E´DITORIAL / EDITORIAL
Coloscopie du futur ou futur de la coloscopie ?
Colonoscopy of the future or the future of colonoscopy?
J.-C. Saurin
Service d’He´patogastroente´rologie, baˆtiment 2C, centre hospitalier Lyon-Sud, F-69310 Pierre-Be´nite, France
L’endoscopie colique a trois objectifs : de´tecter, diagnostiquer et traiter. Le sujet de ce dossier the´matique est la de´tection et le diagnostic par endoscopie colique ou par des me´thodes alternatives, situation dans laquelle la coloscopie est actuellement le gold standard, soit l’examen auquel sont compare´es toutes les autres modalite´s de diagnostic. Les questions que pose l’e´volution des me´thodes de diagnostic sont nombreuses et concernent la structuration de notre spe´cialite´ : quel est l’avenir de la coloscopie diagnostique a` l’e`re de la coloscopie virtuelle, des me´thodes alternatives de vide´oscopie colique ? Quel sera l’impact de ces e´volutions sur la pratique de la « jeune » spe´cialite´ d’he´patogastroente´rologue, quand on sait l’importance du roˆle joue´ par l’endoscopie dans l’apparition de notre spe´cialite´ ?
La coloscopie utilisant un endoscope souple a e´te´ mise au point en 1973 au Japon, en remplacement des examens radiologiques. En 2007, 34 ans plus tard, la qualite´ des images endoscopiques est impressionnante, et la maniabilite´ des endoscopes a largement progresse´. Pourtant, le coloscope de 2007 n’est pas fondamentalement diffe´rent de celui de 1973, dans son principe comme dans son mode de fonctionnement.
En 2007 pourtant, le milieu de l’endoscopie est en train de se re´veiller de cette relative le´thargie avec l’irruption de plusieurs concepts vraiment novateurs dans trois directions :
– l’ajout aux endoscopes classiques de plusieurs modes d’analyse d’image (NBI, FICE, fluorescence) qui e´tendent les possibilite´s d’investigation ;
– le de´veloppement de nouveaux types ou prototypes d’endoscopes, a` usage unique (InvendoÔ), a` gaine protectrice e´vitant la de´sinfection (ColonoSight®de Stryker Endoscopy), utilisant des modes de propulsion e´conomiques pour la paroi colique (NeoGuideÔ, InvendoÔ) ;
– le de´veloppement de nouveaux modes d’analyse du coˆlon avec l’explosion de la coloscopie virtuelle TDM aux E´tat-Unis, l’application a` l’examen du coˆlon d’une nouvelle capsule endoscopique colique (PillCamÔ Colon), enfin l’Aer-O-ScopeÔ (GI View) qui utilise la propulsion par CO2 d’un ballon a`
enveloppe de silicone hydrophile.
La coloscopie classique est de plus en plus performante en termes de de´tection et de diagnostic (apparition de la haute de´finition, chromoscopie par projection ou maintenant e´lectronique, traitement de l’image), comme en termes de the´rapeutique avec l’introduction de nombreux outils augmentant les possibilite´s de re´section ou de dilatation, le dernier en date e´tant la dissection sous-muqueuse qui fait de plus en plus ressembler l’endoscopiste a` un chirurgien. En 2007 donc, la place d’examen the´rapeutique ile´o-colorectal de la coloscopie n’est pas remise en cause en l’absence d’alternative existante meˆme a` l’e´tat de projet. En revanche, son roˆle d’examen diagnostique est un objet de discussion et de re´flexion du fait de son couˆt, de sa lourdeur de re´alisation (anesthe´sie ge´ne´rale), de sa faible acceptabilite´ en population ge´ne´rale [1].
En effet, un des chantiers en cours est l’ide´e d’un de´pistage ge´ne´ralise´ du cancer colorectal qui concerne une population importante (15 millions en France), peu compliante a` des examens complexes et repre´sentant un couˆt tre`s e´leve´ de sante´ publique qui freine le de´veloppement de ce de´pistage : la coloscopie de de´pistage a e´te´ propose´e en Allemagne et s’est re´ve´le´e un e´chec par non-compliance.
Il est difficile et risque´ de spe´culer a` partir des nombreuses possibilite´s actuelles sur ce que sera le futur de l’endoscopie-vide´oscopie-radiologie du coˆlon dans dix ans. On peut cependant faire l’hypothe`se d’une
Correspondance: E-mail : jean-christophe.saurin@chu-lyon.fr Colon Rectum (2007) 1: 149–150
©Springer 2007
DOI 10.1007/s11725-007-0039-7
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se´paration entre des examens diagnostiques simplifie´s et un examen the´rapeutique optimise´ plus lourd. Je proposerais une e´volution des prototypes actuellement en cours d’e´valuation de la fac¸on suivante :
– le de´veloppement a` grande e´chelle d’outils diagnostiques dont la sensibilite´ se rapprocherait de la coloscopie actuelle sans l’atteindre, permettant des examens « faciles » au point d’eˆtre non ope´rateurs- de´pendants, comme la coloscopie virtuelle, l’Aer-O-ScopeÔ, la capsule vide´o-endoscopique. Ces examens ne seront pas force´ment faits par les gastroente´rologues, de meˆme que la coloscopie virtuelle n’est pas re´alise´e par les radiologues, mais par un personnel qualifie´ non me´dical. Ces outils connaıˆtraient un de´veloppement tre`s important du fait du de´pistage en population ge´ne´rale, du de´pistage dans la population a` risque e´leve´ de cancer colorectal (ante´ce´dents familiaux au premier degre´) ;
– la persistance, probablement a` une e´chelle importante aussi du fait de la fre´quence e´leve´e des ade´nomes dans la population ge´ne´rale, d’une endoscopie tre`s spe´cifique par coloscopie, utilisant tous les moyens de de´tection et de traitement modernes, probablement encore longtemps sous anesthe´sie ge´ne´rale.
Cette part de l’endoscopie concernera toutes les endoscopies the´rapeutiques, et la prise en charge diagnostique des groupes a` tre`s haut risque de cancer colorectal (syndromes familiaux de pre´disposition au cancer, maladies inflammatoires de l’intestin) ;
– une cate´gorie interme´diaire d’endoscopes modifie´s pre´sentant des facilite´s de manipulation (endoscope a` usage unique, gaine d’isolement, progression facilite´e). Un des sce´narios possible est que ces endoscopes aient du mal a` s’implanter car trop lourds et couˆteux pour devenir des outils de diagnostic ge´ne´ralise´ non ope´rateurs-de´pendants par ailleurs, et moins performants de plus, que les endoscopes classiques pour la the´rapeutique comme pour le diagnostic des sujets a` tre`s haut risque. Il est probable, en revanche, que les proprie´te´s de ces prototypes (controˆle de la pression sur la paroi colique, gaines jetables) soient transfe´re´es vers les endoscopes classiques pour ame´liorer leurs de´fauts actuels.
Il reste une technologie un peu moins re´cente, mais dont le de´veloppement est logiquement plus lent et difficile : la biopsie optique. Apre`s des essais nombreux de technologies complexes comme la tomographie par cohe´rence optique, la me´thode qui semble aujourd’hui le plus pre`s d’une application pratique est la microscopie confocale endoscopique, base´e soit sur des endoscopes e´quipe´s d’un microscope (Pentax) soit sur l’utilisation de sondes passant par le canal ope´rateur (Monakea, Olympus) [2]. Le potentiel de de´veloppement de ces outils est tre`s e´leve´ bien que limite´ actuellement par le couˆt des dispositifs. L’ide´e, cependant, serait de remplacer ou de diminuer fortement le nombre de biopsies re´elles syste´matiques ou peu oriente´es (d’ou` une re´duction conside´rable du couˆt de prise en charge de pathologies comme l’œsophage de Barrett). S’il est probable que cette me´thodologie sera de de´veloppement long, il pourrait s’agir pour la profession d’une ve´ritable re´volution des pratiques, avec force´ment a` termes l’apprentissage d’une partie de l’anatomie pathologique par les he´patogastroente´rologues.
En conclusion, la technologie des examens du coˆlon semble prendre un virage et un de´veloppement importants que les he´patogastroente´rologues auraient tort de vouloir fuir ou freiner. Cela aboutira peut-eˆtre a` la cre´ation de grandes structures de diagnostic-de´pistage re´alisant des examens un peu moins performants, mais moins couˆteux et plus acceptables par la population que la coloscopie. Il reste a` de´finir la place des gastroente´rologues : superviseurs, organisateurs, ou acteurs ? La coloscopie sous sa version optimise´e the´rapeutique et diagnostique en contexte de tre`s haut risque devrait se maintenir. La crainte des endoscopistes est de voir diminuer le nombre de coloscopies re´elles, mais, par ailleurs, l’apport des nouvelles technologies peut repre´senter un surcroıˆt d’activite´ important, et, de plus, il n’est pas suˆr que le nombre de coloscopies re´elles diminue beaucoup du fait des besoins de traitement endoscopique. Le risque pour l’endoscopie sera peut-eˆtre bien plus le de´veloppement de la chimio-pre´vention, voire de la chimio-the´rapeutique des ade´nomes colorectaux..., mais cela concerne sans doute un futur bien plus lointain !
Re´fe´rences
1. Will screening colonoscopy disappear and transform gastroenterology practice? (2006) Threats to clinical practice and recommendations to reduce their impact: report of a consensus conference conducted by the AGA institute future trends committee. Gastroenterology 131: 1287-312
2. Kiesslich R, Burg J, Vieth M, et al. (2004) Confocal laser endoscopy for diagnosing intraepithelial neoplasia and colorectal cancerin vivo. Gastroenterology 127: 706-13
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