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Article pp.163-169 du Vol.1 n°3 (2011)

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ARTICLE ORIGINAL

Impact de la seniorisation et du rappel des bonnes indications

sur la prescription d ’ examens d ’ hémostase aux urgences pour adultes

Impact of attending prescription and recall of good indications of blood coagulation tests on their prescription in an adult emergency department

P. Bonnet · C. Devilliers · K. Saidi · P. Hausfater · P. Niclot · P. Ray · B. Riou

Reçu le 20 décembre 2010 ; accepté le 26 janvier 2011

© SFMU et Springer-Verlag France 2011

RésuméObjectifs: De nombreux examens complémentaires sont prescrits inutilement aux urgences médicochirurgicales adultes. Nous avons testé l’hypothèse que la seniorisation de la prescription et le rappel des bonnes indications permettent de réduire la prescription des examens d’hémostase.

Méthodes : Dans une étude rétrospective monocentrique

« avant–après », nous avons comparé le nombre d’examens d’hémostase prescrits en 2005, en 2006 et en 2007, avant et après l’instauration en mai 2006 de la seniorisation des demandes de bilans d’hémostase avec une feuille de rappel des bonnes indications de prescription. Le nombre de passages aux urgences a été également colligé.

Résultats : Entre 2005 et 2007, alors que le nombre de passages aux urgences a crû de 5 %, le nombre d’examens d’hémostase prescrits a baissé de 53 %. Le ratio du nombre d’examens d’hémostase sur le nombre de passages est passé de 0,43 à 0,19, le nombre mensuel moyen d’examens est passé de 1 675 ± 186 à 787 ± 101 (p< 0,001). Cette baisse correspond à une économie de 75 000 euros en année pleine.

Conclusion: Les conditions plus strictes de prescription du bilan d’hémostase aux urgences (seniorisation et rappel des bonnes indications) ont permis d’obtenir une diminution de moitié du nombre d’examens demandés, correspondant à une économie substantielle.Pour citer cette revue : Ann.

Fr. Med. Urgence 1 (2011).

Mots clésÉvaluation des pratiques · Bilan d’hémostase (biologie) · Service d’urgences adultes

AbstractObjectives: Many biological measurements are not necessary in adult emergency departments. We tested the hypothesis that seniorization of prescription and recall of good indications could reduce the prescription of blood coa- gulation tests in a medical and surgical adult emergency department (ED).

Methods: We performed a before-after monocentric study.

The number of prescribed blood coagulation tests in 2005, 2006 and 2007 were compared before and after new proce- dures set up in May 2006: control of the prescriptions by the attending physicians and reminder notes of good indications of prescription in the ED. The number of patients admitted into the ED was also collected.

Results: Between 2005 and 2007, while the number of patients consulting the ED grew by 5%, the number of pres- cribed blood coagulation tests decreased by 53%. The ratio of the number of blood coagulation tests to the number of admitted patients decreased from 0.43 to 0.19 and the mean number of tests per month decreased from 1,675 ± 186 to 787 ± 101 (P < 0.001). This decrease corresponded to a saving of 75,000 Euro full year.

Conclusion: Stringent conditions for prescribing blood coa- gulation tests in the adult ED (control by the attending phy- sician and recall of good indications) reduced by half the prescriptions, resulting in a substantial saving.To cite this journal: Ann. Fr. Med. Urgence 1 (2011).

Keywords Practice evaluation · Blood coagulation tests prescription (biology) · Adult ED

P. Bonnet (*) · K. Saidi · P. Hausfater · P. Ray · B. Riou Service d’accueil des urgences,

groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière,

Assistance publique–Hôpitaux de Paris (AP–HP), université Pierre-et-Marie-Curie–Paris-VI,

47–83, boulevard de l’Hôpital, F-75651 Paris cedex 13, France e-mail : pascale@bonnet.com

C. Devilliers

Laboratoire de biologie des urgences, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière (AP–HP),

47–83, boulevard de l’Hôpital, F-75651 Paris cedex 13, France P. Niclot

Service de neurologie, centre hospitalier René-Dubos, 6, avenue de l’Île-de-France, BP 79,

F-95303 Cergy-Pontoise cedex, France

Travail présenté au congrès de la Société française de médecine d’urgence, Paris, 2007 et 2008.

DOI 10.1007/s13341-011-0045-4

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Introduction

Les bilans d’hémostase sont souvent prescrits de façon sys- tématique et non justifiée au service d’accueil des urgences (SAU). Or, ils représentent un bénéfice pour le patient seulement dans des cas précis. Par ailleurs, l’analyse de ces bilans constitue une perte de temps, car l’attente des résultats ralentit le flux. Enfin, les bilans prescrits de manière inutile ont un coût non négligeable.

Dans le but d’améliorer cette prescription, nous avons mis en place une seniorisation de celle-ci associée à un rappel des bonnes pratiques et évalué l’impact économique de ces deux mesures. L’objectif principal de cette étude est la juste pres- cription des examens d’hémostase pour les patients des urgences, tant en nombre de bilans prescrits qu’en contenu de la demande.

Méthodologie

Nous avons effectué une étude rétrospective et prospective monocentrique de type « avant–après », avec l’instauration début mai 2006 de la seniorisation de la prescription des examens d’hémostase avec rappel des bonnes indications de prescription dans un service d’urgences médicochirurgi- cales d’adultes. Deux périodes ont été étudiées : période

« avant » (de janvier 2005 à avril 2006) et période « après » (mai 2006 à décembre 2007). Cette feuille de prescription est reproduite sur la Figure 1. Le médecin senior prescripteur devait cocher l’indication ayant motivé la prescription.

Le nombre des patients consultant aux urgences en 2005, en 2006 et en 2007 a été colligé. Les patients consultant pour des urgences dentaires ont été exclus, car il s’agit d’une acti- vité spécifique à notre centre, et aucun examen biologique n’est demandé pour ces patients. Le nombre d’examens d’hémostase prescrits pendant cette période a été recueilli auprès du laboratoire de biologie des urgences qui devait également vérifier systématiquement, lors de la réception des prélèvements, la conformité du suivi de la procédure.

En l’absence de seniorisation, l’examen n’était réalisé qu’après contact téléphonique entre le laboratoire et le SAU, afin de confirmer l’indication. Les principaux examens pou- vant être prescrits étaient les suivants : TQ (temps de Quick ou son expression en INR [International Normalized Ratio]), TCA (temps de céphaline + activateur), fibrinogène, mesure de l’activité anti-Xa (improprement appelée « héparinémie »), facteur II, facteur V, facteur X, D-dimères (Elisa). Enfin, mensuellement, le laboratoire de biologie des urgences a édité un suivi du nombre d’examens faits aux urgences, en particulier les plus fréquents TQ, TCA, fibrinogène et D-dimères.

Le coût des examens a été calculé en se référant à la cotation donnée par la nomenclature des actes de biologie

médicale, référence nationale officielle, qui évalue la cota- tion en tenant compte du coût des réactifs couramment employés, du coût du matériel et du temps techniciens/

biologistes [1] et, pour les D-dimères, en tenant compte du surcoût réactif de la méthode Elisa. Le coût du temps infir- mier et du matériel de prélèvement n’a pas été pris en compte dans le calcul. L’estimation du coût n’a pu être effectuée que pour une année civile pleine (2007 vs 2005).

Analyse statistique

Les données sont exprimées en moyenne ± écart-type (ET) ou nombre (pourcentage). Le nombre mensuel moyen d’exa- mens d’hémostase a été comparé entre les deux périodes par un test tde Student. Les comparaisons statistiques ont été effectuées en situation bilatérale et une valeur depinférieur à 0,05 a été considérée comme significative (logiciel NCSS 2001, Statistical Solutions Ltd, Cork, Ireland).

Résultats

Une augmentation du nombre de passages aux urgences a été constatée entre 2005 et 2007 (50 499 en 2007 vs 47 951 pas- sages en 2005, soit +5 %). En 2005, TQ, TCA, fibrinogène et D-dimères ont constitué 97 % de la totalité des examens d’hémostase prescrits aux urgences. Malgré l’augmentation du nombre de passages, nous avons observé une diminution significative de la prescription des examens d’hémostase dès 2006, qui s’est confirmée en 2007 (Fig. 2). Le nombre mensuel moyen d’examens a diminué de 53 % entre les deux périodes de l’étude (Tableau 1), le ratio entre le nombre d’examens d’hémostase et le nombre de passages est passé de 0,43 en 2005 à 0,19 en 2007. Cette réduction a été observée pour tous les examens : TQ, TCA, fibrinogène, et D-dimères (Tableau 1). Cette diminution de 53 % des prescriptions correspond à environ 75 000 euros d’économies en année pleine, uniquement en termes d’actes de biologie.

Discussion

La maîtrise de la prescription du bilan d’hémostase dans les SAU pourrait participer à une meilleure gestion du flux et être une source d’économies substantielles. Or, elle fait l’objet de peu de recommandations ou d’études dans la littérature.

Quels sont les référentiels existants ?

Différents organismes—comité de la juste prescription en biologie (CJPB [2]), l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé (ANAES [3]) puis la Haute Autorité

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Prescription seniorisée du bilan d’hémostase

Laboratoire de Biologie des Urgences - GHPS

(joindre obligatoirement en plus la feuille de prescription Urqual)

Senior prescripteur : Signature :

TQ ou INR (pas TCA): traitement AVK

TQ, TCA, fibrinogène, entourer l’indication suivante : 1.insuffisance hépato-cellulaire,

2.état de choc 3.suspicion de CIVD

(Si et seulement si des éléments biologiques sont en faveur d’une CIVD, demander en deuxième intention : PDF, facteur V et Complexes Solubles)

TQ et TCA, entourer l’indication suivante :

1. saignement anormal

2. bloc opératoire

(pas de bilan pré-opératoire systématique)

3. avant prescription d’un traitement anticoagulant

« héparinémie », entourer l’indication suivante : 1. héparine fractionnée (HBPM) :

• si insuffisance rénale, poids extrême (obésité / cachexie), hémorragie inexpliquée

• l’activité anti-Xa se dose dans ces cas à la 4è heure après la 3è injection 2. héparine non fractionnée (standard): contrôle à H4 du début du traitement.

D-Dimères: sivraie suspicion d’EP ou de thrombophlébite cérébrale.

Aucun bilan d’hémostase ne sera réalisé en dehors de ces indications.

Etiquette GILDA

patient

Fig. 1 Feuille de seniorisation du bilan dhémostase mise en place au service daccueil des urgences du groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière

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de santé (HAS [4]) — , le National Institute for Clinical Excellence (NICE [5]), le groupe d’étude sur l’hémostase et la thrombose (GEHT [6]) ont édicté des règles de prescription des examens d’hémostase dans les situations cliniques suivantes : bilan préopératoire, exploration d’un syndrome hémorragique, évaluation de la fonction hépa- tique, recherche d’anomalies favorisant la thrombose, pres- cription des D-dimères, surveillance d’un traitement anticoagulant, recherche d’une thrombopénie induite par l’héparine (TIH). Toutes ces situations recouvrent plus de 95 % des prescriptions.

Dans le cadre du bilan préopératoire, chez l’adulte, de très nombreux patients opérés n’ont en effet pas besoin d’exa-

mens préopératoires mais uniquement d’une consultation d’anesthésie s’enquérant des antécédents, des médicaments pris, évaluant ainsi le risque hémorragique [7].

L’exploration d’un syndrome hémorragique fait distin- guer deux situations :

antécédents de syndrome hémorragique ou premier épisode hémorragique aigu dans un contexte médical (dans ce cas, le bilan préconisé en première intention est : hémogramme avec numération plaquettaire, TQ, TCA, fibrinogène et recherche de maladie de Willebrand) ;

saignement dans un contexte chirurgical ou obstétrical (le bilan comprend : hémogramme avec numération plaquettaire, TQ, TCA, fibrinogène et dosage des facteurs II, V, VII et X [2,6]).

Dans le cadre de l’évaluation de la fonction hépatique (recherche d’insuffisance hépatocellulaire), les examens d’hémostase recommandés en première intention sont : hémogramme, plaquettes, TQ, TCA et fibrinogène [2] à compléter dans un deuxième temps si nécessaire par le dosage des facteurs du « complexe prothrombinique » (facteurs II, V, VII, X).

La maladie thromboembolique, situation rencontrée fré- quemment aux urgences, a fait l’objet de nombreuses publi- cations [8–10]. Actuellement, la stratégie diagnostique repose sur l’estimation de la probabilité clinique d’embolie pulmonaire (EP) [scores de prédiction clinique : score de Wells [11], de Genève [12], de Le Gal (score de Genève révisé) [13]]. Schématiquement, la prévalence de l’EP est de 60 à 70 % chez les patients avec une forte probabilité clinique, alors qu’elle est inférieure à 15 % chez les patients avec une faible probabilité. La prescription du dosage des D-dimères (technique Elisa) est alors fonction de la stratifi- cation du risque du patient (probabilité clinique faible, moyenne ou forte). Il est recommandé de les doser dans les probabilités cliniques « non fortes ». Dans cette catégorie de patients, la sensibilité de leur dosage est suffisamment élevée (plus de 95 %) pour que leur négativité permette d’exclure le Fig. 2 Évolution du nombre de prescriptions mensuelles dexamens

dhémostase au service daccueil des urgences de 2005 à 2007. Une réduction importante et significative (p< 0,001) est obtenue entre les périodes de prescription libre et de prescription seniorisée

Tableau 1 Évolution des prescriptions de bilan dhémostase mois par mois entre les deux périodes de létude (avant : janvier 2005 à avril 2006, 16 mois ; après : mai 2006 à décembre 2007, 20 mois)

Avant (n= 16) Après (n= 20) p Pourcentage

de réduction

Examens dhémostase 1 675 ± 187 787 ± 101 < 0,001 53

TQ/INR 734 ± 69 355 ± 45 < 0,001 52

TCA 711 ± 72 291 ± 47 < 0,001 59

Fibrinogène 63 ± 40 37 ± 12 < 0,01 41

D-dimères 119 ± 26 77 ± 14 < 0,001 35

Autres examens 48 ± 22 26 ± 8 < 0,001 46

TQ/INR : temps de Quick/International Normalized Ratio ; TCA : temps de céphaline + activateur.

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diagnostic de thrombose veineuse profonde ou d’EP [12-20].

Si la probabilité clinique d’EP est forte, leur dosage est inu- tile, il est préférable de recourir d’emblée à un examen d’imagerie afin de confirmer le diagnostic [21]. Chez le patient âgé [22], et dans toutes les situations où une élévation des D-dimères est attendue (cancers en évolution, processus inflammatoires, infections, nécroses ou grossesse) [23,24], certains considèrent que leur utilisation est peu informative et donc peu recommandable. Pour d’autres, les D-dimères permettant d’exclure une EP chez 5 % des patients âgés de 80 ans et plus, leur utilisation est justifiée lorsque la dispo- nibilité des tests diagnostiques est limitée et surtout que le risque d’imagerie par angioscanner thoracique est important (insuffisance rénale avérée ou réelle allergie aux produits de contraste) [16,25,26]. Une nuance peut aussi être apportée chez les patients cancéreux (un patient cancéreux sur dix à des D-dimères négatifs [VPN : 100 %]) et durant la grossesse (les D-dimères sont négatifs chez 39 % des patientes avant la 30esemaine et 25 % avant la 42esemaine), ce qui pourrait permettre une économie et amoindrir le risque iatrogène.

Quelle est la place du dosage des D-dimères dans la suspicion de thrombophlébite cérébrale (TVC) ? Les étiolo- gies potentielles de céphalée aiguë sont multiples (TVC, tumeur cérébrale, accident vasculaire cérébral…). La symp- tomatologie des TVC est souvent diverse et peu spécifique.

L’utilité du dosage des D-dimères dans leur diagnostic est controversée. Pour certains, si le résultat du dosage (méthode Elisa) est négatif, l’hypothèse diagnostique de TVC peut être infirmée [27,28]. Toutefois, il a été montré que dans les TVC vues tardivement et d’extension limitée, un taux négatif n’élimine pas le diagnostic [29].

La surveillance d’un traitement anticoagulant a fait l’objet de nombreuses recommandations [2,6]. En effet, il est utile de s’assurer, avant la mise en route du traitement, de l’absence d’une anomalie préexistante de l’hémostase (TQ/INR, TCA, numération des plaquettes). La surveillance du traitement est également très codifiée [2,6].

La thrombopénie immunoallergique à l’héparine (TIH), situation assez rare aux urgences, est évoquée devant une perte de plus de 40 % des plaquettes circulantes ou devant une première numération plaquettaire inférieure à 100 Giga/L observée entre 4 et 21 jours de traitement (en l’absence de traitement héparinique dans les trois mois pré- cédents) [2]. Ce diagnostic est difficile [30] et peut être étayé par le dosage des anticorps anti-F4P dès que possible.

Le CJPB de l’hôpital Louis-Mourier à Colombes relate sur la base d’une étude non publiée, en médecine interne, que sur dix examens de biologie courante sélectionnés, la seule perspective d’avoir à justifier de manière argumentée la prescription d’un examen courant conduit à réduire sa prescription d’environ un tiers [31]. Les mêmes constata- tions ont été effectuées lors d’une étude des prescriptions d’examens biologiques avec ou sans supervision par un

senior dans un service d’urgence à Marseille [32]. Il a été montré que les prescriptions validées par un senior étaient meilleures en termes de démarche diagnostique (demande d’examens : biologie, radiologie) et conduites thérapeu- tiques, et ce, d’autant que l’interne de garde n’était pas formé aux urgences [33].

Dans notre étude, la seniorisation de la prescription du bilan d’hémostase, la formation (rappel des règles de juste prescription) et la mise en place des indicateurs de suivi mensuel de prescription aux urgences des examens par le laboratoire de biologie des urgences ont probablement contribué à pérenniser ces résultats. En cas de dérapage, des mesures correctrices ont été engagées (formation des internes, rappels de juste prescription aux seniors prescrip- teurs, étude de dossiers…).

Par ailleurs, une mauvaise indication de prescription peut être préjudiciable pour le patient. En effet, l’attente d’un bilan d’hémostase peut avoir des conséquences délétères.

Par exemple, elle peut être source d’un retard injustifiable à l’instauration du traitement d’une méningite : ponction lombaire différée chez un patient présentant un syndrome méningé fébrile, car le médecin attend les résultats d’un bilan d’hémostase non justifié… Or, cette situation est fréquemment rencontrée en médecine d’urgence.

La prescription d’un examen complémentaire à mauvais escient peut avoir deux autres conséquences. En termes de temps, tout d’abord, l’attente des résultats ralentit le « flux » (les patients attendent aux urgences les résultats d’un exa- men inutile). Le laboratoire perd aussi du temps à effectuer l’analyse inutile. Toutefois, dans notre étude, nous n’avons pas évalué les conséquences sur la gestion du flux. En effet, le caractère multifactoriel de celle-ci aurait nécessité de met- tre en place une étude randomisée complexe pour pouvoir en tirer des conclusions valides. Enfin, en terme médicoécono- mique, le laboratoire consomme des réactifs, les techniciens travaillent, le tout inutilement. L’évaluation de l’économie réalisée ne concerne, dans notre étude, que la réalisation des actes d’hémostase au laboratoire. En effet, d’autres coûts indirects n’ont pas été inclus dans l’évaluation : temps infirmier, coût des aiguilles et des tubes nécessaires pour le prélèvement. Au final, la somme de 75 000 euros économisée par an—forcément sous-évaluée compte tenu du mode de calcul — peut être éventuellement réinvestie dans le cadre d’une maîtrise des dépenses en examens de biologie (« contrat de coopération service des urgences– laboratoire de biologie des urgences »). Cela nous a permis de mettre en place le dosage de nouveaux marqueurs bio- logiques en routine (procalcitonine, NT-proBNP) [34–37].

Certaines limitations de notre étude méritent d’être discu- tées. Notre étude étant monocentrique et non randomisée, le lien de causalité ne peut être affirmé avec certitude. Toute- fois, l’importance considérable de la réduction de prescrip- tion (–53 %), alors même que l’activité augmentait (+5 %),

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est un argument de poids en faveur d’un lien de causalité.

Enfin, nous n’avons démontré ni l’absence d’innocuité de notre démarche (bien que celle-ci soit généralement admise par toutes les recommandations et que la prescription d’exa- mens inutiles est généralement considérée comme au mini- mum inutile et parfois délétère) ni son effet sur l’efficience de prise en charge du flux (bien que celle-ci soit également probable).

Conclusion

La seniorisation et le rappel des indications de juste prescrip- tion des examens d’hémostase, instaurés en mai 2006 dans notre service, ont permis une réduction de 53 % des pres- criptions. Cette juste prescription a été source de plus de 75 000 euros d’économie en année pleine. Il serait intéres- sant de constituer un groupe de travail regroupant les urgen- tistes de différents centres afin d’apprécier l’applicabilité de la seniorisation et de la plus juste prescription des examens d’hémostase aux urgences. La maîtrise des dépenses de santé est un des enjeux majeurs de la médecine de demain.

L’implication des médecins à « bien prescrire » reste la vraie marge de manœuvre.

Remerciements : Nous remercions le Dr M. Gouault- Heilmann (service d’hématologie biologique, groupe hospitalier Henri-Mondor, Créteil), coordinatrice du groupe d’experts en hémostase pour le comité de la juste prescription en biologie (CJPB) d’avoir accepté de relire ce manuscrit.

Conflit d’intérêt : les auteurs ne déclarent aucun conflit d’intérêt.

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