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EDF face of fuel poverty increase: what strategic positioning could adopt the company?

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Academic year: 2022

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EDF face à la montée de la précarité énergétique :

Quelle(s) posture(s) stratégique(s) pourrait adopter l’entreprise ?

Thèse pour l’obtention du Doctorat en Sciences de Gestion

Loïs BEYRIERE

29 Septembre 2011

Jury

Directeur de recherche : Monsieur Jacques JAUSSAUD,

Professeur à l‟Université de Pau et des Pays de l‟Adour

Rapporteurs : Monsieur Bruno AMANN,

Professeur à l‟Université de Toulouse 3 Paul Sabatier Monsieur Sam DZEVER,

Professeur à l‟Institut Telecom, Telecom Ecole de Management Suffragants : Monsieur Johannes SCHAAPER,

Professeur à Bordeaux Ecole de Management Monsieur Oleg CURBATOV,

Maître de Conférences à l‟IUT de Saint-Denis Université Paris 13

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3 L‟université n‟entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans les thèses ; ces opinions doivent être considérées comme propres à leurs auteurs

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5 Remerciements

Au terme de ces trois années, le moment est venu d‟adresser mes remerciements aux personnes qui m‟ont aidé à réaliser cette thèse.

Mes remerciements s‟adressent tout d‟abord à Monsieur le Professeur Jacques Jaussaud pour avoir accepté d‟être mon Directeur de thèse et m‟avoir poussé à me remettre en question en permanence sur les points clé de la Thèse. Ses conseils avisés m‟ont permis de devenir beaucoup plus rigoureux dans l‟expression de mes propos.

Je remercie Messieurs les Professeurs Bruno Amann et Sam Dzever pour me faire l‟honneur d‟accepter de rapporter sur ce travail, Monsieur Oleg Curbatov, Maître de Conférences et Monsieur le Professeur Johannes Schaaper pour avoir accepté d‟être suffragant.

Je tiens à exprimer ma gratitude à Madame Estibals, ingénieure chercheur EDF R&D et Madame Louyot-Gallicher, chercheure EDF R&D et chercheure associée CREG-UPPA, qui m‟ont encadré tout au long de ces trois années, et m‟ont permis d‟avoir cette formidable expérience eu sein d‟EDF R&D. Elles m‟ont permis de rencontrer des personnes de tous horizons et ont largement facilité la visibilité du travail effectué au sein de l‟entreprise.

J‟adresse mes remerciements au département ICAME d‟EDF R&D, et tout particulièrement aux membres des groupes E73, E76 et du GRETS, qui m‟ont apporté de nombreux éclairages sur le secteur de l‟énergie, tant dans les disciplines techniques que des Sciences-Humaines.

Je remercie mes amis : Jonathan Amsellem, Cédric Anot, Julien Cassagne, Romain Desplanques, André Dinguidart, Julien Guibourdenche, Luke Guyan, Anthony Macias, Thomas Perarnau, Céline Poret, Nicolas Roux et Pauline Voisin pour leur soutien moral tout au long de la thèse.

Enfin, je remercie mes parents, Christian et Geneviève, qui m‟ont toujours soutenu.

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7 SOMMAIRE

INTRODUCTION ... 9

CHAPITRE 1 L’ « ORIENTATION MARCHE » : UNE VISION STRATEGIQUE AXEE SUR LES BESOINS DU MARCHE ... 19

1. QUE NOUS DIT LA THEORIE ? ... 19

2. L’ORIENTATION MARCHE : UN CHOIX RAISONNE ... 21

3. ORIENTATION MARCHE ET PERFORMANCES DE LENTREPRISE ... 27

4. ORIENTATION MARCHE ET MANAGEMENT ... 30

CHAPITRE 2 LES STRATEGIES PROPOSEES PAR L’ORIENTATION MARCHE ... 37

1. LA STRATEGIE DANS LE MANAGEMENT, UN PEU DHISTOIRE ... 37

2. STRATEGIE 1 : MARKET DRIVEN, LART DE REAGIR AU MARCHE ... 42

3. STRATEGIE 2 : MARKET DRIVING, ANTICIPER LE MARCHE... 51

CHAPITRE 3 LE CONSOMMATEUR : SES BESOINS, SES REACTIONS ... 61

1. L’EMERGENCE DES BESOINS ... 61

2 SOCIETE DE CRAINTE ET REFUGE DU CONSOMMATEUR DANS LA VALEUR SECURITE” ... 83

3 LE COMPORTEMENT DE REACTION DU CONSOMMATEUR ... 89

CHAPITRE 4 LA METHODE DES RECITS IMMERSIFS OU COMMENT CONTOURNER LES DEFENSES COGNITIVES DU SUJET ... 109

1. COMPRENDRE LE SUJET ... 111

2. LES RECITS IMMERSIFS COMME METHODE DE PROJECTION ... 121

3. METHODE DANALYSE : LANALYSE DE CONTENU ... 133

CHAPITRE 5 LES RESULTATS DE LA RECHERCHE ... 141

1. L’ETUDE DES VALEURS ET DES BESOINS GENERIQUES : TROIS GROUPES IDENTIFIES ... 141

2. LA PLACE DU FOURNISSEUR SUR LA QUESTION DU POSITIONNEMENT ... 189

3. VALIDITE DE LA MISE EN ŒUVRE DUNE STRATEGIE DE TYPE MARKET DRIVING ... 201

CONCLUSION GENERALE, LIMITES ET VOIES DE RECHERCHE ... 205

1. LES APPORTS THEORIQUES ... 206

2. LES APPORTS MANAGERIAUX ... 210

3. LES LIMITES DE LA RECHERCHE ... 212

4. LES VOIES DE RECHERCHE ... 214

BIBLIOGRAPHIE ... 221

ANNEXES ... 253

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INTRODUCTION

Dans son ouvrage, le salarié de la précarité, Sege Paugam (2000), sociologue et responsable de l‟Equipe de Recherche sur les inégalités Sociales (ERIS), traite du développement d‟un phénomène qui, depuis le début des années 80, prend de plus en plus d‟ampleur : la paupérisation (appauvrissement continu) des classes moyennes. Selon l‟auteur, le principal signal déclencheur est venu de la dégradation du marché de l‟emploi. A partir du milieu des années 80, un constat s‟est imposé : l‟accès à un emploi ne permet plus de se prémunir contre la pauvreté matérielle. Paugam (2000) avance une double explication : une évolution plus faible que par le passé des salaires, et un développement important des formes d‟emploi précaires. Malgré son enracinement progressif au fil des années, cette nouvelle forme de précarité n‟a vraiment été soulignée, notamment par les médias, que dans les années 90. Outre les sociologues, les psychologues du travail se sont également emparés du sujet.

Alors qu‟ils analysaient essentiellement les attitudes des salariés dans leur activité professionnelle jusqu‟au début des années 90, ils se sont mis à étudier de manière approfondie l‟attitude des salariés face à la crainte du chômage (Paugam, 2000). Ce phénomène semble d‟autant plus difficilement contrôlable qu‟il est directement lié à une gestion globalisée (mondialisation de la main d‟œuvre) du travail. L‟Etat qui auparavant jouait le rôle de garant des emplois nationaux, doit désormais se résoudre à n‟être le garant que d‟un minima social (allocations, aides sociales).

Si la dégradation structurelle du marché de l‟emploi a provoqué de nouvelles formes de précarité vécues au quotidien par la frange la plus fragile de la population, la crise que nous traversons actuellement suscite une crainte généralisée de l‟avenir. Pour reprendre une étude publiée par TNS Sofres, 18% des français ont le sentiment d‟être pauvres, et 37% craignent de tomber un jour dans la pauvreté (TNS Sofres, 2010). Ce dernier chiffre ne signifie pas que 37% de la population française se trouve réellement au bord de la pauvreté, mais il nous montre que la crainte de tomber en précarité est désormais présente au sein de la société

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10 française. Celle-ci touche même des catégories qui se croyaient jusqu‟ici à l‟abri. Ainsi, selon une étude menée entre 2007 et 2009 (IPSOS, 2009), les craintes des plus hauts revenus croissent plus rapidement que celle des plus bas (+5 points pour les personnes dont le revenu mensuel net du ménage est de moins de 2000€ contre +11 points pour ceux qui gagnent plus de 2000€).Certes ces chiffres sont à prendre avec précaution, mais ils constituent un premier signal d‟alerte pour l‟ensemble des acteurs économiques de la société, et notamment les entreprises.

Les entreprises face à la précarité

Si la crainte n‟a pas forcément de lien avec une situation réelle (ménages réellement en situation de précarité) elle peut cependant affecter le « moral des ménages » et affecter leur comportement. Il semblerait que cette dimension psychologique ait non seulement un impact sur la propension à consommer, mais également sur la nature même des besoins de l‟individu en tant que consommateur (cf chapitre 2). Se pose alors la question de la posture (attitude) que les entreprises doivent adopter sur ce sujet, plus précisément sur l‟amplification de la crainte vis-à-vis de la précarité. L‟énergie étant un bien de première nécessité et non substituable, les fournisseurs d‟énergie sont particulièrement concernés par ce problème. Comme nous le verrons un peu plus loin, les fournisseurs historiques (EDF et GDF) mettent en place depuis longtemps des dispositifs d‟aide aux plus démunis, mais ils manquent encore de visibilité concernant la partie de la population qui craint de tomber en précarité. Nous nous intéresserons à leur cas.

La thèse fait l‟objet d‟une convention industrielle de formation par la recherche (CIFRE) signée entre d‟EDF R&D et le Centre de Recherche et d‟Etudes en Gestion de l‟Université de Pau et des Pays de l‟Adour.

Où en sont les fournisseurs d’énergie sur la question de la précarité énergétique?

Les fournisseurs d‟énergie historiques (EDF et GDF) ont depuis longtemps mis en œuvre des politiques nationales d‟accompagnement des populations fragiles à travers leur lutte contre la

« précarité énergétique ». Est en précarité énergétique une personne qui éprouve dans son logement des difficultés particulières à disposer de la fourniture d‟énergie nécessaire à la satisfaction de ses besoins élémentaires en raison notamment de l‟inadaptation de ses

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11 ressources et de ses conditions d‟habitat (pelletier, 2009). En ce sens, la précarité énergétique est directement liée au problème de précarité socio-économique. Ces fournisseurs d‟énergie ont donc développé divers dispositifs de lutte contre ce phénomène :

 les premières conventions d‟EDF « pauvreté précarité » (1985) portaient notamment sur le suivi de clients en difficulté de paiement ;

 en 19881, le dispositif « Solidarité Energie » définit le montant et les modalités des concours financiers des énergéticiens historiques (EDF et GDF) dans ces dispositifs, en garantissant le maintien temporaire de la fourniture minimum d‟énergie (Service Maintien d‟Energie, SME, à 3 KW) et d‟eau ;

 le « Service Minimum » (maintien de puissance à 1 KW), qui consiste à ne pas interrompre la fourniture d‟électricité à un client en défaut de paiement tant qu‟un contact physique n‟a pu être établi avec lui ;

 le 1er janvier 2005 entre en vigueur le Tarif de Première Nécessité (TPN)2 destiné à aider les foyers à faible revenu. Il se traduit par une réduction de la facture d‟électricité tant au niveau de l‟abonnement que de la consommation. Le même dispositif a été mis en place pour le gaz le 15 août 2008 ;

 enfin, le Fonds de Solidarité pour le Logement (décret du 2 mars 2005 relatif à la loi du 31 mai 1990) permettant d‟accorder des aides financières aux personnes et aux familles en difficulté pour leur permettre d‟accéder à un logement ou de s‟y maintenir.

Bien qu‟un fournisseur d‟énergie comme EDF applique ces systèmes de solidarité pour les populations fragiles, il semble que la crainte potentielle d‟une partie des consommateurs d‟énergie non précaires de tomber en situation de précarité soit encore un sujet relativement nouveau. Le groupe EDF adopte aujourd‟hui quatre positions majeures (cf site internet EDF)3 : le développement des énergies renouvelables (hydraulique, éolien et solaire), la production d‟électricité sans carbone (nucléaire et énergies renouvelables), la maîtrise de la demande d‟énergie (solutions d‟efficacité énergétique, labellisation des logements, innovation) et le développement des nouveaux usages de l‟énergie (pompe à chaleur, la voiture électrique, la production d‟électricité décentralisée).

1 Loi du 1er décembre 1988 modifiée par la loi du 29 juillet 1992 et la loi d’orientation du 29 juillet 1998 relative à la loi contre l’exclusion.

2 Décret n°2004-325 du 8 avril 2004 relatif à la loi du 10 février 2000 sur la modernisation et le développement du service public

3 http://strategie.edf.com/notre-strategie/energies-renouvelables-et-efficacite-energetique-40479.html

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12 La question d‟une posture de l‟entreprise vis-à-vis de ses clients non précaires, mais craignant de tomber en précarité n‟a pour l‟instant pas été abordée. La thèse va donc chercher à savoir si une posture (adopter une attitude particulière) de l‟entreprise pourrait s‟avérer nécessaire.

La question de recherche

Le phénomène de précarité énergétique n‟a été mis en visibilité auprès du grand public que depuis peu par les médias. Ceux-ci traitent la précarité énergétique principalement comme conséquence de la crise économique et de l‟augmentation du prix des énergies (hausse des tarifs de l‟électricité et du gaz) 4.

La crainte face à ce phénomène semble s‟élargir à une partie de la population qui ne semblait pas jusqu‟ici immédiatement concernée. Cette tendance défavorable (renforcement et élargissement de la crainte) peut par conséquent représenter une menace pour l‟entreprise.

Une menace correspond à une transformation de l‟environnement susceptible de remettre en cause la position stratégique (avantage concurrentiel) de l‟entreprise (Strategor, 2005, p 38).

Ainsi, dans un contexte de paupérisation et de montée de la précarité énergétique, nous posons la question de recherche suivante : quelle(s) posture(s) stratégique(s) pourrait adopter EDF face aux craintes de précarité de ses clients non précaires ?

Cette question revient à se demander dans un premier temps si l‟entreprise doit adopter une attitude particulière (posture) vis-à-vis des clients non précaires pouvant craindre de tomber en précarité. Si l‟entreprise estime qu‟une posture est nécessaire, il faudra dans un second temps élaborer une stratégie pour la définir. La stratégie consisterait à « déterminer les objectifs et les buts fondamentaux à long terme d‟une organisation, puis à choisir les modes d‟action et d‟allocation de ressources qui lui permettraient d‟atteindre ces buts, ces objectifs5 » (Chandler, 1962).

4 "Le coût de l'énergie pèse de plus en plus sur le budget des ménages", Le Monde du 2 mars 2011

« Nouvelle hausse du prix du gaz au 1er avril, Le Monde du 2 mars 2011

« Le prix de l’énergie cristallise toutes les inquiétudes, Le Monde du 3 mars 2011

« La précarité énergétique menace de plus en plus de français », 20 Minutes du 28 février 2011

« Précarité énergétique, les coupures de gaz se multiplient », France info, 22 juin 2010

5 Traduction de Frery F. (2004), « Propositions pour une axiomatique de la stratégie », 13ème conférence de l’AIMS, Normandie, Juin 2004.

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Intérêt du sujet

Cette question de recherche présente un intérêt stratégique, puisque nous nous demandons si l‟entreprise peut adopter une posture pionnière sur ce sujet. Adopter une posture pionnière peut s‟avérer être une opportunité permettant d‟affirmer son leadership sur le marché et conforter son image d‟entreprise soucieuse de l‟intérêt de ses clients. Mais cela peut également comporter des risques, notamment si l‟entreprise ne répond pas de manière adéquate à la demande. La thèse devrait permettre d‟éclairer cette frontière entre les risques et les opportunités. Mais précurseur sur un thème non encore abordé dans le secteur de l‟énergie, nous avons pris le parti d‟adopter une démarche exploratoire. Nous allons en un premier temps étudier les besoins liés à cette crainte de la précarité, puis les leviers d‟action dont dispose l‟entreprise pour répondre à ces besoins. L‟étude des besoins incombe en grande partie au marketing, dont la tache consiste à « identifier les besoins humains et sociaux, puis à y répondre » (Kotler et al., 2006, p6). Le besoin peut se définir comme un sentiment de manque, de privation ou d‟insatisfaction conduisant l‟individu à agir de façon à y répondre (cf Kotler et al., 2006, chapitre 2). L‟un des enjeux de la thèse va être alors de déterminer s‟il existe un ou des besoins liés à cette crainte, et auxquels l‟entreprise pourrait répondre.

Ce travail pourrait intéresser l‟ensemble des acteurs économiques et sociaux concernés par la montée du phénomène. Comme dans tout travail de recherche, nous puiserons dans la théorie un ensemble d‟éléments pouvant nous aider à apporter une réponse à notre question de recherche. Nous mènerons ensuite une étude qualitative basée sur la méthode projective des récits immersifs, présentée chapitre 4. L‟objectif est d‟apporter des pistes de réflexion sur les postures envisageables, non seulement pour un fournisseur d‟énergie comme EDF, mais également pour toute autre entreprise sensible à la crainte des clients non précaires vis-à-vis de la précarité.

Les champs théoriques mobilisés

Nous décrivons ici les concepts et les pans de la théorie mobilisée pour éclairer notre question de recherche. Elle se décompose en trois chapitres : le premier chapitre explique le concept d‟orientation marché ; le deuxième décrit les stratégies proposées par l‟orientation marché ; enfin, le troisième chapitre porte sur l‟émergence des besoins du consommateur et ses réactions sur le marché.

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14 1) L’Orientation Marché

Deshpandé et al (1993) définissent l‟orientation marché comme « l'ensemble des croyances qui mettent l'intérêt du client en premier, sans exclure ceux de toutes les autres parties prenantes telles que les propriétaires, les directeurs, et les employés, afin de développer une entreprise profitable à long terme ». Le lien entre orientation marché et performance de l‟entreprise n‟est pas clairement établi (Jaworski et Kohli, 1993 ; Gotteland, Haon et Jolibert, 2007 ; Christensen et Bower, 1996 ; Langerak, Hultink et Robben, 2004).

Cette approche s‟impose néanmoins aujourd‟hui comme une démarche indispensable à tout processus d‟action stratégique, car elle permet une prise de recul nécessaire avant toute décision.

En outre, il semble que le contexte dans lequel évolue la firme soit un facteur pouvant expliquer le lien orientation marché - performance (Berthon, Hulbert et Pitt, 1999). Denis et al (2000) définissent le contexte comme un « effet modérateur » décrit comme « des variables internes ou externes influençant non pas l'orientation marché ou la performance, mais l'intensité de la relation entre orientation marché et performance ». La mise en place de l‟orientation marché dans les organisations résulte de l‟interaction de deux facteurs : une culture organisationnelle favorisant son implantation (Narver et al, 1998 ; Carrillat et al, 2004), et un leadership poussant vers cette vision orientée (Bass, 1985 ; Judge et Piccolo, 2004). Cette vision globale du marché va nous permettre dans un second temps de faire émerger les stratégies qui s‟y rattachent.

2) Les stratégies de l’orientation marché

Rappelons que la stratégie consiste à « déterminer les objectifs et les buts fondamentaux à long terme d‟une organisation, puis à choisir les modes d‟action et d‟allocation de ressources qui lui permettront d‟atteindre ces buts, ces objectifs6 » (Chandler, 1962). L‟orientation marché nous propose deux grands types de stratégie. Le premier type de stratégie appelée market driven est destinée à réagir aux mouvements du marché. L‟entreprise se place alors dans une position d‟écoute vis-à-vis des besoins que lui exprime le marché, et s‟applique ensuite à y répondre du mieux possible. Nous pouvons rappeler que le client est ici perçu

6 Traduction de Frery F. (2004), « Propositions pour une axiomatique de la stratégie », 13ème conférence de l’AIMS, Normandie, Juin 2004.

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15 comme le cœur du marché, et il s‟agit de le traiter en fonction du segment auquel il appartient (Day, 1999 ; Jaworski et al, 2000).

Le deuxième type de stratégie, appelée market Driving (Jaworski et al, 2000), consiste à créer une rupture avec le marché existant en s‟adressant non pas aux consommateurs déjà identifiés par le marché existant, mais à de nouveaux consommateurs potentiels (Kumar et al, 2000), créant ainsi un nouveau marché. Pour cela, l‟entreprise doit provoquer un bond discontinu dans la valeur proposée au consommateur. Ce bond est notamment permis par l‟innovation technologique et commerciale (Barlow et Sarin, 2003). L‟entreprise anticipe ici les mouvements du marché, et initie l‟offre avant qu‟elle ne soit proposée par les concurrents.

Quelle que soit la stratégie d‟orientation marché adoptée, elle doit être centrée sur les besoins des consommateurs. Comme nous le verrons dans le chapitre 2, et sans déflorer dès à présent les résultats de l‟étude exploratoire menée, la stratégie market driving pourrait s‟avérer particulièrement intéressante pour conforter la position d‟un leader. Pour parvenir à construire une réponse en rupture avec le marché existant, l‟entreprise doit analyser très finement deux éléments fondamentaux :

- les besoins du marché, à savoir en ce qui concerne notre sujet, ceux du consommateur dans une situation de crainte face aux risques d‟une situation de précarité ;

- la réaction de ce même consommateur à une offre innovante. Même si dans le fond, l‟offre est conçue pour répondre aux besoins du consommateur, c‟est la perception qu‟a ce dernier de l‟offre qui déterminera la réussite finale de la stratégie.

3) Besoins et réactions du consommateur

En suite logique du chapitre précédent, un recentrage sur le consommateur doit nous permettre de faire aboutir le processus de définition stratégique de l‟orientation marché (choix de la stratégie la plus adaptée). Nous allons commencer par voir comment les besoins du consommateur prennent forme, ceci à travers la proposition d‟un processus d‟émergence des besoins, pour évoquer ensuite les réactions que le consommateur peut avoir sur le marché.

a- L‟émergence des besoins

Après avoir envisagé différentes approches théoriques en marketing sur l‟émergence des besoins, nous émettrons l‟idée que ceux-ci proviennent de la confrontation entre les valeurs

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16 individuelles (valeurs perçues comme « universelles » par Schwartz, 20067) et l‟environnement auquel est confronté l‟individu (Thévenot et Boltanski, 1991). Une fois cette confrontation effectuée, on constate l‟émergence de deux niveaux de besoins mis en lumière par Abott en 1955 : le besoin générique (besoin ressenti de façon globale, sans y rattacher un bien ou service particulier) et le besoin dérivé (la réponse que cherche à apporter l‟individu au besoin générique, il est également l‟objet du désir). Nous expliquerons que le premier niveau de besoin constitue la base d‟analyse de la stratégie market driving, à travers l‟analyse de nouveaux besoins potentiels pouvant émerger d‟un changement de valeurs ou d‟environnement. Le second niveau (besoin dérivé), quant à lui, concerne davantage la stratégie market driven, avec l‟incrémentation des réponses déjà existantes sur le marché.

Comme nous avons commencé à l‟expliquer, l‟étude des besoins du consommateur est à la source de l‟approche d‟orientation marché, mais elle doit être suivie d‟une analyse des comportements de réaction pour savoir si la stratégie de l‟entreprise, même si elle semble adaptée aux besoins, serait acceptée par le marché.

b- Le comportement de réaction

Nous visions ici à appréhender le comportement de réaction face à un positionnement d‟entreprise. Cette réaction semble, selon certains auteurs (Tapia et Roussay, 1991) découler de l‟attitude du consommateur définie comme la disposition interne de l‟individu sous-tendant sa perception et ses réactions vis-à-vis d‟un objet ou d‟une stimulation. L‟attitude détermine, selon sa nature, si l‟individu adoptera un comportement d‟adhésion ou de refus (Bozzo et al, 2003), de résistance (Roux, 2007), ou encore d‟engagement (Sansaloni, 2006). Nous verrons que l‟attitude est bien entendu propre à chaque individu et qu‟il la construit selon des caractéristiques personnelles (expériences de vie, culture, âge…). Mais elle peut être modérée par des éléments extérieurs élaborés par l‟entreprise ou le marché (relation client, nature du produit…).

Cette partie théorique sera complétée par une étude qualitative de terrain permettant d‟apporter des éléments de réponses manquants. Nous allons chercher à savoir si une réponse de type market driving, c‟est-à-dire en rupture avec le marché existant, est envisageable sur cette question de crainte de la clientèle non précaire vis-à-vis de la précarité. Pour cela, il va nous falloir déterminer s‟il existe un ou plusieurs besoins liés à cette crainte.

7 Cf chap 3, p 70

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La démarche empirique

La démarche empirique de la thèse a deux objectifs. Tout d‟abord, elle cherchera à identifier, s‟ils existent, les besoins liés à la crainte de tomber en précarité chez les clients non précaires. Dans un deuxième temps, elle tentera d‟évaluer les marges de manœuvre dont dispose l‟entreprise pour adopter une posture particulière face à ces besoins.

Afin d‟atteindre ces deux objectifs, nous avons décidé d‟interroger des consommateurs d‟énergie en utilisant la méthode des récits immersifs. Celle-ci consiste à faire réagir la personne interrogée (le sujet) sur le récit d‟un personnage fictif ayant certaines caractéristiques communes avec elle. Ces caractéristiques communes doivent faciliter l‟identification du sujet au personnage de l‟histoire. L‟histoire quant à elle a consisté dans le cadre de notre sujet de thèse, à confronter le personnage fictif à une dégradation de sa situation personnelle le conduisant vers la précarité.

Nous avons choisi cette méthode afin de répondre à deux problèmes auxquels nous étions confrontés. Le premier est lié à l‟identification des besoins. Nous verrons dans le chapitre 3 que les besoins du consommateur ne sont pas toujours simples à identifier. Il s‟agit pour nous de révéler jusqu‟aux besoins latents du consommateur (ce à quoi il ne pense pas8). Le deuxième problème auquel nous risquons d‟être confrontés est lié à la sensibilité du sujet – l‟ampleur de la crainte vis-à-vis de la précarité. Comme nous le verrons dans la première partie du chapitre 3, la liberté individuelle prônée tout au long de la deuxième moitié du 20ème siècle a responsabilisé l‟individu à tel point qu‟il ne peut plus compter que sur lui même.

Ainsi, la précarité n‟est pas perçue comme un incident incontrôlable de la vie, mais comme une responsabilité incombée à l‟individu qui la vit. On peut par conséquent comprendre que la crainte de tomber en situation de précarité, même si elle est présente chez les individus, puisse être cachée au reste de la société, afin d‟éviter tout début de jugement. Tout cela nous amène à penser que nous risquons d‟être confronté à des situations de blocages dans les réponses des interviewés.

C‟est pour ces raisons que nous avons opté pour l‟utilisation de la méthode des récits immersifs. Celle-ci fait partie des méthodes de projection. Freud définissait la projection comme une action psychique qui consiste à expulser de la conscience les sentiments répréhensibles pour les attribuer à autrui (Evrard et al, 2009). Une méthode de projection

8 Définition de besoin latent, Kotler et al (2006), p30

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18 consiste quant à elle à faciliter « l’expression des motivations, des sentiments ou des attitudes qui n’auraient pas pu s’exprimer directement » (Evrard et al, 2009, p110). La méthode des récits immersifs doit nous permettre de contourner le conscient, où sont enfermés tous les mécanismes de défense, pour laisser s‟exprimer les motivations, les sentiments et les attitudes cachées. Nous espérons ainsi pouvoir identifier les valeurs individuelles dominantes (Schwartz, 2006) qui nous renseigneront sur la nature des besoins génériques du consommateur. Grâce à cette méthode, nous tenterons également d‟évaluer la place du fournisseur d‟énergie sur cette question de crainte des clients non précaires vis-à-vis de la précarité. Ceci devrait nous permettre de suggérer une ou plusieurs postures envisageables.

L‟ensemble de ces éléments a permis de configurer la thèse en cinq chapitres. Le premier portera sur le contenu du concept d‟orientation marché. Le deuxième traitera des deux grands types de stratégies proposées par le concept d‟orientation marché. Le troisième chapitre explorera les besoins du consommateur ainsi que les réactions de ce dernier sur le marché. Le quatrième nous présentera la méthodologie utilisée pour répondre à la question de recherche et à l‟analyse des résultats. Enfin, le cinquième chapitre présentera les résultats et les conclusions et suggestions qui en émergeront.

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CHAPITRE 1 L’ « orientation marché » : une vision stratégique axée sur

les besoins du marché

Comme présenté dans l‟introduction, le marché énergétique français est en train de connaître de profondes mutations, amenant les acteurs du marché à se questionner sur les enjeux à venir. Pour identifier ces nouveaux enjeux, ils doivent être à l‟écoute du marché, le comprendre et s‟y adapter, ce qui implique une vision stratégique claire, comme permet de l‟apporter l‟ « orientation marché ».

Nous allons commencer par décrire dans cette partie l‟origine et le contenu de ce concept.

Nous aborderons ensuite la question de la valeur client, et la manière de l‟apprécier. Enfin, nous terminerons par l‟effet de l‟orientation marché sur les performances de l‟entreprise.

1. Que nous dit la théorie ?

Day (1990), définit ce nouveau concept comme la capacité à comprendre et satisfaire les besoins des clients. Selon cet auteur et d‟autres (Denis et al, 2000), l‟entreprise doit avoir une démarche proactive en anticipant les besoins du marché, et sa décision d‟action commerciale doit être prise en fonction de l‟évaluation d‟un coût d‟opportunité d‟agir ou non. Le concept d‟orientation marché est né d‟une mutation du marketing traditionnel opérant jusque dans les années 80. Jusqu‟à cette époque, le marketing était perçu uniquement comme une fonction destinée à maximiser la valeur de la transaction entre le vendeur et l‟acheteur (Webster, 1992). Mais cette fonction est apparue dépassée avec le développement des marchés dits

« mûrs » qui ont obligé les entreprises à créer des offres différenciées pour pouvoir continuer à exister.

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20 Toffler (1984) fait partie de ceux qui avaient prédit ce changement dès les années 70. Selon lui, la règle des 4P (prix, produit, place et promotion) devait laisser la place à celle des

« 4C » : client (répondre à ses attentes et ses besoins), coût du client, confort (facilité d‟accès) et communication. Le client prend alors un rôle de plus en plus central dans la conception des produits. L‟objectif devient de construire une relation de long terme privilégiée avec celui-ci.

Ce changement nécessitera une nouvelle culture de la firme, engageant de nouvelles compétences et de nouveaux moyens.

Deshpandé, Farley et Webster (1993) étendront par la suite le concept d‟orientation marché à la compréhension des besoins de l‟ensemble des parties prenantes du marché, en y incluant notamment les actionnaires, les cadres et les employés. En élargissant sa définition à l‟ensemble des besoins du marché, l‟orientation marché englobe par conséquent d‟autres concepts (Lambin et Chumpitaz, 2006), qui préexistaient comme celui de l‟orientation client (le client est au cœur de la réflexion stratégique), l‟orientation technologique (orientations managériales en fonction de l‟évolution technologique) ou encore l‟orientation concurrent (choix managériaux guidés en fonction des concurrents).

Différences avec le marketing dit « traditionnel »

L‟orientation marché présente de nombreux avantages par rapport au marketing dit

« traditionnel » effectif jusqu‟à la fin des années 70. Lambin et Chumpitaz (2006) mettent en évidence quatre points de différences :

 le concept marketing dit « traditionnel » est essentiellement orienté client alors que l‟orientation marché tourne, comme nous l‟avons vu, vers l‟ensemble des parties prenantes du marché (clients, concurrents, distributeurs, prescripteurs et autres) ;

 le concept marketing dit « traditionnel » repose principalement sur un modèle de réaction aux besoins explicites exprimés par le marché, alors que l‟orientation marché adopte en outre une stratégie proactive permettant d‟anticiper ces besoins ;

 le marketing dit « traditionnel » est orienté vers le paradigme 4P alors que le concept d‟orientation marché s‟appuie sur le paradigme « culture-analyse-action ». La culture représente la philosophie de gestion, l‟analyse est l‟instrument de réflexion stratégique et l‟action représente le bras commercial de l‟entreprise ;

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 le marketing dit « traditionnel » est souvent cloisonné dans le département marketing alors que l‟orientation marché est vue comme une culture transversale qui fait appel à toutes les fonctions et tous les niveaux hiérarchiques de l‟entreprise.

Cette fonction proactive que vient ajouter l‟orientation marché est indispensable pour des marchés « mûrs ». Il existe deux enjeux majeurs sur ce type de marché. Le premier consiste à défendre sa place face à des concurrents bien implantés, et le deuxième est d‟identifier les

« nouveaux besoins » qui permettent la survie de l‟entreprise à long terme. L‟orientation marché est censée permettre de répondre à ces deux enjeux, grâce à différents types de stratégies qu‟elle propose et que nous aborderons plus loin.

2. L’orientation marché : un choix raisonné

Comme nous l‟avons expliqué en introduction de ce chapitre, l‟orientation marché semble s‟imposer dans notre travail, compte tenu des changements en cours sur le marché de l‟énergie en France. Mais une autre raison peut être invoquée. L‟orientation marché permet d‟éviter de commettre des erreurs sur la considération que l‟entreprise doit apporter au marché, autrement dit à ceux qui en partie le constituent : les consommateurs. Cette considération s‟incarne principalement dans la valeur que l‟entreprise attribue au client, et cette valeur peut être perçue de différentes manières. Comme nous le verrons dans le paragraphe suivant, si l‟entreprise attribue simplement une valeur financière au consommateur, elle peut faire des choix stratégiques néfastes à long terme.

2.1 La valeur financière du client

Pour qu‟une entreprise existe, elle doit être « durablement rentable ». La rentabilité économique d‟une entreprise peut être définie comme le rapport entre un indicateur de résultat (bénéfice, profit) et l‟ensemble de son capital « employé ». Par conséquent, pour une entreprise, un client rentable est un individu, un ménage ou une entreprise qui rapporte au fil des années davantage qu‟il ne coûte à attirer, convaincre et satisfaire (Kotler et al, 2006). En 1998, 37% des entreprises pensaient que l‟objectif principal à cinq ans était de conserver leurs clients rentables. Parmi elles, 4% estimaient que l‟élimination des clients non rentables était importante à court terme, et 6% l‟estimaient importante pour les 5 ans à venir (Alard et

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22 Dirringer, 2000, p117 et 120). Ces entreprises ont donc visiblement opté pour une conception purement financière de la clientèle.

Ce raisonnement trouve une explication historique. Depuis une vingtaine d‟années, la branche marketing a connu une « révolution technologique » avec l‟avènement des méthodes de collecte de données sur les clients dont, entre autres, le datamining. Cette collecte, associée à une analyse poussée, a entraîné une mutation du marketing de masse vers un marketing personnalisé, caractérisé par une hyper-segmentation de la clientèle (Dussart, 2005), notamment en terme de valeur. Il est donc désormais possible pour les entreprises de classer leur clientèle en fonction de leur rentabilité.

Puisque l‟on connaît la rentabilité des clients, que l‟on est désormais capable de distinguer les clients rentables des clients non rentables, pourquoi conserver ces derniers ? L‟environnement hyperconcurrentiel de certains secteurs a d‟ailleurs stimulé ce raisonnement. La compétitivité jouant de plus en plus sur les prix, les entreprises ont été obligées de faire la chasse aux coûts.

Cette chasse a débuté par les modes de productions, elle s‟est ensuite prolongée à la logistique et à l‟administration pour toucher finalement le marketing (Dussart, 2005) chargé de proposer des offres mieux adaptées aux différents clients.

Cette segmentation par la valeur a permis à de nombreuses entreprises, notamment les banques (Dussart, 2005), d‟augmenter le taux d‟acquisition des clients rentables permettant de dégager des profits « substantiels ». On a donc une réappropriation par les responsables financiers, d‟un outil marketing, à la base destiné aux entreprises désireuses de mieux connaître les clients.

Haenlein et Kaplan (2008) montrent dans leur étude portant sur le secteur bancaire que 26,8%

des clients généraient des pertes pour la banque, soit 5 segments de clientèles sur les 22 analysés. Une autre étude menée par Niraj et al (2001) monte ce taux à 32%. Ces pertes étaient principalement expliquées par une utilisation trop restreinte ou trop ciblée des offres de la banque en question (ouverture d‟un coffre fort seul, utilisation simple d‟une carte de crédit, utilisation secondaire de la banque…). Les auteurs se demandent donc « comment gérer ces clients ? » Cette vision est partagée par les entreprises qui recherchent une rentabilité économique uniquement basée sur l‟aspect comptable, où le contrôle de gestion guide les décisions. Le marketing se retrouvait alors à devoir effectuer une tâche opérationnelle binaire : éliminer les clients non rentables et valoriser les autres. Comme nous

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23 allons le voir maintenant, ce raisonnement a eu des conséquences susceptibles de s‟avérer désastreuses à long terme.

2.2 Conséquences de la prise de valeur financière comme référence : un renoncement à certains segments de marché ?

Le choix de la valeur financière du client constitue en soit un choix stratégique, puisqu‟il détermine l‟ensemble des actions (ou plans selon Wright et al, 1992) menées par l‟entreprise. Mais ce choix constitue également un renoncement à d‟autres stratégies, impliquant un « coût d‟opportunité ».

Un coût d‟opportunité peut être défini comme la valeur de la meilleure option non réalisée. En adoptant un raisonnement purement comptable, une entreprise risque de voir lui échapper une partie de son marché. Le problème est que l‟on raisonne aujourd‟hui sur des coûts de gestion à vision court-termiste qui ne prennent pas en considération ce coût d‟opportunité. Comme l‟indique Drucker (1995): « La comptabilité analytique (qui analyse les coûts) vous fournit l'information sur le coût de l’action, mais pas sur le coût de la non action - qui est un coût de plus en plus grand ».

On assiste ainsi à un usage quasi systématique de méthodes financières comme la “Net Present Value” (Valeur Actuelle nette, qui consiste à calculer l‟écart entre les recettes et les dépenses investies) pour entreprendre les investissements. Celle-ci stipule qu‟une valeur spécifique attendue peut être définie pour chaque période de l‟horizon d‟analyse. Bien qu‟il soit possible de tenir compte des incertitudes du futur en spécifiant plusieurs situations possibles par période, toutes les valeurs attendues et envisagées doivent être combinées en une seule avant de calculer la NPV. La NPV se base donc sur les connaissances du présent pour définir et planifier les projets futurs, excluant de fait des projets basés sur des connaissances futures. Nous pourrions imaginer des options de projet incluant la possibilité d‟abandonner le projet en cas de conditions défavorables, ou d‟étendre son champ d‟application dans le cas de conditions futures favorables (Haenlein et al, 2006). Mais étant donné que la NPV ignore ce genre d‟options, elle sous-estime souvent la valeur réelle d‟un investissement (Benninga and Tolkowsky, 2002).

Haenlein et al (2006) montrent par la méthode Monte Carlo (méthode économétrique basée sur des tirages aléatoires successifs) que les clients présentant une faible probabilité d‟achats

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24 futurs et de faibles montants dépensés sont sous-estimés par rapport à d‟autres clients considérés comme plus rentables respectivement à ces deux mêmes critères. Pour reprendre Blattberg and Deighton (1996): « La valeur d'un client est reflétée non seulement à travers le revenu gagné par l'achat initial, mais également à travers la valeur actuelle de futurs revenus dépendants de cet achat » (p 141).

D‟autres théories comme en particulier la « Customer Lifetime Value » (CLV) viennent en appui de ce raisonnement. Selon elles, la rentabilité d‟un client, et donc a fortiori de la firme, doit être calculée sur le long terme. Kotler (1974) définit la profitabilité long terme des clients comme: « la valeur actuelle des profits futurs attendus à un horizon temporel donné de transaction avec le client ». Ainsi la décision optimale prise au temps t se ferait en maximisant la somme des recettes découlant de la politique actuelle plus celles attendues en t+i correspondant aux périodes futures. Selon Reichheld (1996), les profits provenant d‟un client augmentent tout au long de sa durée de vie chez l‟entreprise. Ainsi est constaté un effet positif de la fidélité du client qui devient de moins en moins coûteux avec le temps (Reinartz et Kumar, 2000) car il nécessite moins de « maintenance » (Blattberg and Deighton 1991) et moins d‟actions marketing spécifiques (Wang and Spiegel 1994). Gupta et al (2004) montrent que l‟amélioration de rétention (fidélité) de 1% de la clientèle améliore la valeur de cette même clientèle de 2,45% à 6,75%, ce qui suggère l‟importance de fidéliser les clients. Ceci peut également s‟observer par la corrélation positive existante entre la part de marché de l‟entreprise et la fidélité de sa clientèle (Niraj et al, 2001). Cependant, l‟importance de la fidélité de la clientèle varie en fonction des secteurs et de la maturité du marché. Les entreprises agissant sur des marchés mûrs et peu risqués doivent être plus attentives à la fidélisation de leur clientèle (Gupta et al, 2004).

Le choix de la valeur financière du client est d‟autant plus risqué pour une entreprise leader que les concurrents présentent une menace en termes de pénétration sur le marché dans les années à venir. Ceci commence à apparaître dans le marché de l‟énergie avec les obligations émises par la Commission Européenne sur l‟ouverture des marchés à la concurrence, et les appels d‟offre pour l‟exploitation des centrales nucléaires et des barrages. Des acteurs importants comme Enel (Italie), E.ON (Allemagne), Iberdrola (Espagne) pourraient décider de capter ce marché de masse pour s‟imposer sur le marché français. Comme le soulignent Blattberg et Deighton (1996), les signaux d‟alerte (menaces ou opportunités sur le marché) proviennent la plupart du temps de l‟environnement et non de l‟organisation elle-même. Le

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25 gagnant serait alors l‟entreprise qui lirait la première ces signaux et parviendrait à les exploiter.

Deux questions se posent alors : tout d‟abord, quel type de mesure faut-il prendre pour évaluer la valeur du client, et ensuite quelle stratégie adopter vis-à-vis de cette clientèle?

L‟orientation marché est une vision « agrandie » de l‟environnement dans lequel évolue l‟entreprise, et, en ce sens, elle permet de définir les bonnes questions stratégiques, mais elle n‟apporte pas la réponse finale qui est de la seule compétence des décideurs. En favorisant la confrontation des réflexions sur les stratégies envisageables, c‟est à dire les orientations que peut prendre l‟entreprise, l‟orientation marché permet d‟éviter les cloisonnements dogmatiques, notamment sur la valeur attribuée au consommateur ou au client. Cependant, même si elle ne propose pas de méthode précise pour calculer la valeur d‟un client, elle se rapproche dans son esprit de la valeur commerciale que nous allons décrire maintenant.

2.3 La valeur commerciale comme choix pragmatique

Bien entendu, cette vision ne remet pas en question la rentabilité du client qui est en soit une nécessité économique pour l‟entreprise. Elle en change cependant la forme, puisqu‟elle ne postule plus que les clients ont une valeur originelle figée dans le temps, comme le fait le raisonnement financier qui tend à abandonner les clients non rentables sans envisager la rentabilité projetée dans le futur de ces mêmes clients à l‟avenir. Elle postule au contraire que cette valeur évolue avec le temps et avec les offres proposées. Le marketing ne s‟enregistre alors plus dans le rôle binaire simplement exécutif de la démarche financière, mais bien dans celui de créateur de valeur. D‟autre part, comme l‟expliquent Lambin et Chumpitaz (2006), cette valeur commerciale ne dessert en rien les intérêts financiers de l‟entreprise, puisque selon eux, la création de valeur pour l‟actionnaire passe préalablement et nécessairement par la création de valeur pour le client. Il nous semble donc pertinent de présenter ici une méthode qui ne calcule plus cette valeur client à un moment précis, mais qui prend en compte toute la durée de la relation commerciale entre le client et l‟entreprise. Cette méthode peut s‟avérer très utile pour un secteur comme celui de l‟énergie.

Comme nous l‟avons expliqué dans l‟introduction de la thèse, l‟énergie est un bien de première nécessité, intangible, indifférentiable et fourni en flux continu. La valeur client doit donc prendre en compte cette particularité. Depuis quelques années, les chercheurs remettent en question les modes d‟évaluation client basé sur un simple indicateur. Il est ainsi

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26 aujourd‟hui admis que se focaliser simplement sur le revenu à un moment donné, pour évaluer la profitabilité des clients, peut s‟avérer trompeur (Niraj et al, 2001).Un autre mode de calcul permettant de refléter cette valeur client tout au long de la relation qui le lie à l‟entreprise, est celui issu de la théorie de la « Longlife Customer Value (LCV)» (Rust et al, 2000). Cette théorie est née de l‟idée que servir un client fidèle revient moins cher que de servir un client non fidèle (Dowling and Uncles 1997). Elle peut s‟exprimer par la forme mathématique suivante :

d: taux d‟actualisation

: fréquence espérée d‟achat du client i à la date t

: part espérée du client i dans le portefeuille à la date t

: contribution marginale du client i à la date t T: durée de l‟horizon de calcul

Le taux d‟actualisation peut être soit un taux de rendement interne, soit un taux de croissance visé ou encore un taux d‟inflation. Ce mode de calcul est d‟autant plus précis que les comportements des clients ne changent pas et que la situation concurrentielle reste constante.

Cette méthode permettrait d‟éviter ce que Rust et al (2000) appellent la « spirale de la mort ».

Ce phénomène se caractérise par une détérioration de la position de l‟entreprise en trois temps : tout d‟abord l‟entreprise améliore sa rentabilité générale en éliminant les clients qu‟elle considère comme les moins rentables, ensuite, l‟élimination de cette clientèle entraîne une diminution des services proposés, qui entraîne enfin un départ des clients rentables. Il est à noter qu‟une absence de positionnement adapté à une partie de la clientèle peut être interprétée par celle-ci comme une forme d‟exclusion, et pourrait créer par la même occasion un espace libre à la concurrence.

Ces théories, l‟une « binaire » (le client est soit rentable soit non rentable) et l‟autre portant sur la fidélisation des seuls clients dits rentables ou à potentiel rentable caractérisent une certaine myopie managériale. Pourquoi un client non rentable aujourd‟hui ne pourrait-il pas le devenir ? A l‟inverse, pourquoi un client rentable aujourd‟hui ne connaîtrait-il pas de

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27 difficultés à l‟avenir ? Selon une étude de l‟OCDE (2008), la pauvreté serait caractérisée par des phénomènes temporaires de va et vient vers dans des zones de difficultés passagères.

L‟orientation marché nous apporte quelques éléments de réponse. Si elle semble s‟imposer comme une démarche indispensable à tout processus d‟action stratégique, nous allons voir maintenant que son rôle sur la performance de l‟entreprise n‟a pas encore été clairement établi.

3. Orientation marché et performances de l’entreprise

L‟effet de l‟orientation marché sur la performance de l‟entreprise continue de faire débat au sein de la communauté de gestion. Nous présentons ici les différents résultats obtenus par différents chercheurs sur ce sujet.

3.1 Méta-analyse des liens existant entre orientation marché et performances de l’entreprise

Après avoir lancé le concept d‟orientation marché dans les années 90, certains auteurs ont commencé à étudier l‟impact d‟une telle orientation sur les performances des entreprises. Il n‟y a pas d‟unanimité concernant l‟effet de l‟orientation marché sur la performance de l‟entreprise. On trouve des résultats divergents dans les études menées sur ce sujet. Cela peut s‟expliquer notamment par les méthodes utilisées qui diffèrent d‟une étude à l‟autre ou encore par la manière de mesurer la performance des entreprises.

En ce qui concerne l‟effet positif de l‟orientation marché sur les performances des entreprises, Narver et Slater (1990) utilisent dans un premier temps la performance financière (rentabilité et rendement) et la complètent dans une seconde étude, en 1994, par la performance commerciale (croissance des ventes, parts de marchés…) et la performance de marché (capacité d‟innovation et capacité d‟adaptation au marché). Jaworski et Kohli (1993), pour leur part, constatent un effet positif sur la performance commerciale objective (part de marché) et subjective (opinion des managers marketing et non marketing, ainsi que le top management sur la performance de leur entreprise). Gotteland, Haon et Jolibert (2007) trouvent un effet positif sur la performance de nouveaux produits. Martin-Consuegra et Esteban (2007) arrivent au même constat sur la performance commerciale des compagnies aériennes. Enfin Homburg et Pflesser (2000) établissent le même type de lien entre les valeurs de l‟orientation marché et la performance de marché.

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28 Pour les études trouvant un effet négatif ou nul de l‟orientation marché sur les performances de l‟entreprise, notons que Jaworski et Kohli (1993) ne trouvent pas d‟effet sur la part de marché. Greenley (1995) et Caruana, Pitt et Berthon (1999) arrivent au même constat sur la performance globale. Langerak, Hultink et Robben (2004) ne constatent d‟effet ni sur la performance des nouveaux produits, ni sur la performance organisationnelle (qui regroupe six items : croissance des ventes, taux de profit, succès du nouveau produit, part des ventes des nouveaux produits, part de marché, retour sur investissement). Enfin, Grewal et Tansuhaj (2001) trouvent même un effet négatif sur la performance à la sortie d‟une crise économique.

D‟autre travaux, plus nuancés, comme ceux de Gotteland, Haon et Jolibert (2006), révèlent un effet positif de l‟orientation client et technologique sur la performance alors que cette relation est inexistante pour l‟orientation concurrents. Ceux de Christensen et Bower (1996) relativisent cet effet en fonction des ressources allouées par l‟entreprise : ils constatent que si l‟entreprise consacre trop de temps à ses clients, cela induit un effet pervers sur ses performances.

Narver et al (2004) expliquent certains des résultats négatifs par la restriction à l‟orientation marché réactive (réponse aux besoins existants) qui n‟est qu‟une composante de l‟orientation marché. Les auteurs estiment que cette dernière se caractérise également par une composante reposant sur l‟anticipation des besoins. Cette orientation marché proactive est la pièce centrale du raisonnement, notamment parce qu‟elle permet de dégager des performances issues de l‟anticipation du marché en obtenant un avantage compétitif.

Nous pouvons noter qu‟à notre connaissance, aucune étude mesurant l‟effet de l‟orientation marché sur la performance de l‟entreprise n‟existe dans le secteur de l‟énergie. Comme nous allons le montrer maintenant, le contraste existant entre les résultats provient selon nous de la différence des contextes dans lesquels évoluent les entreprises étudiées.

3.2 Des performances également liées au contexte

Berthon, Hulbert et Pitt (1999) amènent un éclairage important sur le rôle du contexte. Selon eux, les actions menées par l‟entreprise doivent être prise en fonction de quatre contextes:

 le contexte environnemental. Ainsi, dans un environnement stable, une stratégie

« isolée » peut s‟avérer plus efficace (l‟entreprise est concentrée sur ses propres problèmes, il y a donc peu d‟évolution technologique et peu d‟étude de marché). En

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29 revanche, lorsque l‟environnement connaît des mutations fortes, que ce soit au niveau technologique (innovations répétées) ou des besoins des consommateurs, une orientation marché sera plus effective ;

 le contexte économique : lorsque le consommateur prend le dessus sur les firmes, c‟est à dire lorsque l‟on se trouve dans un marché de demande, la stratégie réactive de l‟orientation marché (l‟entreprise répond aux besoins des consommateurs avec les ressources présentes sur le marché) sera largement meilleure ;

 le contexte compétitif. Lorsque celui-ci est fort, une orientation marché proactive (l‟entreprise crée une rupture avec la valeur offerte par le marché) serait plus fructueuse, pour éviter une simple différenciation horizontale et désengorger le marché d‟offres similaires ;

enfin, le contexte politique. Là aussi, plus ce contexte est instable, plus l‟orientation marché aura un rôle à jouer.

Denis et al (2000) suggèrent de prendre en compte des « effets modérateurs » (environnement technologique et concurrentiel) et des « variables de contrôles » (taille de la firme, les coûts relatifs et la croissance du marché). Les effets modérateurs peuvent se définir comme « des variables internes ou externes influençant non pas l'orientation marché ou la performance, mais l'intensité de la relation entre orientation marché et performance » (p12).

En revanche, Narver et Slater (1994) et Jaworski et Kohli (1993) trouvent un effet neutre du contexte sur l‟orientation marché. Ces derniers expliquent cette relation par le rôle premier de l‟orientation marché (action proactive -« Market-driving »- indicateur d‟anticipation des changements du marché) qui permet de se prémunir contre cet effet. « Pourquoi une entreprise orientée vers le marché devrait nécessairement être influencée par des « modérateurs de l'environnement ». Avec son regard sur l’extérieur et son engagement dans l’innovation, une entreprise axée sur le marché devraient être préparée pour atteindre et maintenir un avantage concurrentiel dans n'importe quelle situation » (Slater et Narver 1994, traduction p.53).

On pourrait alors leur retourner la critique qu‟ils ont eux-même émise vis-à-vis d‟autres chercheurs ne trouvant pas d‟effet de l‟orientation marché sur la performance des entreprises.

Le contexte peut certes être maîtrisé par une stratégie proactive, mais elle ne doit pas intégralement supplanter une approche réactive. Une entreprise aura énormément de mal à être constamment innovante, et elle doit par conséquent pouvoir se reposer sur des marchés

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30 existants. Nous nous inscrivons davantage dans la vision de Lambin et al (2006) pour qui c‟est « en renforçant son degré d’orientation marché que l’entreprise peut atténuer l’impact des turbulences de l’environnement économique et social sur ses performances » (p12). Plus que l‟orientation marché en tant que telle, c‟est donc son degré d‟application que l‟entreprise doit être capable d‟adapter au contexte.

Ainsi, il nous semble que pour optimiser l‟efficacité de l‟orientation marché, une entreprise doit être capable de « jongler » entre attitude réactive et proactive vis-à-vis des besoins du marché. Comme nous le verrons un peu plus loin, les stratégies dites « réactive » et/ou

« proactive » de l‟orientation marché peuvent être appliquées par une même entreprise en fonction des circonstances. Le marché de l‟énergie sera sans doute confronté à une certaine instabilité à court ou moyen terme.

Nous avons vu comment était apparue l‟orientation marché, et nous avons envisagé les conditions pour qu‟elle optimise les performances de l‟entreprise. Nous allons maintenant parler du cadre managérial de l‟orientation marché.

4. Orientation Marché et management

D‟un point de vue managérial, deux approches semblent s‟opposer quant à la manière dont l‟orientation marché se développe au sein d‟une entreprise.

D‟un côté, nous avons celle de Kohli et Jaworski (1990) pour qui « L'orientation marché est la génération, à l'échelle de l'organisation, de l'information commerciale concernant les besoins actuels et futurs de clients, la diffusion de l'information à travers des départements, et la réponse à l'échelle qu’elle apporte » (p6). Il s‟agit donc d‟une vision comportementale visant à rechercher un maximum d‟informations sur la clientèle, traiter ces informations aux différents niveaux hiérarchiques, et les utiliser dans un but commercial. L‟orientation marché serait alors la « mise en œuvre du concept marketing dans l’entreprise » (Gotteland et al, 2007). Les principales parties prenantes, qui sont ici les clients et les concurrents, sont détentrices de ressources stratégiques pour la survie de l‟organisation (Clarkson, 1995 ; Rowley, 1997 ; Frooman, 1999).

Cependant, Homburg et Pflesser (2000) nous expliquent que les comportements relevant de l‟orientation marché doivent être précédés d‟une culture d‟orientation marché au sein de l‟entreprise. La culture d‟une organisation correspond à « une structure de valeurs partagées

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31 et de croyances qui aide les individus à comprendre le fonctionnement de l’organisation et leur fournit ainsi des normes comportementales » (Deshpandé et Webster, 19899). Nous retrouvons dans ce courant de pensée Deshpandé, Farley et Webster (1993), qui définissent l‟orientation marché comme « l'ensemble des croyances qui met l'intérêt du client d'abord, sans exclure celui de tous les autres dépositaires tels que les propriétaires, les directeurs, et les employés, afin de développer une entreprise profitable à long terme ». Cette approche vient donc compléter la première et non s‟y opposer, comme le soulignent Narver et Salter (1990) pour qui la culture organisationnelle induit les comportements nécessaires pour proposer une valeur supérieure au client.

La culture d‟une organisation peut se façonner et évoluer de différentes manières, mais elle est généralement impulsée et conduite par le leader de l‟organisation.

4.1 Le rôle du leader

De nombreuses études tentent de montrer le rôle du leadership dans les organisations prenant la voie de l‟orientation marché. Judge et Piccolo (2004) identifient trois types de leadership :

 le leadership « transformationnel » (introduit par Burns en 1978), qui incite les suiveurs (dépendant du leader) à se dépasser en les mobilisant et en les encourageant à transcender leurs intérêts personnels au profit de ceux du groupe ou de l‟unité10 ;

 le leadership « transactionnel », focalisé sur l‟échange de ressources (Conger and Kanungo, 1998) ;

 enfin le leadership « laissez-faire » qui symbolise l‟absence de leadership.

Nous nous intéresserons aux deux premiers. Selon Bass (1985), ces formes de leadership ne sont pas forcément différentes du point de vue de leurs objectifs, il s‟agit uniquement de formes différentes souvent complémentaires. Il va même plus loin en affirmant que les meilleurs managers utilisent les deux premiers. Pour caractériser ces deux types de leadership, il attribue quatre dimensions au leadership transformationnel :

 le charisme ou influence : le leader se comporte de telle manière que les subordonnés le suivent d‟eux-mêmes

 la motivation d‟inspiration : capacité du leader à transmettre sa vision aux subordonnés

9 Traduction Gotteland et al (2007), p49

10 http://www.journal.dnd.ca/vo5/no1/mp-pm-fra.asp

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32

 la stimulation intellectuelle : capacité du leader à faire de ses subordonnés des forces de propositions

 la considération individualisée : capacité du leader à satisfaire les besoins des subordonnés, à rester à leur écoute et à agir comme un mentor

et trois dimensions au leadership transactionnel :

 les récompenses conditionnées : le leader récompense en fonction de la capacité des subordonnés à répondre aux attentes qu‟il a exprimées

 le management par l‟exception active : le leader sait anticiper certains problèmes et les corriger avant qu‟ils apparaissent

 le management par l‟exception passive : cette fois le leader doit savoir attendre que le problème apparaisse pour agir, lorsque l‟action anticipée pourrait se révéler néfaste.

D‟autres auteurs viennent renforcer cette idée de complémentarité des deux types de leadership. Howell and Avolio (1993) qui pensent que le transformationnel vient compléter le transactionnel, et Avolio (1999) suggère que « la transaction est la base de la transformation ».

Judge et Piccolo (2004) tentent d‟évaluer l‟impact de chacun de ces leaderships en fonction de six critères : la satisfaction professionnelle des subordonnés, la motivation des subordonnés, la performance professionnelle du leader, la performance du groupe / organisation, et l‟efficacité du leader. Ainsi, leurs résultats montrent que le leadership transformationnel a un effet positif sur la satisfaction du leader de la part des subordonnés et l‟efficacité du leader, tandis que le leadership transformationnel aura un effet positif sur la satisfaction professionnelle des subordonnés et la performance professionnelle du leader.

Mackenzie et al (2001) complètent ces résultats en trouvant un effet plus significatif du leadership transformationnel sur la performance des ventes que le leadership transactionnel.

Ces études confortent alors la vision de Bass (1985) qui voyait cette combinaison transformationnel-transactionnel comme une manière d‟optimiser le management d‟une entreprise orientée marché.

Van Raaij (2001) montre, quant à lui, que pour implanter une culture d‟orientation marché, le manager doit impérativement respecter trois phases :

1. mise en place du « market intelligence » qui est la recherche d‟informations sur le marché avec pour objectif de faciliter la prise de décision des managers (opportunités

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