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Genève-Yaoundé : 200 allers-retours. Le stage de sixième année en médecine et santé tropicales

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Genève-Yaoundé : 200 allers-retours. Le stage de sixième année en médecine et santé tropicales

HURST, Samia, et al.

HURST, Samia, et al . Genève-Yaoundé : 200 allers-retours. Le stage de sixième année en médecine et santé tropicales. Revue médicale suisse , 2006, vol. 2, p. S11-S13

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:84905

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Le stage de sixième année en médecine et santé tropicales

Genève-Yaoundé : 200 allers-retours

QUATRE TÉMOIGNAGES

P

artir en stage dans le cadre de l’échange Genève-Yaoundé a ses conditions : il faut suivre le cours de médecine et santé tropicales, et réus- sir l’examen. On part gonflés à bloc, puis les chocs commencent. De vrais chocs.

Ce stage est parmi les plus difficiles, et les plus enrichissants. Il se déroule sur deux mois, dont un à l’Hôpital central de Yaoundé, soit en gynécologie, soit en pé- diatrie, et un en dispensaire de brousse, dans la Grande Mefou au nord de Yaoun- dé. C’est l’occasion d’aller en Afrique explicitement pour apprendre. En écar- tant d’emblée l’illusion qu’on va arriver avec toutes les réponses, cela rappelle qu’un développement durable ne peut se faire qu’en collaboration étroite avec la population locale.

Cet article est un aperçu de quatre in- terviews. En racontant ce stage on est ba- vard : ces éclairages ont été raccourcis sans état d’âme.

Claude Schwarz, interne en médecine interne à La Chaux- de-Fonds, stagiaire en 2005

Ma première impression : un pays très pauvre mais très enrichissant et surpre- nant. A l’Hôpital central, les moyens sont primaires et pas forcément exploités de manière optimale. En gynécologie, le com- portement de certains médecins avec les patients est très paternaliste, et manque parfois cruellement d’humanité. Au dis- pensaire, par contre, nous avons été frap- pés par l’engagement de l’infirmier. Aidé par des guidelines de prise en charge in-

tégrés, il consulte comme un médecin les villageois, pratique des accouchements, fait des campagnes de prévention.

Ce stage nous a vraiment apporté un regard différent sur les pays en voie de développement. On croit souvent que les

«pauvres» du tiers monde nous attendent à bras ouverts et nous remercient du ma- tériel dont on croit qu’ils ont tant besoin.

La réalité est qu’ils ont déjà beaucoup, mais pas forcément ce qu’il faudrait. Il s’agit d’un peuple différent, qui n’a pas le même regard sur la vie, pas les mêmes ambitions, pas la même culture ou tradi- tion que nous. Il existe des besoins, bien sûr, mais ce n’est pas ceux qu’on pense.

C’est inutile de juste envoyer du maté- riel, il faut réfléchir aux conditions de son utilisation. Un piège ? Eviter de vouloir à tout prix imposer nos idées, ce que l’on fait même inconsciemment. J’ai compris que la médecine inculquée à Genève n’est pas une médecine unique. J’ai été frap- pé de voir le peu d’humanité dont font preuve certains médecins, et le sentiment de fatalité omniprésent qui finit par nous envahir nous-mêmes. Le plus difficile a été de se faire traiter comme un blanc riche à longueur de temps.

A travers ce stage, ma vision de la mé-

C. Schwarz J. Hausser F. Njuieyon S. Hurst

Dr Samia Hurst

Institut d’éthique biomédicale CMU, 1211 Genève 4

samia.hurst@medecine.unige.ch Dr Joëlle Hausser

Service de médecine interne HUG, 1211 Genève 14 Dr Claude Schwarz

Hôpital de La Chaux-de-Fonds 2300 La Chaux-de-Fonds Dr Falucar Njuieyon

Faculté de médecine et des sciences biomédicales

Yaoundé, Cameroun Rev Med Suisse 2006 ; 2 : S11-S13

The Yaounde internship in tropical medicine is among the most difficult, but also most rewarding learning experiences at the Ge- neva Medical School. Since its inception, 200 senior medical students have left with partly naïve enthusiasm, and returned with changed views of their world, and of their professio- nal responsibilities.This is not a painless pro- cess : some of this knowledge grows in ter- ribly difficult situations. This article tells the stories of three Swiss physicians, who were interns over the last 10 years, and one Ca- meroonian physician who saw them arrive.

Students quickly learn how inaccurate their expectations regarding Africa can be. The internship teaches students technical skills, but it also tests their views on what it means to act responsibly as a physician.Though some

colleagues at the Yaoundé hospitals are coun- ter-examples, many are durably impressive role models. Finally, this internship builds relationships, with former interns from Swit- zerland and with Cameroonian colleagues.

Naissance au dispensaire

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decine a vraiment changé, et j’ai trouvé mon orientation : l’ophtalmologie. Je vou- lais partir pour MSF pour des missions humanitaires, mais je me dirigerai plutôt vers des actions ponctuelles, comme des campagnes chirurgicales pour quelques semaines dans un endroit.

Si c’était à refaire ? Je le referais, mais différemment. Je ne retournerais pas en gynécologie à l’Hôpital central car c’était vraiment très dur de voir les médecins traiter pareillement les patients. Par con- tre, je retournerais volontiers au dispen- saire, ou à Mfou, pour développer des projets.

Joëlle Hausser, cheffe de clinique en médecine interne à Genève, stagiaire en 1998

C’est un pays où l’on sent l’importance d’appartenir à telle ou telle communauté.

On est solidaire, mais c’est difficile d’amé- liorer son existence sans les appuis né- cessaires. A l’Hôpital central, une femme sans argent accouchera sur le trottoir.

Les médecins sont formés à la médecine de pointe, mais sans les moyens de l’ap- pliquer. Il manque l’étape des conditions sanitaires de base. C’est l’inverse au dis- pensaire où, vu le peu de moyens, on mise sur la prévention. On arrivait à y soigner même ceux qui n’avaient pas de moyens, en faisant participer la famille, voire le patient guéri, au développement du dispensaire. Ce système tient compte des besoins et souhaits de la population, et non des besoins décidés par l’aide internationale. J’ai appris à procéder par paliers : reconnaître des maladies rares est inutile sans une bonne alimentation, de l’eau potable, de bonnes conditions d’hygiène.

Nous avons des a priori par rapport aux gens de là-bas, et vice versa. Malgré la préparation, le choc culturel est énor- me. C’est dur de devoir faire une croix sur ses valeurs pour respecter les valeurs locales. Une situation : une jeune fille est arrivée en état de choc suite à un avor- tement. Pour la sauver, il fallait l’emmener en ville pour une transfusion. La famille a dit ne pas avoir l’argent. Mais quand elle est morte, ils ont payé pour transporter le corps, ce qui coûte beaucoup plus cher.

Ils ne croyaient pas que la transfusion puisse la sauver, et les funérailles sont très importantes.

Ce stage m’a enlevé des illusions sur

l’aide au développement. Je pensais m’en- gager dans l’aide humanitaire urgente, mais j’ai réalisé que c’était plus pour mon ego, que les besoins fondamentaux étaient ailleurs, dans le développement durable.

Si c’était à refaire ? Je le referais. C’est une chance d’avoir un premier contact avec le système de santé d’un pays en développement pendant ses études. Cela permet de «remettre l’église au milieu du village», ça ouvre l’esprit, et ça peut orien- ter la suite de sa carrière.

Samia Hurst, bioéthicienne et cheffe de clinique en médecine interne à Genève, stagiaire en 1996

En arrivant, on est frappé par l’aspect bricolé de certains quartiers. Même chose dans le système de santé : un vrai patch- work. Les hôpitaux pour les riches sont au niveau des pays occidentaux, et les inégalités sont criantes. Arriver à l’Hôpital central est désorientant. A l’entrée, d’im- menses panneaux clament «tous ensem- ble contre la corruption». A l’intérieur, on meurt par manque d’une dizaine de francs.

Certains médecins étaient incroyablement généreux, mais d’autres violents avec les patients. C’était profondément choquant.

A Mfou, c’était très différent. Le médecin chef était compétent, et soucieux de ses patients. Les jours opératoires, on prenait sur nous pour «allonger» le matériel : les blouses manquaient, alors on ne touchait rien entre les interventions pour ne changer que les gants. On ne pouvait ni manger ni boire. On se lyophilisait, mais le program- me était fait.

Dans ces contrastes, on comprend à quel point on est dépositaire des valeurs de sa profession. On apprend la distance qu’il y a dans un pays entre les privilé- giés, comme certains de nos camarades de stage camerounais, et leurs compa- triotes pauvres. Ils étaient parfois aussi choqués que nous, et nous avons vu notre propre pays d’un autre œil. Sur place nous étions mal préparés pour les difficultés humaines et morales que nous avons ren- contrées. La banalité de la mort de per- sonnes de notre âge. La possibilité de sauver quelques vies avec des sommes dérisoires, sans avoir pour autant les moyens de les sauver toutes. L’avorte- ment illégal : la moitié de mes patientes souffraient de complications, toutes évi-

tables si le geste avait été professionnel.

Si je le referais ? Bien sûr que oui ! Mê- me s’il y a eu des choses très dures, je ne serais pas la même si je n’avais pas fait ce stage.

Falucar Njuieyon, interne en pédiatrie à Genève, résident en pédiatrie à l’Hôpital central de Yaoundé depuis 2002

Ce stage a permis aux étudiants suisses de découvrir une pratique de la médecine beaucoup plus clinique et peu instrumentalisée. Ces stagiaires veulent apprendre. Ils ont besoin d’être guidés car ils ne connaissent pas l’épidémiolo- gie locale, mais ils sont motivés ; on les laisse rapidement poser des gestes. Ils ont pu réaliser une ponction lombaire, un drainage d’abcès, se «faire la main» dans un environnement où le médico-légal est quasi absent. Ils ont aussi pu vivre une autre gestion de la santé, où le patient doit payer tous les soins de sa poche, ce qui conditionne toute la pratique médi- cale et même la demande de consulta- tion.

Au plan social, ils ont compris que la vie reste possible avec des moyens très limités ; ils ont vécu la chaleur, la solida- rité et l’hospitalité des populations qu’ils ont rencontrées, particulièrement celle des étudiants en médecine et des rési- dents. Là où les étudiants suisses sont passés, ils ont laissé une très bonne im- pression. A mon humble avis cette co- opération est mutuellement bénéfique et gagnerait à être encore améliorée. Con- fidence : au Consulat suisse à Yaoundé, Madame le Consul est sortie personnel- lement nous accueillir et a tenu à nous dire qu’elle avait un feedback très positif des médecins camerounais qui avaient eu un stage en Suisse. Les étudiants suis- ses qui ont été au Cameroun ont gardé une très bonne impression, et des amis.

Au-delà de ce stage académique, beau- coup de complicités se sont tissées.

Quelques propos recueillis au retour : ce qui nous marque

Tout d’abord : ce n’est pas comme on pense. En partant de Genève on a en tête une image du Cameroun, de l’Afrique, de ce que c’est que d’y vivre, d’y être mala- de, d’y pratiquer la médecine. Partir sur place, c’est se détromper. Sur les besoins, qui ne sont pas seulement matériels. Sur

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les capacités humaines, que l’on sous- estime souvent. Les étudiants camerou- nais «nous ont scotchés par leurs con- naissances théoriques, et leur expérience clinique dépassait de loin la nôtre au même stade de formation». Ceux qui viennent de Yaoundé à Genève racontent la même chose : ce n’est pas comme on pense.

De part et d’autre, on prend de la distance par rapport à son propre système.

Durant ce stage on apprend à faire des accouchements, mais aussi : «à gérer seul les consultations d’un dispensaire», «à se responsabiliser», «à prendre des déci- sions», «à évaluer mes limites les yeux ouverts». On apprend parfois par contre- exemple: «Le médecin est considéré com- me omnipotent, ne donne aucune explica- tion et ne montre pas toujours de respect pour ses patients». En pédiatrie, c’est mieux, tous le disent. Mais tous s’accor- dent sur les contre-exemples de la ma- ternité.

Outre la difficulté humaine, ce stage se déroule dans un lieu nettement moins sûr que la Suisse. «Nous avons été prudents, mais ce risque était réel et quelques an- nées après, les stagiaires ont effective- ment été agressés par des «coupeurs de route». Heureusement, personne n’est mort. Et c’est la seule fois en vingt ans.

Je suis retournée à Yaoundé depuis. Le risque existait avant, il existe encore».

Prendre ou non ce risque est un choix

personnel. Mais lorsqu’on vit en Suisse, il est difficile de partir pour un endroit plus sûr.

Certains stagiaires sont téméraires :

«J’ai eu la chance de pouvoir participer à la course de l’ascension du Mont Came- roun ! Le Pr Atchou nous l’a proposé.

Comme c’était notre premier contact avec la bière locale, trois d’entre nous ont ac- cepté. C’est cinglé : 3000 mètres d’as- cension, et on redescend. Deux d’entre nous sont arrivés au bout… hors délais.

Nous avons découvert notre force de ca- ractère, et surtout celle des athlètes came- rounais. Pour eux, c’est la chance d’être sélectionnés en équipe nationale, d’avoir tout un avenir. Certains rampaient sur le parcours, en sandales, animés seulement par la volonté de terminer la course. Paral- lèlement, des Français parfaitement équi- pés, avec des mois de préparation à un coût pas possible, se sont écroulés au bout de 2 km. Cela aussi, ça remet les idées en place. Cela donne une idée du poten- tiel de développement du pays. En tout cas de ses ressources humaines.»

Il y a des moments très difficiles sur place. Mais après ce sont surtout les points positifs qui restent. Pour un sta- giaire récent, «nous devons payer la nour- riture, le transport, l’eau, les vaccins, le traitement antipaludéen. Pendant ce sta- ge on ne peut pas avoir d’emploi. Plu- sieurs personnes ne sont pas venues à

cause de problèmes financiers : c’est un frein au développement de l’échange.»

Après une dizaine d’années, restent les points positifs : «on arrivait à mettre quel- ques sous de côté pour les «luxes» plus chers… du yaourt pas sucré, du fromage, du poulet-déjà-mort…». Les voyages du week-end, aussi. Le Cameroun est un pays magnifique, riche d’une énorme di- versité culturelle, et où l’on mange très bien. Si vous partez, méfiez-vous de la bière au premier contact, mais méfiez- vous aussi des avocats, des étalages d’Europe à votre retour : vous en aurez perdu le goût…

Finalement, c’est un stage qui crée des liens. On rencontre au Cameroun des personnes que l’on recroise à Genè- ve, à Yaoundé, ou ailleurs. On rencontre infailliblement dans les hôpitaux romands des médecins qui sont partis eux-mê- mes et qui racontent tous une histoire similaire : ce stage a changé leur regard sur le monde, sur eux-mêmes, sur la mé- decine, sur leur propre pays, les a ren- dus plus conscients des enjeux sociaux de notre métier.

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Fiche technique Voir article p. S4

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