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1. Introduction

1.2. Le modèle réflexion-impulsion (Strack & Deutsch, 2004)

1.2.3. Interactions entre les influences impulsives et réfléchies

Le MRI permet d’expliquer comment ces deux systèmes indépendants peuvent interagir l’un avec l’autre et comment l’aboutissement de leurs interactions va déterminer le comportement. En effet, Strack et Deutsch (2004) proposent que les systèmes réfléchis et impulsifs agissent sur le comportement au travers d’une voie commune contenant l’activation

des schémas comportementaux dans le cortex moteur. Plusieurs schémas comportementaux peuvent s’activer et ainsi devenir des candidats potentiels pour l’action à venir. Toutefois, leur activation doit dépasser un certain seuil pour qu'ils puissent donner lieu à un comportement (Strack & Deutsch, 2004).

Les schémas comportementaux peuvent être activés immédiatement à travers la propagation de l’activation des éléments associatifs temporairement accessibles dans le SI et ainsi produire une tendance impulsive soit à l’approche ou à l’évitement d’un stimulus, ou bien être activés indirectement à travers les décisions comportementales produites dans le SR (Strack & Deutsch, 2004). Le plus souvent, les comportements issus du SI sont concordants avec ceux descendants du SR. Par exemple, suivre l’impulsion d’éviter les personnes homosexuelles lorsque l’on a des valeurs morales allant contre l’homosexualité. Dans ce genre de situation, les deux systèmes engendrent des schémas comportementaux identiques, ce qui facilite la mise en place du comportement. Cependant, il est possible que les schémas comportementaux générés par les systèmes soient incompatibles, provoquant ainsi un sentiment de tension et de conflit interne (Strack & Deutsch, 2004). Par exemple, une personne peut avoir formulé des attitudes négatives envers les personnes homosexuelles, et dans le même temps ressentir une forte impulsion à approcher les stimuli de nature homosexuelle (voir Figure 1). Dans une telle situation, le schéma comportemental qui va prendre le dessus et déterminer le comportement, va dépendre de la force de l’activation de chacun des schémas en concurrence qui ont été déclenchés par les deux systèmes (Strack &

Deutsch, 2004).

Figure 1. Illustration d’un conflit entre les tendances comportementales des systèmes réfléchis et impulsifs. Alors que le système réfléchi tend à éviter les personnes homosexuelles, le système impulsif tend à les approcher (en raison des associations positives relativement stables envers l’homosexualité). Adapté de Bluemke, Brand, Schweizer, &

Kahlert, 2010.

Le MRI suggère que les systèmes impulsifs et réfléchis peuvent chacun déterminer les comportements, mais à différents degrés, notamment en fonction du niveau de contrôlabilité du comportement (Friese, Hofmann, Schmitt, 2008). Typiquement, le système réfléchi devrait sous-tendre la régulation des comportements délibérés, largement contrôlables, alors que le système impulsif devrait sous-tendre la régulation des comportements impulsifs, automatiques (Cheval, Sarrazin, & Pelletier, 2014). Par exemple, les comportements non verbaux (e.g., les réactions physiologiques, le temps de regard, les expressions faciales) qui sont difficiles à contrôler sont probablement davantage guidés par les processus impulsifs et par conséquent seraient mieux prédit par les mesures implicites. En revanche, les comportements verbaux qui sont facilement contrôlables (e.g., une évaluation formulée) sont probablement davantage

guidés par les processus réfléchis et ainsi mieux prédit par les mesures explicites (Dovidio, Kawakami, Johnson, Johnson, & Howard, 1997).

En reprenant les résultats d’Adams et al. (1996) à la lumière du MRI, la perception d’un stimulus homosexuel par une personne homophobe peut déclencher un conflit entre les processus réfléchis (e.g., avoir des attitudes négatives à l'égard des personnes homosexuelles) et impulsifs (e.g., ressentir une attirance latente pour les stimuli homosexuels). Ce conflit résulte en une plus forte influence sur le comportement des processus impulsifs au vu du caractère peu contrôlable de l'augmentation de la taille de la verge. Par conséquent, malgré des valeurs explicites homophobes, une personne peut manifester un intérêt (i.e., une augmentation de la circonférence du pénis) lors de la présentation de stimuli homosexuels du fait de son attirance impulsive (ie., de ses associations positives) envers ces stimuli.

En résumé le MRI suggère qu’il est possible d’améliorer la prédiction des comportements en prenant en compte (a) des précurseurs réfléchis (e.g., normes personnelles, attitudes envers les homosexuels), (b) des précurseurs impulsifs (e.g., tendance impulsive à approcher versus éviter les stimuli de nature homosexuel) et (c) des modulateurs qui vont modifier le poids de chacun des deux systèmes dans la prédiction des comportements (e.g., niveau de contrôlabilité du comportement). La figure 2 résume ces différentes variables.

Figure 2. Exemple d’une prédiction comportementale impliquant les processus réfléchis et impulsifs, ainsi que le modulateur. Adapté de Hofmann, Friese, & Wiers (2008).

Une idée particulièrement intéressante associée à cette modélisation duale des comportements consiste à considérer que les individus ne vont pas seulement différer dans leurs attitudes raisonnées vis à vis des homosexuels, mais aussi dans leurs tendances impulsives à l’égard de ces personnes (Friese & Hofmann, 2009 ; Strack & Deutsch, 2004).

En effet, chaque personne se différencie dans la direction et dans la force de ses impulsions (Hofmann, Friese, & Gschwendner, 2009) et ce, en fonction de son patrimoine génétique, de ses apprentissages et de ses besoins actuels (Strack & Deutsch, 2004). Au vu de telles différences dans les processus impulsifs et sachant que ces derniers peuvent significativement influencer les comportements, il est primordial de les intégrer comme prédicteur.

Cependant, ces différences dans les processus impulsifs ne semblent pas avoir été considérées dans l'étude d'Adams et al. (1996). En effet, Adams et son équipe (1996) ont uniquement pris en compte les différences interindividuelles dans les processus réfléchis (i.e., les hommes explicitement homophobes versus les hommes explicitement non homophobes), mais pas dans les processus impulsifs. En conséquence, cette étude suppose implicitement que tous les hommes homophobes ont une attirance latente (ou pulsion) vers les stimuli de nature homosexuelle. Néanmoins, en accord avec le MRI, il est possible qu'une partie des personnes homophobes aient des impulsions positives à l'égard de l'homosexualité alors qu’une autre partie n’en ait pas ou peu. D'autre part, la prise en compte de la variabilité dans les processus impulsifs pourrait expliquer pourquoi dans l’étude d’Adams et al. (1996) certains homophobes n’ont pas eu une augmentation du diamètre de leur pénis.

Par conséquent, on pourrait s’attendre à ce que les résultats observés par Adams et al.

(1996) soient vrais uniquement pour les personnes homophobes qui ont créé des associations positives envers les stimuli homosexuels au sein de leur SI.

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