ÉTUDE THÉORIQUE
SUR LASÉLECTION
DU
CARACTÈRE
« PRODUCTION DE MIEL »CHEZ L’ABEILLE I. Modèle
génétique
etstatistique
CHEVALET Cl.
LN.R.A., Laboratoire de Génétique cellulaire, 31320 Castanet Tolosan CORNUET J.-M.
LN.R.A., Station de Zoologie, 84140 Montfavet
RÉSUMÉ
Dans cette étude, on élabore un modèle de génétique quantitative pour représenter la performance col-
lective d’une colonie. On suppose que le rendement en miel est la somme d’une contribution du génotype de
la reine, et d’une contribution d’un génotype moyen des ouvrières. Cette approche permet de donner des
interprétations précises aux différentes définitions possibles de l’héritabilité de la production de miel. On indique ensuite les formules du calcul d’un indice de sélection, selon deux schémas : la sélection de reines
d’après les performances individuelles et familiales, en fécondation naturelle; et la sélection de reines pour la production de mâles améliorateurs, avec le recours à l’insémination artificielle.
INTRODUCTION
L’amélioration
génétique
de l’abeille faitpartie
despréoccupations
de laprofes-
sion et de la recherche
apicole depuis plus
d’un quart de siècle(ROBERTS
et MACKEN-SEN
,
1951).
Des travaux de sélection etd’hybridation
ont étéentrepris
dansplusieurs
pays et deux
symposiums
internationaux ontdéjà
été consacrés à cettequestion (Lunz
am See,
1972;
Moscou,1976).
Des résultatspositifs
ont été obtenus. Lesplus
connussont certainement les souches carnioliennes Troiseck et Sklenar
(T ROPPER , 1972)
et lesdoubles
hybrides
américains Midnite et Starline(W ITHERELL , 1976).
Les méthodes lesplus
utilisées ontété,
d’une part, la sélection delignées
sur leur valeur propre et d’autre part, l’utilisation de l’hétérosis manifestée lors de croisements.Toutefois,
à partquelques
raresexceptions évoquées plus loin,
laméthodologie
dela sélection chez l’abeille est restée extérieure au
développement
de lagénétique quanti-
tative
qui
a pourtant été àl’origine
desprogrès spectaculaires
de laproduction
chezd’autres
espèces domestiques (bovins, ovins, porcins, lapins, volailles).
C’est que latransposition
de ces méthodes enapiculture
se heurte àplusieurs
difficultés liées à labiologie
de cetteespèce :
lesparticularités
de sareproduction,
sagrande
sensibilité à laconsanguinité
et sa nature sociale.Tout
d’abord,
labiologie
de lareproduction
de l’abeille soulève différentsproblè-
mes. Pour
qu’une
coloniepuisse
sedévelopper
normalement, la reine doit être fécondée parplusieurs
mâles. Deux filles de la même reine peuvent donc être aussi bien vraiessoeurs que
demi-soeurs,
sans que l’onpuisse
trancher à coup sûr. Deplus, chaque
mâleest
génétiquement haploïde
etproduit
desgamètes
tousidentiques
à celui dont il estissu. La
parenté
entre abeilles vraies soeurs est doncplus
étroite que chez lesorganis-
mes
diploïdes.
Dans la nature, la fécondation des reines alieu,
sans contrôlepossible
par
l’homme,
avec des mâlesqui
peuventprovenir
deplusieurs
centaines de colonies duvoisinage.
Cela rend incertaine la connaissance des liens deparenté
etcomplique
la caractérisationstatistique
des corrélationsphénotypiques
etgénétiques
entre coloniesapparentées.
L’insémination artificielle reste la seule solution pour maîtriser réellement lesparentés.
Cettetechnique
est àprésent
bien aupoint,
mais son usage est encore très peurépandu.
La
grande
sensibilité à laconsanguinité
de l’abeille ne constitue pas en soi un obs- tacle à latransposition
de la théorie de lagénétique quantitative
àl’apiculture,
maisc’est un élément
qu’il
ne faut absolument pasnégliger
dans l’élaboration deplans
de sélection souspeine
de voir annuler le bénéfice de la sélection.Enfin,
leproblème
sans doute leplus
ardu résulte de la nature sociale de l’abeille.Ainsi,
les caractères que l’on cherche àaméliorer, production
de miel,douceur,
résis-tance aux
maladies,
doivent être attribués à unecolonie,
c’est-à-dire une collectivitécomplexe
constituée d’unereine,
d’ungrand
nombre d’ouvrières et de mâles. Considérer la colonie comme unorganisme,
ainsi que l’asuggéré
RUrrNER(1968),
conduit à uneimpasse
au niveaugénétique :
on ne peut pas attribuer cesperformances
collectives àun
génotype
bien défini.Jusqu’à présent,
deux solutions extrêmes ont été considérées.La
première,
utilisée par PIRCHNER et al.(1960)
a consisté à assimiler laperformance
d’une colonie à la valeur
phénotypique
d’une « ouvrière moyenne » dont la valeurgéné- tique
est la moyenne des valeursgénétiques
de toutes les ouvrières. Cetteapproche
per- met de donner un sensprécis
aux relations deparenté
entrecolonies,
mais elle neprend
pas en compte la contribution de la reine
qui,
par son intensité de ponte, influe sur la taille et parconséquent
sur la force de la colonie. La seconde solutionproposée
par SOLLERet BAR-COHEN
(1967)
estsymétrique
de laprécédente :
ces auteurs ont assimiléla colonie à sa
reine, négligeant
donc le rôle des ouvrières. Il en résulte quel’interpréta-
tion
génétique
du coefficient d’héritabilité(défini
àpartir
du coefficient derégression
dela
performance
d’une colonie sur celle de sa « mère»)
n’est pas la même dans les deuxcas. Dans un article
plus récent,
RINDEItER(1977 a)
asouligné l’importance
d’attribuer clairementchaque caractère,
soit à des ouvrièresindividuelles,
soit à des groupes d’ou- vrières . Mais dans le cas considéré ici où le caractère est enplus
lié au nombre d’ou-vrières et donc à la
capacité
de ponte de lareine,
iln’indique
pas de définitionprécise
del’héritabilité. Ces trois groupes d’auteurs se sont surtout
penchés
sur laquestion
de l’es-timation de l’héritabilité et des corrélations
génétiques. Toutefois, l’équipe
israélienne apoursuivi
cette étude par une sélection de type massale(élevage
de reines àpartir
descolonies les
plus productives) qui
sur 13 ans apermis
uneaugmentation
annuellemoyenne de
1,8 kg
de miel par ruche(B AR -CoIIErr et
al.,1978).
Ce résultat trèspositif
en soi est néanmoins à comparer avec la
réponse prédite
par leur modèle etqui
est de 4,7kg/ruche/an.
L’objet
de notre étude est dedévelopper
un modèlegénétique
d’uneperformance collective,
parexemple
le rendement en miel d’une colonie.L’analyse
se fonde sur le modèleclassique
de lagénétique quantitative (K EMPTHORNE , 1957),
ets’inspire,
d’une part des modèles tenant compte des effets maternels chez lesmammifères,
et d’autre part des modèles de corrélations entre caractèresjuvéniles
et adultes chez les arbres.Ces modèles permettent de donner une
interprétation génétique
aux corrélations entreles
performances
de coloniesapparentées
par leur reine ou par les mâlesqui
ont fécon-dé leur reine. Cela permet ensuite
d’envisager
différents schémas desélection,
et de défi-nir pour chacun les
paramètres statistiques
nécessaires au calcul des indices de sélec- tion. La discussion des modalitéspratiques
de mise en oeuvre de ces schémas et leurcomparaison
ferontl’objet
d’études ultérieures.I. MODÈLE ET NOTATIONS
Pour
représenter
uneperformance collective,
h, d’unecolonie,
nousadoptons l’ap- proche qui
permet, engénétique quantitative
desmammifères, d’exprimer
un caractèrequi dépend
de deuxgénotypes
distincts maisapparentés :
celui de l’individu surlequel
est faite la mesure, et celui de sa mère. Nous écrirons ici :
où :
Q
est la contribution dugénotype
de la reine;W
est la moyenne des contributions desgénotypes
des ouvrières et E est la somme des effets de milieu.Les
quantités Q
etW
ne sont pas observables. Ellesdépendent
de deux ensembles degènes, présents
chez des individusapparentés.
Certainsgènes
peuvent être communsaux deux ensembles et conduisent à l’existence d’une corrélation
génétique
entre lescontributions
Q
etW.
La
décomposition
additive[ 1]
peut sejustifier
de lafaçon
suivante : uneperforman
ce collective y peut être considérée comme la somme des
performances
xi des n ouvriè-res de la colonie :
où x
représente
la moyenne des x,.On peut alors écrire :
et mettre en évidence une
performance
collective(log y) égale
à la somme d’une contri- bution attribuable à la reine(log n),
et d’une contribution(log x)
attribuable augénoty-
pe moyen d’une ouvrière.
Le modèle
[1] inclut
les deuxapproches
de PIRCHNER et al.(1960)
et SOLLER etB AR -C
OHEN
(1967),
et se traite comme les modèles d’effet maternel(K EMPTHORNE ,
1955; WILLHAM,1963).
Lesquantités Q
etW,
nonobservables,
sont introduites pour donner uneinterprétation
aussigénérale
quepossible
aux corrélations entre lesperfor-
mances de colonies
apparentées,
et pour élaborer desplans
de sélectionquand
seule uneperformance collective,
comme le rendement enmiel,
est mesurable.Cependant,
on peutenvisager
la mesure de caractères effectuée soit sur lareine,
soit sur les ouvrières. L’idée de telles mesures en améliorationgénétique
de l’abeille dérive desexpériences
de KULINCEVICBt al.(1973, 1974).
Ces auteurs ont élaboré un testd’amassage (hoarding
behaviourtest).
Ilsdisposent
des abeilles naissantes dans des cagettes maintenues dans les conditions constantes du laboratoire et mesurent le tempsqu’elles
mettent pour vider un flacon desirop
de sucre. Cetteperformance apparaît
cor-rélée avec
l’augmentation
depoids
de la coloniependant
la saisonapicole.
A la suite deces
résultats,
deux laboratoires ont décidé de fonder leur sélectionapicole
sur une batte-rie de tests de laboratoire. Le
premier
est le Beebreeding
and Stock Centerlaboratory (Bâton Rouge, U.S.A.),
ainsi que l’aprécisé
RINDERER(1977 b).
Ce dernier a dressé la liste de tels testsdisponibles
à cetteépoque :
consommation individuelle desirop,
amassage, nettoyage du
nid,
résistance à la nosémose et à la maladie noire,agressivité.
Depuis,
MILNE(1980
a, 1980 b, 1980c),
de l’Université deGuelph (Ontario, Canada),
a
perfectionné
le testd’amassage
et introduit deux nouveaux tests :longévité
des ouvriè-res et
poids
desnymphes.
Tous les tests étudiésjusqu’à présent
portent sur desperfor-
mances d’ouvrières. Par contre, il n’existe pas encore de mesure de valeur des reines réalisée
indépendamment
des ouvrières. Bienqu’ils
semblentplus
difficiles a priori, de tels tests ne doivent pas être irréalisables. Leur mise en oeuvrepermettrait d’envisager
une sélection indirecte du rendement en miel dans la mesure où il existe une corrélation
génétique
assezgrande
entre le rendement h d’une colonie et les caractères mesurés surla reine
(q)
ou chez un groupe d’ouvrières(w).
Cetteapproche présentera
un intérêt cer-tain si ces mesures
(q
etw)
sont réalisables defaçon précoce,
sans attendre la fin d’une récolte et si elles sont effectuées dans des conditionsexpérimentales qui
leur assurentdes
répétabilités
et des héritabilitéssupérieures
à celles de laperformance
collective h.Cette
approche s’inspire
desanalyses génétiques
de la corrélation entre caractèresjuvé-
niles et matures chez les arbres
(B ARADAT ,
1976; NANSON,1967).
Pour
exprimer
les corrélations entreperformances
de coloniesapparentées,
nousdevons
préciser
le modèlegénétique,
endécomposant
les contributions desgénotypes
en effets additifs et en interactions de dominance. Nous
négligerons,
dans les formulesde
covariance,
les termes dus aux interactionsépistatiques,
enparticulier
parcequ’ils
sont affectés de coefficients
plus petits
que les autres(C OCKERHAM , 1954).
Les contributions
génétiques Q
et W du modèle[ 1 se décomposent
en :ou
A Q
etA w
sont les effets additifs etD o
etD W
les effets de dominance desgènes responsables
des contributionsQ
et W.Nous supposerons que la
population
n’est pasconsanguine
et que lesfréquences génotypiques
sont conformes à la loi de HARDY-WEINBERG. Les variablesA Q
etD
Q
sont donc noncorrélées,
de même que les variablesA w
etD w .
La variance de
Q,
notée Var(Q)
estégale
à la somme des variances deA Q
et de
D . ,
notéesVQ
etV8 :
La variance de W
s’exprime
de la mêmefaçon,
mais la variance de la moyenneW s’exprime
au moyen de deux coefficients d’identité moyens entre les ouvrières. En effetpuisque
le nombre d’ouvrières est trèsgrand,
la variance deW
estégale
à la covariance moyenne entre deux ouvrières.Si !
est le coefficient deparenté
moyen entre deuxouvrières,
etsi d
est laprobabilité
moyenne pour que deux ouvrièresaient,
en un mêmelocus,
le mêmegénotype,
on a la relation :Enfin,
la variance de laperformance
h fait intervenir la variance de E, notéeVh,
mais aussi la covariance entre les contributions
Q
etW,
covariancequi correspond
àune
parenté
entre mère etfille,
donc :Cov
(Q, W) = 1 VQW
2 A
où
VQ A W représente
la covariance des effets additifs Q
etA,
définis chez un mêmeindividu
diploïde. Finalement,
on a :De la même
façon,
nousdécomposons
lescaractères
q et w, attribuables à unereine ou à une
ouvrière,
en effetsgénétiques
additifs et dedominance,
et en effet de milieu :où nous
distinguons
une composante de milieuEcw
commune à toutes les ouvrières etune composante de milieu
Ei! particulière
à chacune. Si le testprécoce
porte sur un effectif suffisantd’ouvrières, E tw
seranégligeable.
Avec des notationsanalogues
à cellesqui précèdent,
nous écrirons :Enfin,
nous pouvonsexprimer
les covariances entre laperformance
h d’une colo-nie,
et lesperformances q de
sareine,
et w de sesouvrières,
en introduisant des cova-riances entre les effets
A Q , D Q9 A w , D w ,
et E et les effetsanalogues
attachés aux carac-tères
q et w. Nous aurons :où
VÉ&dquo;
= Cov(E, Eq)
etVÉ&dquo;
= Cov(E, E cw )
Les covariances entre
performances
de coloniesapparentées
se calculent selon lesrègles
usuelles de lagénétique quantitative.
Elles font doncintervenir,
pour les varian-ces et covariances des effets
additifs,
le coefficient deparenté
(P entre les individusconcernés;
et, pour les variances et covariances d’effets de dominance, le coefficient d’identité d. Le mode dereproduction particulier
de l’abeille conduit à des valeurs inu- suelles de ces coefficients. Lesprincipaux
types deparenté
que l’on peut rencontrer dans des schémas de sélection sontprésentés
sur lafigure
1, et les valeurs correspon- dantes descoefficients !
et d sontindiquées
au tableau 1. Cela permet notamment d’ex-primer
les valeurs des coefficientsmoyens ! et d
définis entre les ouvrières d’une colo-nie. A cette fin, nous introduirons d’une part le
paramètre f
dont l’inverse estégal
à laprobabilité
pour que deux ouvrières d’une colonie aient le mêmepère (f représente
enquelque
sorte le nombreefficace
de mâlesqui
ont fécondé lareine),
et d’autre part le coefficient deparenté
0 entre ces mâles. Avec uneprobabilité égale
à1/f,
deux ouvriè-res sont
pleines
soeurs(p
=3/8
et d =1/2);
avec uneprobabilité égale
à(1
-1/f),
ellessont demi-saeurs
(p
=1/8
+0/4
et d =0/2).
Dans le cas
général
nous aurons donc :Nous
n’envisagerons
ici que deuxpossibilités
pour B : B = 0 si les mâles sontd’origine
inconnue(fécondation naturelle);
B =
1/2
si les mâles sont tous frères(insémination artificielle).
Les cas
importants
seront les suivants :a)
Fécondation naturelle :Si nous prenons
f
= 6, nousobtenons !
=1/6
comme SOLLER et BAR-COHEN(1967) et d
=1/12.
b)
Insémination artificielle par du sperme de nombreux mâles nonapparentés :
coefficients usuels entre demi-saeurs.
c)
Insémination artificielle par du sperme de nombreux mâles frères :coefficients usuels entre
pleines
soeursdiploïdes.
Dans le cas d’une fécondation
naturelle,
il faut serappeler
que lemélange
de lasemence dans la
spermathèque
n’est pascomplet (T ABER , 1955).
Cela peutconduire,
dans les formules[2],
[3] et [4] àadopter
des valeurs différentesde f pour calculer §
etd. Ainsi,
ce nombre efficace de mâles sera vraisemblablementplus
faible pour des caractères w mesurésprécocement
sur un groupe d’ouvrières de mêmeâge,
que pour la contributionW
de l’ensemble desouvrières;
de même onpeut
penserqu’il
failleadopter
une valeur
pratiquement
nulle deIlf,
pour le calcul des coefficients dans la formule [4].A
présent
que le modèle estprésenté,
se pose laquestion
de l’estimation des para- mètresgénétiques introduits,
tout au moins ceuxqui
interviennent dans le calcul desplans
de sélection. Pour cela, il est nécessaire departir
deplans
de sélectiondéfinis,
d’expliciter
lesquantités
à estimer et de vérifier si ledispositif expérimental
de la sélec- tion n’est passusceptible
de fournir par lui-même ces estimations. Nous allons doncprésenter
deux schémas de sélection. Pour chacund’eux,
nousenvisagerons
une sélec- tion directe sur le rendement en miel et une sélection indirecte fondée sur des testspré-
coces, en
explicitant
la forme des indices de sélection utilisables selon l’information dis-poniblè.
II. SÉLECTION COMBINÉE DE REINES
Nous considérons le schéma
présenté
sur lafigure
2. Sur chacune des R reines-mères,
on élève S reines-filles. Le but est de sélectionner les meilleures des RSreines,
pour renouveler le
cheptel,
sur la base de laperformance
de leur proprecolonie,
desperformances
de leurscolonies-soeurs,
etéventuellement,
desperformances
de leurcolonie-mère. Nous considérerons comme critère de sélection, soit les rendements en
miel,
soit des testsprécoces.
Le but de la sélection est de retenir les colonies-filles sus-ceptibles
de donner naissance aux meilleurs reines : l’indice de sélection d’une colonie- fille sera défini commel’espérance
de laperformance
d’une colonie dont la reine estissue de cette colonie-fille. Cette
performance, qui
constituel’objectif
de la sélection,sera soit le rendement en
miel,
soit une fonction desperformances précoces qui
est cor-rélée avec le rendement.
Dans ce
paragraphe,
nousn’envisagerons
pas de contrôle des mâles fécondant les reines.1. Détermination de l’indice de sélection
Nous allons d’abord
indiquer
la formegénérale
del’indice,
en considérant que surchaque
colonie-mère etchaque colonie-fille,
on mesure un ensemble deperformances,
attribuées à lareine,
aux ouvrières et à la collectivité. Pour illustrer le calcul, nous considérerons une mesureq de
lareine,
et une mesure w desouvrières,
mais cesquanti-
tés peuvent être vectorielles sans que cela ne modifie la suite. Nous supposerons
connues les mesures faites chez les
colonies-mères,
soitqi , w{’ (i
= 1,R)
et chez lescolonies-filles,
soitq ú . (i
= 1,R; j =
1,S).
L’indiceJ!
sert à estimer lesperformances
qü et
w!
d’une colonie dont la reine sera née dans la(ijy
colonie-fille(cf. fig. 2).
Selon la théorie de la
régression linéaire,
la solution s’écrit :avec
où P est le vecteur des variables
prédictrices q {¡, w {¡ , ?/
etM!’;
II-’ 1 est l’inverse de la matrice II des variances et covariances des variables
prédictrices;
À
est latransposée
de la matrice A des covariances entre les variablesprédictrices
d’une part, et les variables
prédites
d’autre part, ici qu etw u’
Rappelons
que la variance de l’indicereprésente
le carré de laréponse
à la sélec-tion par unité d’intensité de sélection : cette
quantité
permet donc de comparer l’effica- cité de différentes méthodes de sélection.En
fait,
si l’on suppose les reines-mères nonapparentées,
l’indiceJ u
nedépend
quedes mesures faites dans la ième famille. De
plus, l’homogénéité
desparentés
entrecolonies-filles conduit à ne considérer que trois vecteurs
prédicteurs
pourJ u ,
corres-pondant:
- aux
performances
de la colonie-mère(i);
- aux
performances
de la colonie-fille(ij);
- à la moyenne des
performances
des colonies-filles de la famille(i),
notées9i. et w f ..
La matrice rl
prend
alors la forme suivante :avec :
et
Son inverse s’écrit alors
simplement :
avec :
Les éléments de la matrice Il sont des variances et des covariances
phénotypiques
entre les variables
prédictrices.
Elles sont donc accessibles àpartir
des donnéesrecueillies et
représentent
ici :- des variances et covariances intra-colonie
(matrices
X etY);
- des covariances entre colonies-soeurs
(matrice C,
telle que :- des covariances entre colonies-mères et colonies-filles
(matrice T).
La matrice A s’écrit :
avec :
Elle est formée de covariances entre les
performances
d’unecolonie,
d’une part, et celles de la coloniegrand-mère (A,),
de la colonie-mère(A,)
et des colonies-tantes(A 3 ) ’
On retrouve donc des covariances du type
mère-fille, déjà présentes
dans la matrice LI.Au
contraire,
les covariances des typesgrand-mère-petite-fille
et tante-nièce ne sont pasprésentes
dans Il. Pour les déterminerexpérimentalement,
il faudraitenvisager
uneextension du schéma
expérimental
de lafigure 2,
incluant troisgénérations.
Dans unesituation
analogue,
engénétique animale,
on substitue auxquantités
inconnues leurs valeurs déduites desquantités
estiméesd’après
le modèlegénétique. Ainsi,
pour des caractèresdépendant
d’ungénotype diploïde,
la théorieprévoit
que la covariance entregrand-mère
etpetite-fille
e’stégale
à la moitié de la covariance entre mère etfille,
et que la covariance entre tante et nièce estégale
à la covariance entre demi-soeurs. Pour les caractères collectifsenvisagés ici,
ces relationssimples
ne sont pastoujours vérifiées,
enraison de la
complexité
du déterminismegénétique,
et des incertitudes sur les relations deparenté,
ainsi que nous le verrons dans lesparagraphes
suivants. Dans tous les cas, la matrice Il-’ peut s’écrire comme la somme de deux termes, dont lepremier
corres-pond
au calcul d’un indiceréduit,
obtenu enignorant
lesperformances
maternelles :En
désignant
alors parP,&dquo;, P!!
etPi( ,
les vecteurs desperformances
de la colo-nie-mère,
de lacolonie-fille,
et de la moyenne descolonies-filles,
l’indiceJ,!
s’écrit :avec :
Dans ces
expressions,
lespremières lignes représentent
les formules réduites obtenues sans tenir compte desperformances
de la colonie-mère.Nous allons maintenant
envisager
lespossibilités
du calcul del’indice,
selon lesobjectifs
et les critères desélection,
en nous appuyant sur le modèlegénétique.
2.
L’objectif
et le critère de sélection sont le rendement en miel Les mesuresdisponibles
sont :- le rendement
ht
de la colonie-mère(i);
- le rendement
h iJ
de la colonie-fille(ij);
- la moyenne
hi
des rendements des colonies-filles de la famille(i).
L’indice sert à estimer le rendement
hlj
d’une colonie-fille de la colonie-fille(ij).
Les matrices Il et A sont alors
respectivement
de dimensions 3 x 3 et 3 x 1.D’après
le modèlegénétique,
les éléments(ici scalaires)
de il s’écrivent :Les
paramètres <!&dquo;, d&dquo;
et!’, d’, correspondent
aux effectifs et à laparenté
desmâles ayant fécondé la reine-mère et la reine-fille. De
même,
le vecteur A peut s’écrire :avec :
La détermination des
quantités A i , A,
etA 3
n’estpossible qu’au prix d’hypothèses supplémentaires :
Hypothèse
1 : les effectifs et laparenté
des mâles ayant fécondé la reine-mère et la reine-fille sontidentiques,
de telle sorte queip&dquo;
=§’ et d&dquo;
= d’. Ceci permet d’écrire la relationA z
= T.Hypothèse
2 : le termed&dquo; vg w
dans T estnégligeable.
Ceci permet d’écrire la rela- tionA i
=T/2.
Hypothèse
3 : le termed&dquo; vg dans
C estnégligeable.
Nous avons alors la relationA
3
’2 C .
2Puisque
nous sommes en fécondationnaturelle,
lesparamètres ! et à
sont donnéspar les formules
[5 a].
Ils nedépendent
que du nombre efficace de mâles ayant fécondé les reines.Depuis
lespremiers
travaux de OERTEL(1940)
et ROBERTS(1944) qui
ontdémontré l’existence de
l’accouplement multiple
desreines, plusieurs
chercheurs ontessayé
d’estimer le nombre moyen de mâles fécondant une reine. Une revue des résul- tatsqu’ils
ont obtenus a été effectuée par ADAMSet al.(1977).
Il semble à peuprès
éta-bli
qu’une
reine est fécondée par environ une dizaine de mâles àchaque
vol de féconda-tion,
queprès
de 7 reines sur 10 effectuentplus
d’un volnuptial (W OYKE , I960)
et que seulement 10 % du sperme reçu par la reine est conservé dans laspermathèque (TRIAS-
KO
,
1956).
Deplus,
il estvraisemblable,
ainsi que lesuggèrent
ADAMS et al. que les conditionsclimatiques pendant
lapériode
de fécondation des reines influent sur le nom-bre de vols
nuptiaux
et donc sur le nombred’accouplements.
En mauvaisesconditions,
on pourra considérer un nombre
d’accouplements
voisin de10,
mais en conditionsfavorables ce dernier pourra être
supérieur,
parexemple
entre 15 et 20(A DAMS et
al.l’ont estimé à
17,25
dans unepopulation brésilienne). Lorsque f varie
entre 10 et20, !
varie entre 0,15 et 0,1375, à entre 0,05 et 0,025, et T entre :
et
On constate d’une part que sur toute l’étendue de variation
de f,
T varie très peu sauf au niveau du coefficient devg w ,
d’autre part que ce coefficient est relativement très faiblecomparé
aux autres et que pour peu quevg w
soit auplus
du même ordre de gran- deur queVQ
ouV2 w ,
le termed&dquo; vg w
peut êtreparfaitement négligé (hypothèse 2).
Unefois ce terme
négligé,
ons’aperçoit
quel’hypothèse
1 n’estplus indispensable, puisque
dans les limites de variation
de f,
les coefficients des variances additives dans T etA 2
nevarient
pratiquement
pas.Par contre,
l’hypothèse
3 soulève un peuplus
de difficultés car d’une part le rap- port entre le coefficient deV8
et les autres coefficients n’est pas aussi faible queprécé-
demment et d’autre part
VQ
peut êtreimportante,
la composanteQ
étant liée à des caractères dereproduction.
Si toutefois nous admettons
qu’elle
estvérifiée,
l’indiceJI) s’explicite
de la manièresuivante :
Les deux
premiers
termescorrespondent
à l’indice réduit utilisable si lesperfor-
mances des mères
(hi )
n’ont pas étémesurées,
et le troisième est la correctionqu’il
faut apporter à l’indice réduit pour tenir compte desperformances
maternelles.3. Les critères de sélection sont des caractères
précoces
etl’objectif de
sélection est unefonction
de ces caractèresSi
l’objectif
de sélection est parexemple
une combinaison linéaire de la forme a q+ !3
w, l’indice J à calculer estsimplement
la combinaison linéaire ceJ Q + !3 J W
des indi-ces
Jq et J!
obtenus àpartir
de la formule[6],
en utilisantrespectivement
comme matri-ces
Aq
etA W
les deux colonnes de la matrice A.Comme
précédemment,
nous allonsinterpréter
les matrices rl et A en termesgénétiques,
pour établir des relations entre leurs éléments. Nousn’expliciterons
pas les matrices X et Y de variances et covariancesintra-colonies, qui
comportent des compo- santes liées aumilieu,
dont l’estimation n’est niutile,
nipossible :
Nous avons ici :
Par ailleurs les
quantités Ai, A,,
etA 3
duparagraphe précédent
deviennentcomme T et
C,
des matrices 2 x 2. La matriceA 2
admet la mêmeexpression
que T, mais avec lesparamètres !’
etd’
associés aux colonies-filles.Les matrices
A,
etA 3
s’écrivent de même :Sur les trois
hypothèses évoquées précédemment,
seule lapremière (mêmes
conditions de fécondations dans les deuxgénérations
de telle sorte que!&dquo;
=0’
etd&dquo;
=
d’)
est nécessaire dans le casprésent,
pour avoir le droit deremplacer A,
par T. Eneffet,
tous les éléments deA,
etA 3 ,
àl’exception
du termeip&dquo; VIA de A 3 ,
sontprésents
dans T ou
C,
directement ou au coefficient1/2 près.
L’estimation de ce termeip&dquo; V1 implique
le choix d’une valeurde f.
Ainsi que nous l’avons vuprécédemment,
le choixd’une valeur
particulière de f n’est
pascritique
pour peu que l’on admette que ce para-mètre reste
compris
entre 10 et 20.Il semble donc que la mise en oeuvre de cet indice de sélection indirecte soit pos- sible en faisant moins
d’hypothèses génétiques. Néanmoins,
l’efficacité d’une sélection indirecte sur des caractèresprécoces dépend
de leur corrélation avec laproduction
demiel de la colonie et du
gain
de tempsqu’elle
autorise par rapport à une sélection direc-te sur la
production
de miel.4. Les critères de sélection sont des caractères
précoces et l’objectif
de sélection est lerendement en miel
Dans cette
éventualité,
la matrice LI des covariancesphénotypiques
est celle duparagraphe précédent,
mais les éléments de la matrice A font intervenir des covariancesentre le rendement en miel d’une colonie et des caractères
précoces
d’une autrecolonie,
et ne peuvent donc être évalués à
partir
de ceux de II. Parailleurs,
la connaissance des covariances intra-colonies(formules [4])
estinutile,
car celles-ci comportent des cova- riances entre effets de milieu communs(Vq l
etVl h
Les matrices
A&dquo; A,
etA 3
sont ici des vecteurs 2 x 1; leursexpressions théoriques
sont :
Pourvu que les
paramètres ip
etd
soient les mêmes dans les deuxgénérations,
lamatrice
A z
peut être déterminée si l’on a pu faire, selon le schéma de lafigure
2, lesmesures des caractères
précoces
chez lescolonies-mères,
et celles des rendements enmiel chez les colonies-filles. Il serait
plus rapide
d’estimer les covariancessymétriques (rendement
de colonie-mère avec caractères decolonie-fille),
mais leursexpressions théoriques
sont différentes et ne donnent pas accès àA! :
Pour mettre en
pratique
cetteméthode,
il faut avoir aupréalable
étudié ces cova-riances entre rendement en miel et caractères
précoces,
chez des coloniesapparentées.
Si l’on suppose que les mesures ont été faites sur des colonies
apparentées
selon lafigure 2,
ondisposera,
d’une part des covariancesfigurant
dans la matriceA 2 ,
et d’autrepart des covariances entre
demi-soeurs,
soit :Les seconds éléments des matrices
A,
etA 3
peuvent donc se déduire de la dernière formule [ 15]. Par ailleurs lapremière ligne
deA,
estégale
à la moitié de lapremière ligne
deA,.
Enfin, lepremier
terme deA 3 :
3ip&dquo; V1Q
A+ 2 !p&dquo; V ! peut s’estimer à partir
2 A
du
premier
terme deA 2 .
Enfin,
en élevant les colonies-filles assezlongtemps
pour mesurer leurproduction
de
miel,
il estpossible d’envisager
la construction d’un indice,qui
utilise commeprédic-
teurs les caractères
précoces
et les rendements en miel. Lesproblèmes
d’évaluation des covariances A sont les mêmes que ceuxsignalés
ci-dessus.5.
Réponse
indirecte, par les mâles, à la sélection combinée des reinesLes indices de sélection ont été définis en supposant que la reine dont on cherche à
prévoir
lesperformances ultérieures,
sera fécondée par les mâles ayant le niveaugéné- tique
moyen de lapopulation.
Enréalité,
la sélectionenvisagée
conduit à modifier le niveaugénétique indirectement,
par la voie mâle. Il faut donc déterminer la corrélation entre, d’uncôté,
l’indice de sélection d’une colonie ij et, del’autre,
lesperformances
d’une colonie dont la
reine,
par ailleurs tirée auhasard,
a été fécondée par des mâles issus de cette colonie ij(fig. 2).
Seules lesperformances
des ouvrières de cette seconde colonie sont affectées. Deplus
ces ouvrières sont enquelque
sorte des filles de la reinede la colonie ij. Par
conséquent,
la covariance recherchée est la même que la covarianceentre l’indice et une
performance
d’ouvrières de la colonie indexéeelle-même,
à ceciprès qu’il n’y
a pas à tenir compte d’effets de milieu communs et que ces ouvrières sont des demi-soeurs strictes de celles de la colonie indexée.Comme l’indice d’une colonie-fille
(ij)
est une combinaison linéaire desperforman-
ces de sa « mère »
(i),
de ses « soeurs »(ik)
etd’elle-même,
il suffit de calculer les cova-riances entre ces
performances
et les contributionsW
et w des ouvrières d’une colonie« fille par les mâles » : :
On remarque que ces
quantités
ne peuvent pas se déduire desexpressions
[9] et [ 10]. Pour lesévaluer,
un autre schémaexpérimental,
nécessitant l’insémination arti-ficielle,
estindispensable.
Un tel schéma seraprésenté plus
loin.De même nous obtenons :
La situation est
analogue
à celle duparagraphe
3; lescinq premières quantités
seretrouvent dans les matrices T et C
(formules [ 12]).
En revanche, la dernière covarian-ce,