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Les récits chevaleresques de l’Arioste et du Tasse : deux interprétations dansées sur la scène musicale italienne.

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Academic year: 2021

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Texte intégral

(1)

€ 35

Libreria Musicale Italiana

Sì cant

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LIM

Sì canta l’empia…

Renaissance et Opéra / Rinascimento e Opera

(2)

In copertina: Annibale Carracci, Rinaldo e Armida (c. 1601), dettaglio. Napoli, Museo Nazionale di Capodimonte.

Redazione, grafica e layout: Ugo Giani

© 2016 Libreria Musicale Italiana srl, via di Arsina 296/f, 55100 Lucca lim@lim.it www.lim.it

Tutti i diritti sono riservati. Nessuna parte di questa pubblicazione potrà essere riprodot-ta, archiviata in sistemi di ricerca e trasmessa in qualunque forma elettronica, meccani-ca, fotocopiata, registrata o altro senza il permesso dell’editore, dell’autore e del curatore. ISBN 978-88-7096-849-1

Laboratoire d’Études Romanes–EA4385 de l’Université Paris 8

Realizzato con il contributo del

Dipartimento di Lingue, letterature e culture straniere dell’Università degli Studi di Bergamo

(3)

Libreria Musicale Italiana

Sì canta l’empia…

Renaissance et Opéra / Rinascimento e Opera

sous la direction de / a cura di

Camillo Faverzani

Séminaires / Seminari «L’Opéra narrateur» 2013–2014

(Saint-Denis, Université Paris, Paris, Institut National d’Histoire de l’Art)

(4)
(5)

Sommaire / Sommario

Camillo Faverzani

In voce viva e versi queti

Avant-Propos

ix

Premessa

xv

L’Arioste et le Furieux

L’Ariosto e il Furioso

Théa Picquet

Une réécriture du Roland furieux de l’Arioste : l’opéra de Vivaldi

3

Fanny Eouzan

Les folies de Roland entre opera buffa et dramma eroicomico,

réécritures de Carlo Francesco Badini et Nunziato Porta

21

Gabriella Asaro

Le Roland furieux des Guerres d’Italie à la Seconde Guerre mondiale :

La follia di Orlando de Goffredo Petrassi

43

Nicole Botti

«Mi restano le lagrime». Alcina, donna da melodramma

59

Paola Ranzini

De l’Arioste au théâtre contemporain :

L’isola di Alcina, concerto per corno e voce romagnola et

Ouverture Alcina du Teatro delle Albe

73

Camillo Faverzani

Ginevra di Scozia de Gaetano Rossi pour Giovanni Simone Mayr,

ou le cas impie et triste du chevalier qui avait trop vu

87

(6)

Le Tasse et Armide

Il Tasso e Armida

Emilia Pantini

Quale edizione de La Gerusalemme Liberata

leggeva Giaches de Wert?

113

Arianna Fabbricatore

Les récits chevaleresques de l’Arioste et du Tasse :

deux interprétations dansées sur la scène musicale italienne

137

Marina Mayrhofer

Un soggetto tassesco per la prima opera seria di Antonio Salieri,

Armida, dramma per musica di Marco Coltellini

153

Jérôme Chaty

Armida e Rinaldo de Domenico Gavi :

une polémique à propos d’une Armide de trop

179

Marco Beghelli

L’ultima Armida:

lo sguardo retrospettivo di Schmidt e Rossini

199

Federico Lenzi

Savinio et le Tasse : réflexions autour de la mise en scène

de l’Armida de Rossini en 1952

223

Cristina Barbato

Rossini merveilleux malgré lui. Autour des ‘extravagances’

et des ‘diableries’ d’Armida 235

Les épigones

Gli epigoni

Mario Domenichelli

(7)

Francesco Cento

Don Chisciotte di Paisiello, ovvero

chi è più pazzo d’Orlando Furioso? 265

Dario Lanfranca

Combinazioni e contaminazioni dell’epos cavalleresco

in Don Chisciotte della Mancia di Paisiello

277

Les personnages de la Renaissance

I personaggi del Rinascimento

Elisabetta Fava

I tormenti della bellezza: Mona Lisa, Violanta, Eine florentinische

Tragödie e Die Gezeichneten tra Rinascimento e isterismi

289

Mirco Michelon

Musique, Histoire et scène. Le crépuscule des Médicis

d’après Ruggero Leoncavallo

305

Vincenzo Mazza

Entre opéra et théâtre total : Le Livre de Christophe Colomb

de Paul Claudel. Un héros de la Renaissance

à l’épreuve de l’adaptation scénique

315

Emanuele d’Angelo

Il Pier Luigi Farnese di Arrigo Boito, dramma machiavelliano

327

Marco Sirtori

Un caso giudiziario di fine Cinquecento.

Beatrice Cenci nell’opera romantica

337

Maria Carla Papini

Il personaggio Torquato Tasso: dalla commedia di Goldoni

al dramma di Gœthe, all’opera di Donizetti

357

Résumés / Riassunti

371

(8)

Auteurs / Autori

385

Index des noms et des œuvres / Indice dei nomi e delle opere

393

Index des lieux et des théâtres / Indice dei luoghi e dei teatri

417

(9)

Arianna Fabbricatore

Les récits chevaleresques

de l’Arioste et du Tasse :

deux interprétations dansées

sur la scène musicale italienne

Le présent essai examine deux livrets de ballets s’inspirant de la matière

chevaleresque de l’Arioste et du Tasse : L’acquisto di Durindana (1638) de

Giovan Battista Balbi et Renaud et Armide (1774) de Jean-Georges

No-verre. Parmi les nombreuses adaptations dansées inspirées des deux

cé-lèbres poètes italiens, le choix de ces deux livrets se justifie par la prise en

compte d’un dénominateur commun : bien que distants

chronologique-ment, ces deux ballets s’inscrivent dans l’émergence de ce qu’on appelle

le ballet-pantomime et représentent chacun un moment essentiel de la

relation entre la danse théâtrale et l’opéra. Après avoir avancé quelques

réflexions sur deux aspects-clés pour notre étude, à savoir la fonction du

sujet de ballet et la notion de livret de ballet, il s’agira d’observer les deux

ballets proposées dans leur contexte culturel et de tenter de comprendre

le rôle que jouent les sources littéraires, comment la danse théâtrale a su

les interpréter et selon quelles finalités.

Longtemps considérée comme un élément ornemental de l’opéra, la

danse théâtrale subit un changement profond à partir de l’émergence du

ballet-pantomime, genre spectaculaire nouveau et éphémère dont l’enjeu

principal était de représenter des sujets littéraires, inspirés de l’histoire et

de la mythologie, par le seul moyen des gestes et sans le secours de la

pa-role. Dans un projet de valorisation de leur art et de leur statut, les maîtres

de ballet, qui encouragent ce nouveau produit théâtral pendant le XVIII

e

siècle, tentent de démontrer, par leurs créations chorégraphiques et par

leurs écrits, les possibilités narratives de la danse théâtrale, afin qu’elle

puisse s’affranchir de son rôle traditionnellement décoratif et qu’elle soit

(10)

enfin reconnue parmi les arts d’imitation. L’un des points cruciaux de la

réforme de la danse menée au XVIII

e

siècle est l’accès à un répertoire de

sujets nobles. En effet, les sujets, que la danse a le droit de représenter au

début du XVIII

e

siècle, se limitent à un répertoire qui comprend surtout la

mythologie. Ainsi, pour les maîtres de ballet, puiser dans les sources

his-toriques et littéraires pour représenter une histoire par la danse présentée

comme une « poésie muette »,

1

revient à s’approprier un patrimoine

cultu-rel qui appartient traditionnellement à la République des Lettres,

2

à se

confronter à un corpus savant qui peut être manipulé et adapté au langage

pantomime et désigne implicitement la possibilité, pour le compositeur

de ballets, d’accéder au titre d’auteur.

3

Si la matière littéraire, historique

ou mythologique, constitue une ressource nécessaire à la valorisation de

l’art de la danse par la légitimation de son accès à un capital culturel

in-terdit, elle présente un autre grand avantage : connus généralement dans

leurs grandes lignes, ces sujets peuvent conférer une garantie

d’intelligibi-lité au langage pantomime. Bien qu’en pratique les critiques contre

l’am-biguïté de ce langage ‘obscur’ soient nombreuses,

4

en théorie le postulat

fondamental du ballet-pantomime s’appuie sur l’idée de l’intelligibilité

du geste, considéré comme la substance d’un langage compréhensible et

1. Dès le XVIIe siècle, l’aphorisme de Simonide de Céos mentionné par Plutarque sur l’analogie

entre la peinture et la poésie est récupéré par les théoriciens de la danse et employé pour soutenir l’analogie entre la danse et la poésie. La danse est ainsi définie « poésie muette » ou « peinture parlante ». La formulation devient très courante au XVIIIe siècle. Cf. Pierre-Jean

Burette, Premier-Second Mémoire pour servir à l’Histoire de la Danse des Anciens, 17101, 1741,

pp. 129–130 : « Il est donc certain que la Danse, considérée comme pure Imitation, n’est pas moins propre à instruire, qu’à plaire ; et le Pöete Simonide a eu raison de l’apeller une Poësie

muette, et réciproquement de nomme la Pöesie une Danse éloquente ».

2. Cf. à ce propos la thèse de doctorat de Juan Ignatio Vallejos, Les philosophes de la danse.

Le projet du ballet pantomime dans l’Europe des Lumières (1760–1776), EHESS, Paris 2012.

3. Au XVIIIe siècle on parle véritablement d’auteur du ballet ; toutefois la question de la

pro-priété intellectuelle dans la création chorégraphique (particulièrement épineuse car la danse manquait d’écriture propre) sera une longue bataille que les chorégraphes mènent jusqu’au XXe siècle : si Serge Lifar invente le terme de « choréauteur » au XIXe siècle, c’est pour protéger

des droits qu’en pratique n’existaient pas encore. Pour une approche de la question au XVIIIe

siècle, cf. Stefania Onesti, Autorialità e autorità del libretto di ballo del secondo Settecento:

problematiche e prospettive di studio, « Danza e ricerca. Laboratorio di studi, scritture,

visio-ni », febbraio 2014, pp. 1–30 (http://danzaericerca.unibo.it).

4. Les critiques proviennent en particulier des hommes de lettres qui considèrent les sujets ‘sé-rieux’ appartenant aux poètes. Cf. par exemple la préface de Carlo Gozzi, Eco e Narciso, Ve-nezia 1772, in Opere edite ed inedite, del co. Carlo Gozzi […], t. 8., Zanardi, VeVe-nezia 1801–1802, pp. 6–7.

(11)

déchiffrable. Ainsi, le choix d’un sujet littéraire connu permet au maître

de ballet de s’appuyer sur les connaissances préexistantes du spectateur

cultivé qui, en comparant ses notions au ballet, accède plus aisément à la

compréhension du spectacle dansé. La publication des livrets de ballet,

qui connaît son essor pendant le XVIII

e

siècle, est un point sensible de la

réforme et un objet de polémique pour les deux pionniers du

ballet-pan-tomime, le Français Jean-Georges Noverre et l’Italien Gasparo Angiolini.

Conçu pour être distribué avant la représentation, le livret de ballet revêt

une fonction médiatrice entre le maître de ballet, le spectateur et le

spec-tacle. On peut le définir comme appartenant au genre des livrets, il est

le support écrit d’un spectacle dansé lié à une musique donnée. Appelé

également ‘programme de ballet’ au XVIII

e

siècle, le livret de ballet est un

texte qui a une nature hétérogène. S’inspirant de la structure des livrets

du dramma per musica italien, il associe une partie para-textuelle

com-prenant les informations relatives à l’occasion de la représentation

(dédi-cace, avis au public, noms des interprètes, etc.), que l’on pourrait appeler

kairotexte,

5

à la narration de l’action, au scénario chorégraphique,

6

à

sa-voir le texte dramatique qui est destiné à tracer une description verbale de

l’action dansée et qui peut être complété par d’autres composantes, telles

que les didascalies, la liste des personnages, l’argomento

7

(à savoir des

in-formations sur le sujet, de même que dans le livret d’opéra italien). Sur

la scène musicale italienne, à laquelle appartiennent les livrets de ballet

que nous présentons dans cette étude, les informations relatives à la danse

5. Reliant le mot grec kairos au terme « texte », la proposition du néologisme kairotexte nait d’une analyse du livret d’opéra et de ses composantes. Si nous considérons les éléments du livret du point de vue de leur fonction, nous pouvons distinguer une partie circonstancielle liée au contexte de la représentation et une partie fixe, à savoir celle qui peut être représentée dans un contexte différent, sur une musique ou des interprètes différents, tout en étant recon-nue comme la même œuvre (le titre, la poésie dramatique, les personnages, l’Argomento, les didascalies…). Le terme kairotexte permet donc de désigner l’ensemble des parties variables d’un livret, placées en tête de chaque volume (dédicaces, avis au public, noms des chanteurs, etc.), et les autres indications étrangères à l’opéra mais liées à une représentation précise telles que les indications sur les intermezzi programmés pour l’occasion.

6. Nous proposons de désigner par le syntagme ‘scénario chorégraphique’ la composante essen-tielle d’un livret de ballet, celle qui constitue sa traduction verbale plus ou moins détaillée et représente la mémoire de l’œuvre dansée.

7. Il est préférable de garder le mot italien car sa traduction française (argument ou sujet) ne correspond pas exactement à la fonction que revêt l’argomento dans les livrets d’opéra italien et de ballet, à savoir de rappeler au spectateur le contexte et les faits qui précèdent l’histoire représentée et non pas de lui présenter un résumé de l’intrigue.

(12)

(maître de ballet, titre du ballet, danseurs, scénario, etc.) sont

générale-ment générale-mentionnées dans le livret d’opéra. La publication de livrets de ballet

indépendants du spectacle d’opéra n’est ni fréquente ni systématique, elle

est surtout liée à l’émergence du ballet-pantomime et elle constitue un

si-gnal évident du processus d’autonomisation de la danse.

Quel rôle jouent les sujets empruntés à la matière chevaleresque italienne

de nos deux livrets italiens ?

8

De quelle façon s’inscrivent-ils dans

l’émer-gence du ballet-pantomime et quelles relations tissent-ils avec l’opéra ?

L’acquisto di Durindana de Giovan Battista Balbi :

expérimentations pantomimes

Le premier livret de ballet que nous avons choisi de présenter ici, est une

création s’inspirant d’un épisode du poème de l’Arioste et créé par

Bal-bi. On peut considérer ce livret, extraordinaire à plusieurs titres, comme

l’un des premiers livrets de ballets italiens avec une structure narrative

complète, comportant une division en scènes et comprenant également

un Argomento qui introduit le lecteur à l’action et présente la structure

du ballet.

Rappelons rapidement quelques faits de la carrière de Balbi, danseur

vé-nitien, maître de ballet et créateur de décors pour le théâtre de la première

moitié du XVII

e

siècle. Quand il reçoit l’invitation d’Anne d’Autriche

pour rejoindre les comédiens italiens à Paris, Balbi, surnommé Tascquin,

avait travaillé à Venise, à Rome et à Florence. Il avait collaboré avec

Gia-como Torelli et avait créé avec succès les ballets pour les intermezzi de

l’Andromeda de Benedetto Ferrari et Francesco Manelli, représentée en

1637 à Venise, à l’occasion de l’inauguration du premier théâtre public, le

San Cassiano. Dans l’avis aux lecteurs, l’imprimeur du livret

d’Androme-da avait mentionné, fait exceptionnel à l’époque, le nom du compositeur

de ballets, soulignant comment son ballet, « très extravagant », avait été

capable de susciter les larmes : « Qui per fine dell’atto si cantò prima di

dentro un altro madrigale a più voci […]; e poi dodici selvaggi uscirono

a fare, per intermezzo, un stravagantissimo, e gustosissimo ballo di moti

e gesti. Non vi fu occhio che non lagrimasse il transito di questa danza.

8. Nous entendons publiés en Italie, et non pas publiés en langue italienne, car le livret de No-verre est en langue française. Toutefois nous signalons que ce livret fut également publié en italien.

(13)

Ne fu inventore il signor Gio. Battista Balbi ballarino suddetto ».

9

À Paris,

Balbi crée les ballets pour La finta pazza de Strozzi, restés célèbres pour

leur magnificence et dont il publie le livret : Balletti d’invenzione nella

Finta Pazza di Giovan Battista Balbi, ainsi que les ballets pour Orfeo de

Francesco Buti et Luigi Rossi.

10

Il voyage ensuite à Bruxelles, puis il

re-tourne à Venise, en 1651, où il crée les ballets et les décors pour Alessandro

vincitor di se stesso de Francesco Sbarra et Francesco Cavalli. Il travaille

ensuite à Naples, puis de nouveau à Venise et disparaît des scènes

euro-péennes après 1654.

11

Dans la vaste production et les nombreux succès de ce « ballarino »

et maître de ballet célèbre et inventif, L’acquisto di Durindana, dont le

frontispice du livret précise Argumento dell’azzione rappresentata in Ballo

co gesti,

12

représente un cas singulier. L’originalité de sa forme, une

ac-tion représentée « sans exprimer même pas un mot », est soulignée par

Balbi dans l’explicit du livret. Et, si l’on songe à l’idée directrice du

bal-let-pantomime qui, s’appuyant sur la référence à l’Antiquité, affirme la

capacité de la danse de proposer une structure narrative complète avec le

seul concours du geste, on peut à juste titre considérer ce ballet comme

un prototype de ce nouveau genre théâtral. Le ballet de Balbi est

signi-ficatif dans le jeu des influences au XVIII

e

siècle, pour la réflexion sur

la pantomime, car il acquiert une notoriété remarquable dans le cercle

des hommes de lettres et fonctionne comme le paradigme d’un genre qui

invite à repenser les possibilités et les finalités de la danse. La place que

le jésuite Francesco Saverio Quadrio lui consacre dans sa monumentale

9. « Lo stampatore ai lettori », in Francesco Manelli, Andromeda, Teatro San Cassiano, Ve-nezia 1637 : « Ici, à la fin de l’acte on chanta d’abord un autre madrigal à plusieurs voix […] ; et puis douze sauvages sortirent pour faire, en guise d’entracte, un ballet de mouvements et de gestes très extravagant et très délectable. Il n’y fut pas d’œil qui ne versa pas de larmes au passage de cette danse. Son inventeur fut Monsieur Gio. Battista Balbi, danseur susdit ». 10. Cf. Balletti d’invenzione nella Finta Pazza di Giovan Battista Balbi, s.l., s.d, [1658]. Les

choré-graphies, qui comprenaient un « Ballet des Singes et des Ours », un « Ballet des Autruches » et un « Ballet des Indiens et des Perroquets », sont illustrées, dans le livret de Balbi, par six planches de Valerio Spada. Cf. l’élégante édition Les Ballets des singes et des autruches, présen-té par Philippe Beaussant, INHA, Paris 2010.

11. Sur la biographie de Balbi Cf. Dizionario Biografico degli italiani, vol. 5, Treccani, Roma 1963. Cf. également « Giovan Battista Balbi, ‘Veneziano ballerino celebre’ », in Francesco Milesi,

Giacomo Torelli. L’invenzione scenica nell’europa barocca, Fondazione Cassa di Risparmio di

Fano, Fano 2000.

12. Argumento dell’azzione rappresentata in Ballo co gesti, intitolata L’acquisto di Durlindana, Stamperia della Rev. Cam. Apost., Roma 1638.

(14)

et très érudite histoire littéraire, Della storia e della ragione di ogni

poe-sia (1739–1752), est symptomatique de cette influence : dans la large

par-tie destinée à la pantomime, l’expérience de Balbi est présentée comme

une première tentative de susciter « l’art pantomimique des Antiques » et

comme un modèle pour les représentations éducatives dans les collèges

jésuites.

13

Crescimbeni, dans son Istoria della volgar lingua, mentionne le

ballet comme une nouveauté qui propose la représentation « d’un Mime

ressemblant à ceux de l’Antiquité ».

14

Cette création de Balbi, présentée au public comme un produit

expéri-mental, s’appuie sur des principes dramaturgiques nouveaux. Se

démar-quant de la tradition de la danse théâtrale de son époque, Balbi puise le

sujet de son ballet, non pas dans les répertoires essoufflés des épisodes

mythologiques habituels, mais directement dans la matière littéraire de

l’Orlando Furioso de l’Arioste. Ce sujet permet au maître de ballet

d’attri-buer à son spectacle une finalité morale, créant ainsi un lien entre éthique

et esthétique. Dans l’explicit du livret, Balbi souligne l’exemplarité de

l’épisode de l’Arioste où le héros Mandricard arrive à obtenir Durandal

grâce à « la Vertu [qui] jamais ne fuit ceux qui la cherchent », mais encore

il octroie une légitimité morale et exemplaire au langage d’action : par une

opposition entre « bien agir » et « bien parler », Balbi affirme que l’action

est capable, plus que la parole, de susciter la vertu car « la Vertu comporte

l’action » :

13. « Ma più espressamente nel 1638 un Ingegno bizzarro in Roma si studiò di rimettere la Panto-mimica Arte, secondo che appo gli Antichi si costumava. Quindi mise in iscena un Ballo, nel quale, co’ gesti si rappresentava l’Azione dell’acquisto, che della celebre spada Durindana fu da Mandricardo Re de’ Tartari fatto, come i Romanzatori raccontano. E questa Pantomimica Saltazione si vede anche impressa nel medesimo anno senza nome di Autore. E’ divisa in tre Atti, appellati il primo Ballo piano, il secondo Trapasso, e il terzo Salterello: ed ogni Atto ha più scene; e ciascuna Scena ha più personaggi. Di non dissimili Danze qualche altra noi ne ab-biamo veduta da valorosi Maestri di Ballo inventata per occasione dell’Opere, che ne’ Convitti di Gioventù si sogliono recitare ne’ tempi del Carnevale » (Francesco Saverio Quadrio,

Della storia e della ragione di ogni poesia, vol. III, Agnelli, Milano 1744 p. 258).

14. « E molto più del Cremonino, si lusingò colui che l’anno 1638 fece rappresentare in Roma un Mimo a somiglianza di quei degli Antichi: conciossiaché mettesse in iscena un ballo, nel quale co’ gesti si rappresentava l’azione dell’acquisto della famosa Spada da Durindana fatto da Mandricardo Re de’ Tartari, del quale assai parlano i nostri Romanzatori. Questo Mimo si vede impresso l’anno suddetto senza nome d’Autore; ed è diviso in tre atti [...]. E noi ci avvi-siamo, che riuscisse non poco dilettevole perciocchè di questa cosa abbiamo veduto qualche piccolo saggio in alcuna scena delle Commedie de’ nostri Istrioni; e quanto n’è paruto artifi-zioso, altrettanto ci ha apportato maraviglia e diletto » (Giovan Mario Crescimbeni, Istoria

(15)

Mà noi coll’essempio di Mandricardo, che da si lontane regioni venne per haver Durindana, e che non solo la trovò, mà eziandio ne fece acquisto col suo valore, siamo ammoniti, che la Virtù da chi la cerca giammai non fugge, anzi s’accoppia con la fortuna, e fà, che siamo coronati di felicità, trapassando lieti le giornate della vita. Ne anche fuor di ragione si rappresenta questa Favola, senza esprimere pure una parola ; peròche si considera, che la Virtù nell’operazioni consiste: onde è chi disse altamente, Non alla pompa di parole ornate: / Al ben’ oprar del Ciel s’apron

le porte.15

Ainsi Balbi, soutenant implicitement la supériorité de l’action et de son

pouvoir communicatif sur la parole, anticipe les questionnements autour

des possibilités du langage pantomime et de sa légitimité morale qui

se-ront au cœur des polémiques sur la danse au XVIII

e

siècle.

Un deuxième élément qui fait de ce ballet un précurseur du

ballet-pan-tomime est son rapport à l’Antiquité.

16

En effet, si chez les réformateurs

du ballet-pantomime du XVIII

e

siècle, la référence aux modèles

drama-turgiques de l’Antiquité demeure comme une constante incontournable,

dès la moitié du XVII

e

siècle, on assiste à une opération de récupération

de l’Antiquité concernant les questions musicales et fondée sur les

prin-cipes réformateurs de la Camerata dei Bardi. Les discussions, qui

abou-tiront à la création du dramma per musica, naissent comme un projet de

réforme littéraire au sein d’un groupe d’hommes de lettres et impliquent

également des réflexions sur la danse, sur ses formes, sur sa place au sein

de l’opéra et sur son rôle dans la société. L’entreprise exégétique

minu-tieusement menée par les membres de l’Arcadie entre le XVII

e

et XVIII

e

siècle sur les modalités de représentation de la tragédie selon Aristote,

avait engagé les théoriciens à discuter également de la place que le

Stagi-rite avait confiée à la danse et en particulier à la pantomime.

15. Argumento dell’azzione rappresentata : « Mais, avec l’exemple de Mandricard, qui vint de pays si lointains pour obtenir Durandal, et qui non seulement la trouva, mais encore la conquit grâce à son courage, nous sommes prévenus que la Vertu jamais ne fuit celui qui la cherche, au contraire elle s’unit à la fortune et fait en sorte que nous soyons couronnés de bonheur et que nous passions les jours de notre vie dans la joie. Et il n’est pas insensé de représenter cette fable sans exprimer même un seul mot, parce que on considère que la Vertu réside dans les actions : c’est pourquoi il fut dit avec solennité : Ce n’est pas la pompe des paroles ornées / Mais

le fait de bien agir qui ouvre les portes du Ciel » (dans notre traduction).

16. Sur la relation entre le ballet-pantomime et l’Antiquité, cf. Arianna Fabbricatore, Le ballet

pantomime et l’Antiquité : quelques notes de réflexion, in Euterpe et l’Empereur, L’Antiquité et l’Opéra, Séminaires 2011–2012, sous la direction de Camillo Faverzani, Université Paris 8,

(16)

S’inscrivant dans le sillage des mouvements réformateurs qui concernent

le monde musical italien, le ballet de Balbi se présente comme

l’expéri-mentation d’un nouveau modèle dramaturgique tiré de l’Antiquité et

puisé, non pas dans les catégories dramatiques mais directement dans la

musique ancienne : la structure du livret montre trois sections, Piano,

Trapasso et Salterello, parties qui « ressemblent à celles de la Musique des

anciens Grecs et Romains » :

L’azzione in vece di Atti, si divide in Ballo piano, in Trapasso, e in Saltarello. Nel primo si rappresentano la cerca, che fà Mandricardo d’Orlando, la comparsa d’An-gelica, e di Medoro Sposi, e delle Ninfe, la venuta d’Orlando, il quale sin che è in se s’accompagna con danzar delle Ninfe. Alle quali azzioni si conviene un ballo leg-giadro, e quieto, e però è detto Ballo piano. Nel secondo di vede la Pazzia d’Orlan-do, e la battaglia trà Zerbino, e Mandricardo per la Spada, con altre cose che sono à queste connesse. E chiamasi Trapasso, perche eccede il passo ordinario, essendo molto agitato. Nel terzo si ha l’allegrezza per l’acquisto di Durindana, e per la Co-ronazione di Mandricardo. E Saltarello è nominato per la frequenza de Salti, che vi si fanno. Questi tre modi sopradetti sono peravventura simiglianti à quelli della Musica degli antichi Greci, e Romani.17

La composition hybride du ballet, combinant une macrostructure qui

s’inspire de la musique et une microstructure qui relève de la poésie

dra-matique, avec sa division en scènes et la mention des personnages au

dé-but de celles-ci, montre l’effort, au XVII

e

siècle, de codifier le nouveau

ballet théâtral en tant que forme distincte de l’opéra et de lui fournir un

modèle dramaturgique original.

D’autre part, une analyse du scénario chorégraphique, qui semble

four-nir une traduction verbale de l’action, permet de formuler des hypothèses

quant à l’articulation de la danse et de la pantomime. Si on observe à titre

d’exemple l’acte I, on constate un équilibre harmonieux entre les parties

17. Argumento dell’azzione rappresentata : « L’action, plutôt qu’en actes, est divisée en Ballet

Pia-no, en Trapasso et en Saltarello. Dans le premier on représente la quête de Mandricard à la

recherche de Roland, l’apparition des époux Angélique et Médor et les Nymphes, l’arrivée de Roland qui, tant qu’il a encore tous ses esprits, danse avec les Nymphes. À ces actions convient un ballet gracieux et tranquille et pour cela on l’appelle Piano. Dans le deuxième on voit la folie de Roland et le combat d’épées entre Zerbin et Mandricard et d’autres choses qui y sont liées. Et on l’appelle Trapasso car il dépasse les limites du pas ordinaire, puisqu’il est très agité. Dans le troisième il y a la joie face à la conquête de Durandal et face au couronnement de Mandricard. Et on le nomme Saltarello à cause la fréquence des Sauts que l’on fait. Ces trois manières susdites ressemblent peut-être à celles de la Musique des anciens Grecs et Romains » (dans notre traduction).

(17)

dansées et celles d’action pantomime qui semblent s’entremêler sans

dif-ficulté et qui intègrent également un ballet géométrique sur le modèle du

ballet de cour. On peut supposer qu’à l’époque, en Italie, la danse et la

pantomime sont conçues comme deux pratiques d’une même discipline

et qu’elles ne sont pas encore très nettement distinguées comme elles le

seront par la suite.

Renaud et Armide de Jean-Georges Noverre :

un ballet dans le goût des Italiens ?

Lorsque Noverre se penche sur les amours de Renaud et Armide, il connaît

bien son sujet puisqu’il l’avait déjà abordé à plusieurs reprises : en France

(Lyon, 1758 et 1760) et dans les pays germaniques (Stuttgart, 1761 et 1763 ;

Vienne 1767). Après Milan en 1775, il y reviendra en Angleterre (Londres,

1782). La version que nous allons prendre en compte est celle que Noverre

propose au public italien : il s’agit du ballet représenté pour la première

fois le 28 janvier 1775 au théâtre ducal de Milan entre les actes

d’Ales-sandro nelle Indie, dramma per musica. Pour comprendre et analyser les

raisons qui poussent le maître de ballet français à proposer aux Milanais

la matière épique italienne à travers le ballet Renaud et Armide, il est

es-sentiel de rappeler le contexte de la représentation.

En 1774, Noverre est appelé à Milan pour remplacer son rival direct,

Angiolini, qui prenait sa place à Vienne. Ce chassé-croisé entre les deux

maîtres de ballet intervient immédiatement après la confrontation

épisto-laire par laquelle ils avaient tenté de s’imposer comme les réformateurs de

la danse : en 1773, Angiolini avait diffusé, à Vienne et à Milan, ses Lettere

a Monsieur Noverre sui balli pantomimi,

18

dans lesquelles il attaquait les

idées réformatrices de son rival français et où il soutenait l’analogie entre

le ballet et la poésie dramatique classique, préconisant une poétique de la

danse soumise aux principes aristotéliciens ; Noverre avait répliqué, au

début de 1774, par sa Petite réponse aux grandes lettres de Monsieur

An-giolini,

19

dans laquelle il soutenait l’analogie entre la danse et la peinture,

18. Cf. Lettere di Gasparo Angiolini a Monsieur Noverre sopra i balli pantomimi, Bianchi, Mi-lano 1773, ora in Carmela Lombardi, Il ballo pantomimo. Lettere saggi e libelli sulla danza

(1773–1785), Paravia Scriptorium, Torino 1998, pp. 49–87.

19. Cf. Jean-Georges Noverre, Introduction au Ballet des Horaces ou petite réponse aux grandes

lettres du Sr. Angiolini, Vienne–Milan 1774, in Discussioni sulla danza pantomima, Vedi lettere sulla Danza di Mr. Noverre et del Sig. Angiolini, s.l., s.d., [Milano, 1774].

(18)

plaçant au centre de la création chorégraphique la notion de génie qui

cautionnait sa licence poétique. Une polémique suivit immédiatement cet

échange : dans la ville lombarde dépendant de la couronne impériale de

Marie-Thérèse, le public se partage alors entre ceux qui défendent la

poé-tique classique du maître de ballet italien et ceux qui préfèrent les

prin-cipes esthétiques du maître de ballet français. Lorsque Noverre signe le

contrat qui le lie au théâtre ducal de Milan, il sait qu’il doit se mesurer à

un nouveau public bien plus difficile que celui de Vienne et qu’il se trouve

en confrontation directe avec son prédécesseur italien : ainsi, il met en

place une véritable stratégie de la conquête. Tout au long de son séjour

milanais, de 1774 à 1776, Noverre coordonne des actions différentes : les

longues tirades dans les préfaces de ses livrets qui lui ouvrent un large

espace de parole, les choix dramaturgiques présents dans ses ballets, les

actions liées à la gestion des danseurs et de la scène, tous ces éléments

forment un ‘discours’ que l’on peut considérer comme un macro-acte de

langage dont la valeur pragmatique est de conquérir le public milanais et

d’assurer sa réussite professionnelle. Quelle place le ballet de Renaud et

Armide occupe-t-il dans le cadre de cette stratégie et comment Noverre

emploie-t-il à ses fins la matière du Tasse ?

Dès son arrivée, Noverre opte pour une rupture avec la tradition de

la danse théâtrale milanaise : il débute par le ballet Apelle et Campaspe

qui met en scène une véritable méta-représentation du maître de

bal-let-peintre, de son esthétique du tableau et de sa dramaturgie

anti-an-giolinienne.

20

Il poursuit avec Adèle de Ponthieu et il tente la carte de la

rupture totale avec Agamemnon vengé. Il s’agit d’une reprise du ballet

homonyme représenté à Vienne en 1771

dont le livret, qui avait été offert

à Angiolini par Noverre, avait provoqué la rédaction des lettres que le

maître de ballet italien avait adressées à son rival. La reprise d’un livret

qui avait en quelque sorte donné le coup d’envoi à la querelle comporte

une valeur provocatrice évidente. Mais la stratégie de la rupture ne donne

20. Sur ce ballet cf. Laura Aimo, La rappresentazione in scena: Apelle, e Campaspe di J. G. Noverre

(Milano 1774), in La cultura della rappresentazione nella Milano del Settecento: discontinuità e permanenze. Atti delle giornate di studio, 26–28 novembre 2009, a c. di Roberta Carpani,

Annamaria Cascetta, Danilo Zardin, vol. 1, Vita e Pensiero, Milano 2008 (I contesti), pp. 683–715, ainsi qu’Arianna Fabbricatore, Jean-Georges Noverre et le mythe d’Apelle.

Ta-bleaux vivants et miroirs de la scène, in Les contre-ut de la Sibylle. Mythe et Opéra. Séminaires 2011–2012, sous la direction de Camillo Faverzani, Université Paris 8, Saint-Denis 2012

(19)

pas les résultats espérés : le public milanais se déchaîne contre la

repré-sentation de l’Agamemnon et une grande polémique s’ensuit sur les choix

dramaturgiques de ce ballet qui avait réuni les trois épisodes de l’Orestie,

qui n’avait pas respecté les unités aristotéliciennes de temps, lieu et

ac-tion et qui avait enfreint la règle de la bienséance en montrant la mort de

Clytemnestre à la scène.

Devant l’échec de sa stratégie de rupture, Noverre élabore une

contre-ré-action, faisant preuve d’une plus grande souplesse et tentant, du moins en

apparence, de se plier au goût italien des Milanais. L’épisode du Tasse,

sujet d’inspiration italienne, lui permet d’accéder à cette nouvelle

straté-gie de la concession. Le programme qui accompagne la représentation du

ballet Renaud et Armide est introduit par deux paratextes, une dédicace

et un avant-propos, qui remplissent une fonction justificative et

protec-trice. La dédicace, qui apparaît dans le frontispice du livret, mentionne :

« Renaud et Armide, Ballet Héroique dédié à son Altesse Royale Marie

Beatrix d’Este, Princesse de Modene ». Il semblerait qu’après avoir confié

le ballet Apelle aux bontés du public milanais et le ballet Adèle à la

bien-veillance des femmes, cette fois-ci Noverre, constatant désormais l’échec

de ses choix précédents, qui n’ont pas réussi à lui assurer l’unanimité,

cherche la protection plus puissante et plus sûre de la couronne. Noverre

lie habilement le sujet de son ballet à la destinataire de sa dédicace et, afin

de s’assurer son soutien, il rappelle les nobles origines de sa protectrice et

son lien avec les arts et les artistes :

Il est reservé à l’Auguste Maison de Votre Altesse Royale d’encourager les beaux-Arts, d’accélérer leurs progrés, de resserrer la chaine qui les unit, et d’étendre leur Empire. C’est au goût, à l’esprit et à la magnificence de ses Illustres Ayeux que l’Europe sçavante doit les Poëmes sublimes de l’Arioste et du Tasse ; La protec-tion constante qu’ils accorderent à ces deux Hommes célébres, échauffa leur ima-gination, enflama leur génie. La reconnaissance, ce feu sacré des ames sensibles, anima les accents harmonieux de leurs vers. Ils chanterent les vertus héroiques des Princes dont votre Altesse Royale est issuë ; les noms de ces deux Poëtes, à la faveur de ceux qu’ils ont célebrés parcourent, l’immensité des siecles ; et le vol doublement rapide du génie et de la gloire les éleva également à l’immortalité.21

21. Jean-Georges Noverre, Renaud et Armide, ballet héroïque Dédié A son Altesse Royale

Ma-dame l’archiduchesse Marie Beatrix D’Este Princesse de Modene. Par Mons.R Noverre Maître

(20)

Noverre veille ensuite à consolider la relation entre le sujet du Tasse

qu’il a choisi et ses protecteurs, en soulignant le ressort heureux de

l’épi-sode qui célèbre la vertu et l’honneur du héros après les « quelques

ins-tants de faiblesse » dans les bras de sa maîtresse Armide :

En puisant mon sujet dans la Jérusalem délivrée, j’expose sur la Scene un Héros d’autant plus intéressant, qu’il devoit sa naissance et ses vertus à l’Illustre Famille qui donna des protecteurs à l’Arioste et au Tasse. Si ce Guerrier eut quelques ins-tants de faiblesse ; s’il ne put résister pendant quelques moments aux charmes séducteurs d’Armide, son cœur n’en fut pas moins sensible à la Gloire. Elle triom-pha de tous les Enchantements de cette Princesse ; il rentra dans les camps de l’honneur, et en s’arrachant des bras de l’Amour, il revola à la Victoire. Puisse cette faible copie d’un bel original être agréable à Votre Altesse Royale, puisse-t-Elle ne point dédaigner les efforts de mon zéle et le vif empressement que j’ai de lui plaire.22

À la dédicace succède un avant-propos dans lequel Noverre,

s’adres-sant aux « yeux du Public » milanais, flatte les poètes italiens qui l’ont

inspiré et tente de justifier la faiblesse de son interprétation en admettant

implicitement la supériorité de la poésie sur la danse :

Ce Ballet est tiré de la Jérusalem délivré du Tasse. Cet ouvrage sublime en assurant l’immortalité à son Auteur, honorera toujours l’Italie. En puisant mon sujet dans une source aussi féconde, j’ai l’avantage de mettre sous les yeux du Public un trait qui est absolument connu, et qui réunit à l’histoire ce que la Magie a de charme. J’avoue qu’il est impossible de bien imiter mon modele. Comment pouvoir expri-mer avec un langage muet, tel que la Pantomime, les beautés de stile, les comparai-sons nobles, et ce sublime d’éloquence qui n’est reservé qu’à la Poesie ? On ne peut exiger toutes les perfections d’un Art qui est encore au berceau, et qui n’articule que des mots mal prononcés.23

En se s’abritant derrière les ‘défauts’ de l’art pantomime qui, étant

en-core au berceau, « n’articule que des mots mal prononcés », Noverre tente

donc d’impliquer le public, ‘maître éclairé de tous les Arts’, dans une

re-lation de complicité avec le maître de ballet, en l’appelant à suppléer à la

faiblesse du langage pantomime. Enfin, il fait état de la fracture qui existe

au sein des spectateurs quant à ses spectacles et avoue implicitement la

si-tuation de crise dans laquelle sa relation avec le public milanais se trouve.

Pour saisir les goûts du Public » s’explique-il, « il faut avoir le temps de

22. Jean-Georges Noverre, Renaud et Armide, pp. 7–8. 23. Jean-Georges Noverre, Renaud et Armide, p. 10.

(21)

les étudier. […] Ce n’est pas en six mois que l’on peut saisir en un seul et

même aspect des goûts et des sensations diametralement opposées ; Ce

n’est point dans un terme aussi court que l’on peut avoir l’art de faire

fremir à l’unisson des cordes différemment montées par les passions ».

24

En même temps qu’il admet la fracture et qu’il tente de démontrer

l’im-possibilité de satisfaire entièrement le public, Noverre clôt sa préface par

un acte de soumission rhétorique qui, faisant écho à ses dernières

décla-rations dans la dédicace, met l’accent sur sa bonne volonté de réussir et

sur son « zèle » : « Dans l’impossibilité où je suis de me replier en si peu

de tems sous mille formes diverses, et de parcourir tous les genres

d’imi-tations, je me borne à assurer le Public que je ne suis occupé que du desir

de lui plaire, et que si je n’ai pas le bonheur d’y réussir, on ne pourra

l’im-puter ni à mon application, ni à mes soins, ni à mon zéle ».

25

Ainsi, à en juger par ses paratextes, Noverre choisit la matière du Tasse

pour gagner l’adhésion de ses protecteurs et du public italien : d’une part

il admet les ‘défauts’ de son art, mais d’autre part il se donne pour objectif

d’aller à la rencontre du goût des Italiens. Toutefois, l’issue de ce ballet

n’obtient pas les résultats attendus. L’appartenance culturelle de Noverre

et sa conception du ballet peuvent expliquer en partie son erreur de

stra-tégie quant au choix du sujet de Renaud et Armide et de sa mise en scène.

Si on étudie les principes dramaturgiques des deux maîtres de ballets

ri-vaux, on observe qu’ils prennent une distance considérable avec les

mo-dèles que leur culture respective leur offre : l’opéra français pour Noverre,

l’opéra italien pour Angiolini. D’un côté, le modèle lyrique français avait

cultivé le déploiement de spectacles divertissants : la magie, les

enchan-tements et la féerie représentent des ressources constantes, en

particu-lier dans les œuvres empruntant leur sujet au genre héroïque. De l’autre,

l’opéra italien, sous les instances réformatrices de l’Arcadie et visant le

genre tragique, avait au contraire été soumis à un processus de

rationali-sation qui prévoyait l’exclusion de tout élément merveilleux et étranger à

la raison et qui limitait les sujets plus strictement à l’histoire ou à la

my-thologie gréco-romaine. L’influence de ces deux modèles chez les deux

maîtres de ballet est visible dans le choix de leur inspiration, des sujets et

des personnages, et dans le traitement spécifique du critère de

vraisem-blance. Angiolini assimile et transpose les principes dramaturgiques du

24. Jean-Georges Noverre, Renaud et Armide, p. 11. 25. Jean-Georges Noverre, Renaud et Armide, p. 12.

(22)

dramma per musica dans le ballet-pantomime : il préfère le genre tragique

et les sujets littéraires, il exclut de son répertoire les personnages

allégo-riques ou merveilleux, les vents, les diables, les tritons et les dieux qui

outrepassent, dans sa conception, les limites du naturel et du rationnel.

26

Pour Noverre, en revanche, le ballet étant « le frère du Poème » (un poème

épique ou héroïque plus que dramatique) le merveilleux est largement

admis et il peut se mêler sans réserve au tragique.

Si on examine le ballet présenté par Noverre, on s’aperçoit que le

traite-ment dramaturgique est bien loin des canons du dramma per musica

ita-lien préconisés par les poètes de l’Arcadie et adopté par Angiolini. Le tissu

dramaturgique du ballet Renaud et Armide montre que, plus que du Tasse,

Noverre s’inspire des représentations picturales de ce sujet pour

propo-ser sur la scène milanaise ce qui faisait la spécificité de son esthétique : le

tableau. Plusieurs éléments magiques, qui n’auraient pas de place chez

Angiolini, animent l’action : les enchantements et les charmes dominent

les trois parties du ballet avec la présence constante d’êtres magiques, tels

que les nymphes ou les naïades, et de personnages allégoriques, comme

la Vengeance ou la Haine. Le fil de l’action ne semble qu’un prétexte au

déploiement des beautés de détails dans lesquelles Noverre devait être

très habile : plusieurs passages elliptiques du scénario chorégraphique

in-diquent la création d’un tableau dansé. À titre d’exemple on peut

imagi-ner comment « les Nymphes lui [à Renaud] peignent les songes les plus

agréables », comment « les tableaux animés du plaisir effacent de son âme

l’amour de la gloire », ou encore quelle pompe devait accompagner « les

Jeux, les Plaisirs, les Nymphes, les Grâces, et les Amours [qui] s’empressent

à l’envie d’exécuter des danses ». Enfin, la traditionnelle célébration de la

vertu n’est pas du tout centrale dans le dénouement du ballet : si l’on est

en présence, tout au long du ballet, d’un Renaud qui n’est jamais vraiment

convaincu de vouloir se séparer d’Armide et qui revient plusieurs fois aux

pieds de sa maîtresse sous les yeux réprobateurs de ses compagnons, in

26. Cf. Gasparo Angiolini, Riflessioni sopra l’uso nei programmi nei balli pantomimi, Londra [Milano] 1775, in Carmela Lombardi, Il ballo pantomimo, p. 121 : « D’autre part les allégo-ries, quelles qu’elles soient, ne pourront jamais être le sujet naturel et propre des beaux arts, parce que ceux-ci ne visent que l’expression et l’imitation de la nature, et celles-là la dési-gnation d’idées abstraites et de choses cachées par ce qu’on représente. De cela vient que les allégories sont généralement peu appréciées dans l’art oratoire et dans la poésie et ne plaisent jamais dans la peinture, et par conséquent aussi dans la pantomime, qui, comme l’espèce d’un même genre, a tant de relations avec les autres arts » (c’est nous qui traduisons).

(23)

fine il prend sa décision sans la détermination qui devrait distinguer un

choix héroïque entre le devoir et l’amour : « Ce héros s’éloigne à pas lents

en regardant sans cesse Armide, et en peignant l’excès de la douleur et du

désespoir dont son âme est déchirée ».

En préférant un sujet littéraire qui relève de la poésie épique et non

pas du drame et qui se prête à une mise en scène conforme aux usages du

théâtre lyrique français, Noverre n’utilise finalement le sujet du Tasse que

comme une coque aux couleurs italiennes qui, une fois ouverte, montre

son essence spécifiquement française. Choix intentionnel ou fruit d’une

maladresse, ce ballet partage le même destin que les autres et il n’arrive

pas à gagner l’applaudissement général des Milanais, partagés entre ceux

qui préfèrent la nouvelle esthétique de Noverre et ceux qui défendent,

derrière l’étendard angiolinien, les valeurs du théâtre italien.

À la lumière de ces quelques réflexions menées sur deux livrets de

bal-lets qui, bien qu’appartenant à deux périodes très différentes et à deux

terreaux culturels distincts, présentent des points communs significatifs,

on constate le rôle que les sources littéraires jouent dans l’évolution de

la danse théâtrale et dans sa relation avec le spectacle musical de

l’opé-ra. Dans le vaste mouvement réformateur où le ballet-pantomime voit le

jour, Noverre tente d’imposer les principes de son esthétique en

s’appro-priant la matière littéraire et en la manipulant selon ses exigences. Mais

le sujet de Renaud et Armide, présenté comme italien dans le but de

trou-ver la faveur du public, dénonce paradoxalement son appartenance à la

culture française. En effet, l’épisode de l’amour malheureux d’Armide,

emprunté à La Jérusalem délivrée du Tasse, a inspiré nombre de spectacles

dansés en France. Représenté à la cour de Louis XIII en 1617, le ballet de

La délivrance de Renaud, qui se développe autour de la victoire de

Re-naud sur Armide, se charge d’une valeur politique très forte et se présente

comme l’expression du pouvoir royal.

27

Soixante ans après, Quinault et

Lully, dans leur dernière tragédie en musique, Armide (1686), font de la

27. Pour une analyse de ce ballet dans sa relation avec pouvoir royal, cf. en particulier Mark Franko, Jouer avec le feu : la subjectivité du roi dans “La délivrance de Renaud”, in “La

Jéru-salem délivrée” du Tasse, peinture, musique, ballet, Actes du colloque, Paris, Musée du Louvre, 1996, Klincksieck–Musée du Louvre, Paris 1999. Comme Margaret M. McGowan l’observe,

« Le Ballet de Renaud est la première indication de cette volonté de Louis XIII […] d’exercer son autorité et de rétablir la stabilité dans son pays bouleversé depuis la mort de Henri IV » (Margaret M. McGowan, L’Art du ballet de cour (1581–1643), CNRS, Paris 1964, p. 102, cité par Mark Franko, Jouer avec le feu, p. 164.

(24)

magicienne issue de l’imagination du Tasse, le personnage emblématique

d’un genre lyrique spécifiquement français. Le sujet de Renaud et Armide

semble ainsi idéal pour conjuguer l’exigence d’une apparence italienne

et la culture du maître de ballet français. Si le résultat ne fut pas heureux,

il n’est peut-être pas seulement à cause d’une maladresse du maître de

ballet. Le philosophe italien Pietro Verri, dans sa Lettre à Monsieur

No-verre, interprète la mise en scène de Noverre comme une insulte au goût

des Italiens et à la moralité de la nation, laissant ainsi apparaître, derrière

la polémique milanaise sur le ballet-pantomime, des enjeux nationalistes

liés aux questions esthétiques sur le goût.

28

D’autre part, le ballet de Balbi est particulièrement saisissant pour son

caractère précurseur. Son livret nous permet d’imaginer les coulisses d’un

stade intermédiaire sur le chemin qui mène la danse théâtrale à

transfor-mer sa relation avec l’opéra et à élaborer ses principes dramaturgiques.

Utilisant la matière littéraire d’une façon assez originale pour la danse,

Balbi construit une action dansée complète et autonome remplissant

la fonction essentielle d’un théâtre qui soit ‘école des mœurs’. Dans un

contexte culturel qui exige une théorisation rigoureuse des nouvelles

formes théâtrales et voit l’essor de l’opéra vénitien en Italie, la valorisation

de la danse que Balbi soutient à travers le lien qu’il instaure entre éthique

et esthétique acquiert une grande importance pour le développement du

ballet-pantomime. Son ballet offre une preuve pratique des capacités

nar-ratives de la danse et postule l’un des fondements théoriques qui feront

basculer cent ans plus tard le logocentrisme dominant : les possibilités du

langage gestuel.

28. « Voyant que les pieces données n’avoient pas causé l’enthousiasme que vous croyez d’allu-mer, vous avez jugé que la nation etoit insensible à toute passion, excepté que à la volupté, et vous avez donné l’Armide (permettez moi le mot) la moins decente qu’on ait mis sur le Theatre. Ce sopha, Monsieur, que vous avez fait placer sur le devant du Theatre où Armide mollement couchée regardoit son Amant avec les yeux des desirs pendant que celui ci pendoit et balancoit sur elle, oseriez vous le donner à Paris ? Le spectateur sentoit l’insulte, la pudeur en etoit allarmée, la representation tomba » (Pietro Verri, Lettre à Monsieur Noverre, in I

“Discorsi” e altri scritti degli anni Settanta, Edizioni di storia e letteratura, Roma 2004, pp.

(25)

Résumés / Riassunti

Gabriella Asaro

Le “Roland furieux” des Guerres d’Italie à la Seconde Guerre mondiale : “La follia di Orlando” de Goffredo Petrassi

Les trois versions du Roland furieux de l’Arioste furent écrites et publiées pendant les Guerres d’Italie (1494–1559) entre la France et l’Espagne. Au cours d’un conflit qui fut beaucoup plus court mais qui s’étendit bien au-delà de l’Europe, le compositeur Goffre-do Petrassi écrivit un ballet en trois tableaux avec récitatif pour baryton, intitulé La follia

di Orlando (1942–1943) et mis en scène à la Scala de Milan dans la chorégraphie d’Aurel

Milloss, peu de temps après la fin de la Seconde Guerre mondiale. Cette étude se pro-pose d’analyser cette œuvre quelque peu oubliée où, par l’intermédiaire de la musique, la danse rejoint la poésie, puisque Petrassi s’inspire directement du célèbre épisode de la folie de Roland raconté dans le chant XXIII du poème de l’Arioste, en utilisant les vers originaux pour le livret de son ballet.

L’“Orlando furioso” dalle Guerre d’Italia alla Seconda guerra mondiale: “La follia di Orlando” di Goffredo Petrassi

Le tre versioni dell’Orlando furioso dell’Ariosto furono scritte e pubblicate durante le Guerre d’Italia (1494–1559) tra la Francia e la Spagna. Durante un altro conflitto molto più breve, ma estesosi ben oltre l’Europa, il compositore Goffredo Petrassi scrisse un bal-letto in tre quadri con recitativo per baritono, intitolato La follia di Orlando (1942–1943) e messo in scena alla Scala di Milano con la coreografia di Aurel Milloss, poco dopo la fine della Seconda guerra mondiale. Lo studio analizza quest’opera dimenticata, in cui, tramite la musica, la danza raggiunge la poesia, poiché Petrassi si ispira direttamente al celebre episodio della pazzia di Orlando raccontato nel canto XXIII del poema arioste-sco, riutilizzando i versi originali per il libretto del balletto.

Cristina Barbato

Rossini merveilleux malgré lui. Autour des ‘extravagances’ et des ‘diableries’ d’“Armida”

Opéra très innovant, l’Armida de Giocchino Rossini et Giovanni Schmidt est le résultat d’une sorte de compromis, afin de répondre aux aspirations au faste et au merveilleux souhaitées par l’imprésario Domenico Barbaja, désireux de faire briller son corps de ballet et de valoriser toutes les potentialités techniques et spectaculaires du Teatro di San Carlo : assez fidèle au poème du Tasse, le livret reprend en partie l’œuvre de Philippe

(26)

Quinault pour Jean-Baptiste Lully, alors que le compositeur essaie de concilier ces at-tentes et son propre idéal expressif. Après une étude de la dramaturgie d’Armida, cet article s’arrête sur deux de ses rares transpositions scéniques contemporaines : celle de Luca Ronconi de 1993 pour le Rossini Opera Festival de Pesaro et celle de Mary Zimmer-man, produite au Metropolitan Opera de New York en 2010.

Rossini meraviglioso suo malgrado. Sulle ‘stravaganze’ e ‘diavolerie’ dell’“Armida”

Opera assai innovatrice, l’Armida di Giocchino Rossini e Giovanni Schmidt risulta da una sorta di compromesso volto a rispondere alle aspirazioni di fasto e di meraviglioso auspicate dall’impresario Domenico Barbaja, desideroso di far brillare il corpo di ballo e di valorizzare le potenzialità tecniche e spettacolari del Teatro di San Carlo: abbastanza fedele al poema tassiano, il libretto riprende in parte l’opera di Philippe Quinault per Jean-Baptiste Lully, mentre il compositore tenta di conciliare quelle aspettative con il proprio ideale espressivo. Dopo uno studio della drammaturgia di Armida, l’articolo si sofferma su due delle sue rare trasposizioni sceniche contemporanee: quella di Luca Ronconi del 1993 per il Rossini Opera Festival di Pesaro e quella di Mary Zimmerman, prodotta dal Metropolitan Opera di New York nel 2010.

Marco Beghelli

La dernière Armide : le regard rétrospectif de Schmidt et de Rossini

Si dans les annales du théâtre l’Armida di Giocchino Rossini n’est pas le dernier opéra créé autour du personnage tassien si cher à la scène musicale du XVIIIe siècle, c’est

sûre-ment le titre le plus récent sur lequel se focalise l’attention des historiens de la musique, point d’arrivée d’une longue tradition qui s’est développée entre la France et l’Italie. Bien que le livret de Giovanni Schmidt soit caractéristique du XIXe siècle, le texte laisse

transparaître la connaissance de la tradition littéraire d’où il vient, tandis que la musique de Rossini se sent obligée d’adopter des stratégies inhabituelles pour l’opéra italien de l’époque, à commencer par l’ajout d’un bal se nouant au chant. Malgré le succès limité de l’opéra, à cause de son côté expérimental, le duo entre Armida et Rinaldo est resté long-temps une des pages préférées des contemporains, sans cesse reprise dans des oeuvres différentes, sans l’accord de l’auteur.

L’ultima Armida: lo sguardo retrospettivo di Schmidt e Rossini

Se negli annali del teatro l’Armida di Giocchino Rossini non è l’ultima opera che prende a soggetto il personaggio tassesco tanto caro al melodramma settecentesco, è di certo il titolo più recente su cui si sofferma l’attenzione degli storici della musica, punto d’arrivo di una lunga tradizione sviluppatasi tra Francia e Italia. Pur con le peculiarità ottocente-sche messe in campo dal libretto di Giovanni Schmidt, il testo fa mostra di conoscere la tradizione letteraria in cui viene ad inserirsi, mentre la musica di Rossini si sente in ob-bligo di adottare strategie inconsuete per l’opera italiana dell’epoca, a cominciare dall’a-dozione del ballo intrecciato sulle note del canto. E a dispetto di un limitato successo

(27)

dovuto a tanto sperimentalismo, il grande duetto d’amore fra Armida e Rinaldo rimase a lungo una pagina favorita dai contemporanei, ripetutamente inserita in opere differenti senza il concorso dell’autore.

Nicole Botti

«Mi restano le lagrime». Alcina, femme de mélodrame

Se penchant sur les raisons de la fortune théâtrale du personnage ariostesque et de l’épi-sode de l’île d’Alcina, cette étude met en relief les traits qui ont permis la création d’une nouvelle Alcina sur la scène musicale. Elle aborde plus particulièrement trois livrets :

L’isola di Alcina (1636) de Fulvio Testi, mis en musique par Francesco Sacrati, L’isola di Alcina (1728) d’Alessandro Fanzaglia pour Riccardo Broschi, et source de l’Alcina (1736)

de Hændel, et L’isola di Alcina (1772) de Giovanni Bertati pour la musique de Giuseppe Gazzaniga. Ces trois opéras mettent en scène la même trame dans des contextes et à des moments différents de l’histoire de la musique, et nous montrent l’évolution du person-nage jusqu’à son renversement parodique dans le dernier dramma giocoso. L’épisode est autonome, dans son dialogue renouvelé avec le poème ariostesque, les échos tassiens et l’évolution de l’opéra.

«Mi restano le lagrime». Alcina, donna da melodramma

Soffermandosi sulle ragioni della fortuna teatrale del personaggio ariostesco e dell’epi-sodio dell’isola di Alcina, questo studio pone in rilievo i tratti che hanno consentito la creazione di una nuova Alcina, costruita per la scena musicale. In particolare, approfon-disce tre libretti: L’isola di Alcina (1636) di Fulvio Testi, musicata da Francesco Sacrati,

L’isola di Alcina (1728) di Alessandro Fanzaglia per Riccardo Broschi, e fonte dell’Alcina

(1736) di Georg Friedrich Hændel, e L’isola di Alcina (1772) di Giovanni Bertati per la musica di Giuseppe Gazzaniga. I tre melodrammi inscenano la stessa trama in contesti e momenti diversi della storia del dramma per musica, mostrandoci l’evoluzione del per-sonaggio fino al suo rovesciamento parodico nell’ultimo dramma giocoso. L’episodio è un filone autonomo, in un dialogo intrecciato con il poema ariostesco, gli echi tassiani e l’evoluzione del melodramma.

Francesco Cento

“Don Chisciotte” de Paisiello, ou bien qui est plus fou qu’“Orlando furioso” ?

Consacrée principalement aux implications ariostesques dans le Don Chisciotte (1769) de Giovanni Paisiello et de Giambattista Lorenzi, cette étude situe d’abord cette œuvre dans le contexte de la vie des théâtres napolitains  ; il se penche ensuite sur d’autres opéras ayant adapté le Don Quichotte de Miguel de Cervantes (Lully, Vivaldi, Hændel, Haydn), notamment sur son modèle immédiat, le Don Chisciotte in corte della duchessa d’Apostolo Zeno et Pietro Pariati pour la musique de Francesco Conti ; et se projette

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enfin vers d’autres traitements opératiques de la folie, aussi bien chez Paisiello que dans les générations suivantes, en particulier chez les Romantiques.

“Don Chisciotte” di Paisiello, ovvero chi è più pazzo d’“Orlando furioso”?

Dedicato essenzialmente alle implicazioni ariostesche nel Don Chisciotte (1769) di Gio-vanni Paisiello e Giambattista Lorenzi, lo studio situa innanzitutto l’opera nel contesto della vita teatrale napoletana; considera poi altri adattamenti operistici del Don

Qui-chotte di Miguel de Cervantes (Lully, Vivaldi, Hændel, Haydn), tra cui il modello più

prossimo, il Don Chisciotte in corte della duchessa di Apostolo Zeno e Pietro Pariati per la musica di Francesco Conti; e si proietta in ultimo verso altri trattamenti lirici della pazzia, sia in Paisiello sia nelle generazioni successive, in particolare nei Romantici. Jérôme Chaty

“Armida e Rinaldo” de Domenico Gavi : une polémique à propos d’une Armide de trop

En 1814, Domenico Gavi, fait publier à Venise Armida e Rinaldo, un livret par lequel il prétend tourner la page, renouveler le drame en musique, redonner à la poésie sa su-périorité sur la musique. Dans son avertissement au lecteur, il se montre particulière-ment méprisant envers Zeno et Métastase, et encore plus agressif à l’égard des librettistes contemporains. Pourtant son Armida ne suscitera pas l’intérêt des compositeurs. En revanche, à l’automne 1814, ce drame produit une réaction chez le librettiste Giuseppe Foppa désormais à la fin de sa carrière. À travers un petit pamphlet de quatorze pages, Foppa remet Gavi à sa place, en reprenant point par point ce qu’il considère comme autant d’incongruités, de maladresses et d’erreurs. Mais cette cicalata est aussi publiée l’année où Foppa écrit moins de livrets et cela lui permet de rester présent dans la vie intellectuelle vénitienne.

“Armida e Rinaldo” di Domenico Gavi: una polemica riguardo un’Armida di troppo

Nel 1814, Domenico Gavi dà alle stampe a Venezia Armida e Rinaldo, un libretto con cui pretende dare una svolta, rinnovare il dramma in musica, restituire alla poesia la propria superiorità sulla musica. Nell’avvertimento al lettore, si mostra particolarmente sprez-zante con Zeno e Metastasio, e ancora più aggressivo con i librettisti contemporanei. Eppure la sua Armida non susciterà mai l’interesse dei compositori. Invece, nell’autunno del 1814, il dramma genera la reazione del librettista Giuseppe Foppa ormai a fine carrie-ra. Con un libello di quattordici pagine, Foppa redarguisce Gavi, riprendendo punto per punto quel che considera come incongruo, goffo, erroneo. Ma la ‘cicalata’ vien pubbli-cata pure nell’anno in cui Foppa scrive meno libretti e questo gli permette di rimanere presente nella vita intellettuale veneziana.

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Emanuele d’Angelo

“Pier Luigi Farnese” d’Arrigo Boito, un drame machiavellien

Écrit entre 1875 et 1877 mais publié seulement en 1891, Pier Luigi Farnese est le deuxième des trois drames Renaissance qui ont été mis en musique par Boito, postérieur à

Me-fistofele et antérieur à Otello. La violente défénestration qui clôt la parabole du duc de

Plaisance est portraiturée dans un cadre historiquement impeccable, caractérisé par le souci du détail, telles ces nombreuses ressources hautes en couleur, proposées par les contemporains des événements de Plaisance : la riche actualité du début du XVIe siècle se

manifeste, d’une touche toujours heureuse, dans les allusions brillantes à la mode toute récente des pasquinate, à Michel-Ange, à l’Arétin, à Vespucci, à la découverte du Nou-veau Monde, aux œuvres du théâtre de l’époque etc. Une fresque aux teintes vives mais sinistres, une histoire sombre et violente, oppressante, image d’une Renaissance noire, décadente, apothéose de la fiction.

Il “Pier Luigi Farnese” di Arrigo Boito, dramma machiavelliano

Scritto tra il 1875 e il 1877 ma pubblicato solo nel 1891, il Pier Luigi Farnese è il secondo dei tre drammi per musica boitiani ambientati nel Rinascimento, successivo al Mefistofele e anteriore all’Otello. Il cruento precipizio che chiude la parabola del duca di Piacenza è ritratto in un ampio quadro storicamente impeccabile, caratterizzato da un’attenzione al dettaglio cui non sfuggono le tante risorse coloristiche offerte dalla ricca contempo-raneità del fatto piacentino: l’attualità del primo Cinquecento si manifesta, con tocco sempre felice, nei brillanti richiami alla recente moda delle pasquinate, a Michelangelo, all’Aretino, a Vespucci, alla scoperta del Nuovo Mondo, alle opere teatrali di quel secolo ecc., un affresco dalle tinte smaglianti ma sinistre, una storia cupa e violenta, opprimen-te, immagine di un Rinascimento nero, decadenopprimen-te, apoteosi della finzione.

Mario Domenichelli

“Il Re Pastore”. Les masques de la cour

Il Re Pastore de Pietro Metastasio a servi la musique de bien des compositeurs dont

Wolfgang Amadeus Mozart. Il se situe dans l’histoire de la pastorale, un genre qui, de-puis Diana de Jorge de Montemayor, l’Arcadia de Philip Sidney et L’Astrée d’Honoré d’Urfé, se montre ce qu’il est, c’est-à-dire la représentation de la vie aristocratique (la cour, la vie politique, les salons) en tant que vie simple, vie de campagne, avec des rois, des reines, des princes et des princesses qui se déguisent en bergers. Le livret de Métas-tase est un bon exemple du passage des premières pastorales des XVe–XVIe siècles (le

Politien, Sannazaro, Giraldi Cinzio et jusqu’au Tasse) aux pastorales qui, à partir de la fin du XVIe, montrent clairement leur nature de déguisement et d’occasion festive de la

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