Cancer de prostate résistant à la castration : un premier pas vers un traitement personnalisé ?
Castration-resistant prostate cancer:
A fi rst step toward personalized therapy?
F.-X.Nouhaud
Serviced'urologie,CHUdeRouen,1,ruedeGermont,76000Rouen,France
AR-V7 etrésistance àl'enzalutamide et
àl'abiratéronedanslecancerde prostate
& AntonarakisE,LuC,WangH,
LuberB,NakazawaM,etal.
AR-V7andresistanceto enzalutamideandabirateronein prostatecancer.NEnglJMed 2014;371:1028–38
Contexte
Actuellementencancérologie, l'identifi- cationdebiomarqueursestuneimpor- tante voie de recherche afin de permettre une utilisation optimale des molécules àdisposition etainsi tendre vers le paradigmed'un traitementper- sonnaliséducancer.Lecancerdepro- state n'échappe pas à cette règle et l'article d'Antonorakis et al. s'inscrit directementdanscecadre[1].
Cette étude s'intéressait aux variants d'épissagedesrécepteursauxandrogè- nes(RA)quireprésententl'unedescau- ses potentielles de résistance aux traitements ciblant ces RA. En effet, ces variants d'épissage aboutissent àuneprotéine(récepteurauxandrogè- nes) tronquée ne possédant pas de domainedeliaisonauligand,constituti- vementactivéeindépendammentdece dernier.CespropriétésdesRAissusde variantsd'épissageexpliquentlesrésis- tances aux traitements, l'enzalutamide agissant sur le domaine de liaison du ligand et l'abiratérone inhibant les RA par déplétion du ligand. Plusieurs variant d'épissage ont été décrits, le
variant7(AR-V7)étantleplusfréquent.
Lesauteursontémisl'hypothèsequela détection dans les cellules tumorales circulantes (CTC) du AR-V7 pourrait être corrélée à la résistanceau traite- ment par abiratérone et enzalutamide chezlespatientstraitéspourunCPRC métastatique.
Objectif
Évaluer la corrélation entre le statut (positif ounégatif) duAR-V7 desCTC etlaréponseoularésistanceauxtrai- tements ciblant les récepteurs aux androgènes chez les patients traités pourunCPRCmétastatique.
Méthodes
Il s'agissait d'une étude prospective incluant des hommes suivis pour un CPRCmétastatique traitésparenzalu- tamideouacétated'abiratéroneenpré- ou post-chimiothérapie. Le suivi était basésurledosageduPSAetuneéva- luationscannographique.Letraitement était maintenu jusqu'à progression cli- nique/biologique ou arrêt pourtoxicité.
Lesinvestigateurscliniquesneconnais- saientpaslestatutAR-V7despatients etàl'inverselesbiologistesdéterminant lestatutAR-V7neconnaissaientpasles donnéescliniquesdespatients.
LesCTCétaientdétectéessursangvei- neux périphérique prélevé à trois momentsdistinctspourchaquepatient: avantl'initiationdutraitement,encasde réponse clinique ou biologique, et en cas de progression clinique et biolo- gique. Lestatut AR-V7était déterminé parRT-PCRquantitative(RT-qPCR).
Lecritèredejugementprincipalétaitla réponsebiologiqueautraitementrepré- sentée parle taux depatientsprésen- tantunediminution50%duPSA.Les
critères secondaires étaient la survie sans progression du PSA (critères du Prostate Cancer WorkingGroup 2), la survie sans progression clinique ou radiologique (PCWG2/RECIST), et la survieglobale.
Le calculd'effectifa déterminé que30 patients étaient nécessaires dans chaque groupe de traitement afin de mettre en évidence une différence de 50%pourle tauxderéponseduPSA entrelesdeuxgroupesdestatutAR-V7 avecuntestbilatéralàrisqueade0,1et unepuissanceà85%.Lesdonnéesont été analysées séparément pour le groupe enzalutamideetlegroupeacé- tate d'abiratérone. Les survies ont été étudiées selon la méthode deKaplan- MeyeretcomparéesparletestduLog- Rank. Une étude multivariée selon le modèle de Cox a été réalisée afin de déterminer si le statut AR-V7 était un facteur indépendant pour la réponse au traitement en prenant notamment encompteletauxd'expressionduRA.
Résultats
Trenteetunpatientsontétéinclusdans chaquegroupedetraitement,pourles- quelsladétectiondeCTCaétépositive.
À noter que 9 patientsont été préala- blement exclus de l'étude du fait de l'absence de CTC détectées, soit un taux de détection de 87%. Le suivi médianétaitde5,4mois[1,4–9,9]pour le groupeenzalutamide etde4,6mois [0,9–8,2] pour le groupe abiratérone.
AR-V7 était positif pour 12 patients (39%)danslegroupeenzalutamideet 6(19%)danslegroupeabiratéronelors dudosageavantinitiationdutraitement.
Le taux global de réponse biologique était de 32% pourles patients traités Adressee-mail:fx_nouhaud@hotmail.fr
ProgrèsenUrologie–FMC2014;24:F121–F122
Veille bibliographique
http://dx.doi.org/10.1016/j.fpurol.2014.10.002
©2014ElsevierMassonSAS.Tousdroitsréservés.
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par enzalutamide avec 0% pour les patients AR-V7 positifs contre 53% pour les patients négatifs (p=0,004).
Dans le groupe recevant de l'abiraté- rone,letauxderéponsebiologiqueétait de55%,dont0%pourlespatientsAR- V7 positifs et 68% pour ceux AR-V7 négatifs(p=0,004).
Concernant les critères de jugement secondaires,dans le groupe enzaluta- midelespatientsavecunstatutAR-V7 positifavaientunesurviesansprogres- sionduPSA inférieure(médiane à1,4 moisvs.6mois,p<0,001),unesurvie sans progression clinique ou radiolo- giqueinférieure (médiane 2,1mois vs.
6,1mois,p<0,001)etune survieglo- bale inférieure (médiane 5,5mois vs.
non atteinte, p=0,002). De la même façon les patients traités par acétate d'abiratérone ayant un statut AR-V7 positifàl'initiationdutraitementavaient une survie sans progression du PSA inférieure (médiane 1,3mois vs. non atteinte, p<0,001), une survie sans progression clinique ou radiologique inférieure (médiane 2,3mois vs. non atteinte,p<0,001)etunesurvieglobale inférieure (médiane 10,6mois vs. non atteinte, p=0,006). La valeur pronos- tiquepéjorativepourlaréponseautrai- tement du statut AR-V7 positif était maintenue indépendamment du taux d'expression du récepteur aux androgènes.
Enfin,parmilespatientsayantunstatut AR-V7négatifàl'initiationdutraitement, 42onteuaumoinsunenouvelleévalua- tionaucoursdutraitement.Sixpatients
(14%)ontvuleurstatutdevenirpositif.
Ces patients ayant présenté une conversion de leur statut ont eu une évolution clinique moinsfavorableque lespatientsétantdemeurésnégatifs.
Commentaires
Cetarticle présentedesrésultatsintér- essantsetprometteurspourletraitement duCPRCmétastatique.Baséesurl'iden- tificationdesvariantsd'épissagedesRA commepotentiellesourcederésistance auxtraitementsciblantcesRA,cetravail proposaitd'étudierunpotentielbiomar- queurderésistance autraitement.Les résultatssemblentenfaveurdel'hypo- thèseémiseparlesauteurs.
Cependant, l'effectif relativement modestedecetteétudedoitinciteràla prudencequantàl'interprétationdeces données.Eneffet,unesériedevalidation sur une cohorte plus importante de patients non sélectionnés apparaît nécessairespourconfirmercesrésultats.
Néanmoins, à cejouraucun marqueur prédictifdelaréponseautraitementanti- RAn'est disponible, cesdonnées sont doncprometteuses dansle sens oùsi elles venaient à être confirmées, elles pourraientaboutiràunepotentielleutili- sationdustatutAR-V7commebiomar- queur afin de réserver les traitements anti-RA aux patients AR-V7 négatifs.
PourlespatientsAR-V7positifs,l'intérêt seraitd'éviterunelignedetraitementinef- ficace,responsabled'unpotentielretard d'initiation d'une thérapeutique plus adaptée, d'effets secondaires indésira- blesinutiles,etd'uncoûtnonnégligeable.
Cependantcesrésultatssoulèventplu- sieursinterrogations:
concernant la reproductibilité de la méthode employée, notamment la détectiondesCTC chezlespatients concernés. Dans l'étude le taux de patientsprésentantdesCTCdétecta- blesavecAR-V7analysableétaitde 87%.Cetaux serait-illemêmelors d'uneutilisation en routinechezdes patientsnonsélectionnésauseinde laboratoirenonspécialisés? quandutilisercetest?Avant?Après
chimiothérapie? Ou dans les deux cas?
queltraitementproposerauxpatients positifs AR-V7? Ilserait intéressant d'étudierl'impactdustatutAR-V7sur le traitement par chimiothérapie.
Cetteétapeparaîtégalementnéces- saire pour confirmer que le variant AR-V7 positif est bien un marqueur derésistanceauxanti-RA etnonun
«simple» marqueur d'agressivité tumorale, ayant une valeur pronos- tiquepéjorativequelque soitle type detraitement.
Bienquedansl'immédiatnotrepratique actuelle n'en soit pas changée, cette étude ne sera certainement pas sans suite et donc à surveiller de près car les modalités de traitement du CPRC pourraient être modifiées si d'autres travaux venaient à confirmer cesrésultats.
[1] AntonarakisE,LuC,WangH,LuberB, Nakazawa M, et al. N Engl J Med 2014;371:1028–38.
F-XNouhaud
Veille bibliographique
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