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Conflit entre les influences réfléchies et impulsives sur les comportements : un exemple dans le contexte de l'homophobie

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Conflit entre les influences réfléchies et impulsives sur les comportements : un exemple dans le contexte de l'homophobie

PEYRATOUT, Gwendoline

Abstract

Basé sur les modèles duaux, l'objectif principal de cette étude était de tester si l'intérêt envers les stimuli homosexuels chez des hommes homophobes mis en évidence par Adams, Wright et Lohr (1996) dépendait de leurs impulsions spécifiques (i.e., tendances impulsives d'approche) envers ces stimuli. Trente-huit hommes hétérosexuels (17-36 ans) ont complété un questionnaire mesurant leur niveau d'homophobie ainsi que la tâche du mannequin pour évaluer leur tendance impulsive à approcher les stimuli homosexuels (IAH). Les participants ont ensuite réalisé une tâche de visualisation d'images pour mesurer leur intérêt vis-à-vis des stimuli homosexuels à travers le temps de regard d'images de nature homosexuelle et hétérosexuelle. L'hypothèse principale était que, chez les participants homophobes, l'IAH allait augmenter le temps de regard des images homosexuelles mais pas des images hétérosexuelles...

PEYRATOUT, Gwendoline. Conflit entre les influences réfléchies et impulsives sur les comportements : un exemple dans le contexte de l'homophobie. Master : Univ.

Genève, 2015

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:76677

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Conflit entre les influences réfléchies et impulsives sur les comportements:

Un exemple dans le contexte de l'homophobie

MÉMOIRE RÉALISÉ EN VUE DE L’OBTENTION DE LA MAÎTRISE UNIVERSITAIRE EN PSYCHOLOGIE

ORIENTATIONS PSYCHOLOGIE COGNITIVE

PSYCHOLOGIE CLINIQUE

PAR

Gwendoline Peyratout gwendoline.peyratout@etu.unige.ch

DIRECTEUR DU MEMOIRE Julien Chanal

Co-directeur Boris Cheval

JURY Boris Cheval Julien Chanal Roland Maurer

Genève, septembre 2015

Université de Genève

Faculté de Psychologie et des Sciences de l’éducation Section psychologie

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Basé sur les modèles duaux, l’objectif principal de cette étude était de tester si l’intérêt envers les stimuli homosexuels chez des hommes homophobes mis en évidence par Adams, Wright et Lohr (1996) dépendait de leurs impulsions spécifiques (i.e., tendances impulsives d’approche) envers ces stimuli. Trente-huit hommes hétérosexuels (17-36 ans) ont complété un questionnaire mesurant leur niveau d'homophobie ainsi que la tâche du mannequin pour évaluer leur tendance impulsive à approcher les stimuli homosexuels (IAH). Les participants ont ensuite réalisé une tâche de visualisation d'images pour mesurer leur intérêt vis-à-vis des stimuli homosexuels à travers le temps de regard d'images de nature homosexuelle et hétérosexuelle. L'hypothèse principale était que, chez les participants homophobes, l'IAH allait augmenter le temps de regard des images homosexuelles mais pas des images hétérosexuelles. Dans l’ensemble, les résultats des analyses linéaires mixtes ont mis en évidence que, l'intérêt envers les stimuli de nature homosexuelle chez les homophobes dépendait effectivement de leur tendance impulsive: seuls les participants homophobes avec une forte tendance impulsive d’approche des stimuli de nature homosexuelle manifestaient une attirance (i.e., temps de regard) envers des images homosexuelles.

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Je tiens à remercier tout particulièrement mon directeur de mémoire, Boris Cheval, pour son encadrement, son soutien, ses nombreux conseils et surtout pour sa grande disponibilité.

Je remercie également Julien Chanal et Roland Maurer d'avoir bien voulu prendre le temps d'étudier mon mémoire et de l'évaluer.

Je souhaite aussi adresser un grand merci à ma famille et à mes amis pour leurs encouragements tout au long de ce mémoire, ainsi qu'a Marco pour son soutien sans faille et son ordinateur.

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1. Introduction ... 2

1.1. L'homophobie ... 2

1.2. Le modèle réflexion-impulsion (Strack & Deutsch, 2004) ... 5

1.2.1. Les influences impulsives sur le comportement ... 5

1.2.2. Les influences réfléchies sur le comportement ... 6

1.2.3. Interactions entre les influences impulsives et réfléchies. ... 7

1.3. La présente étude ... 11

1.3.1. Hypothèses opérationnelles ... 13

2. Méthode ... 13

2.1. Participants ... 13

2.2. Matériel ... 14

2.2.1. Echelle d’évaluation des préférences sexuelles ... 14

2.2.2. Échelle d’évaluation du niveau d’homophobie ... 14

2.2.3. Tâche d’évaluation des tendances automatiques d’approche-évitement .... 15

2.2.4. Tâche de visualisation d'images ... 18

2.3. Procédure ... 19

2.4. Analyses des données ... 19

3. Résultats ... 20

3.1. Statistiques descriptives et exploratoires ... 20

3.2. Analyses statistiques ... 21

3.2.1. Résultats des analyses réalisées sur le temps de regard des images ... 21

3.2.2. Résultats des analyses réalisées sur l’évaluation explicite des images ... 23

4. Discussion ... 26

5. Références bibliographiques ... 33

6. Annexes ... 38

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« Il n’y a rien qui soit entièrement en notre pouvoir que nos pensées (…) »

Descartes, dans Le discours de la méthode pour bien conduire sa raison et chercher la vérité dans les sciences, (1637)

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1. Introduction

Imaginons une personne assise à la terrasse d'un café qui, voyant passer devant elle un homme séduisant, se sente irrésistiblement attirée par lui. Pourtant, cette personne est un homme marié et il sait, de par son éducation, qu’il doit uniquement être attiré par les femmes, et que l’homosexualité est immorale. Malgré cela, son regard est resté complétement figé sur cet homme.

Cet exemple fictif illustre une situation de conflit à laquelle certaines personnes sont confrontées. Nos valeurs – notamment en matière de sexualité – ne sont pas toujours reliées à nos comportements. A côté de nos pensées rationnelles et réfléchies, il existe des mécanismes impulsifs répondant à des stimuli de l'environnement qui peuvent guider nos comportements à l'opposé de ceux qui avaient été consciencieusement planifiés et réfléchis. Ce mémoire s’inscrit dans cette réflexion et vise plus particulièrement à mieux comprendre l’impact de ces mécanismes impulsifs dans la détermination des comportements dans le domaine de l'homophobie.

1.1. L'homophobie

Aux abords des années 1970 débutent les premières recherches sur les attitudes négatives concernant les orientations sexuelles. Dans ce contexte, Weinberg, en 1972, propose le terme "homophobie", qui deviendra très populaire, pour décrire "la peur d’être en interaction avec des personnes homosexuelles" (Weinberg, 1972, cité par O’Donohue &

Caselles, 1993, p. 180 ; traduction libre).

Un an plus tard, l’homosexualité, qui depuis 1952 était considérée comme un trouble sexuel, est retirée du Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (DSM) de l’Association Américaine de Psychiatrie (O'Donohue & Caselles, 1993). Après ces modifications nosologiques, il commence à être suggéré que l’homophobie, plus que l’homosexualité elle-même, soit la source des difficultés et du mal être rencontrés par les personnes homosexuelles. Dès lors, l’homophobie se voit attribuer de nombreuses définitions en fonction de la perspective théorique adoptée et de l’évolution des normes sociales. Certains auteurs définissent par exemple l’homophobie comme le fait de ne pas considérer le style de

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vie homosexuel à l’égal du style de vie hétérosexuel (Morin & Garfinkle, 1978). D’autres encore considèrent l’homophobie comme reflétant la peur d’être catégorisé soi-même comme homosexuel (Kimmel, 1997).

La définition originelle de l’homophobie (Weinberg, 1972) souligne son fondement dans la peur conformément à son étymologie (i.e., phobie). Le terme phobie se réfère généralement à une peur irrationnelle à l’égard de l’objet de la phobie. Cependant, selon O’Donohue & Caselles (1993), l’homophobie peut, dans certains cas, ne pas être irrationnelle.

Selon ces auteurs, si pour certaines personnes l’homosexualité est moralement inadmissible, il n’est pas irrationnel de vouloir éviter les personnes homosexuelles et de développer une anxiété en présence de ces individus. Par ailleurs, il y a de plus en plus d’évidences que les émotions principales associées à l’homophobie sont la colère et le dégoût plus que la peur (Bernat, Calhoun, Adams, & Zeichner, 2001). Ainsi, pour s’éloigner de la connotation phobique de la définition originale qui n'est pas toujours justifiée, et parer au fait qu’elle n’inclut pas les attitudes culturelles qui encouragent la dépréciation des personnes non hétérosexuelles, certains auteurs préfèrent parler d’homonégativité (Morrison & Morrison, 2002). L’homonégativité se réfère à tout affects ou attitudes négatives envers l’homosexualité incluant les attitudes culturelles qui soutiennent ces différents préjugés (Mayfield, 2001).

Actuellement, on peut définir l’homophobie d’une façon plus large en y incluant le concept d’homonégativité tel que cela a été proposé par Ryan et Blascovich (2015). Selon ces auteurs, l’homophobie fait référence à "toutes les pensées, les attitudes ou les comportements négatifs détenus ou promulgués par des individus ainsi que toutes les croyances religieuses ou politiques qui désavantagent les minorités sexuelles" (p. 719 ; traduction libre).

Alors que les causes exactes de l’homophobie ne sont pas définies, certains principes psychanalytiques postulent que l’homophobie est le résultat de pulsions homosexuelles refoulées ou d'une homosexualité latente1 (Adams, Wright, & Lohr, 1996). Effectivement, dans la tradition psychanalytique, chaque personne a une vision idéalisée d’elle-même (e.g.,

"je suis totalement hétérosexuel") qui ne correspond pas toujours à la réalité. Lorsque des pensées ou des sentiments menacent cet idéal (e.g., des pulsions homosexuelles), la personne va mettre en place des mécanismes de défense. L'un de ces mécanismes de défense consiste à adopter des valeurs ou à s’engager dans des comportements qui sont en opposition avec ces sentiments ou ces impulsions jugés inacceptables (Weinstein, Ryan, DeHann, Przybylski,

1 L'homosexualité latente peut être définie comme un "arousal homosexuel" (i.e., intérêt homosexuel) qui est ignoré ou dénié (West, 1977, cité par Adams, Wright, & Lohr, 1996).

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Legate, & Ryan, 2012). Ainsi, une homosexualité non assumée pourrait conduire certaines personnes à réprimer leurs désirs homosexuels non conscients ou déniés par des comportements homophobes.

En 1996, Adams et al. sont les premiers à tester de manière empirique le lien présupposé entre l’homophobie et l'homosexualité latente. Plus spécifiquement, ils examinent si des hommes homophobes vont montrer plus d’intérêt sexuel lors de la présentation de stimuli homosexuels que des hommes non homophobes. Dans leur étude, 64 étudiants hétérosexuels (âge moyen= 20.3 ans) en psychologie de l'université de Géorgie ont rempli, dans un premier temps, l'index of homophobia (Hudson & Ricketts, 1980). L'index of homophobia a été utilisé pour évaluer le degré d'homophobie propre à chaque participant et a permis aux auteurs de les diviser en deux groupes: un groupe de participants homophobes et un groupe de participants non homophobes. Dans un deuxième temps les participants étaient invités à visionner 3 types de vidéos érotiques très explicites mettant en scène des activités hétérosexuelles, des activités homosexuelles masculines et des activités homosexuelles féminines. Pendant la diffusion des vidéos, l'intérêt sexuel des participants était mesuré par pléthysmographie pénienne. Cette technique permet d’enregistrer les variations de diamètre de la verge, même celles imperceptibles par le participant (Vulgaris médical, récupéré le 6 août 2015 de http://www.vulgaris-medical.com/encyclopedie-medicale/plethysmographie- penienne). Les résultats ont révélé que, lors de la présentation des vidéos homosexuelles masculines, 20% des participants homophobes ne manifestaient pas d'intérêt sexuel et 54%

manifestaient une forte augmentation de la circonférence du pénis (i.e., > 12 mm). Plus spécifiquement, l'ANOVA réalisée par les chercheurs révèle que seuls les participants homophobes manifestent une augmentation de la taille de leur pénis lors des vidéos homosexuelles. Ces résultats soulignent que les participants homophobes, contrairement aux participants non homophobes, manifestent un intérêt sexuel lorsqu’ils sont exposés à des stimuli homosexuels. Pour ces participants homophobes, il existerait donc une inconsistance entre leur jugement verbal explicite (e.g., "je n’aime pas les homosexuels, ils ne m’attirent pas") et leur manifestation comportementale (e.g., réaction physiologique manifestant un intérêt).

Pour rendre compte de cette inconsistance comportementale, les modèles duaux semblent particulièrement bien adaptés. En effet, ils permettent de comprendre pourquoi, à certains moments, nos actions ne sont pas en accord avec nos buts et nos valeurs. Plus

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spécifiquement, les modèles duaux proposent que les comportements ne soient pas uniquement guidés par les attitudes raisonnées, les valeurs et les croyances des individus mais aussi par des processus plus automatiques et impulsifs. Parmi ces modèles, le modèle réflexion-impulsion (MRI ; Strack & Deutsch, 2004) semble particulièrement bien adapté à la problématique soulevée par Adams et al. (1996) puisqu’il modélise explicitement les conflits qui peuvent exister entre les processus raisonnés, contrôlés et les processus plus involontaires.

1.2. Le modèle réflexion-impulsion (Strack & Deutsch, 2004)

Le MRI distingue deux types de processus, nommés respectivement le Système Réfléchi (SR) et le Système Impulsif (SI), qui, ensemble, vont guider les comportements.

1.2.1. Les influences impulsives sur le comportement

Le système impulsif est responsable de la production de comportements impulsifs.

Plus spécifiquement, les impulsions émergent du SI par l’activation de réseaux associatifs en mémoire à long terme via des stimuli perçus ou imaginés (Hofmann, Friese, & Strack, 2009 ; Strack & Deutsch, 2004). Ces réseaux associatifs ont été créés ou renforcés par la co- activation spatiale ou temporelle entre des stimuli externes, des réactions affectives et des tendances comportementales (Hofmann, Friese, & Strack, 2009). Par exemple, des expériences répétées en lien avec l’homosexualité peuvent conduire à la formation d’un réseau associatif reliant (a) l’homosexualité, (b) les affects positifs (ou négatifs) ressentis par l’organisme et (c) le schéma comportemental qui a conduit à ces affects. Des liens associatifs peuvent se former sans que l'individu ne les approuve (Strack & Deutsch, 2004). D’un point de vue fonctionnel ces réseaux associatifs permettent à l’organisme d’évaluer et de répondre à son environnement rapidement, en accord avec ses propres besoins et ses expériences d’apprentissages antérieurs (Seibt, Häfner, & Deutsch, 2007). Ils se construisent graduellement à travers le temps et, plus intéressant, sont mis en œuvre rapidement (dès qu’une entrée perceptive est détectée), automatiquement et sans effort mental (Strack &

Deutsch, 2004). Autrement dit, ces impulsions sont en mesure d’activer des schémas comportementaux au sein du cortex moteur, quel ques soient les ressources cognitives dont dispose l’individu (Hofmann, Friese, & Strack, 2009).

En reprenant notre exemple, la perception d’un stimulus à caractère homosexuel peut réactiver le réseau associé au concept d’homosexualité et automatiquement déclencher une

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impulsion. Cette impulsion sera constituée de la valeur hédonique (positive ou négative) qui avait été attribuée au concept d’homosexualité et du schéma comportemental à approcher (ou éviter) le stimulus (Hofmann, Friese, & Wiers, 2008). Plus spécifiquement, le traitement d’informations positives et les expériences associées à des affects positifs sont impliqués dans la régulation des comportements d’approche tandis que le traitement d’informations négatives et les expériences associées à des affects négatifs sont plus importants pour la régulation des comportements d’évitement (Strack & Deutsch, 2004).

Les processus impulsifs étant peu accessibles à l’introspection, leur évaluation nécessite le recours à des mesures implicites qui vont permettre de saisir les associations qui ont été créées (Strack & Deutsch, 2004). Plus précisément, une mesure implicite exige que l’impact du construit psychologique à mesurer sur la réponse des participants soit non intentionnel, indépendant des ressources disponibles, non conscient ou non contrôlable (Gawronski & De Houwer, 2014). Ainsi, certaines mesures implicites sont plus aptes à saisir la composante hédonique de l’impulsion (i.e., les réactions affectives automatiques) comme, par exemple, le Test d'Association Implicite (Hofmann, Friese, & Wiers, 2008), alors que d’autres sont plus aptes à saisir la composante comportementale de l’impulsion (i.e., les tendances d’approche-évitement) comme, par exemple, la tâche du mannequin ou la tâche du joystick (Krieglmeyer & Deutsch, 2010).

L'influence des processus impulsifs sur des comportements manifestant un intérêt sexuel a déjà été démontré. En effet, dans une étude en 2012, Friese et Hofmann retrouvent que les associations formées dans le SI à l'égard de la sexualité peuvent prédire un intérêt sexuel exprimé par le temps de regard sur des stimuli érotiques. Plus précisément, ils retrouvent que les participants qui avaient des associations automatiques positives à l'égard des activités sexuelles regardaient plus longtemps des vidéos érotiques que des vidéos mettant en scène des activités banales de la vie quotidienne (e.g., préparer les repas). Ainsi cette étude met en évidence que des processus impulsifs orientés positivement vers des stimuli peuvent augmenter les comportements qui suggèrent un intérêt pour ces stimuli (e.g., augmenter le temps de regard de ces stimuli).

1.2.2. Les influences réfléchies sur le comportement

Le système réfléchi utilise des opérations mentales supérieures qui permettent de contrôler les décisions et les actions. Ces opérations comprennent notamment les fonctions

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exécutives comme l’évaluation, le raisonnement, les plans d’action pour atteindre les buts et l’inhibition ou le remplacement des réponses dominantes telles que les impulsions ou les habitudes (Hofmann, Friese, & Strack, 2009 ; Hofmann, Friese, & Wiers, 2008).

Habituellement considéré comme raisonné, conscient et relativement lent, ce système génère des décisions comportementales sur la faisabilité et la désirabilité d'une action particulière qui en retour activent des schémas comportementaux appropriés dans le cortex moteur (Strack &

Deutsch, 2004). Par exemple, si un décalage est perçu entre les normes personnelles d’un individu (e.g., "je ne veux pas être en présence de personnes homosexuelles") et la situation actuelle (e.g., être en train de boire un verre dans un bar fréquenté par des personnes homosexuelles), une décision comportementale peut être prise pour mettre un terme au comportement "non adéquat" du moment et activer un schéma comportemental correspondant aux normes personnelles de l’individu (e.g., "sortir du bar") (Strack & Deutsch, 2004).

Le SR est supposé être dépendant des ressources de contrôle (Evans, 2008). Comme ces dernières s’avèrent nécessaires pour maîtriser le comportement conformément aux objectifs et corriger l'action qui est en cours, si le niveau de ressources est bas, les opérations réfléchies pourraient faillir à leurs objectifs (Hofmann, Friese, & Strack, 2009). Par exemple, une personne peut ne pas réussir à détecter un conflit entre un but et la situation actuelle ou ne pas arriver à inhiber les impulsions qui vont perturber la réalisation du but, lorsqu’elle se trouve dans une situation où ses ressources cognitives sont réduites (Strack & Deutsch, 2004).

Etant donné que les processus réfléchis reposent sur des connaissances déclaratives accessibles à la conscience, leur évaluation fait recours à des mesures explicites (i.e., questionnaires auto-rapportés). Une mesure explicite implique que l’impact du construit psychologique à mesurer sur la réponse des participants soit intentionnel, dépendant des ressources disponibles, conscient ou contrôlable (Gawronski & De Houwer, 2014). Ainsi, les mesures explicites vont pouvoir saisir les précurseurs réfléchis des comportements tels que les attitudes raisonnées, les normes personnelles et les croyances.

1.2.3. Interactions entre les influences impulsives et réfléchies.

Le MRI permet d’expliquer comment ces deux systèmes indépendants peuvent interagir l’un avec l’autre et comment l’aboutissement de leurs interactions va déterminer le comportement. En effet, Strack et Deutsch (2004) proposent que les systèmes réfléchis et impulsifs agissent sur le comportement au travers d’une voie commune contenant l’activation

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des schémas comportementaux dans le cortex moteur. Plusieurs schémas comportementaux peuvent s’activer et ainsi devenir des candidats potentiels pour l’action à venir. Toutefois, leur activation doit dépasser un certain seuil pour qu'ils puissent donner lieu à un comportement (Strack & Deutsch, 2004).

Les schémas comportementaux peuvent être activés immédiatement à travers la propagation de l’activation des éléments associatifs temporairement accessibles dans le SI et ainsi produire une tendance impulsive soit à l’approche ou à l’évitement d’un stimulus, ou bien être activés indirectement à travers les décisions comportementales produites dans le SR (Strack & Deutsch, 2004). Le plus souvent, les comportements issus du SI sont concordants avec ceux descendants du SR. Par exemple, suivre l’impulsion d’éviter les personnes homosexuelles lorsque l’on a des valeurs morales allant contre l’homosexualité. Dans ce genre de situation, les deux systèmes engendrent des schémas comportementaux identiques, ce qui facilite la mise en place du comportement. Cependant, il est possible que les schémas comportementaux générés par les systèmes soient incompatibles, provoquant ainsi un sentiment de tension et de conflit interne (Strack & Deutsch, 2004). Par exemple, une personne peut avoir formulé des attitudes négatives envers les personnes homosexuelles, et dans le même temps ressentir une forte impulsion à approcher les stimuli de nature homosexuelle (voir Figure 1). Dans une telle situation, le schéma comportemental qui va prendre le dessus et déterminer le comportement, va dépendre de la force de l’activation de chacun des schémas en concurrence qui ont été déclenchés par les deux systèmes (Strack &

Deutsch, 2004).

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Figure 1. Illustration d’un conflit entre les tendances comportementales des systèmes réfléchis et impulsifs. Alors que le système réfléchi tend à éviter les personnes homosexuelles, le système impulsif tend à les approcher (en raison des associations positives relativement stables envers l’homosexualité). Adapté de Bluemke, Brand, Schweizer, &

Kahlert, 2010.

Le MRI suggère que les systèmes impulsifs et réfléchis peuvent chacun déterminer les comportements, mais à différents degrés, notamment en fonction du niveau de contrôlabilité du comportement (Friese, Hofmann, Schmitt, 2008). Typiquement, le système réfléchi devrait sous-tendre la régulation des comportements délibérés, largement contrôlables, alors que le système impulsif devrait sous-tendre la régulation des comportements impulsifs, automatiques (Cheval, Sarrazin, & Pelletier, 2014). Par exemple, les comportements non verbaux (e.g., les réactions physiologiques, le temps de regard, les expressions faciales) qui sont difficiles à contrôler sont probablement davantage guidés par les processus impulsifs et par conséquent seraient mieux prédit par les mesures implicites. En revanche, les comportements verbaux qui sont facilement contrôlables (e.g., une évaluation formulée) sont probablement davantage

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guidés par les processus réfléchis et ainsi mieux prédit par les mesures explicites (Dovidio, Kawakami, Johnson, Johnson, & Howard, 1997).

En reprenant les résultats d’Adams et al. (1996) à la lumière du MRI, la perception d’un stimulus homosexuel par une personne homophobe peut déclencher un conflit entre les processus réfléchis (e.g., avoir des attitudes négatives à l'égard des personnes homosexuelles) et impulsifs (e.g., ressentir une attirance latente pour les stimuli homosexuels). Ce conflit résulte en une plus forte influence sur le comportement des processus impulsifs au vu du caractère peu contrôlable de l'augmentation de la taille de la verge. Par conséquent, malgré des valeurs explicites homophobes, une personne peut manifester un intérêt (i.e., une augmentation de la circonférence du pénis) lors de la présentation de stimuli homosexuels du fait de son attirance impulsive (ie., de ses associations positives) envers ces stimuli.

En résumé le MRI suggère qu’il est possible d’améliorer la prédiction des comportements en prenant en compte (a) des précurseurs réfléchis (e.g., normes personnelles, attitudes envers les homosexuels), (b) des précurseurs impulsifs (e.g., tendance impulsive à approcher versus éviter les stimuli de nature homosexuel) et (c) des modulateurs qui vont modifier le poids de chacun des deux systèmes dans la prédiction des comportements (e.g., niveau de contrôlabilité du comportement). La figure 2 résume ces différentes variables.

Figure 2. Exemple d’une prédiction comportementale impliquant les processus réfléchis et impulsifs, ainsi que le modulateur. Adapté de Hofmann, Friese, & Wiers (2008).

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Une idée particulièrement intéressante associée à cette modélisation duale des comportements consiste à considérer que les individus ne vont pas seulement différer dans leurs attitudes raisonnées vis à vis des homosexuels, mais aussi dans leurs tendances impulsives à l’égard de ces personnes (Friese & Hofmann, 2009 ; Strack & Deutsch, 2004).

En effet, chaque personne se différencie dans la direction et dans la force de ses impulsions (Hofmann, Friese, & Gschwendner, 2009) et ce, en fonction de son patrimoine génétique, de ses apprentissages et de ses besoins actuels (Strack & Deutsch, 2004). Au vu de telles différences dans les processus impulsifs et sachant que ces derniers peuvent significativement influencer les comportements, il est primordial de les intégrer comme prédicteur.

Cependant, ces différences dans les processus impulsifs ne semblent pas avoir été considérées dans l'étude d'Adams et al. (1996). En effet, Adams et son équipe (1996) ont uniquement pris en compte les différences interindividuelles dans les processus réfléchis (i.e., les hommes explicitement homophobes versus les hommes explicitement non homophobes), mais pas dans les processus impulsifs. En conséquence, cette étude suppose implicitement que tous les hommes homophobes ont une attirance latente (ou pulsion) vers les stimuli de nature homosexuelle. Néanmoins, en accord avec le MRI, il est possible qu'une partie des personnes homophobes aient des impulsions positives à l'égard de l'homosexualité alors qu’une autre partie n’en ait pas ou peu. D'autre part, la prise en compte de la variabilité dans les processus impulsifs pourrait expliquer pourquoi dans l’étude d’Adams et al. (1996) certains homophobes n’ont pas eu une augmentation du diamètre de leur pénis.

Par conséquent, on pourrait s’attendre à ce que les résultats observés par Adams et al.

(1996) soient vrais uniquement pour les personnes homophobes qui ont créé des associations positives envers les stimuli homosexuels au sein de leur SI.

1.3. La présente étude

Comme nous l'avons vu, l'étude d'Adams et al. (1996) a révélé que l’homophobie était associée avec un intérêt homosexuel. Cependant, cette étude n’a pas pris en compte la manière avec laquelle les individus pouvaient différer dans leurs impulsions spécifiques (i.e., leur système impulsif) envers les stimuli de nature homosexuelle. Basé sur le MRI, l’objectif principal de notre étude était par conséquent d’examiner si l’attraction envers les stimuli homosexuels chez des hommes homophobes dépend de leurs impulsions spécifiques (i.e., tendances impulsives d’approche-évitement) à l'égard des stimuli homosexuels. En d’autres termes, cette étude a avant tout examiné si la prise en compte de la variabilité dans les

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impulsions chez les personnes homophobes permettait de distinguer ceux qui vont manifester un intérêt envers les stimuli de nature homosexuelle de ceux qui ne vont pas en manifester.

D'autre part, comme au regard du MRI chaque individu dispose de processus impulsifs qui sont susceptibles de guider le comportement, nous pensons qu'il n'est pas impossible que les individus non homophobes aient des associations positives vis-à-vis de l'homosexualité et que, si tel est le cas, cela se manifeste dans certains comportements. C'est pourquoi nous avons aussi intégré à notre étude des participants peu homophobes.

Dans notre étude, les participants ont initialement complété un questionnaire mesurant leur niveau d'homophobie. Ensuite, ils ont complété la "tâche du mannequin" pour mesurer leurs tendances impulsives d'approche des stimuli de nature homosexuelle. Enfin, une tâche de visualisation d’images a été utilisée pour mesurer (a) l'intérêt des participants à travers le temps de regard d'images de nature homosexuelle et hétérosexuelle et (b) l'évaluation explicite de ces images. Cette tâche a l’avantage de produire un comportement délibératif, contrôlable (i.e., l'évaluation explicite) et un comportement spontané, faiblement contrôlable (i.e., le temps de regard).

Le temps de regard des images comme mesure d'un intérêt a été privilégié à la pléthysmographie pénienne utilisée par Adams et al. (1996) pour plusieurs raisons.

Premièrement, le temps de regard est une technique beaucoup moins invasive que la mesure du diamètre de la verge. De plus, alors qu’Adams et al. (1996) postulent que l'augmentation de la circonférence du pénis témoigne d'un intérêt sexuel certains auteurs suggèrent une autre interprétation. Effectivement, il a été démontré que les hommes homophobes peuvent ressentir une forte anxiété qui peut, paradoxalement, augmenter la circonférence du pénis.

Ainsi l'augmentation de la taille du pénis peut parfois être le résultat d’une réelle attirance, tout comme elle peut parfois être le résultat d’une anxiété phobique (Barlow, Sakheim, &

Beck, 1983). Par conséquent, utiliser une mesure périphérique semble difficile à interpréter en termes d’états psychologiques (Cacioppo, Klein, Bernston, & Hatfield, 1993). Pour parer à ces difficultés d'interprétation, nous avons utilisé le temps de regard des stimuli homosexuels puisque cette mesure dispose de nombreuses preuves empiriques témoignant de sa validité en tant que mesure de l’intérêt sexuel (Friese & Hofmann, 2012 ; Gress, 2005 ; Harris, Rice, Quinsey, & Chaplin, 1996). En effet, il a été démontré de façon robuste que le temps de regard est plus long pour les stimuli considérés comme attractifs (Laws & Gress, 2004). De plus, comme nous l'avons vu, les processus impulsifs peuvent se manifester sur cette mesure (Friese & Hofmann, 2012).

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Subsidiairement au temps de regard, nous avons enregistré l'évaluation explicite d'images à caractère homosexuel et hétérosexuel dans l'intention de vérifier que les comportements qui sont délibérés, contrôlés (telle que l’évaluation explicite d’images) sont plus fortement influencés par les processus réfléchis que les processus impulsifs comme cela est suggéré par le MRI. Effectivement, contrairement au temps de regard, l’évaluation explicite est sous tendue par des processus conscients, contrôlables. Il est aisé pour un individu de contrôler ses réponses et d’empêcher que ses impulsions guident son évaluation.

On s’attend donc à ce que les précurseurs impulsifs (i.e., les tendances automatiques d'approche) n'aient peu (ou pas) d'influence sur l'évaluation explicite des images.

1.3.1. Hypothèses opérationnelles

Dans un premier temps, nous faisons l’hypothèse que pour les participants avec un haut niveau d'homophobie déterminé par l'échelle moderne d'homonégativité (Morrison &

Morrison, 2002), la tendance impulsive à approcher les stimuli homosexuels (IAH) mesurée par la tâche du mannequin devrait augmenter, lors d'une tâche de visualisation d'images, le temps de regard des images de nature homosexuelle mais pas des images de nature hétérosexuelle. D'autre part, nous sommes curieux de voir si l’effet de l' IAH sur le temps de regard est différent chez les individus qui ont un faible niveau d'homophobie.

Dans un deuxième temps, étant donné que les évaluations explicites sont sous un contrôle conscient, nous faisons l'hypothèse que, quel que soit le niveau d’homophobie des participants déterminé par l'échelle moderne d'homonégativité (Morrison & Morrison, 2002), l'IAH mesuré par la tâche du mannequin ne devrait pas avoir d'influence sur l'évaluation explicite d'images à caractère homosexuelle ou hétérosexuelle lors de la tâche de visualisation d'image.

2. Méthode

2.1. Participants

Quarante-huit personnes de sexe masculin, âgées entre 17 et 36 ans (m= 22 ans ; ET = 4.74) et étudiantes en première année de psychologie à l’université de Genève ont participé à cette expérience pour des crédits ECTS. Toutes avaient une vision normale ou corrigée.

(19)

Le sexe des participants a été choisi afin de pouvoir comparer plus facilement nos résultats avec ceux d’Adams et al. (1996) mais aussi parce qu’il est souvent retrouvé dans la littérature que les hommes ont beaucoup plus d’attitudes négatives envers les personnes homosexuelles et plus particulièrement à l’égard des hommes homosexuels (Herek, 2000).

2.2. Matériel

2.2.1. Echelle d’évaluation des préférences sexuelles

Afin d’évaluer l’orientation sexuelle des participants, nous avons administré l’échelle utilisée par Meier, Robinson, Gaither et Heinert, (2006) que nous avons traduite en français.

Cette échelle consiste en un item ("Je considère mon orientation sexuelle comme") auquel les participants devaient répondre en sélectionnant l'une des possibilités de réponses proposées (1= hétérosexuelle; 2= bisexuelle; 3= homosexuelle; 4= asexuelle). Dans notre étude, seuls les participants avec un score de 1 ont été retenus pour les analyses. De ce fait, les données de 3 participants n'ont pas été traitées.

2.2.2. Échelle d’évaluation du niveau d’homophobie

Dans notre étude, le niveau d’homophobie des participants a été évalué par l’échelle moderne d’homonégativité de Morrison et Morrison (Modern homonegativity scale ; 2002) que nous avons traduite en français (Annexe I). Cette échelle a été conçue pour évaluer, chez les individus hétérosexuels, les attitudes préjudiciables envers les hommes et les femmes homosexuels à l’aide de deux échelles parallèles de 12 items chacune. Seule l’échelle évaluant les attitudes envers les hommes homosexuels a été utilisée dans notre étude. Les participants devaient répondre à chaque item sur une échelle de Likert en 5 points (1=

fortement en désaccord ; 2= en désaccord ; 3= je ne sais pas ; 4= en accord ; 5= fortement en accord). Un score élevé indique une forte homonégativité (Morrison & Morrison, 2002).

Nous avons utilisé cette échelle au vu de ses bonnes qualités psychométriques (α de Cronbach = .91) mais aussi parce qu’elle est considérée comme la mesure la plus adaptée pour les jeunes étudiants universitaires, comparé aux anciennes mesures d’homophobies (Morrison & Morrison, 2002). En effet, elle saisit plus efficacement les attitudes négatives à l’égard de l’homosexualité telle qu’elles se reflètent à notre époque (Rye & Meaney, 2010).

Cette échelle a aussi l’avantage d’être moins influencée par un biais de désirabilité sociale

(20)

puisque ses scores ne corrèlent pas significativement avec les échelles qui évaluent ce biais (Morrison & Morrison, 2002).

Pour les données de notre échantillon, la consistance interne de l'échelle moderne d'homonégativité s'est révélée tout à fait satisfaisante (α de Cronbach = .85).

2.2.3. Tâche d’évaluation des tendances automatiques d’approche-évitement

Dans notre étude, nous avons mesuré les tendances automatiques d’approche envers les stimuli de nature homosexuelle à l’aide de la tâche du mannequin (De Houwer, Crombez, Baeyens, & Hermans, 2001). Nous avons utilisé cette tâche car elle dispose d’une bonne validité et fiabilité en tant que mesure des tendances automatiques d’approche-évitement (De Houwer et al., 2001 ; Krieglmeyer & Deutsch, 2010).

Cette tâche s’est effectuée sur un ordinateur muni du logiciel E-prime®. Les participants devaient déplacer un mannequin (i.e., une représentation schématique d’une figure humaine) vers le haut ou vers le bas en appuyant respectivement sur les touches "8" ou

"2" du clavier numérique, avec le majeur de leur main dominante. Chaque essai commençait lorsqu’une croix apparaissait au centre de l’écran. A partir de là, les participants devaient presser la touche "5" du clavier et devaient la maintenir enfoncée jusqu’à ce qu’ils commencent à déplacer le mannequin. Le mannequin apparaissait soit dans la moitié supérieure soit dans la moitié inférieure de l’écran avec la même probabilité. Sept cent cinquante millisecondes après l’apparition du mannequin, une image à caractère hétérosexuel (i.e., représentant un couple hétérosexuel) ou homosexuel (i.e., représentant un couple homosexuel masculin) était présentée au centre de l’écran. Au total, 10 images (5 de nature homosexuelle et 5 de nature hétérosexuelle) qui provenaient de publicités diffusées sur des sites internet ont été présentées aux participants (Annexes II et III). Afin de contrôler les différentes caractéristiques visuelles des images, les photographies étaient présentées en noir et blanc et mise au même format (ie., 200 × 500 pixels). Les images avaient des contenus (i.e.

des scènes) équivalents et ne différaient que quant à leur nature homosexuelle ou hétérosexuelle. Autrement dit, chaque image représentant un couple hétérosexuel avait une image représentant un couple homosexuel masculin équivalente au niveau de son contenu visuel (e.g., pour une image montrant un couple hétérosexuel qui s'embrasse, une image correspondante montrant un couple homosexuel masculin qui s'embrasse était donnée).

(21)

En fonction des conditions, il était demandé aux participants de se déplacer "vers"

l’image lorsqu’elle était de nature hétérosexuelle, et "loin" de celle-ci lorsqu’elle était de nature homosexuelle, ou vice versa. Les participants étaient invités à donner leurs réponses aussi rapidement et précisément que possible en appuyant sur les touches appropriées pour déplacer le mannequin à travers l’écran. En cas de réponse incorrecte, un feedback d’erreur apparaissait. Cinq cent millisecondes après la réponse du participant, l’écran était nettoyé pendant une période de 1000 millisecondes avant le début de l’essai suivant. Le temps de réaction entre l’apparition de l’image sur l’écran et la pression sur la touche (i.e., touches "8"

ou "2") a été enregistré. Les participants ont complété deux blocs, chacun consistant en 12 essais d’entraînement et 40 essais de tests (i.e., chacune des 10 images sont apparues deux fois avec le mannequin se situant dans la partie supérieure de l’écran et deux fois avec le mannequin se situant dans la partie inférieure). Dans un des blocs, il était demandé aux participants de s’approcher des images de nature hétérosexuelle et de s’éloigner des images de nature homosexuelle. Dans le second bloc, il leur était demandé de faire le contraire. L’ordre de passation des blocs était contrebalancé entre les participants. La figure 3 illustre les différents essais.

(22)

Figure 3. Illustration des différents essais de la tâche du mannequin. A. représentation d'un essai où le participant a pour consigne d'approcher les stimuli de nature hétérosexuelle. B.

représentation d'un essai où le participant a pour consigne d'éviter les stimuli de nature homosexuelle. C. représentation d'un essai où le participant a pour consigne d'éviter les stimuli de nature hétérosexuelle. D. représentation d'un essai où le participant a pour consigne d'approcher les stimuli de nature homosexuelle. Les flèches orientées vers le haut ou vers le bas indiquent la touche du clavier sur laquelle le participant devait appuyer pour avoir une bonne réponse. Adapté de Cheval, Sarrazin, & Pelletier (2014).

Les tendances impulsives à approcher les images de nature homosexuelle ont été calculées en soustrayant le temps de réaction médian pour "approcher" du temps de réaction médian pour "éviter" les images de nature homosexuelle (i.e., temps de réaction pour éviter moins le temps de réaction pour approcher). Un score positif indique toujours une tendance à approcher plutôt qu’à éviter le stimulus ; un score négatif, indique le contraire. Dans notre étude, la tendance à approcher les stimuli homosexuels a été nommée "IAH".

(23)

Dans nos analyses, nous avons exclu les réponses incorrectes ainsi que les temps de réponse inférieurs à 150 millisecondes et supérieurs à 1500 millisecondes conformément aux recommandations de Krieglmeyer & Deutsch (2010).

2.2.4. Tâche de visualisation d'images

Afin de mesurer l'évaluation explicite et le temps de regard, les participants ont réalisé une tâche de visualisation d'images. Cette tâche se déroulait sur un ordinateur doté d'un eye- tracker2 où les participants devaient évaluer 25 photographies (10 photographies de couples hétérosexuels, 10 photographies de couples homosexuels masculins et 5 photographies

"neutres") sur une échelle allant de 1 ("Très désagréable") à 9 ("Très agréable"). Afin de masquer le véritable but de cette tâche, les participants étaient informés que leurs avis sur les images nous aideraient à choisir des stimuli pour une étude future.

La moitié des photographies des couples homosexuels et hétérosexuels avaient déjà été présentées dans la tâche du mannequin. Les nouvelles images (Annexe IV) provenaient d'autres publicités diffusées sur des sites internet et avaient pour objectif de tester la généralisation des résultats. Les photographies "neutres" (Annexe V) étaient issues du International Affective Picture System (Lang, Bradley, & Cuthbert, 2005) mais n’ont pas été traitées dans nos analyses3. Tout comme la tâche du mannequin, les photographies étaient présentées en noir et blanc et mise au même format (ie., 200 × 500 pixels). Les images ont été présentées dans un ordre aléatoire.

Dans un premier temps, l’image apparaissait au centre de l’écran. Les participants étaient informés qu’ils pouvaient regarder les images aussi longtemps qu’ils le souhaitaient.

Une fois qu’ils estimaient avoir regardé l’image assez longtemps pour l’évaluer, ils devaient appuyer sur la barre d’espace du clavier numérique pour que l’échelle d’évaluation apparaisse (Annexe VI). Ensuite ils devaient taper le chiffre correspondant à leur évaluation sur le clavier puis un écran blanc apparaissait pendant 500 millisecondes avant que la prochaine image ne soit présentée. Le chiffre tapé par le participant pour chaque photographie de nature homosexuelle ou hétérosexuelle était enregistré et permettait d’obtenir la variable dépendante

2 Le choix d'utiliser un ordinateur doté d'un eye-tracker est dû au fait que Boris Cheval avait une troisième hypothèse concernant le fait que l'IAH allait augmenter la dilatation de la pupille chez les participants homophobes. En effet, la dilatation de la pupille est une mesure parfaitement valide de l'intérêt sexuel (Rieger, Cash, Merrill, Jones-Rounds, Dharmavaram, & Savin-Williams, 2015). Cependant, cette hypothèse n'entre pas dans le cadre de ce mémoire en raison de la complexité des analyses statistiques nécessaire à l'interprétation des données pupillométriques (i.e., modèle mixte non linéaire).

3 Ces images ont été introduites pour le traitement des données concernant la dilatation de la pupille.

(24)

correspondant à l’évaluation explicite. Le temps de regard de chaque image était enregistré à l'insu des participants entre l’apparition de l’image au centre de l’écran et le moment où le participant appuie sur la barre d’espace. Ce temps de regard a été utilisé comme variable dépendante dans nos analyses.

Durant toute la durée de cette tâche, le participant était seul afin de ne pas influencer ses scores sur les deux variables dépendantes. En effet, selon Brow, Amoroso, Ware, Pruesse, et Pilkey (1973, cité par Friese & Hofmann, 2012), le fait de se sentir observé lors de visionnage de matériel érotique peut contribuer à rendre les temps de regard plus courts et moins variables.

2.3. Procédure

Les participants ont rempli l’échelle moderne d’homonégativité (Morrison &

Morrison, 2002) ainsi que la question examinant leur préférence sexuelle dans le cadre d’un questionnaire distribué au début du semestre 2014 à tous les étudiants. Un mois plus tard, les participants étaient invités à se rendre dans un laboratoire de l’université de Genève pour effectuer individuellement la tâche du mannequin puis la tâche de visualisation d'images. A la fin de l'expérience, il était demandé aux participants s’ils avaient une idée du véritable but de la tâche de visualisation d’images afin de s’assurer qu’ils n’étaient pas conscients que leur temps de regard était enregistré. De ce fait, les données de 7 personnes n’ont pas été traitées.

Le temps de passation total était environ de 30 minutes.

2.4. Analyses des données

Dans un premier temps, nous avons réalisé des statistiques descriptives et exploratoires sur nos données. Par la suite, nous avons effectué deux analyses linéaires mixtes pour évaluer le temps de regard et l'évaluation explicite des images de nature homosexuelle et hétérosexuelle en fonction du niveau d'homophobie et de l'IAH. Dans nos analyses, les variables indépendantes continues ont été centrées (i.e., le niveau d'homophobie et l'IAH) et les variables dichotomiques ont été recodées (i.e., images de nature homosexuelle recodées "- 0.5" et images de nature hétérosexuelle recodées "0.5"). Nous avons réalisé des analyses linéaires mixtes car les analyses traditionnellement utilisées (e.g., ANOVA) ne tiennent pas compte de la variabilité d'échantillonnage des stimuli malgré les nombreuses mises en garde sur les problèmes associés à cette pratique (Judd, Westfall, & Kenny, 2012). En effet, le fait

(25)

de ne traiter que les participants comme effet aléatoire augmente fortement les erreurs de type I. Selon Judd et al. (2012), utiliser les modèles mixtes permet d'analyser les données contenant plusieurs facteurs aléatoires avec un taux d'erreur de type I plus acceptable. Ce type de modèle permet alors de généraliser les effets obtenus à une population plus large. En effet, les participants ne sont qu’un échantillon de la population, nous voulons donc pouvoir généraliser les résultats obtenus à toute la population. De même pour les stimuli homosexuels et hétérosexuels qui ne sont qu’un échantillon de tous les stimuli homosexuels et hétérosexuels existants. Ainsi, notre but n’est pas d’obtenir des résultats spécifiques pour les stimuli utilisés dans notre étude mais de pouvoir les généraliser à tous les stimuli

"semblables" (O. Renaud, communication personnelle [Présentation PowerPoint], 25 novembre 2012). C'est pourquoi nous avons réalisé des analyses linéaires mixtes pour chacune de nos variables dépendantes (i.e., le temps de regard et l'évaluation explicite des images) avec comme facteurs aléatoires les participants et les images présentées. Par ailleurs, contrairement aux modèles traditionnels qui nécessitent d’agréger les données (i.e., faire une moyenne du temps de regard ou de l’évaluation explicite des images hétérosexuelles versus homosexuelles), les modèles linéaires mixtes permettent de conserver toutes les données et ainsi de modéliser explicitement la variabilité dans les réponses des participants.

Les postulats du modèle linéaire mixte ont été examinés et se sont révélés satisfaits.

En effet, l'analyse des résidus en fonction des variables dépendantes et indépendantes n’a pas révélé de signes majeurs d’hétéroscédasticité. Les résidus sont normalement distribués et centrés en zéro. Nous n'avons pas retrouvé la présence de données aberrantes extrêmes.

Après avoir réalisé les analyses linéaires mixtes, nous avons calculé des pseudo R2 pour estimer la proportion par laquelle les erreurs de prédiction ont été réduites avec l’inclusion des prédicteurs dans le modèle. Ces valeurs sont une estimation de la taille d’effet, similaire au R2 dans les analyses de régressions classiques (B. Cheval, communication personnelle [Entretien], 18 août 2015).

3. Résultats

3.1. Statistiques descriptives et exploratoires

Les caractéristiques de nos variables indépendantes représentées dans le tableau 1 montrent que nos participants avaient de manière générale un niveau moyen d'homophobie

(26)

(m = 2.60) et une tendance à approcher les stimuli de nature homosexuelle quasiment équivalente à la tendance pour l’éviter (m = -2.6 ms, ET = 122.54).

Nous avons aussi retrouvé que nos variables indépendantes sont bien distribuées et ne corrèlent pas de façon significative (r = -.224, p = .177). Ces résultats suggèrent que, quel que soit le niveau d’homonégativité des participants, il y a une variabilité dans l’IAH (Annexe VII).

Tableau 1

Caractéristiques des variables d’intérêt

Variables M ET Min Max

EMH 2.605 .736 1.167 3.667

IAH -2.658 122.543 -266 218

Note. N = 38. ET = Ecart-type. EMH = Echelle Moderne d’Homonégativité (Morrison &

Morrison, 2002). IAH = Tendance impulsive à approcher les stimuli de nature homosexuelle.

3.2. Analyses statistiques

3.2.1. Résultats des analyses réalisées sur le temps de regard des images

Les résultats de l’analyse linéaire mixte sur le temps de regard révèlent une interaction triple significative entre le niveau d’homophobie, l’IAH et les images (b = 2.804, p = .005), indiquant que l’effet de l’IAH sur le temps de regard en fonction de la nature des images (i.e., hétérosexuelle versus homosexuelle) varie significativement entre les participants qui ont un niveau d'homophobie élevé versus faible (Tableau 2).

Chez les participants ayant un niveau d'homophobie élevé, les résultats révèlent que l’effet de l’IAH sur le temps de regard varie significativement en fonction de la nature des images (b = 3.320, p = .000). Plus spécifiquement, l’analyse des pentes simples représentée par la figure 4a montre que l’IAH est positivement relié au temps de regard des images à caractère homosexuel (b = 4.928, p = .028) mais pas pour les images à caractère hétérosexuel (b = 2.807, p = .227). Les tests des effets simples montrent que les participants qui ont un niveau d'homophobie élevé regardent significativement plus longtemps les images de nature homosexuelle que les images de natures hétérosexuelle lorsqu’ils ont un IAH fort (i.e., + 1ET) (b = -617.386, p = .003). En revanche, chez les participants qui ont un faible IAH

(27)

(i.e., -1 SD), le temps de regard des images de nature hétérosexuelle et homosexuelle n’est pas significativement différent (b = 194.641, p = .263).

Pour ce qui est des participants qui ont un niveau d'homophobie faible, les résultats révèlent que l’effet de l’IAH sur le temps de regard ne varie pas significativement en fonction de la nature des images (b = -0.66, p = .504). L’analyse des pentes simples (Figure 4b) montre que l’IAH n’est pas relié de manière significative au temps de regard des images de nature homosexuelle (b = 2.148, p = .354) ou hétérosexuelle (b = 1.608, p = .460). Les tests des effets simples montrent que les participants qui ont un niveau d'homophobie faible regardent significativement plus longtemps les images de nature hétérosexuelle que les images de nature homosexuelle lorsqu’ils ont un IAH fort (i.e., + 1ET) (b = 450.791, p = .030). Cette même différence a été retrouvée de manière tendancielle chez les participants avec un IAH bas (i.e., - 1ET) (b = 289.218, p = .094).

Figure 4. Temps de regard des images de nature homosexuelle et hétérosexuelle en fonction de la tendance à approcher les stimuli homosexuels (IAH) pour les participants avec (a) un niveau d'homophobie élevé et (b) un niveau d'homophobie faible.

(28)

Par ailleurs, les analyses signalent aussi un effet principal négatif de l’homophobie (b = -705.047, p =.009) indiquant que, dans l’ensemble, les participants avec un niveau d'homophobie élevé regardent significativement moins longtemps les images, quel que soit leur nature, comparativement aux participants qui ont un niveau d'homophobie faible.

Enfin, nous avons retrouvé que notre modèle linéaire mixte expliquait 27% de la variance des temps de regard des participants.

3.2.2. Résultats des analyses réalisées sur l’évaluation explicite des images

L’analyse linéaire mixte sur l'évaluation explicite des images montre une interaction triple significative entre le niveau d'homophobie, l’IAH et les images (b = 0.004, p = .007), indiquant que l’effet de l’IAH sur l’évaluation explicite en fonction de la nature des images (i.e., hétérosexuelle versus homosexuelle) varie significativement entre les participants qui ont un niveau d'homophobie élevé versus faible (Tableau 2).

Chez les participants ayant un niveau d'homophobie élevé, les résultats révèlent que l’effet de l’IAH sur l’évaluation explicite varie significativement en fonction de la nature des images (b = 0.009, p = .000). Plus spécifiquement, l’analyse des pentes simples représentée par la figure 5a, montre que, l’IAH est positivement relié à l’évaluation explicite des images de nature homosexuelle (b = 0.008, p = .001) mais pas des images de nature hétérosexuelle (b

= -0.001, p = .691). Les tests des effets simples indiquent que les participants qui ont un niveau d'homophobie élevé évaluent significativement moins plaisantes les images de nature homosexuelle comparativement aux images de nature hétérosexuelle lorsqu’ils ont un IAH bas (i.e., -1ET) (b = 4.110, p = .000). Cette différence d'évaluation entre les images de nature homosexuelle et hétérosexuelle reste significative mais est néanmoins réduite lorsque les participants ont un IAH fort (i.e., + 1ET) (b = 1.988, p = .000).

Pour ce qui est des participants qui ont un niveau d'homophobie faible, les résultats révèlent que l’effet de l’IAH sur l’évaluation explicite varie significativement en fonction de la nature des images (b = 0.004, p = .006). Néanmoins, l’analyse des pentes simples (Figure 5b) révèle que l’IAH n’est pas significativement relié à l’évaluation explicite des images de nature homosexuelle (b = 0.002, p = .375) ou hétérosexuelle (b = -0.001, p = .514). Le test des effets simples montre que les participants qui ont un faible niveau d'homophobie évaluent

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plus positivement les images de nature hétérosexuelle que les images de nature homosexuelle lorsqu’ils ont un IAH élevé (i.e., + 1 SD) (b = 1.878, p = .000) et un IAH faible (i.e., - 1 SD) (b = 2.755, p = .000).

Finalement, nous avons retrouvé que notre modèle expliquait 12.5% de la variance de l'évaluation explicite des participants.

Figure 5. Evaluation explicite des images de nature homosexuelle et hétérosexuelle en fonction de la tendance à approcher les stimuli homosexuels (IAH) pour les participants avec (a) un niveau d'homophobie élevé et (b) un niveau d'homophobie faible.

(30)

Tableau 2

Résultats généraux des modèles linéaires mixtes sur le temps de regard et l'évaluation explicite.

Temps de regarda Evaluation explicite

Paramètre b p b p

Effets fixes

Intercept 2095.333 .000 5.874 .000

Nouveauté 112.197 .070 -.127 .113

EMH -705.048 .009 -.067 .791

IAH 2.873 .045 .002 .182

ImH -79.282 .508 -2.683 .000

EMH * IAH .557 .796 .002 .295

EMH * ImH 409.514 .001 -.516 .001

IAH * ImH 1.330 .041 .006 .000

EMH * IAH * ImH 2.804 .005 .004 .007

Facteurs aléatoires

Résidus 1142511.002 .000 2.016 .000

Var. Sujets 1009058.733 .000 .948 .000

Var. Images 37439.502 .091 .063 .094

R2 .270 .125

Note. N = 38. EMH = Echelle Moderne d’Homonégativité (Morrison & Morrison, 2002).

IAH = Tendance impulsive à approcher les stimuli de nature homosexuelle. Nouveauté4 = Effet de la nouveauté de l’image (codé -0.5 pour les images déjà présentées dans la tâche du mannequin et 0.5 pour les nouvelles images). ImH5 = Images de nature homosexuelle (codé - 0.5 pour les images de nature hétérosexuelle et 0.5 pour les images de nature homosexuelle).

Var. = Variance.

a en millisecondes.

4 Cette variable a été appelée Nouveauté car elle permet de voir directement l’effet de la nouveauté de l’image.

5 Cette variable a été appelée ImH car elle permet de voir directement l’effet des images de nature homosexuelle par rapport aux images de nature hétérosexuelle.

(31)

4. Discussion

Cette étude a été réalisée dans le but d’illustrer les conflits possibles entre les influences réfléchies et impulsives (Strack & Deutsch, 2004) dans le cadre de l’homophobie.

Plus précisément, nous avons cherché à étendre les résultats de l’étude d’Adams et al. (1996) ayant mis en évidence que les hommes homophobes pouvaient manifester un intérêt à l'égard de stimuli de nature homosexuelle. Cependant, contrairement à ces derniers, nous avons pris en compte que les individus pouvaient aussi différer dans leurs impulsions spécifiques envers les stimuli homosexuels. En conséquence, basé sur le MRI, l’objectif principal de notre étude était d’examiner si l'attraction pour les stimuli homosexuels chez des hommes homophobes dépendait de leurs impulsions spécifiques (i.e., leurs tendances impulsives d’approche) vis-à- vis des stimuli homosexuels. Dans l’ensemble, les résultats ont mis en évidence que, comme attendu, l'attraction envers les stimuli de nature homosexuelle chez les participants homophobes dépendait de leur tendance impulsive: seuls les participants qui avaient un niveau d'homophobie élevé avec une forte tendance impulsive d’approche des stimuli de nature homosexuelle manifestaient un intérêt plus important (i.e., temps de regard et évaluation explicite) pour les images de nature homosexuelle qu'hétérosexuelle.

Tout d'abord, conformément au MRI (Strack & Deutsch, 2004), nous avons retrouvé des différences interindividuelles au sein des processus impulsifs. Certains participants avaient une forte tendance à approcher les stimuli de nature homosexuelle, tandis que d'autres manifestaient une faible tendance à approcher ces stimuli. Deuxièmement, cette étude à bien relevé l'existence d'un conflit entre les attitudes raisonnées et les processus impulsifs puisque nous avons retrouvé que certains participants avaient des attitudes négatives à l'égard de l'homosexualité (i.e., un niveau d'homophobie élevé) tout en ayant un processus impulsif orienté positivement (i.e., une forte tendance automatique d'approche) vers les stimuli de nature homosexuelle.

Concernant nos prévisions, nous nous attendions pour notre hypothèse principale à ce que, chez les participants avec un haut niveau d'homophobie, la tendance impulsive à approcher les stimuli homosexuels (i.e., IAH) soit associée à une augmentation du temps de regard pour les images de nature homosexuelle mais pas pour les images de nature hétérosexuelle. Conformément à cette hypothèse, les résultats ont mis en évidence que chez

(32)

les participants avec un niveau d’homophobie élevé, l’IAH était positivement lié au temps de regard pour les images homosexuelles mais pas pour les images hétérosexuelles. Plus précisément, les participants avec un haut niveau d'homophobie qui ont une forte tendance impulsive à approcher les stimuli de nature homosexuelle vont regarder plus longtemps les images à caractère homosexuel qu'hétérosexuel dans la tâche de visualisation d’images. Ceci témoigne d’un plus grand intérêt pour les stimuli homosexuels qu'hétérosexuels (Friese &

Hofmann, 2012 ; Gress, 2005 ; Harris, Rice, Quinsey, & Chaplin, 1996). A l'inverse, ces participants qui avaient un niveau d'homophobie élevé ne regardaient pas plus longtemps les images de nature homosexuelle quand ils avaient un IAH bas. Ainsi, en accord avec le MRI, nous retrouvons que les comportements spontanés (tel que le temps de regard) sont particulièrement bien prédits par les processus impulsifs (Friese et al., 2008 ; Hofmann, Friese, & Wiers, 2008). Par ailleurs, ce résultat montre que certains homophobes peuvent manifester un intérêt envers des stimuli homosexuels en dépit d'un système réfléchi basé sur des valeurs ou des principes négatifs à l'égard de l'homosexualité. Cependant, ce phénomène ne semble concerner que les personnes homophobes qui ont créé des associations positives vis à vis de l'homosexualité au sein de leur SI (i.e., une tendance automatique à approcher les stimuli homosexuels).

Nos résultats sont concordants avec ceux de l'étude d'Adams et al. (1996) puisque nous retrouvons qu'une partie des participants homophobes montrent plus d'intérêt pour les stimuli de nature homosexuelle qu'hétérosexuelle. Néanmoins, en prenant en compte les différences interindividuelles dans la force et la direction du système impulsif comme cela est suggéré par le MRI, nous apportons plus de précisions sur les résultats d'Adams et collaborateurs (1996). Effectivement, comme nous venons de le voir, seuls les participants homophobes avec un système impulsif orienté positivement vers les stimuli de nature homosexuelle vont montrer un intérêt pour ces stimuli. En d'autres termes, les conclusions de l'équipe d'Adams sont retrouvées mais ne s'appliquent qu'aux participants homophobes qui ont une tendance automatique à approcher les stimuli homosexuels. Par ailleurs, considérer la variabilité interindividuelle dans les processus impulsifs pourrait expliquer pourquoi dans l'étude d'Adams, certains homophobes n'ont pas eu une augmentation du diamètre de leur pénis. En effet, il se pourrait que les homophobes qui n'ont pas manifesté d'intérêt sexuel lors de la présentation de stimuli homosexuels soient ceux qui n'ont pas de processus impulsifs orientés positivement vers l'homosexualité. Inversement, ceux qui ont manifesté un intérêt sexuel lors de la présentation de stimuli homosexuels dans l'étude d'Adams, pourraient être ceux qui ont des processus impulsifs positifs à l'égard de l'homosexualité.

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