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Submitted on 1 Jun 2020
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La fertilisation phosphatee raisonnee de la culture du ble
C. Morel, Christian Plenchette, J.C. Fardeau
To cite this version:
C. Morel, Christian Plenchette, J.C. Fardeau. La fertilisation phosphatee raisonnee de la culture du
ble. Agronomie, EDP Sciences, 1992, 12 (8), pp.565-579. �hal-02712175�
Agronomie
La fertilisation
phosphatée
raisonnée
de la
culture
du
blé
C
Morel
C
Plenchette
JC
Fardeau
1INRA-Agronomie, 17, rue Sully BV 1540, 21034 Dijon Cedex;
2CEN Cadarache DPVE, 13108 St-Paul-lez-Durance, France
(Reçu le 21 février 1992; accepté le 12 juin 1992)
Résumé — Les relations existant entre le rendement en grain de la culture de blé et le statut
phosphaté
du sol ont été établies puis analysées afin de proposer une stratégie de la fertilisationphosphatée
(P) sur blé. Les données cul-turales etanalytiques
sont issues des récentessynthèses
réalisées sur 40 essais de longue durée conduits surl’étude de la fertilisation
phosphatée.
Troisrégimes
d’apport dephosphore
y sont étudiés :P
0
,
absence de tout apport;P
1
,
apport voisin de 1,5 fois les exportations par les cultures;P
2
égal à 2 foisP
1
.
Le statut phosphaté du sol a été esti-mé au moyen d’une part, desquantités
de P extrait par les méthodes chimiques Dyer(P-Dyer),
Joret-Hébert(P-JH)
et Olsen (P-Olsen), et d’autre part par la quantité de phosphore isotopiquement échangeable en 1 min(E
Pie1
).
Lecom-portement cultural du blé a été décrit par un indice de rendement
(IR)
exprimant le rendement en grain mesuré surP
0
ouP
1
en pourcentage de celui obtenu dans2
P
considéré comme condition optimale d’alimentation enphosphore.
Les valeurs de IR sont corrélées avec le statutphosphaté
du sol par leséquations
suivantes :Les niveaux de phosphore
(mg
P
2
O
5
·kg
-1
desol)
permettant l’obtention de 95% du rendement maximal engrain
de la culture de blé et calculés au moyen deséquations précédentes
sont de 90 pour le P-Dyer, 73 pour P-JH, 28 pourP-Olsen et 8,7 pour
E
Pie1
.
L’analyse, culture par culture, des données issues des essais de fertilisation P longue duréepermet d’élaborer des conseils de fertilisation phosphatée évitant la surfertilisation sans réduire les rendements des cultures.
blé / phosphore /
diagnostic
de fertilité / niveau entretien / conseil de fumureSummary —
The management of phosphate fertilization in wheat crops. Theanalytical
soil and wheatyield
data obtained from manylong-term
fieldexperiments
onphosphate
fertilization have beenanalyzed.
There were three Ptreatments:
P
0
,
without P fertilizer;P
1
about 1.5 times the annual P output by crops; andP
2
which is 2 xP
1
.
Soil Pstatus was determined by chemical extraction,
according
to the methods of Dyer(P-Dyer),
Joret-Hébert(P-JH)
andOlsen (P-Olsen) and also by means of an isotopic exchange procedure for
determining
the quantity ofPO
4
-ions
iso-topically exchanged in 1 min
(E
Pie1
).
Wheatyields
were transformed into a relativeyield
index (IR) defined as thera-tio, expressed in percentage, of wheat yield observed in the
0
P
orP
1
treatment to that measured in theP
2
treatmentconsidered as optimal condition of P nutrition to crops. IR values and soil P status were correlated according to the
following
equations:The soil P levels,
expressed
in mg5
kg
O
2
P
-1
soil, the above 95% of maximumgrain yield
in wheat and calculatedby
means of equations were: 90 for P-Dyer, 73 for P-JH, 28 for P-Olsen and 8.7 for
E
Pie1
.
This approach allowedpermit-ting the obtainment of to make P fertilizer recommendations for wheat crop to be made, preventing overfertilization without reducing crop yields.
INTRODUCTION
Un des
objectifs
des agronomes en matière de fertilisationphosphatée
est de fournir auxagri-culteurs des conseils fiables et
précis
afin depla-cer les cultures dans une situation où leur
nutri-tion
phosphatée
n’est pas lepremier
desfacteurs limitant la
production.
En moyenne, uneculture
prélève
80% duphosphore qui
lui est né-cessaire àpartir
de la fractionbiodisponible
duphosphore
du sol, et 20% àpartir
de la fumureannuelle
apportée
avant la culture(Morel, 1988).
Même
si cesproportions
varient en fonction duniveau
du statut P du sol et de laquantité
d’en-grais apportée (Morel
et Fardeau,1989),
le rôledes
réserves assimilables du sol enphosphore
est prépondérant
en toute circonstance. Ceconstat a conduit les agronomes à
proposer
deporter
la réserve assimilable du sol à un niveaudit
«d’entretien»,
niveau pourlequel
unapport
d’engrais
phosphaté
n’entraîne pasd’accroisse-ment de rendement. Des
expérimentations
deplein champ,
dont certaines existent désormaisdepuis plus
de 20 ans, ont été mises enplace
afin de déterminer ce niveau.
Trois
publications
récentes(Boniface
etTroc-mé, 1988;
Martinez etDelas,
1990;Castillon,
1991)
contiennent l’ensemble des donnéesana-lytiques
et culturales obtenues dans unecin-quantaine
d’essais delongue
durée menés surla fertilisation P et
implantés
en France. Ellesportent
principalement
sur lacomparaison,
au cours dutemps,
des méthodesd’appréciation
dustatut
phosphaté
et des rendements des culturesen fonction du
régime
de fertilisation P. Mais les informations issues de cet ensemble de donnéesne
permettent
pas d’établir undiagnostic
du sta-tutqui permettrait
deprévoir,
au vu du résultat d’uneanalyse
de terre, les situations pourles-quelles : 1)
lephosphore
est lepremier
facteurli-mitant de la
production
végétale,
cequi
néces-sited’apporter
une fumurephosphatée
très
supérieure
auxexportations
par les récoltes pouréliminer cette
limitation;
2)
la stricterestitution
desexportations
suffit à maintenir le statut P àun niveau
optimal
de nutritioncorrespondant
à«l’entretien»;
3)
unapport
dephosphore
inférieuraux
exportations
pour les récoltespeut
êtreconseillé,
sans entraîner une diminutiondes
ren-dements des cultures.
L’échec des tentatives les
plus
récentesentre-prises
pourpréciser
ces différentes situationstant pour le
phosphore (ITCF, 1988)
que pour lepotassium
(Julien,
1989)
a pourorigine
lavaria-bilité des résultats culturaux dont une
part
impor-tante est
imputable
au choix de la culture. Enconséquence,
uneapproche
globable
de ladé-termination du niveau d’entretien
intégrant
l’en-semble des sitesexpérimentaux
et des cultures masque lesspécificités
decomportement
propres àchaque
culture. C’estpourquoi
ladé-marche
proposée
consiste à tenter d’estimer leniveau d’entretien pour
chaque
culture.Le
blé,
plante fréquemment présente
dans les rotations rencontrées dans les zones degrande
culture,
est choisi commepremière
culture d’étude pour cetype
d’approche.
MATÉRIEL
ETMÉTHODES
Les essais P
longue
duréePour établir des relations utilisables dans les conditions
de la
pratique
agricole, l’Institut national de la rechercheagronomique
(INRA),
des Instituts techniques et desproducteurs d’engrais ont mis en place des réseaux
d’expérimentation
de plein champ destinés à fournir les informations indispensables à la conduite raisonnée de la fertilisationphosphatée
desplantes
degrandes
cul-tures (céréales
essentiellement).
Lamajorité
de ces es-sais de longue durée avaient un protocole unique. Ledispositif expérimental était du type bloc à 3 ou 4 répéti-tions pour 3 niveaux d’apport de phosphore :
- absence continue de tout
apport
(P
0
);
-
compensation
desexportations
dephosphore
parles cultures et des éventuelles pertes par
lessivage
ourétrogradation
(P
1
); P
1
estgénéralement
voisin de 1,5fois les exportations;
-
apport
égal
au double deP
1
(P
2
)
afin de placer la culture dans des conditions optimales d’alimentation en phosphore.Tous les apports
d’engrais phosphatés
sonteffec-tués à
l’automne,
avant labour, sous forme desuper-phosphate.
Les rotations culturales sont essentielle-ment à dominante céréalière.Les
principales caractéristiques
(localisation, type de sol, niveau deP
1
et statut Pinitial)
des essais Plongue
durée sontprésentées
dans le tableau I. Desinformations complémentaires décrivant les
caractéris-tiques
physico-chimiques
initiales ainsi que l’évolutiondu statut
phosphaté
au cours du temps ont étépu-bliées antérieurement (Boniface et Trocmé, 1988;
Martinez et Delas, 1990; Castillon, 1991).
Les données culturales
Les rendements culturaux ont été mesurés chaque
rendements en grain du blé retenus dans la recherche des relations entre le comportement cultural et le sta-tut P des sols sont ceux des années X-1, X et X+1 où
X
désigne
l’année deprélèvement
des échantillons deterre. Cette démarche est
justifiée
par le fait que,même si les variations interannuelles du statut P d’un sol donné peuvent être importantes
(Boniface
etTroc-mé,
1988),
la part de cette variabilité imputable soit à une fumure annuelle, soit à une année d’exportation de P par les cultures, ne dépasse pas 2 à 3% de late-neur en P extrait
(Barrow,
1980).Dans un site
expérimental
donné, les variations in-terannuelles du rendement engrain
du blé sontsou-vent
supérieures
à celles observées une année don-née entre les traitementsP
0
etP
1
ou mêmeP
0
etP
2
.
Le même constat est valable d’un site à un autre.
Comme il est nécessaire de s’affranchir des variations interannuelles et intersites pour comparer les
rende-ments en grain du blé, il est habituel de transformer
les données culturales au moyen d’un indice de
rende-ment
(IR) (Nelson
et Anderson, 1980; Fox et al, 1986;Boniface et Trocmé, 1988; Julien, 1989). Cette
trans-formation consiste à rapporter les rendements obser-vés sur les traitements
P
0
ouP
1
à celui mesuré surP
2
,
considéré comme condition optimale de nutritionphos-phatée et utilisé comme rendement de référence. L’IR ainsi défini et
exprimé
en pourcentage permet lacom-paraison des résultats des différents couples essai x année.
Les données
analytiques
Des échantillons de terre ont été
prélevés
tous les 5 ans environ danschaque
parcelle élémentaire, séchéspuis
tamisés à 2 mm. À la mise enplace
dechaque
essai, l’appréciation du statut phosphaté a été réalisée en déterminant les quantités de phosphore extractible par les principales méthodes chimiques utilisées dans
les laboratoires
d’analyses
de sol. Deux méthodes d’extraction ont ainsi étépratiquées : 1)
la méthodeDyer
(P-Dyer),
acidecitrique
à 2%,appliquée
aux solsacides ou neutres dont la teneur en
CaCO
3
estinfé-rieure à 2%
(Boniface
et Trocmé,1988); 2)
la méthodeJoret et Hébert
(P-JH),
oxalate d’ammonium 0,2 N, uti-lisée en France principalement en milieu calcaire.Des travaux ont montré les limites de ces méthodes
(Admont
et al,1986)
et l’intérêt de la méthode Olsenmise au point initialement pour les sols calcaires puis
étendue à des nombreux autres types de sols (Morel et
Fardeau, 1987; Fardeau et al, 1988; Boniface et Trocmé,
1988).
C’estpourquoi,
dans les cas où les échantillonsétaient encore disponibles, les déterminations Dyer et
Joret-Hébert ont été
complétées
par celle de Olsen. Pour quelques essais, une caractérisation plus dé-taillée du statutphosphaté
a été obtenue par utilisation de la méthode des cinétiquesd’échange
isotopique des ions phosphate dans des systèmes sol-solution de sol en état stationnaire(Fardeau
et al,1991).
Lesmo-dalités
expérimentales
ont étélargement
décrites(Far-deau, 1981; Fardeau et al, 1988; Tran et al, 1988;
Sal-cedo et al, 1991). La quantité
E
Pie1
de phosphoreiso-topiquement
échangeable
en 1 min, représentative de laquantité
de phosphore du sol disponible pour laplante
sans modificationphysico-chimique
de larhi-zosphère,
est la seule variable déduite de cesexpé-riences qui a été prise en compte dans cette étude.
E
Pie1
est calculé par la relation suivante :E
Pie1
= 10 xCp / (r
I/R)
[1]où r1/R,
Cp et
10désignent respectivement
la fraction deradioactivité
restant en solutionaprès
une minuted’échange isotopique, Cp
la concentration de lasolu-tion de sol en ions
phosphate
et le rapport solution de sol:sol.Analyses statistiques
Les relations entre la valeur de l’indice de rendement
et les données analytiques ont été décrites par
l’équa-tion : IR = 100-b x
exp(-c
xPass),
où Passdésigne
la donnée analytique caractérisant le statut P du sol. La détermination desparamètres
b et c a étéeffec-tuée par une analyse statistique de
régression
non li-néaire en utilisant laprocédure
NLIN dulogiciel
SAS/STA (SAS Institute,
1987).
RÉSULTATS
ET DISCUSSIONQuarante essais
implantés
sur 33 sitesont
pu être utilisés sur la base des critères choisis. Les rendements engrain
du blé et les donnéesana-lytiques
des différents essais ont étéregroupés
dans le tableau II. Ces valeurs ont été collectées dans différentes
publications
portant
surl’ana-lyse
des résultats de ces essais(Boniface
etTrocmé,
1988; Martinez etDelas, 1990;
Cas-tillon,
1991;Fardeau,
1991; Morel etPlenchette,
1991).
Ces donnéescorrespondent
à :-
46 années de référence sur les données
ana-lytiques, puisque
certains essais ont étéanaly-sés sur
plusieurs périodes
successives : essais13, 14, 15, 51;
-
55 années de référence sur les données
cultu-rales
puisque
les rendements engrain
du bléont été mesurés 2 fois sur la
période
des 3an-nées
X-1, X,
X+1 pour les essais 1, 9, 21, 22, 23, 49, 78, 79, 80.Les rendements en
grain
du bléLa valeur moyenne du rendement en
grain
dublé
dépend
largement
du site et de l’année de50 en
1976)
et 90,7 décitonnes(dt)
par hectare(essai
79 en1988).
Les variations de rendemententre site et année sont
supérieures
à cellesim-putables
aux traitementsphosphore
dans unessai pour une année donnée.
L’explication
ré-side dans lamultiplicité
des facteurs déterminant le niveau de laproduction
finale,
tels que le choix de lavariété,
les conditionspédoclimatiques,
lespratiques
culturales...L’analyse
essai par essai des rendements dublé en fonction du
régime
de fertilisationphos-phatée
permet,
pour les 55couples
essais xan-nées,
dedégager
2 observations.Premièrement,
les rendements en
grain
mesurés pour le niveaud’apport P
2
diffèrentsignificativement
(seuil
de5%)
de ceux deP
1
,
dans 3 situations : essais 13,48 et 66. Dans l’essai 13, bien que
statisque-ment
significatif,
legain
de rendement mesurésur
P
2
,
égal
à 4,1dt·ha
-1
,
est inférieur à 5% du rendement obtenu pourP
1
et n’est pasreproduc-tible dans le
temps.
Dans les essais 48 et 66, legain
de rendement estrespectivement
de 11,5 et13,6%
du rendement obtenu surP
1
et estexpli-qué
par des teneurs inférieures à 65 mgP
2
O
58
·ha
-1
enphosphore
extractible par la mé-thodeDyer
du traitementP
1
.
Deuxièmement,
lesrendements en
grain
mesurés surP
0
sontsignifi-cativement inférieures à ceux du traitement
P
1
dans 21 situations.
Le statut
phosphaté
du solLes données
analytiques
sontprésentées
dans le tableau II. Le niveau dephosphore
révélé àl’analyse
varie selon les méthodes suivant unordre
identique
à celui observé antérieurement pour les méthodeschimiques (Gachon,
1969;Boniface et
Trocmé,
1988) : Dyer
> Joret-Hebert> Olsen >
E
Pie1
.
Ce résultat illustre le fait queles réactifs
chimiques
sontd’agressivité
variablevis-à-vis des
phosphates
du sol et extraient duphosphore qui
n’est pas en totalité sous uneforme directement accessible pour les
plantes
puisque
lesquantités
extraites par les méthodeschimiques
sonttoujours supérieures
aux valeursde
E
Pie1
(Fardeau
et al,
1988).
Relations entre le rendement en
grain
du bléet le statut
phosphaté
du solLes
paramètres
b et c del’équation
IR = 100-b xde
phosphore
déterminées par lesanalyses
chi-miques
ouisotopique
sontprésentés
dans leta-bleau III. Les
figures
1, 2, 3 et 4présentent
lesdonnées
expérimentales
et les relationsstatisti-ques pour,
respectivement,
les méthodesDyer,
Joret-Hébert,
Olsen etisotopique.
Chacune deséquations
permet
d’expliquer d’après
le R2envi-ron 50% de la variabilité
expérimentale
(tableau
III),
cequi
est conforme aux valeurspubliées.
Un classement des différentestechniques
basé surla valeur du R2 ne
peut
néanmoins être réalisépuisque
le nombre des essais et les essais utili-sés pourl’analyse statistique
sont différentssui-vant les méthodes
d’appréciation
du statut P.Statut
phosphaté
du sol et niveau d’entretienÀ partir
des relationsprécédentes,
il estpossible
de calculer les niveaux de
phosphore
extractibledu sol
permettant
d’obtenirn’importe quelle
va-leur souhaitée de l’indice de rendement IR. Le
ta-bleau IV
présente
les niveauxanalytiques
rendement en
grain
obtenu dans des conditionsoptimales
de nutritionphosphatée.
Ces 3 niveauxont été retenus car ils
représentent
3 réalitésagronomiques
différentes :-
un IR de 90%
correspond
à une différence derendement hautement
significative,
cequi
justifie
l’emploi d’engrais
phosphaté;
- la valeur de 95%
est en
général
à la limite designification
statistique
d’un essaiagronomique
de
plein champ;
il en résulte que le niveau du statutphosphaté correspondant
à cette valeurest le niveau pour
lequel
la culture de blé neréa-git
passignificativement
à unapport
d’engrais
phosphaté;
ce niveau de réserves enphosphore
assimilable est
appelé,
pourreprendre
latermi-nologie précédemment
définie,
niveau d’entretien du statutphosphaté
du sol pour la culture deblé;
-
une variation de IR
égale
à 1,5% n’est passta-tistiquement
significative
en terme de rendementbiologique
et n’est paséconomiquement
justi-fiable
puisque
le coût du passage d’unrégime
de fertilisation deP
1
àP
2
,
soit 64kg
P
2
O
5
·ha
-1
enmoyenne sur les essais
utilisés,
estégal
à 210FF·ha
-1
,
en retenant une valeur de 3,30 FF pourle
kg
P
2
O
5
épandu,
pour unsupplément
dere-cettes
égal
à 1,5 dt·ha-1 soit 150 FF·ha-1 pourune culture intensive de blé.
Les valeurs
seuils,
exprimées
en mgP
2
O
5
·kg
-1
sol,
correspondant
à l’obtention de IR = 95%,sont de 90 pour la méthode
Dyer,
73 pour la mé-thodeJoret-Hébert,
28 pour la méthode Olsen et8,7 pour
E
Pie1
.
À l’exception
d’informations,
publiées
récem-ment par nous-mêmes
(Fardeau
etal,
1991),
la littérature ne
permet
pas de comparer la valeurseuil
proposée
pourE
Pie1
à d’autresproposi-tions.
Cependant,
l’équation
[1] permet
d’estimerla valeur
qu’aurait Cp
si r1/R était connu. Pour des sols degrande
culture tels que ceux utilisésdans le cadre de ce
travail,
la valeur de r1/Rse situe en moyenne aux alentours de 0,25
(Fardeau
etal,
1991).
La valeur estimée deCp
est alors de 0,22 mgP
2
O
5
·l
-1
soit 0,095 mgP· l -1
. Cette valeur
correspond
à une extractiondans l’eau et serait en moyenne 4 fois
plus
fai-ble si l’extraction était réalisée dans duCaCl
2
10
-2 M
(Fardeau
et al,1988),
soit de l’ordre de0,024 mg P·l-1. Cette valeur estimée de
Cp
est
équivalente
à cellepubliée
par Memon etFox (1983)
pour la culture du blé réalisée dans un contextepédo-climatique
totalement différent de celui de la France. L’estimation de la valeur seuil pourE
Pie1
paraît
donc vraisem-blable.La valeur seuil P-Olsen = 28 mg
P
2
O
5
·kg
-1
sol
correspondant
à un IR de 95%peut
êtrecomparée
à cellesprécédemment
citées d’unepart
par Nelson et Anderson(1980)
et Azzaouiet al (1989) :
16 mgP
2
O
5
·kg
-1
pour 80% duren-dement
optimal,
et d’autrepart
par Cooke(1967),
pour lesplantes
peuexigeantes.
En
revanche,
les valeurs seuils pour IR = 95%des méthodes
Dyer
etJoret-Hébert,
respective-ment 90 et 73 mg
P
2
O
5
·ha
-1
,
sontsignificative-ment
plus
faibles que cellesgénéralement
retenues pourinterpréter
les résultatsd’analyse
de terre(Plet,
1990).
Cette situationquelque
peu contradictoire n’est d’ailleurs passpécifique
à ces deux méthodes. Ce
décalage
entre lesniveaux d’entretien habituellement
employés
dans
l’interprétation
desanalyses
de terre et ceuxproposés
par ce travailpeut
avoir deuxorigines.
Il existe d’une
part
des situationsagropédolo-giques
particulières
pourlesquelles
lesmé-thodes
Dyer
ou Joret-Hébert extraient desphos-phates
non immédiatement assimilables par lesplantes.
Les 2exemples
suivants illustrentpar-faitement ce
type
de situations :i)
laprésence
de matièreorganique
fraîche enquantité
impor-tante
(cas
desprairies
récemmentretournées)
et
ii) l’emploi, jadis fréquent,
dephosphates
na-turels
(Admont
et al,1986).
Le résultat est que, dans de tellessituations,
uneréponse
culturalepeut
être observéemalgré
un niveau élevé dustatut P du sol. Il traduit
l’inaptitude
de lamé-thode
d’analyse
àprévoir
lecomportement
cultu-ral et la seule démarchepossible
dans cetype
de situations est non pas de chercher à
ac-croître la valeur seuil mais
d’analyser
l’échan-tillon de sol par une méthodeplus
appropriée
(Fardeau
et al,
1988).
D’autre
part,
les méthodes utilisées pourl’éta-blissement des normes de
diagnostic
du statutphosphaté
et le choix du seuil designification
statistique
sont une source de variation del’éla-boration du niveau d’entretien. En
particulier,
une des difficultés inhérentes à l’établissement de niveaux seuils réside dans la variabilité des
réponses
culturales observées pour un sitedonné en relation avec le choix de la culture et
le
régime
de fertilisation. Laprise
enconsidéra-tion au niveau de cette étude du
blé,
cultureré-putée
comme une des moinsexigeantes
pour lephosphore,
conduit à obtenir des valeurs seuilsplus
faibles que si une autre culture connue pourêtre
plus
exigeante
enphosphore,
telle que la betterave ou la pomme de terre, avait étéchoi-sie. Ce choix
explique
donc pourpartie
ledéca-lage
existant entre les niveaux d’entretiendéter-minés dans cette étude et ceux habituellement
retenus.
Régime optimal
de la fertilisationphosphatée
du blé
Les valeurs du statut P du sol
correspondant
àIR = 95%
(tableau IV)
permettent
de proposer unraisonnement de la fertilisation
phosphatée
du blé basé sur l’obtention d’un rendement engrain
non
significativement
différent de celui obtenulorsque
la nutritionphosphatée
du blé estopti-male. Ces niveaux
correspondent
à la définition du niveau «d’entretien» du statut P du sol àpar-tir
duquel
3 situationspeuvent
êtredistinguées
pour définir le
régime
optimal
de fertilisationphosphatée
de la culture du blé.Pour une valeur
analytique
voisine du niveau d’entretien
La réserve de
phosphore
assimilableprésente
dans le sol suffit à assurer une alimentation
opti-male en
phosphore
à la culture du blé. Pourmaintenir le statut P du sol à ce
niveau,
il estnéanmoins
indispensable d’apporter
duphos-phore
pour éviter une diminution de cetteré-serve suite aux
exportations
culturales. Lesdon-nées
analytiques plurianuelles
disponibles
pour certains de ces essais(Boniface
etTrocmé,
1988)
et des donnéesplus
anciennes(Boniface
et al,
1975) indiquent qu’une
restitution dephos-phore,
sous formesoluble-eau,
sensiblementégale
à celleexportée
par lesrécoltes, permet
de maintenir le statut P dusol,
si toutefois lama-tière
organique
n’est pas détruite entrop
grande
quantité
par lespratiques
de travail du sol(Ga-chon,
1988).
Parconséquent, l’apport d’engrais
sur blé
implanté
sur des terres dont le statut P est situé au niveau d’entretien ne devrait pasex-céder 50
kg
P
2
O
5
·ha
-1
pour une cultureinten-sive de blé.
Pour des niveaux du statut P
supérieurs
au niveau d’entretien
Dans ce cas, l’absence
d’apport
peut
êtreenvi-sagée.
La durée del’impasse
est fonction de ladifférence entre la valeur
analytique
du statut Pde la
parcelle
à fertiliser et le niveau d’entretien.Le nombre encore limité d’études de
longue
durée
entreprises
sur des sols dont la teneur estsupérieure
au niveau d’entretien nepermet
pasde
répondre
avecprécision
à cettequestion.
Ce-pendant,
sur la base des connaissancesac-quises,
il estpossible
d’estimer un ordre degran-deur de cette durée. En raison du
pouvoir
tampon
des sols vis-à-vis des ionsphosphate,
un excédent de fumure de 2 600
kg
P
2
O
5
·ha
-1
accroît en moyenne la teneur des sols en
P-Olsen de 100 mg
P
2
O
5
·kg
-1
sol(Boniface
etTrocmé,
1988 p303).
En faisantl’hypothèse
quele
pouvoir
tampon
du sol n’est pas modifié enpé-riode de
prélèvements
enphosphore
par lescul-tures ou
d’apport
d’engrais phosphatée,
unprélè-vement de 50
kg
P
2
O
5
·ha
-1
se traduirait par unebaisse de la teneur en P-Olsen de l’ordre de
(100
x50)/2 600,
soit environ 2 mgP
2
O
5
·kg
-1
sol. Pour une teneur en P-Olsen de 80 mgP
2
O
5
·ha
-1
,
valeurfréquemment
rencontrée dansdes
parcelles
degrande
culture enrichies de lon-gue date(Morel, 1990),
la duréepotentielle
del’impasse,
si la culture étaitsystématiquement
leblé,
pourrait
être de(80-28)/2
= 25 ans. Il estbien évident que cette valeur est à manier avec
la
plus grande prudence puisqu’elle
a étécalcu-lée à
partir
de deux valeurs moyennes(le
pou-voir
tampon
vis-à-vis des ionsphosphate
et leni-veau d’entretien des sols au
regard
de laméthode
Olsen)
qui masquent
ladisparité
dessi-tuations
agropédologiques.
Néanmoins,
pour des sols àpouvoir
tampon
modéré(ex :
limon),
à pro-fondeur d’enracinement élevée et pourlesquels
le statut
organique
estmaintenu,
la valeur de 25ans
indique
quel’agriculteur
peut
envisager
uneréduction
temporaire
de la fertilisation P sur lesparcelles
cultivées en blé et dont la teneur en Pextrait par la méthode Olsen est
supérieure
à 80mg
P
2
O
5
·kg
-1
.
Pour des sols de
grandes
cultures dont les teneurs sont inférieuresau niveau d’entretien
Ces
sols,
très peureprésentés
sur le territoirefrançais,
nécessitent desapports
dephosphore
supérieurs
auxquantités
exportées
par lesré-coltes pour atteindre le niveau d’entretien.
Néan-moins,
il est intéressant de noter sur lafigure
5que, pour des teneurs
analytiques
en P-Olsenin-férieures au niveau d’entretien de 28 mg
P
2
O
5
·kg
-1
,
une fumure annuelleégale
àP
1
per-met d’obtenir dans 3 sites sur 4 un rendement
non
significativement
différent du rendementphosphatée.
Ce résultat confirme ceux obtenus lors de lacomparaison
des rendementscultu-raux obtenus à la suite d’une fertilisation
ré-cente à ceux obtenus à la suite d’une surfertili-sation ancienne : sur céréale
l’apport
d’unengrais
P soluble-eau enquantité
àpeine
supé-rieure à
P
1
sur desparcelles appauvries
delon-gue date
permet
d’obtenir en 2 ans, voire moins,un rendement non
significativement
différent decelui obtenu sur des
parcelles
antérieurement très enrichies(Delas, 1991).
Ce résultat est enaccord avec les données d’un travail
précédem-ment
publié
(Sharpley,
1986),
concluantqu’un
apport
de 70kg
P
2
O
5
·ha
-1
suffisait pour obtenirun accroissement maximal du rendement en
grain
du blé sur un sol initialement peu pourvuen
phosphore.
CONCLUSION
Une
stratégie générale
de la fertilisationphos-phatée
a étédéveloppée
en France il y a 40 ansenviron. Cette
stratégie
repose sur ladétermina-tion d’un niveau de réserves en
phosphore
assi-milable dans le
sol,
appelé
niveau d’entretien, etdéfini comme étant le niveau pour
lequel
lescul-tures les
plus
fréquentes
de la rotationplacées
dans des conditionsoptimales
deproduction
neréagissent
pas àl’apport d’engrais phosphaté
dans les conditions
pédoclimatiques
locales(Bo-niface,
1988).
Malgré
sonintérêt,
tant sur leplan
économique (obtention
d’un rendementoptimal)
que sur le
plan agronomique (maintien
dupoten-tiel alimentaire du sol en
phosphate),
cettestra-tégie
n’a pas réellement été mise enapplication
dans la
pratique agricole.
L’existence de références diverses sur le
ni-veau d’entretien est
probablement
la causees-sentielle de l’échec
partiel
de cettestratégie
surle terrain.
L’impossibilité
d’établir actuellementun référentiel fiable et
accepté
de tous,malgré
les
multiples
tentativesentreprises,
a pourori-gine
le contenutrop
général
de la définition du niveau dit d’entretien. Cette définition ne faitré-férence à aucune culture en
particulier.
C’estpourquoi
nous avonsexploré
la voiequi
consis-tait à établir le niveau d’entretien du statut P du sol non pour l’ensemble des
plantes
degrande
culture mais pour une culture donnée : le blé.
L’analyse
de 55couples
essais x années dedonnées
analytiques
et culturalespermet
deconclure que pour une culture intensive de
blé,
le niveau d’entretien du statut
phosphaté
dusol,
exprimé
en mgP
2
O
5
·ha
-1
,
est situé auxalen-tours de 90 pour la méthode
Dyer,
73 pour la méthode Joret-Hébert, 28 pour la méthode Olsen et8,7
pour la valeur deE
Pie1
;
et ceni-veau
peut
être entretenu par une fertilisationan-nuelle voisine de 50
kg
P
2
O
5
·ha
-1
.
Mais la
méthodologie
décrite dans ce travail et basée sur la seuleprise
encompte
du statutphosphaté
comme variableexplicative
du rende-ment relatif du blépermet
d’expliquer
environ50% de la variabilité
expérimentale.
Trois voies de travail sont désormais nécessaires pourpré-ciser l’influence de chacune des
composantes
des
systèmes
de culture(succession
culturale;
milieu sol-climat;
techniques
culturales)
sur lavaleur du niveau d’entretien du statut P du sol. Il
s’agit
dans unpremier
temps
d’établir lesni-veaux d’entretien pour l’ensemble des cultures
présentes
dans les rotations culturales deszones de
grande
culture,
afin de raisonner la fer-tilisationphosphatée,
nonplus
globablement,
mais en considérant la rotation culturale du
sys-tème de culture. Pour couvrir une
large
gammede
systèmes
deculture,
une attentionparticu-lière devrait être
portée,
d’unepart
à uneplante
telle que le maïs conduit en conditions
irriguées,
pourlequel
lesprélèvements
totaux sontsupé-rieurs à ceux du
blé,
et d’autrepart
auxplantes
réputées
exigeantes
(ITCF, 1988)
telles que lapomme de terre ou la betterave à sucre
(Cooke,
1967;
Trocmé etBoniface,
1972).
Par
ailleurs,
il faut confirmer ou infirmer lesni-veaux d’entretien déterminés par ce travail dans
des situations
agropédologiques
pourlesquelles
existent de fortes contraintes sol-climat sur l’ali-mentation
phosphatée
du blé : terre caillouteuseet de faible
profondeur,
sol sableux.Enfin,
ils’agit
d’étudier les relations existantentre le niveau d’intensification du
système
de culture et le niveau d’entretienqui
lui est associé.Cette
stratégie
de fertilisation devrait éviter lespratiques
trop
fréquentes
de surfertilisationphos-phatée dommageables
à la fois pour lerende-ment
économique
del’agriculteur
et pour notreenvironnement.
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