Le ballet des barycentres
Problème D127 de Diophante, proposé par Pierre Jullien
Soient un triangle ABC et trois réels positifs u, v, w. On considère le point P barycentre des points A, B, C, affectés des coefficients u, v, w ; le point Q barycentre des points A, B, C, affectés des coefficients v, w, u et le point R barycentre des points A, B, C, affectés des coefficients w, u, v.
A quelle(s) condition(s) les points A, P et Q sont-ils alignés ?
En supposant que aire (ABC) = u + v + w = 1, calculer l’aire du triangle PQR.
Solution de l’auteur
La droite AP coupe BC en PA et la droite AQ coupe BC en QA. Il s’agit de savoir à quelle (s) condition (s) on a PA = QA.
Il est commode d’écrire (u+v+w)P = uA + vB + wC = uA + (v+w)PA. Alors PA apparaît comme le barycentre des points B et C affectés des coefficients v et w. De même, QA apparaît comme le barycentre des points B et C affectés des coefficients w et u.
Pour que PA = QA il est nécessaire et suffisant que v/w = w/u ; soit uv = w2. Alors, par permutation circulaire des lettres A, B et C, il apparaît que C, Q et R sont alignés ainsi que B, R et P.
A
B C
P
Q
R P
AG
Q
ASi on suppose w = 1, alors v = 1/u et u peut être pris pour variable principale.
Lorsque u varie de 0 à l’infini le point P se déplace de B à A sur un arc d’ellipse, tangent en B à BC, passant par le centre de gravité G (u = v = w = 1) et tangent en A à AC. L’ellipse est bien déterminée par les cinq points B, B, G, A, A.
Remarquons que lorsque le triangle ABC est équilatéral le triangle PQR l’est aussi. Le lieu de P est l’arc capable de 2π/3 sur AB.
Supposons maintenant que aire(ABC) = u + v + w = 1 et repérons nous de telle sorte que les coordonnées de A, B et C soient respectivement (0,0), (1,0) et (0,1).
Ainsi le point P a pour coordonnées : xP = v yP = w
Considérons que ABC est l’image affine d’un triangle équilatéral. Alors les aires des triangles APB, CQA et BRC sont égales et valent ici yP, c’est-à-dire w.
L’aire du triangle PQR a donc pour valeur 1 – 3w.
Encore faut-il avoir fixé la variable principale, en tenant compte des égalités :
u + v + w = 1 et uv = w2. Remarquons que le lieu de P a pour équation : x(x + y – 1) – y2 = 0 (y > 0).
Il est commode de prendre un paramètre t (t > 0), en fonction duquel nous exprimons : u = 1 / (1 + t + t2) v = t2 / (1 + t + t2) w = t / (1 + t + t2)
Ainsi, P est voisin de A lorsque t est voisin de 0 et P est voisin de B lorsque t est très grand.
Soit t la variable principale, on a : aire(PQR) = 1 – 3w = (1 - t)2 / (1 + t + t2) Si on souhaite que les quatre triangles découpés aient même aire il faut choisir t tel que (1 - t)2 / (1 + t + t2) = 1/4, soit 4(1 - t)2 = 1 + t + t2, ou encore t2 – 3t + 1 = 0 et enfin t = (3 + √5) / 2.
Dans ce cas 1 + t + t2 = 4t. Donc : u = (3 - √5) / 8, v = (3 + √5) / 8 et w = 1/4.
Le rapport QP / AQ vaut alors : ((3 + √5) / 8 – 1/4) / (1/4) = (1 + √5) / 2 C’est le nombre d’or ß.
Les nombres u et v valent respectivement ß-2/4 et ß2/4.
Un deuxième découpage en quatre triangles de même aire s’obtient en inversant les valeurs de u et v.