sécurité.dans.le.monde.médical.et.dans.les.entreprises.à.haut.risque...24!

1.3.3! Culture.de.sécurité.du.patient...26!

1.3.4! Limites.et.perspectives.de.la.culture.de.sécurité.des.soins...28!

1.4! ANALYSE!DES!SITUATIONS!DE!FORMATION!A!PARTIR!DE!LANALYSE!DE!LACTIVITE!...!29!

2! CADRE!THEORIQUE!...!30!

2.1! L’ENACTION!...!31!

2.2! LA!CONSCIENCE!PREBREFLEXIVE!...!33!

2.3! ACTIVITE!SIGNE!...!33!

3! METHODE!...!39!

3.1! SITUATIONS!ETUDIEES!...!39!

3.2! PARTICIPANTS!...!43!

3.3! RECUEIL!DES!DONNEES!...!44!

3.3.1! L’observation.participante...44!

3.3.2! L’observation.directe...45!

3.3.3! Les.notes.ethnographiques...46!

3.3.4! L’entretien.de.remise.en.situation...47!

4! TRAITEMENT!DES!DONNEES!...!49!

4.1! IDENTIFIER!CERTAINES!COMPOSANTES!ET!SOUSBCOMPOSANTES!DE!LEXPERIENCE!DES!FORMES!....!49!

4.2! ANALYSE!DES!SOUSBCOMPOSANTES!DU!SIGNE!HEXADIQUE!U!ET!R!...!54!

4.2.1! Première.technique.:.les.moments.clés.de.la.formation...54!

4.2.2! Deuxième.technique...54!

4.2.3! Troisième.technique...54!

5! RESULTATS!...!55!

5.1! ANALYSE!GLOBALE!:!PHASES!DE!LA!FORMATION!...!55!

5.1.1! Introduction.du.FCMD2...55!

5.1.2! Introduction.FHUG...57!

5.1.3! La.boîte.à.outil...59!

5.1.4! Introduction.des.participants...61!

5.1.5! Atelier.pratique...63!

5.1.6! Tour.de.contrôle.du.tarmac...65!

5.1.7! Exercice.rougeIbleu...67!

5.1.8! Gestion.du.stress...69!

5.1.9! Conclusion.de.la.formation...71!

5.2! ANALYSE!LOCALE!...!72!

5.2.1! Introduction.par.le.FCMD2...72!

5.2.2! Introduction.FHUG...78!

(7)

4

5.2.3! La.boîte.à.outil...89!

5.2.4! Introduction.des.participants...92!

5.2.5! 1.er.atelier,.cas.pratique...94!

5.2.6! Visite.tour.de.contrôle.du.tarmac...100!

5.2.7! Exercice.rougeIbleu...102!

5.2.8! Gestion.du.stress...107!

5.2.9! Conclusion.de.la.formation...112!

5.3! SYNTHESE!DES!RESULTATS!LOCAUX!...!115!

6! DISCUSSION!...!117!

6.1! SAFETY!I!ET!SAFETY!II!...!117!

6.2! LE!PARADIGME!DE!LA!RESILIENCE!...!122!

6.3! UNE!ETUDE!EXPLORATOIRE!DUN!POINT!DE!VUE!METHODOLOGIQUE!...!125!

6.4! ORIENTATIONS!DE!CONCEPTION!POUR!LA!FORMATION!...!126!

7! PERSPECTIVES!...!128!

8! REFERENCES!...!129!

9! ANNEXES!...!136!

9.1! TABLEAUX!DE!LACTIVITE!SIGNE!PROVENANT!DES!VERBATIM!...!136!

9.2! POWER!POINT!DE!LA!FORMATION!GESTION!DU!RISQUE!OPERATOIRE!:!FACTEUR!HUMAIN!...!207!

!

! !

(8)

5 Index!des!tableaux!

Tableau 1 : Caractéristiques de dysfonctionnement dans les organisations à risques,

Roberts (1990)(cité par Bovis, 2009) ... 19!

Tableau 2: récapitulatif des activités lors de la formation « Gestion des risques : facteurs humains » ... 43!

Tableau 3 : Eclairage concernant l'interprétation symbolique de U et de R ... 52!

Tableau 4 : Introduction FCM ... 55!

Tableau 5 : Introduction du FHUG ... 57!

Tableau 6 : La boîte à outil ... 59!

Tableau 7 : Introduction participants ... 61!

Tableau 8 : Atelier pratique ... 63!

Tableau 9 : Tour de contrôle ... 65!

Tableau 10 : Exercice Rouge-Bleu ... 67!

Tableau 11 : Gestion du stress ... 69!

Tableau 12 : Conclusion de la formation ... 71!

Tableau 13 : Résumé: Safety I et Safety II. (Hollnagel, 2015). ... 118!

Tableau 14 : : Résumé des différents paramètres constituant l’ingénierie de la résilience dans le monde médical ... 125!

Tableau 15 : Récapitulatif analyse groupe A ... 152!

Tableau 16 : Récapitulatif analyse groupe B ... 206!

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6 INDEX!DES!FIGURES!

!

Figure 1 : Culture(s) : diversité des concepts ... 29!

Figure 2 Hypothèse de substances et hypothèse de connaissances du PDRCDA (Azéma, 2015, p. 118) ... 31!

Figure 3 : In-formation ou signe abstrait ( d’après Theureau, 2006, p. 284 cité par Azéma 2015, p.159) ... 36!

Figure 4 : Signe hexadique (D’après Theureau, 2006, p. 288 cité par Azéma, 2015, p.161) ... 37!

Figure 5 : La diapositive sur la performance du groupe = Attitude x Knowledge x Skill. ... 73!

Figure 6 : Atterrissage sur le Hudson ... 75!

Figure 7 : Aviation : 70% des incidents proviennent d’erreurs humaines ... 77!

Figure 8 : « swiss cheese model » ... 78!

Figure 9 : Les erreurs médicales ... 81!

Figure 10 : Les erreurs médicales ... 83!

Figure 11 : Les erreurs médicales ... 84!

Figure 12 : Evénements indésirables liés à des problèmes de communication et coordination ... 85!

Figure 13 : Diapositives du cours ... 223!

!

!

(10)

7 Préambule

Le rapport « to err is human » (Kohn, 1999) publié sous la houlette de l’institut de médecine des Etats-Unis, a constitué un véritable électrochoc (Ksouri et al, 2010 ; Nascimento, 2011 ; Suva et al., 2011) dans le domaine médical. Ce rapport indique que 44000 à 98000 patients des Etats-Unis décèdent chaque année suite à des événement indésirables (EI) et met ainsi la lumière sur la mauvaise gestion des erreurs et des défaillances dans le domaine médical.

Ce rapport recommande un véritable changement de culture au sein de l’organisation hospitalière et place la sécurité du patient au centre des préoccupations. C’est ainsi que le terme de ‘culture de sécurité’ utilisé par le monde nucléaire depuis 1991, fait son apparition dans le monde médical dans les années 2000 (Nascimento, 2011).

Le rapport de Kohn (1999, p.23) recommande une approche à 4 niveaux :

•! « Etablir une orientation nationale pour créer du leadership, la recherche des outils et protocole et améliorer la connaissance de base à propos de la sécurité »1.

•! Identifier et apprendre des erreurs en développant un système national de rapport public et en encourageant les organisations et les professionnels à participer de façon volontaire à ce système2.

•! « Faire émerger des standards de performances et des attentes pour l’amélioration de la sécurité à travers des actions d’organismes de surveillances, des groupes professionnels et groupement d’acheteurs du système de santé » 3

•! « Implémenter des systèmes de sécurité dans les organisations de santé et de soins pour assurer des pratiques sûres au niveau des prestations de service »4.

1Traduite par l’auteure depuis la phrase : « Establishing a national focus to create leadership, research, tools,and protocols to enhance the knowledge base about safety ».

2Traduite par l’auteure depuis la phrase : « Identifying and learning from errors by developing a nationwide public mandatory reporting system and by encouraging health care organizations and practitioners to develop and participate in voluntary reporting systems ».

3Traduite par l’auteure depuis la phrase : « Raising performance standards and expectations for improvements in safety through the actions of oversight organizations, professionalgroups, and group purchasers of health care ».

4Traduite par l’auteure depuis la phrase : « Implementing safety systems in health care organizations to ensure safe practices at the delivery level ».

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A la suite de ces recommandations, des agences gouvernementales ont été créées (sous l’administration Clinton), avec pour objectif de créer et superviser des programmes pour éviter et diminuer les erreurs médicales. En 2000, le Congrès a alloué 50 millions de dollars à ‘the Agency for Healthcare Research and Quality’ pour trouver des nouvelles stratégies dans le but de diminuer les erreurs médicales.

En 2016, une étude montre malgré tout que l’erreur médicale reste la troisième cause de décès dans ce même pays (Makary & Daniel, 2016). Ils pensent que le système national de statistiques pour mesurer la vitalité devraient être amélioré afin de mieux comprendre les causes dues à une erreur médicale.

D’autres études (Leape, Brennan, Laird, et al. 1991 ; Wilson, Runciman, Gibberd, et al., 1995), avant le rapport de Kohn (1999), ont été menées dans le milieu médical pour identifer les causes des erreurs. Ceux-ci énoncent que la moitié des erreurs médicales ont lieu lors d’une intervention chirurgicale et se produisent dans la phase péri-opératoire (Haller, Laroche, Clergue, 2011) ; Suva, D., Haller, G., Lübekke-Wolf, A., Macheret, F., Kindler, V., Hoffmeyer, P., 2011). Dès lors, la faute n’incombe pas seulement, comme le véhiculent certaines croyances, à : a) la dextérité du chirurgien ou de la chirurgienne, b) l’état de santé général du patient, et c) la complexité de l’intervention. L’erreur médicale est multifactorielle, en lien avec des problèmes interindividuels et des problèmes organisationnels. Elle est très souvent liée à un problème de coordination et 43 à 65% des accidents sont dû à des problèmes de communication et de coordination entre les différents professionnels du bloc (ou entourant l’activité au bloc opératoire) (Suva et al, 2011). En partant de ce constat, il apparaît crucial pour diminuer les erreurs lors d’une intervention chirurgicale d’améliorer la cohésion des équipes et la communication en péri-opératoire.

Dans le but d’améliorer la sécurité des soins, en particulier au bloc opératoire, plusieurs hôpitaux suisses ont introduit des formations, certaines de type Crew Resource Management (CRM), comme par exemple :

•! « Team-Oriented Medical Simulation » (TOMS), élaboré par l’hôpital de Bâle, qui se déroule sur simulateur. Ce programme comporte un module théorique sur le concept

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du travail en équipe, suivi d’une simulation avec un débriefing utilisant la vidéo de la séance ;

•! Multidisciplinary Obstretric Simulated Emergency Scenarios (MOSES) a été développé par les équipes obstétricales des hôpitaux universitaires de Genève (HUG).

La formation d’une journée se déroule sur simulateur. Le débriefing est réalisé à partir de la vidéo de la séance. Depuis 2004, a lieu un nouveau programme appelé

« Ensemble ». Cette formation s’effectue sur deux jours, animée par des consultants en facteurs humains. Le dispositif est basé sur des présentations académiques, des visionnages de films et la réalisation d’exercices pratiques ;

•! En 2009, le département de la formation continue des HUG a introduit une formation :

« Gestion du risque : facteurs humains »5. Cette formation en salle, est réalisée sur une journée en collaboration avec la compagnie aérienne internationale ‘Swiss’.

•! A l’hôpital cantonal de Fribourg, dans le service des soins intensifs et continus ont été mis en place des colloques de morbidité-mortalité (Ksouri, H., Bahri Ksouri, A., Ribordy, V., Sridharan, G., Hayoz, D., 2010). Ils sont constitués du personnel médical et paramédical. Le but est de revenir sur un EI sans chercher un responsable, mais afin de comprendre les rouages qui ont abouti à cet EI et d’apprendre de celui-ci. Les auteurs parlent du concept de culture « de l’erreur utile » (Ksouri et al, 2010, p. 2190).

Ces colloques de morbidité-mortalité permettent d’évaluer les pratiques professionnelles et sont un bon moyen de formation pour les médecins internes.

1! Introduction

1.1! Formation Crew Resource Management

Dans les années 70-80, le monde aéronautique a vécu des accidents majeurs sans qu’il soit possible de mettre en cause des problèmes techniques ou des défaillances de procédures. A partir de là est né le besoin de mieux comprendre le rôle des facteurs humains dans la gestion de la sécurité. Le secteur de l’aéronautique a été ainsi précurseur « dans la conception de formations aux compétences ‘non techniques’ » (Fornette & Jollans, 2016, p.15).

En 1981 la compagnie « United Airlines » a créé la première génération de formation

« Cockpit Resource Management6 » (Helmreich, Merrritt, & Wilhelm, 1999 ; Fornette &

5Pour plus de détails sur le contenu de cette formation : cf § 3.5.

6Les générations de formation CRM sont décrites dans le sous-chapitre : 1.1.1.2.2.

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Jollans, 2016). Ils ont été suivis par d’autres compagnies aériennes (e.g., Nippon Airways en 1987 et Delta Airlines en 1989) (Fornette & Jollans, 2016). En 1989, l’OACI promulgue un amendement incluant le suivi d’une formation CRM pour l’obtention d’une licence de pilote.

L’Europe suit cette injonction seulement en 1998 (Fornette & Jollans, 2016).

Dans les années suivantes, cette formation s’est répandue dans d’autres domaines que l’aéronautique civile, en premier celui de l’aéronautique de défense, ensuite dans les secteurs de la santé, des transports (rails, marchandes …) et de la production d’énergie (nucléaire, gaz…) des secteurs qui ont des activités complexes à risque et une forte composante collective (Fornette & Jollans, 2016 ; Flin, O’Connor & Mearns, 2002).

1.1.1! Caractéristiques5des5formations5CRM5

Les formations CRM (Fornette et Jollans, 2016, pour plus de détail, p. 14) :

•! Sont destinées à tous les opérateurs liés de près ou de loin à l’activité. Ils ne deviennent pas des spécialistes du domaine des sciences sociales ;

•! Doivent faire partie du cursus de formation continue des professionnels ;

•! Ont un dispositif de type « formation participative ». Le succès de cette formation repose notamment sur la participation active des formés dans les échanges ;

•! Ne doivent pas servir d’excuse aux opérateurs de première ligne pour se déresponsabiliser ;

•! Sont une opportunité de réflexion sur les pratiques professionnelles, dont les résultats serviront à l’organisation toute entière ;

•! Sont efficaces lorsqu’il y a une mise en pratique des principes enseignés dans l’activité quotidienne ;

•! Fournissent aux opérateurs des outils pour adapter leurs actions suivant le contexte en favorisant la communication et le partage dans le collectif.

1.1.2! Les5cinq5générations5de5formation5CRM5

1.1.2.1! La*première*génération*de*«*Cockpit*Resource*Management*»*

La première génération de « Cockpit Resource Management » a été créé aux USA par la compagnie « United Airlines » en 1981 suite au crash d’un de ses avions. Cette formation s’adressait uniquement aux pilotes et a été développée par deux psychologues Robert Blake et Jane Mouton (Blake & Mouton, 1964, cité par Helmreich et al., 1999). Elle mettait l’accent sur les aspects psychologiques, en particulier sur le leadership et le comportement des pilotes entre eux, comme par exemple, modifier les comportements des juniors afin qu’ils soient

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moins soumis à l’attitude autoritaire des commandants de bord. Certains programmes incluaient des formations sur simulateur en plus des formations en salle. Une des critiques émises par les pilotes est que cette formation est trop psychologisante (Helmreich, Merritt, Wilhelm, 1999).

1.1.2.2! La*deuxième*génération*de*CRM*

D’autres compagnies aériennes US et dans le monde utilisent le concept de CRM dans leur programme de formation.

Une nouvelle génération de formation « Cockpit Resource Management » émerge et devient

« Crew Resource Management ». C’est la compagnie « Delta Airlines » qui crée le contenu de cette nouvelle formation CRM (Helmreich, Merritt, Wilhelm, 1999 citant Byrnes et Black, 1993). La nouveauté est qu’elle s’adresse à l’équipage de l’avion, pilotes et équipage de cabine compris.

Elle développe les thèmes suivants :

1.! La construction d’une équipe, une synergie ; 2.! Les séances de briefing ;

3.! La conscience des situations.

Ces deux premières générations restent centrées sur l’individu considéré comme faillible.

Cependant, des critiques se font entendre, notamment sur le fait que ces formations sont données par des experts en ‘sciences sociales’, donc souvent déconnectées du travail réel et la difficulté à transférer les savoirs appris en formation sur le lieu de travail (Fornette et Jollans, 2016).

1.1.2.3! La*troisième*génération*de*formation*CRM*

La troisième et quatrième génération de formation CRM, apparues simultanément, ont répondu à : 1) l’évolution technique des interfaces et des environnements (automatisation des cockpits) 2) la mise en place de politique de gestion de la sécurité dans les organisations et à l’apport des approches systémiques (considérer l’ensemble et pas seulement l’individu) (Fornette et Jollans, 2016).

Dans les années 90, la troisième génération de CRM a emprunté de multiples voies, qui sont : a) prendre en compte la culture organisationnelle et le management du risque ; b) former les pilotes en mettant le focus sur certaines compétences et comportements à acquérir afin d’être plus performants ; c) introduire le CRM au personnel navigant commercial en plus du personnel navigant technique et des équipes au sol (Helmreich, Merritt, Wilhelm, 1999).

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La troisième génération a reconnu le besoin d’étendre la formation aux autres branches d’activité de la compagnie aérienne. Cependant, son objectif originel, réduire les erreurs humaines, a été un peu dilué avec cette troisième génération (Helmreich, Merritt, Wilhelm, 1999).

1.1.2.4! La*quatrième*génération*de*formation*CRM*

L’Administration Fédérale de l’Aviation a apporté un changement dans la formation du personnel naviguant (flight crew) en 1990 avec l’ouverture de ces programmes de qualification avancé (Advanced Qualification Program) (AQP : Birnbach et Longridge, 1993 cité par Helmreich et Co, 1999). Ce programme est volontaire et permet aux compagnies aériennes d’innover dans les formations afin qu’elles correspondent au besoin de l’entreprise (Helmreich, Merritt & Wilhelm, 1999). Toutes les compagnies aériennes doivent introduire les formations CRM pour les équipages ainsi qu’utiliser le concept du CRM dans les formations techniques. Les compagnies aériennes ont cependant une grande marge de liberté quant au contenu de ces formations mais doivent, pour obtenir certaines certifications pour l’équipage, avoir des séances en simulateur (Helmreich, Merritt & Wilhelm, 1999 ; Salas et al, 2006).

1.1.2.5! La*cinquième*génération*de*formation*CRM*

Après avoir fait le bilan des quatre générations de CRM, Helmreich, Merritt & Wilhelm, (1999) ont conclu que les erreurs sont omniprésentes, inévitables et sources d’informations précieuses. Par conséquent, la gestion de l’erreur est au centre du concept CRM. En partant de cette position, ils ont été influencés par les travaux du professeur James Reason qui définit cinq caractéristiques de la culture de sécurité (pour plus de détail, cf § 1.3.1). Dans cette 5ème génération de CRM, les principaux thèmes sont : la gestion de l’erreur, la culture organisationnelle et les performances humaines.

L’analyse des performances humaines est commune à toutes les générations de CRM. Dans cette 5ème génération de CRM, l’accent est mis sur les croyances erronées que les pilotes ont de leurs performances en se pensant invulnérables face au stress et à la fatigue.

1.1.3! Le5succès5et5échec5du5CRM.55

Helmreich, R., L., Merritt, A., C. & Wilhelm, J., A. (1999) ont fait un bilan après plusieurs années de CRM et ont constaté que :

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•! Il est difficile d’évaluer une formation CRM à partir du nombre d’accidents sur une période définie car ceux-ci sont trop peu nombreux et la diversité des contenus des formations CRM rend la tâche plus difficile encore ;

•! Le CRM n’atteint pas tout le monde et certains pilotes font de la résistance ;

•! Après avoir observé quelques pilotes plusieurs années post-formation CRM, ils ont constaté : 1) une diminution de l’adhésion à la formation CRM avec le temps ; 2) une diminution des modifications du comportements (groupe trop hétéroclite, difficulté à être spécifique ; 3) une représentation tronquée de la formation CRM. Pour les pilotes, celle-ci les forme à mieux travailler ensemble, mais ils n’ont plus la notion du

« pourquoi » une meilleure collaboration est importante.

•! Le CRM s’exporte mal car la culture de celui-ci n’adhère pas à la culture nationale des pilotes d’autres pays. Chaque nation doit s’approprier le CRM afin qu’il corresponde à la culture nationale des pilotes.

1.1.4! Formation5CRM/MTT5(médical5team5training)5dans5la5santé5

Les principes des formations CRM ont été transposées dans le monde médical sous le nom de MTT (Medical Team Training) (Baker, Gustafon, Beaubien, Salas, & Barach, 2005, Grogan Grogan, Stiles, France, Speroff, Morris Jr, Nixon, Pinson, (2004) ; Lisha, 2011, Morey et al., 2002, cité par Fornette et Jollans, 2016).

Cette transposition est souvent argumentée par le fait que les caractéristiques de la prise en charge d’un patient, que ce soit en hôpital, en clinique ou en cabinet partagent certains points communs avec les milieux de l’aéronautique et de l’industrie nucléaire (Amalberti, Auroy, Berwick, & Barch, 2005 ) : a) les processus qui les constituent sont dynamiques, interdépendants et évoluent sans cesse, parfois très rapidement : le temps disponible en cas d’urgence vitale peut se limiter à quelques minutes avant l’installation de séquelles irréversibles ; b) les processus portent un risque intrinsèque significatif : risques pour le patient et pour le professionnel (e.g. accidents dus à l’exposition à des matériels dangereux et infectés) ; c) le matériel se complexifie sans cesse mais avec une mise en œuvre qui est toujours du ressort de l’homme ; d) certaines opérations se déroulent dans un contexte d’incertitude : le professionnel de santé ne dispose pas, à tout moment, de la totalité des informations pour éclairer leurs décisions. Les opérateurs sont responsables de leurs actes et de leur choix et en sont redevables ; enfin f) les processus sont mis en œuvre par des professionnels interdépendants : les collectifs rassemblent des groupes de métiers très variables (e.g. infirmiers, anesthésistes réanimateurs et chirurgiens), bénéficiant de formations

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14

professionnelles et d’une position hiérarchique très contrastées, le chirurgien étant « le roi » au bloc opératoire.

Fornette et Jollans (2016) donnent un aperçu des formations de type CRM existantes dans le milieu de la santé7. Nous retenons les points suivants de ce chapitre :

•! Il y a une grande variété de dispositif de formation, dépendant de l’organisation et du service, abordant les mêmes thèmes que ceux suggérés par la Haute Autorité de Santé8 (HAS, France) : communication (entre professionnel de la santé et le patient, gestion des conflits), la synergie et le leadership, priorisation des décisions, la gestion du stress, de la fatigue, celle des ressources, la gestion des automatismes et l’organisation du travail en équipe ;

•! Certains dispositifs de formation forment des facilitateurs qui accompagnent les acteurs sur leur lieu de travail pendant une période donnée ;

•! Une mise en pratique des connaissances théoriques apprises en formation sur le lieu de travail ;

•! La plupart des formations ont une durée minimum de 2 jours et font des journées ou demi-journées de rafraichissement un an plus tard. Certains dispositifs de formation ont formé des facilitateurs qui forment les équipes médicales et qui encadrent les équipes 3-4 jours/an (programme AMPRO/MORE. Pour plus de détail : Fornette &

Jollans, p.105, 2016) ;

•! Le programme « Interprofessionnal learning » (IPL), programme interdisciplinaire d’un hôpital universitaire dépendant du National Health Système en Angleterre, a instauré comme dispositif un atelier de réflexion, de 2 heures mensuelles, sur le travail en équipe, la performance collective, la communication et le partage de la conscience de la situation ;

7Formations citée dans le préambule. Pour plus de détail, se référer aux pages 93 à 119, du livre de Fornette et Jollans (2016).

8 Le récent guide de l’HAS (Guide de Méthodologique-Des soins concepts à la pratique : « Mettre en œuvre la gestion des risques associés aux soins » reconnaît que : 1) de nombreux cadres réglementaires et

recommandations de gestion des risques associés aux soins ont été publiés dans les dix dernières années. Mais il faut reconnaître que l’assemblage cohérent de ces cadres, de même qu’une gouvernance et une culture de la sécurité qui les transforment en priorité réelle, font régulièrement défaut ; 2) le risque en établissement de santé est encore trop souvent abordé de façon cloisonnée. Si certains risques cliniques sont fortement pris en compte (risque transfusionnel, risque infectieux), d’autres peuvent l’être insuffisamment malgré leur importance (gestion de l’identité, risque médicamenteux, iatrogénie associée aux actes techniques …). (Fornette et Jollans, 2016, p.95-96).

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15

•! Certains dispositifs proposent, en fin de formation, un exercice pratique consistant à élaborer une stratégie pour améliorer la sécurité des soins dans leurs unités ;

•! L’évaluation des dispositifs de formation se fait en utilisant la pyramide de Kirkpatrick et dans tous les cas par un questionnaire.

Pour l’heure, il n’existe aucune réglementation de l’HAS sur les formations RM (Resource Management). Avec l’expérience, il a été constaté que au moins deux conditions doivent être impérativement remplies afin que ces formations RM atteignent les objectifs visés, dans les milieux des transports, de l’aéronautique, du nucléaire et de la santé : a) l’organisation doit avoir une culture d’entreprise propice à ce genre de démarche (Salas & al, 2006) ; b) « cette culture doit être relayée et traduite en politique de formation RM » (Fornette et Jollans, 2016, p. 152).

La formation RM (dans les quatre milieux cités précédemment) peine à interpeller les cadres supérieurs et les dirigeants de plus haut niveau, comme par exemple les chirurgiens (cf § 1.2.1

‘culture de sécurité dans le domaine de la médecine et à hauts risques’). Des hypothèses sont émises comme par exemple le manque de disponibilité des cadres dirigeants.

1.1.5! Quels5impacts5objectifs5les5effets5du5CRM5ontLils5sur5l’organisation5et5sur5la5 sécurité5du5patient5?5

Comme nous allons le voir, les effets du CRM ont un retentissement positif sur les formés, améliorent le processus d’apprentissage et induisent un certain changement de comportement dans un contexte réel ou simulé (Salas et al, 2006). Il y a cependant un effritement dans le temps de ces effets positifs et il n’existe pas d’étude objectivant l’impact des effets du CRM sur l’organisation et plus particulièrement sur la sécurité des patients (Salas et al, 2001 ; 2006 ; Edkins, 2002 ; O’Connor, Flin, & Fletcher, 2002 ; O’Connor, Flin, Fletcher, &

Hemsley, 2002 ; Fornette et Jollans, 2016).

Dans le milieu médical suisse, les HUG ont évalué deux de leurs formations. La première, la formation « Ensemble » des équipes obstétricales, a évalué son dispositif avec le 3ème niveau (niveau pratique)9 de la pyramide de Kirkpatrick (Fornette et Jollans, 2016). La

9Pyramide de Kirkpatrick (1976, 1998, 2006) (Fornette et Jollans, 2016) : niveau 1 : l’évaluation des réactions, du taux de satisfaction des participants. Cette évaluation subjective ne prévaut pas le degré d’apprentissage ; niveau 2 : évaluation des apprentissages. Un des moyens d’évaluation des apprentissages est un test de type enseignement scolaire ; niveau 3 : évaluation du niveau de transfert. Elle évalue la capacité de l’acteur à transférer ses connaissances théoriques dans la pratique professionnelle. Il est difficile d’évaluer uniquement cette capacité de transfert et de faire abstraction des autres changements dans l’environnement de

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deuxième formation a été évaluée avec un questionnaire de satisfaction tout de suite après la formation entre octobre 2009 et juin 2010 (Suva et al, 2011, p. 672). Selon cette évaluation par questionnaire, le taux de satisfaction était très élevé.

Les formations de type CRM au sein des HUG sont associées aux effets suivants : 1.! Elles sensibilisent les professionnels à l’utilité des check-lists opératoires ;

2.! Elles améliorent la communication entre chirurgiens et anesthésistes ainsi que la qualité du travail d’équipe ;

3.! Elles diminuent les problèmes techniques et augmentent le rendement du travail réalisé au bloc opératoire ;

4.! Elles diminuent la mortalité opératoire (Suva, D., Haller, G., Lübekke-Wolf, A., Macheret, F., Kindler, V., Hoffmeyer, P, 2011. p. 672). Malgré ces effets positifs, la formation de type CRM ne tient pas suffisamment compte des différentes cultures dans une équipe chirurgicale. Dans l’article écrit par Godfarb & Al, ils ne peuvent conclure que la formation CRM réduit les erreurs médicales.

La pyramide de Kirkpatrick est l’outil d’évaluation le plus fréquemment utilisé, mais il est difficile d’évaluer les niveaux supérieurs, plus particulièrement ‘les effets’. Par conséquent il est malaisé de faire un lien de cause à effet avec les différents niveaux de la hiérarchie de la pyramide de Kirkpatrick. Et donc, sans ces évaluations, il n’est pas possible d’affirmer que les réactions positives des formés face à la formation soient synonymes d’apprentissage et que ceux-ci engendrent un changement de comportement, qui influencera sur l’organisation (Salas et al, 2006), par conséquent sur la gestion de la sécurité.

1.2! Organisation Hautement fiable (HRO)

Après une réflexion sur la formation CRM et l’organisation, nous abordons une réflexion sur l’organisation et la fiabilité, en sachant que les HRO ne parlent pas de formation et peu de la culture, mais questionne la relation de l’organisation à son environnement pour atteindre la fiabilité.

Le terme de « High Reliability Organization » (HRO) est apparu dans les sciences de la gestion, grâce notamment aux travaux de Perrow (1984) et du « High Reliability Organization

l’opérateur (professionnel et personnel) ; niveau 4 : évaluation des résultats. Il évalue les faits observables, factuels tel que : productivité, qualité, nombre d’accidents, réduction des coûts, etc. Comme pour le niveau précédent, il est difficile d’évaluer uniquement l’apport de la formation.

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17

Project », dont les trois membres fondateurs sont : Todd R. La Porte, Karlène H. Roberts et Gene I. Rochlin (La Porte & Consolini, 1991). Sous l’impulsion d’autres auteurs (Sagan, 1993 ; de Heimann, 1997 ; ou d’Hopkins, 1999), le terme de « théorie de la fiabilité organisationnelle » a vu le jour. Pour Bourrier (2001), ce terme de théorie est trompeur et elle lui préfère celui d’« approches organisationnelles de la fiabilité », car il n’y a pas de travaux convergeants et structurés pour en faire une théorie.

Perrow s’appuie sur la « théorie des systèmes » pour traiter des organisations à hauts risques.

C’est à dire que « tout système y compris l’organisation est caractérisée par un assemblage et une combinaison des parties en interdépendance » (Bourrier, 2001, p.24). Toujours pour Perrow, l’organisation ne peut être source de fiabilité, de protection contre les transgressions et les déviances. Elle est au contraire source de fragilité et lui préfère les termes de

« défaillance organisationnelle » et d’« accident normal » car il n’est pas possible de prédire comment un système va échouer. Même la contribution de l’opérateur à la fiabilité ne peut compenser certains principes de structurations, facteurs de fragilité. A titre d’exemple, pour cet auteur, la complexité de l’ensemble, due à un accroissement des redondances présentes dans les entreprises à haut risque, multiplie les risques de défaillances. Un accident normal est latent et toujours présent n’attendant qu’une opportunité de trajectoire pour se réaliser (Reason, 1993).

Pour les théoriciens du groupe High Reliability Organisazations, cette vision de la redondance est à l’opposé de leur conviction. Au contraire, cette redondance est l’un des moyens permettant de répondre à la variabilité des demandes extérieures et maintenir des niveaux des fiabilités élevés (La Porte & Consolini, 1991 ; Chisholm, 1989, Landau, 1991).

Ils se sont intéressés à la variance entre organisations et systèmes, car toutes les organisations n’échouent pas. Certaines accèdent, contre toute attente, à un niveau de fiabilité sur la durée.

La Porte et ses collègues se sont référés, pour construire le modèle de l’organisation, à une double influence : celle de la « théorie de la contingence » de Lawrence & Lorsch (1967) et celle de l’adaptation qu’en a proposée Thompson (1967). L’organisation est considérée comme « un système ouvert » dont la structure interne répond en premier lieu, aux demandes de l’environnement dans lequel elle évolue. Par conséquent une organisation avec un niveau de fiabilité est une organisation qui s’adapte à son environnement. Dit autrement, une HRO a une bonne adaptation entre les demandes de l’environnement et les principes internes de l’organisation. Ce qui signifie que plus l’environnement sera incertain, avec des changements de conditions de marché et de technologie rapide, plus la structure de l’organisation sera

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différenciée et plus la coordination des activités des sous-unités sera compliquée. Ceci génère souvent des conflits entre opérateurs. Un hôpital est un bon exemple de ce genre d’organisation. Afin que l’organisation soit performante, il faut octroyer plus d’énergie à la coordination des diverses activités et à la résolution des conflits entre participants (Bourrier, 2001).

La Porte et ses collègues refusent de préconiser un modèle d’organisation en particulier.

Certains critères principaux pour définir une HRO sont pourtant récurrents, comme : « la redondance des canaux de décisions, la redondance du contrôle entre acteurs, des activités permanentes de recyclage et d’entraînement, l’accord des membres de l’organisation concernant les buts ultimes de l’organisation et la centralisation du pouvoir alliée à une décentralisation et une délégation de pouvoir » (Bourrier, 2001, p. 29). Pour autant, ces critères ne constituent pas un modèle unique. Selon La Porte, le terme de High Reliability Organizations ne signifie pas « hautement fiable » mais à « haute fiabilité ». Ce label renvoie à la qualité des relations entretenues entre l’organisation et son environnement. Par conséquent, pour La Porte et son groupe, les acteurs de cette organisation ont peu d’influences sur la structure de celle-ci.

Weick (2004) analyse les processus émergeants de ces organisations (de Bovis, 2009, p.

249) : « il identifie six pratiques institutionnalisée, dans les HRO : a) le développement d’une connaissance importante ; 2) une discussion dotée d’une large variation d’interprétations ; 3) une différenciation des idées et des arguments ; 4) une écoute active de l’autre ; 5) un travail en profondeur pour réconcilier les différences ; 6) un engagement à identifier une seconde fois et mettre à jour tout ce qui est trop simple à travers les idées directrices établies pour les actions. Roberts quant à elle, identifie sur son terrain d’observation, plusieurs caractéristiques internes d’une HRO (de Bovis, 2009, p. 249) : « a) à travers les redondances ; b) simulations ; c) une organisation structurelle stricte ; d) une prise de décision décentralisée ; e) un apprentissage des erreurs et de la prévention ; f) un bon entrainement ; g) une expérience comme prérequis ». Ces deux approches sont complémentaires, la première basée sur une approche globale de l’organisation et la deuxième sur une approche interne du fonctionnement de celle-ci.

Pour les organisations de santé, une des préoccupations majeures, est la qualité et la sécurité des soins. Ceux-ci dépendent en partie de la pratique concrète des soins donnés par le personnel soignant. L’étude menée par Roberts et ses collègues (2005) dans le service de soins intensifs pédiatriques a démontré que la résilience était maintenue grâce à l’intelligence

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collective et que cette unité correspondait aux critères d’une HRO (Roberts, V Desai, Madsen, Van Stralen, 2005). Cette étude démontre aussi que dans les situations où l’état du patient peut changer rapidement, le modèle de l’evidence-based medecine10 ne fonctionne pas pour poser un diagnostic et proposer un traitement. Une HRO peut facilement devenir une LROs (low reability organisation) (Roberts & Al, 2005).

Tableau 1 : Caractéristiques de dysfonctionnement dans les organisations à risques, Roberts (1990)(cité par Bovis, 2009)

1.2.1! Gestion5de5l’erreur5

Nous l’avons vu, le concept de HRO repose sur l’apprentissage et la prévention des erreurs.

Une des façons de gérer les risques en santé consiste à identifier et réduire les évènements indésirables (EI) pour améliorer la sécurité des patients. Un EI est une situation qui s’écarte de procédures ou de résultats escomptés dans une procédure habituelle et qui est, ou qui serait, potentiellement source de dommage (disfonctionnement, incident, accident) et qui a un lien avec les soins de prévention, de diagnostic, de traitement et de réhabilitation (Nascimento, 2011, p. 3592).Les systèmes de déclaration et d’analyse ont été modifiés afin

10Evidence based medecine : L’”Evidence-Based Medicine" (EBM ou médecine factuelle) se définit donc comme l'utilisation consciencieuse et judicieuse des meilleures données (preuves) actuelles de la recherche clinique dans la prise en charge personnalisée de chaque patient" (Sackett, 1996). Ces preuves proviennent d'études cliniques systématiques, telles que des essais contrôlés randomisés, des méta-analyses, éventuellement des études transversales ou de suivi bien construites. http://www.ebm.lib.ulg.ac.be/prostate/ebm.htm

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d’apprendre des EI et de les prévenir. Des systèmes de retour d’expérience (REX) sont apparus et se sont répandus dans les établissements médicaux (devenus obligatoires en France depuis la loi de 2004). Aux HUG, il existe les « groupes incidents » qui analysent et préviennent les EI. Ce système de déclaration des EI prend exemple sur l’aéronautique qui les a conçus en 1975. La déclaration volontaire de l’EI est encouragée. Il est conseillé de déclarer des EI dont les conséquences ne sont pas forcément graves (évènements précurseurs, incidents) plutôt que les accidents, car il est plus facile de remonter aux causes latentes quand le lien émotionnel est moindre (Nascimento, 2011). Cette démarche de déclaration d’EI permet d’une part apprentissage d’autre part de développer une culture de sécurité ; « sans culture de sécurité, pas de déclaration ; sans déclaration, pas de culture de sécurité » (Nascimento, 2011, p. 3598).

En 20 ans de pratique du signalement, en particulier aux USA, cela a permis d’identifier quatre catégories d’usages (Nascimento, 2011, p. 3598) :

•! La prévention des accidents et erreurs, soit sur analyse au cas par cas ou par des statistiques ;

•! La formation et la sensibilisation des professionnels aux phénomènes d’erreurs et d’accidents, comme par exemple les réunions de morbidité/mortalité très répandue en anesthésie ;

•! L’observance et la fiabilité d’un système, qui mesure les évolutions des incidents/accidents au cour du temps (réalisation difficile compte tenu de la variabilité d’EI déclarés dans le temps) ;

•! L’amélioration de la gestion des plaintes en cas de litiges par la démonstration et la prise en compte des EI le plus tôt possible.

Les deuxièmes et quatrièmes objectifs semblent obtenir les résultats les plus fiables en comparaison des deux autres. Pour le premier, il y a une sous-représentation de certains métiers/certaines erreurs et une sous-déclaration des EI. Pour le troisième, le biais de sélection de l’EI est facilité par la structure de la fiche qui diffère selon chaque service, mais sa structure même engendre des pertes d’informations (Nascimento. 2011).

Une autre façon d’améliorer la sécurité des soins est de s’intéresser aux Facteurs Humains (FH). Ceux-ci étudient :

•! Le fonctionnement humain cognitif ;

•! La genèse de l’erreur ;

•! Les conséquences possibles ;

(24)

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•! Les moyens pour diminuer la probabilité de survenue des erreurs ;

•! Les moyens pour atténuer leurs conséquences (Sockeel and Co, 2009, p. 251).

La formation Crew Resource Management a été conçue pour répondre aux problèmes liés aux FH.

1.3! La culture de sécurité : émergence du concept

De la gestion de l’erreur s’ensuit la notion de culture de sécurité. Cette notion est apparue en premier sous le nom de « culture de sûreté ». Elle a été proposée en 1991 par le Groupe Consultatif International pour la Sécurité Nucléaire de l’AIEA11, suite à un rapport sur l’accident nucléaire majeur de Tchernobyl de 1986. Cette notion a été reprise dans d’autres domaines où elle a été nommée culture de sécurité. Cependant, pour certains auteurs (Nasciemento 2011,Theureau 2011, Vaughan, 1996, citer aussi Zhang et al., 2002 ; Bourrier, 2001 ; Hale, 2000, Antonsen, 2009), mettre en avant le notion de culture de sécurité, implique d’aborder la question de la place et la contribution de la culture dans le domaine de la sécurité industrielle, relation qui n’est pas si simple au demeurant, ni ne fait l’unanimité dans le domaine scientifique. Pour mieux comprendre la notion de culture de sûreté, il est important de mieux identifier la notion de culture et le périmètre que cette question recouvre.

Theureau (2011b) propose de distinguer la notion de culture au sens large et la notion de culture au sens restreint. « La culture au sens large constituant un tout incluant les organisations et les outils et méthodes (ceux de guerre, de chasse, de cueillette, de cuisine et de construction des maisons, bateaux, etc., mais aussi d’éducation, dans le cas des cultures exotiques, ou ceux de l’entreprise concernée, dans le cas des entreprises à risques), il est possible de l’analyser en diverses composantes (situations de travail, organisations, formations, cultures en un sens restreint, qu’il s’agira de préciser dans le cas des entreprises à risques) mais à condition de les relier entre elles » (Theureau, 2011b, p. 22). « La culture au sens restreint, […], constitue ainsi une composante de la culture au sens large, incluant les valeurs, les modes émotionnels, les modes de distribution de l’attention, les modes de pensées et de contrôle de l’action, les modes de communication et les modes d’inscription symboliques (Theureau, 2011b, p. 22). « Chaque culture au sens large comme au sens restreint constituant un tout particulier, les cultures ne peuvent se comparer selon une batterie générale unique de critères ou attributs, mais seulement en termes de ressemblances / différences entre certaines de leurs composantes et d’organisations de ces dernières »

11AIEA : Agence Internationale de l’Energie Atomique.

(25)

22

(Theureau, 2011b, p. 23). Dans nos sociétés actuelles, la culture au sens restreint est une construction faite de multiculture. Il en va de même pour la culture personnelle individuelle.

Celle-ci est aussi une construction de multi-appartenance culturelle qui se crée depuis l’enfance. Cette diversité est à prendre en compte lorsque nous abordons la culture dans l’élaboration d’une ingénierie des situations sûres.

La question de la relation entre la culture globale (ex : l’Union Soviétique en 1986 et la France en 2011) et la culture organisationnelle (usine Tchernobyl en 1986 et EDF en 2011), qui n’est pas le propos de notre recherche, se pose pour la sûreté des organisations à hauts risques (Theureau, 2011b).

Pour Nascimento (2011), la définition de culture de sécurité, qui est une dimension du concept plus global de la culture organisationnelle est tributaire du débat sur celle-ci et de sa définition. La notion de culture organisationnelle est née dans les années 80, ne provenant pas du domaine scientifique, mais du monde journalistique et managériale, célébrant les performances de certaines entreprises japonaises (Theureau, 2011b). Ces performances étaient dues, selon la croyance à une certaine culture d’entreprise, « dont les caractéristiques pouvaient être reproduites ailleurs » (Theureau, 2011b, p.34). Ces entreprises, entre-temps, ont eu quelques déconvenues, mais le terme de culture organisationnelle est resté. La culture organisationnelle est faite de multi-appartenance culturelle des individus la constituant, c’est pourquoi celle-ci est souvent moins enracinée que la culture d’une nation ou d’une ethnie. Les individus peuvent adhérer à certains aspects de la culture organisationnelle, mais auront tendance à être plus critique envers ce cadre-là qu’au cadre culturel d’une nation (Theureau, 2011b).

Les études menées sur la culture organisationnelle décrivent deux traditions différentes.

Certains auteurs, dont Theureau précédemment cité, se basent sur un cadre théorique et méthodologique provenant de l’anthropologie et les autres se basent sur les travaux menés sur le climat organisationnel (Nascimento, 2011). Les approches culturalistes, proviennent de l’anthropologie qui considère la culture comme un objet en soi et qui permet de comprendre le fonctionnement d’une collectivité et d’une organisation. Les approches culturalistes ont deux approches sous-jacentes qui les constituent : ce « qu’une organisation a »12 et ce

« qu’une organisation est »13 (Nascimento, 2011, p. 3593). Cette approche culturaliste de la

12L’approche fonctionnaliste « ce qu’une organisation a » « s’intéresse aux structures pratiques, contrôles et politiques prévues pour améliorer la sécurité ». (Nascimento, 2011, p. 3594).

13L’approche culturaliste « ce qu’une organisation est » s’intéresse en termes de croyances, attitudes et valeurs à propos de la sécurité (Nascimento, 2011, p. 3594).

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23

culture de sécurité, selon Nascimento (2011), est l’approche dominante. Celle-ci permet un système de signification (valeurs, normes, conduites, représentations, attitudes, croyances) partagées par un groupe.

1.3.1! Quelle5culture5de5sécurité5?5

Comme écrit précédemment la notion de culture de sécurité ne fait pas l’unanimité dans le monde scientifique. Il existe une multiplicité de conception de la culture organisationnelle et par extension de la culture de sécurité. Notre recherche ne vise pas à trouver un consensus sur les différents concepts de la culture de sécurité, c’est pourquoi nous faisons un rapide tour d’horizon de ceux-ci.

Amalberti (2015, n°3) pose une question de fond : qu’est-ce que la sécurité ? Est-ce vivre en évitant des accidents ou incidents graves ou optimiser les procédures ? La croyance que les accidents sont dus à un non-respect des procédures engendrant des erreurs pour arriver à un accident grave a la vie dure. Il a pourtant été démontré qu’une taxonomie des causes communes n’est pas possible car une cause ne génère pas le même accident selon le contexte.

Il n’est donc pas possible de prédire un accident majeur. Il serait préférable d’écrire une taxonomie des contextes communs, ce qui n’a pas encore été fait (Dekker, Pariès cité par Amalberti 2015, n°3).

Il propose de faire le diagnostic de la culture organisationnelle et non de la culture de sécurité (Theureau, 2011. Vaughan, 1996), qui n’est plus qu’un outil de conformité. Cette notion a perdu le sens donné par l’INSAG (International Nuclear Safety Advisory Group) après l’accident de Tchernobyl, qui « voyait un système de valeurs tacites partagées à l’intérieur de l’entreprise pour lui donner une force ajoutée, une cohérence et une résistance collective aux accidents » (Amalberti, 2015, n°3, p. 2). Amalberti fait une métaphore médicale : un corps plus sain et plus fort face aux maladies sans les supprimer. Pour atteindre ce but, Amalberti cite différents auteurs et leurs concepts, comme de sublimer l’intelligence de l’adaptation du groupe (Roberts, 1990, Weick, 1993 pour les HRO, cf § 1.6) pour une sécurité réelle et sortir de l’observance et des procédures ainsi qu’un « management de l’incertitude » (Hollnagel, 2004, 2005 pour l’approche Safety I et Safety II) (Amalberti, 2015, n°3).

James Reason (1997, cité par Amalberti, 2015a) quant à lui, caractérise la culture de sécurité par « cinq traits culturels à conjuguer » :

1.! Une culture de signalement ;

2.! Une culture juste qui ne commence pas par désigner les coupables et les punir ; 3.! Une culture flexible selon les contextes ;

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24 4.! Une culture capable d’apprentissage ;

5.! Une culture qui garde la capacité de s’interroger régulièrement sur ses propres valeurs (Amalberti, 2015a, p.1).

Amalberti (2015b) pose sur la culture de sécurité trois questions : a) est-il légitime de miser sur le même bouquet de valeurs et de comportements pour optimiser la sécurité ? ; b) que peut-on espérer comme gain ? ; c) Une culture ou des cultures ? (Amalberti, 2015b.

Nascimento, 2011, Theureau, 2011, Vaughan, 1996).

Quelle culture pour maintenir la survie d’une entreprise : culture positive du changement, culture de la qualité, culture de la pertinence et de l’efficience, culture de sécurité ? Certaines entreprises pour survivre doivent aller à l’encontre de certaines valeurs prônées par la culture de sécurité. C’est pourquoi Amalberti suggère « un diagnostic de la culture de l’entreprise en contexte, plutôt qu’un diagnostic limité de la culture de sécurité » (2015b, p.3). En résumé pour lui, la « culture de flexibilité selon le contexte » serait, sur les cinq traits de culture de Reason, le plus important.

1.3.2! Culture5de5sécurité5dans5le5monde5médical5et5dans5les5entreprises5à5haut5risque5 Le monde médical s’est beaucoup inspiré de la notion de culture de sécurité provenant de l’aéronautique et des centrales nucléaires.

Nous citons l’ouvrage de Diane Vaughan (1996) - The Challenger Launch Decision- qui est un ouvrage anthropologique sur la culture organisationnelle et l’impact de la culture au sens large et au sens restreint sur la sécurité et donne des pistes méthodologiques. Il est souvent pris comme exemple (Suva & Poizat 2015, Theureau 2011) car il est très instructif, démontrant les dimensions culturelles ayant contribuées à l’explosion de la navette spatiale Challenger en 1986.

Cet ouvrage est présenté comme le compte-rendu d’une enquête sur les 10 ans précédant l’accident mortel causant la mort de sept astronautes et d’une institutrice. L’enquête ethnographique historique de Diane Vaughan démarra sur l’hypothèse officielle de mauvaise conduite organisationnelle (violation des règles de sécurité enfreintes par les manageurs des lanceurs et les contraintes de production de la NASA) et non sur l’hypothèse d’un unique problème technique (Theureau, 2011 ; Suva & Poizat, 2015). Nous relatons très succinctement les faits découverts lors de cette enquête. C’est un défaut des joints d’étanchéité des lanceurs qui est à l’origine de l’explosion de la navette spatiale Challenger

(28)

25

(Theureau, 2011 ; Suva & Poizat, 2015). Ce défaut avait déjà été mentionné à plusieurs reprises par les ingénieurs lors de précédents essais et même le jour précédant le lancement, car la météo prédisait des températures trop basses pour que les joints d’étanchéité puissent résister. Malgré ces avertissements, les manageurs de la NASA ont considérés le risque du joint d’étanchéité acceptable, transformant peu à peu ce risque, avec le temps, en quelque chose de normal. Ils n’ont pas demandé des suppléments d’enquête et ont maintenu le lancement de la navette spatiale Challenger, tenus par des contraintes de productions. Pour Theureau, « cette distinction entre « ingénieur » et « manager » constituent des exemples parlants de différence et de lien entre culture et organisation, les relations de pouvoirs étant inclues dans l’une et l’autre » (Theureau, 2011, p. 40). Diane Vaughan conclut, entre autres, à une « normalisation de la déviance » et au « secret structurel »14. La « normalisation de la déviance » est un processus par lequel un individu est amené à faire quelque chose qu’il ne ferait pas en d’autres circonstances. En d’autres termes, il enfreint certaines règles afin de pouvoir faire son travail. Leurs actes ne sont pas considérés comme déviant. Ils sont même acceptés par la culture de l’organisation. (Suva & Poizat, 2015).

En conclusion, ce n’est pas une mauvaise conduite organisationnelle qui a conduit à l’explosion de la navette spatiale Challenger, mais contre toute attente, un respect des règles de chaque culture de métier, comme celle des ingénieurs avec le secret de fonction et celle de choisir des maux connus dans l’intérêt de la sûreté plutôt que d’innover. La culture de la Nasa, à cette époque, a contribué à cet accident. En effet, c’est celle-ci, due aux coupes budgétaires, qui l’a amené à avoir une culture de productivité, qui a diminué le budget : a) pour le personnel de sureté ; b) pour les exigences de test de sureté et c) altérant les procédures de sûreté, ce qui a abouti à une érosion de la culture technique originelle de coopération pour aboutir à une culture de compétition.

Il y a eu un jeu de pouvoir entre la NASA et les sous-traitants, ainsi qu’entre la NASA et le gouvernement américain qui a diminué le budget alloué pour ce projet (Theureau, 2011).

Le monde médical comme le monde aéronautique subit de plus en plus de pression de rentabilité, comme par exemple celle des salles d’opération et de la productivité ; l’hôpital devenant une entreprise comme une autre ou du moins ne pouvant plus se permettre des

14Le« secret structurel » se distingue du secret individuel ou collectif et constitue « la façon dont les formes d’information, la structure organisationnelle, les processus et les transactions et la structure des relations réglementaires sapent systématiquement l’essai de connaître et d’interpréter une situation dans toutes les organisations. » (Theureau 2011, p. 42, citant Vaughan).

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