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L'entretien de l'enfant du conjoint et le devoir d'assistance entre époux

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L'entretien de l'enfant du conjoint et le devoir d'assistance entre époux

BADDELEY, Margareta, LEUBA, Audrey

BADDELEY, Margareta, LEUBA, Audrey. L'entretien de l'enfant du conjoint et le devoir d'assistance entre époux. In: Piotet, Denis, Tappy, Denis. L'arbre de la méthode et ses fruits civils : recueil de travaux en l'honneur du professeur Suzette Sandoz . Genève : Schulthess, 2006. p. 175-187

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:13169

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MARGARETA BADDELEY

et

AUDREY LEUBA

L'entretien de l'enfant du conjoint et le devoir d'assistance entre époux

1. Introduction

Dans un ATF 129 III 417/JdT 2004 1 115 ss, le Tribunal fédéral a confirmé la décision du Tribunal cantonal argovien qui niait tout droit à l'entretien d'un enfant envers son père juridique parce que la mère avait déclaré qu'il était issu des œuvres de son concu- bin. Comme le père biologique n'était pas le père juridique et ne pouvait le devenir en l'état des choses - aucune action en désaveu n'ayant été intentée -, l'enfant n'avait aucun droit à l'entretien envers ce dernier .. Selon la décision cantonale qui a trouvé grâce aux yeux du Tribunal fédéral, c'est donc à la mère d'assumer intégralement l'en- tretien de l'enfant dans un tel cas.

Le regard aiguisé du professeur Suzette Sandoz1 n'a pas manqué de se porter sur cet arrêt. Dans un commentaire, paru au JdT 2004 l 120, elle met en évidence le fait que cette décision a pour effet de punir l'enfant en raison du comportement fautif de la mère dans le mariage. Dans la droite ligne de la situation mise en lumière par cet arrêt qui, selon les réflexions tout à fait pertinentes du professeur Sandoz, doit engendrer de par la loi un devoir d'entretien du père juridique envers l'enfant issu de l'adultère de la mère2,il nous paraît intéressant de nous interroger plus largement sur le devoir d'as- sistance d'un conjoint dans l'entretien de l'enfant de l'autre. Plusieurs décisions récen- tes du Tribunal fédéral nous montrent en effet la difficulté qu'il peut y avoir à en déter- miner le contenu et en fixer les limites.

Nous envisagerons tant la situation de l'enfant né avant le mariage que pendant le mariage; la question du devoir d'assistance se pose en effet dans les deux cas. Toutefois, pour l'enfant né pendant le mariage, seule l'hypothèse de l'enfant issu de l'adultère du père entre en ligne de compte. En effet, comme déjà dit, l'adultère de la mère engendre à notre avis une obligation légale d'entretien pour le père juridique3Au vu de la diver- sité des situations concrètes et des critères à prendre en considération4, une analyse

Note sur l'arrêt 129 III 417, in JdT2004 1 120.

Tant et aussi longtemps que le lien de filiation n'a pas été rompu.

Il nous semble en tous les cas impensable d'envisager un devoir d'assistance du père juridique dans l'entretien de l'enfant adultérin de son épouse; cela ne semble pas non plus avoir été la position du Tribunal fédéral dans l'ATF 129 111417, qui laisse l'obligation d'entretien entièrement à la charge de la mère.

Le niveau de vie des intéressés, le nombre d'enfants, l'existence d'enfants que le parent a eus avec le beau-parent ou d'enfants que le beau-parent a eus avec un tiers, le ménage commun de l'enfant avec l'un ou l'autre parent, les modalités de la garde, le fait que le beau-parent exerce ou pourrait exercer une activité lucrative ou l'âge des intéressés sont autant de facteurs qui peuvent se conjuguer de manière

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exhaustive, pour peu qU'elle soit possible, dépasserait le cadre de la présente contribu- tion. Nous concentrons donc notre étude sur des questions choisies, après avoir rap- pelé, dans une première partie, les notions-clé: obligation d'entretien des parents et beaux-parents et devoir d'assistance du conjoint.

ll. Obligation d'entretien et devoir d'assistance du conjoint 1. Obligation d'entretien des parents

L'obligation d'entretien des père et mère découle des articles 276 et suivants du Code civil. EUe incombe en premier lieu aux personnes ayant un lien de filiation juridique avec l'enfant, soit au père et à la mère; exceptionnellement d'autres membres de la parenté en ligne directe peuvent être tenus de fournir des prestations (art. 328 CC)'.

L'obligation existe indépendamment de la titularité de l'autorité parentale,du droit de garde, des relations personnelles entre parent et enfant ou de la qualité des relations personnelles6

L'entretien est dû de la naissance à la majorité de l'enfant (art. 277 al. 1 CC) et, à certaines conditions, même au-delà (art. 277 al. 2 CC). Conformément à l'art. 285 al. 1 CC, la contribution d'entretien se détermine sur la base des besoins de l'enfant, mais aussi selon la situation et les ressources des père et mère7L'on tient également comp·

te de la fortune et des revenus de l'enfant (art. 276 al. 3 CC)', ainsi que de la participa- tion à la prise en charge de l'enfant par celui des parents qui n'en a pas la garde. Ces facteurs sont étroitement liés entre eux9.

Les besoins de l'enfant sont en première ligne ses besoins ordinaires, à savoir ce qui est nécessaire à son entretÎen (nourriture, habiUement, logement, hygiène et santé), son éducation et sa protection10. Ils varient selon son âge. ses intérêts et ses aptitudesllIls sont également ajustés à la situation économique des parents. Si ceUe-ci est favorable, ils ne comprennent pas seulement ce qui est strictement nécessaire à la couverture des

très différente d'une situation à l'autre. Pour les diverses constellations de familles dites recomposées, cf. PASCAL P1CHONNAZ, Le bien de l'enfant et les secondes familles (familles recomposées), in CLAUDV.

KAUFMANNIFRANZ ZIEGLER (éd.), Kindeswohl, Eine interdîsziplinare Sicht 1 Le bien de l'enfant, Une approche interdisciplinaire, Zurich/Coire 2003, pp. 162 s5,.162 s.

PETER BRErTSOfMlD, Basler Kommentar zurn Schweizerischen Privatrecht, ZOB 1,2" éd., Bâle/Genèvel Munich 2002, nOO 8 S5 ad art. 276.

CYRJL HEGNAUER, Berner Kommentar, Das Familienrecht, vol. IlJ2J1, 1997, n°S 50 ss ad art. 276.

ATF 5C.15Ol2005 du 11.10.2005, cons. 4.1, avec références à la jurisprudence antérieure.

Cf_ A 1F 5C.150/2005 du Il.10.2005, cons. 4.4.1., où le Tribunal fédéral parle d'Eigenvuamwortung des Kindes, même de l'enfant mineur et a fortiori de l'enfant majeur; cette responsabilité existe indépen- damment de la situation financière des parents et implique un devoir pour l'enfant d'exercer une activité lucrative dès que ses propres circonstances le permettent (BRErrsotMlD (n. 5J, nDl 29 ss ad art. 276).

PHILIPPE MEIERlMARTIN STETILER, Droit de la filiation, tome II, 3" éd., Oenève/ZurichfBâle 2006, n" 526.

10 PETER l'uOR/BERNHARD SCHNyoERIJORG SCHMm/ALEXANDRA RUMO-JUNGO, Das schweizerische Zivil- gesetzbuch, 12· éd., Zurich/Baie/Genève 2002, p. 410. .

11 ATF

sc.

19712004 du 9.2.2005, cons.. 4.1.4 .• ATF 126IJ1353, cons. 2b.

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besoins essentiels, mais peuvent inclu~e d'autres frais comme par exemple ceux décou- lant d'activités culturelles ou sportives, un abonnement à un journal, un cours de langue, de l'argent de poche, etc," En présence de capacités financières limitées des parents, les besoins de l'enfant sont réajustés vers le oasl3.

Les ressources des parents sont constituées en premier lieu de leur revenu réel ou du revenu qu'ils pourraient obtenir en faisant les efforts que l'on peut raisonnablement attendre de chacun d'euxI4. La fortune n'entre en ligne de compte qu'à titre subsidiaire, lorsque le débiteur ne peut pas répondre à l'obligation d'entretien qui lui incombe par ses seuls revenus. Le Tribunal fédéral ~onsidère que, lorsque les ressources des parents sont limitées, le minimum vital du débirentier doit en principe rester protégé15.Si les revenus à disposition s'avèrent insuffisants pour couvrir l'entretien de l'enfant, le défi- cit doit être couvert par le recours à l'aide sociale (art, 293 al. 1

cq",

La loi n'impose pas de méthode spécifique de calcul de l'emretien dû à l'enfant. Le juge applique les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC) et le Tribunal fédéral lui re- connalt à cet égard un large pouvoir d'appréciation. La pratique a pourtant développé diverses métbodesl1, dont les résultats sont parfois assez divergents. Nous renonçons à les présenter icil!! et retiendrons uniquement la méthode du minÎmum vital, dont de nombreuses décisions judiciaires font état.

"

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"

BRErrSCHMID (n. 5), nUS 22 ss ad art. 276.

MEIERISTETTLER (n. 9), n° 537.

On imputera un revenu hypothétique à un parent «dans la mesure où il pourrait gagner davantage qu'il ne gagne effectivement en faisant preuve de bonne volonté ou en fournissant l'effort qu'on peut raisonnablement exiger de lui~ (ATF 5C.127/2003 du 15.10.2003,ATF 128 III 4).

A TF 5C.8212OO4 du 14.7.2004, cons. 3.2.1. Pour des cas dans lesquels la jurisprudence duThbunal fédéral tend à y porter atteinte, cf. PASCAL PICHONNAZiALEXANDRA RUMO-JUNGO, La protection du minimum vital du débirentier en droit du divUI'ce; ~volution récente. RSJ 2(X)4, pp. 81 ss. En matière d'entretien d'un enfant majeur, le minimum vital de droit des poursuites auquel il ne peut être porté atteinte eSI augmenté de 20 % (ATF 118 Il 97).

ATF 127 III 68, cons. 2c, ATF 126 lU 353, cons. 1a/aa et bb, ATF 123 III 1, cons. 3e. TuORIScHNYDERI ScHMIDIRUMO-JUNGO (n. 10), p. 416.

Pour un récapitulatif: PASCAL PICHONNAZ, Contributions d'entretien des enfants et nouvelles structures familiales, in Enfant et divorce, Symposium en droit de la famille, Fribourg 4-5 octobre 2005, pp. 12 ss avec un exemple; BRErrsCHMlD (n. 5). 0"" 5 ss ad art. 285 ;ALEXANDRA Rur.m-JuNGO, Kindesunterhalt und neue FamiJîenstrukturen,in Kind und Scheidung.Symposium zurn Farnilienrecht,Fribourg 6-7 octobre 2005. pp. 6 ss. Pour une comparaison chiffrée: AUDREY LEuBAIFRANçmsE BASTONS-BuLLETI1, Atelier sur la contribution d'entretien de l'enfant dans le cadre du divorce, in Enfant et divorce, Symposium en droit de la famille, Fribourg 4-5 octobre 2005, pp. 3 ss.

1. Le calcul selon les Recommandations publiées par l'Office de la Jeunesse et de la formation pro·

fessionnelle du canton de Zurich (www.Jotse.zh.ch - Übersicht - Geldprobleme in der FamHie - Un- terhaltsregelungl-zahlungen) se base uniquement sur les besoins des enfants, selon l'âge et Je nombre d'enfants dans la fratr-ie. Cette méthode est appropriée pour un enfant vivant en région zurichoise pour des revenus oscillant entre 7000 et 7500 frs; elle doit être ajustée pour tenir compte des circonstances propres au cas d'espèce, notamment un niveau de vie plus bas au lieu de résidence de l'enfant ou des revenus des parents inférieurs ou supérieurs (cf. AlF SC.171t2003 du 11.11.2003).2. Une autre méthode consiste à prélever un pourcentage du revenu des parents. Elle aboutit à des résultats insatisfaisanls en cas de revenus élevés et de revenus faibles et doit par conséquent aussi faire l'objet d'adaptations.

3. ROLF WIDMER et THOMAS GEISER proposent une méthode qui se fonde sur les ressources effectives des intéressés (Ein Vorschlag zur Bemessung der Kinderunterhaltsbeitrlige, PJA 2000, pp. 3 ss). Par ailleurs, en cas de ressources très importantes (dès environ 10000 frs de revenus du débiteur, cf. ATF SC.171t2003 du 1 J.l 1.2003, cons. 3.3), la méthode du minimum vital, même élargi, ne convient pas; la méthode 1. ci-dessus, qui est orientée sur les besoins effectifs des enfants, paraît plus adaptée (cf. ATF 5C.46712004 du 23.3.2005, cons, 3.3),

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Le calcul part des besoins des intéressés (parents et enfant), établis selon les Lignes directrices pour le calcul du minimum d~existence en matière de poursuites selon l'art.

93 LP, édictées par la Conférence des Préposés aux poursuites et faillites de Suisse".

Dans la mesure des moyens des débiteurs,le montant est ensuite élargi des suppléments LP prévus par lesdites Lignes directrices (loyer, intérêts hypothécaires, impôts fonciers, frais de chauffage, primes de l'assurance-maladie obligatoire, etc.), puis élargi en un minimum vital de droit de la famille plus confortable au moyen de certaines dépenses supplémentaires, comme l'assurance ménage ou Re. Si les moyens le permettent encore, on retient également les impôts dus, ainsi que les intérêts et les remboursements échelonnés de dettes contractées dans l'intérêt des deux parties20. Le montant à dispo- sition après que les minima vitaux de droit de la famille des parents et de l'enfant ont été déduits des revenus, fait ensuite l'objet d'une répartition; l'enfant bénéficie en principe d'une partie de celui-cP'. Il a, en outre, le droit de recevoir les éventuelles allocations familiales perçues par le parent non gardien (art. 285 al. 2 CC) ".

Lorsque les ressources du ménage se situent dans la moyenne ou y sont supérieures, la contribution d'entretien doit, en principe, couvrir les besoins de J'enfant, sous ré- serve de ses propres ressources. En cas de circonstances financières manifestement supérieures à la moyenne, le calcul pourra se limiter à celui des besoins de l'enfant dont la couverture sera, ensuite, exigée des parents2J

2. Obligation d'entretien du beau-parent?

Le droit à l'entretien découJe de la fi1iation et ne concerne que les parents et leurs enfants. Le beau-parent n'a pas d'obligation d'entretien direct envers l'eoLant du conjoint (art. 276 et 328 CC a contrario) ". Cela est vrai également, étant donné le silence de la loi, pour les partenaires enregistrés et les concubins,

3. Devoir d'assistance du conjoint ou partenaire

De manière générale, la loi attend des époux qu'ils consacrent le temps, l'énergie, la force physique et morale, ainsi que les moyens pécuniaires nécessaires à la prospérité

" BISchK 2001. p.1422.

2fJ leuBAlBASToNs-BuLLErn (n. 17), pp. 4 ss..

21 ATf126IIlS.

~ A propos des rentes d'assurances sociales ou d'autres prestations sociales. cf. art. 285 al. 2"" CC;

cf. également ATF 128 ru 305. 123 III 1 et TuoR!SCHNYDERlSoe.nDlRup,.1O-JuNCiO (n, 10). pp. 416 s.

:0 C'est, pour leTribunal fédéral, l'hypothèse de überdurchschllilt/ich gutefinanûelle Verhiiltllisse, soit dès que les revenus mensuels dépassent clairement 10'000 (rs: cf. ATF 5Cl71/2003 du Il.11.2003, cons. 3.3.

Voir aussi note de bas de page 18.

24 A TF 5C.12712003 du 15.10.2003, cons. 4.1.3. BREITSCHMID (n. 5), nQ 4 ad art. 278. Le projet familial tendant à l'adoption de l'enfant du conjoint peut influencer ce raisonnement; cf. BREITSCHMlD (n.5), n" 7 ad art. 278.

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"'"

et à l'entretien de leur famille et à l~éducation des enfants communs ou non (art. 159 al. 3 CC)2..'i, Ce devoir prend naissance aveç le mariage et s'éteint en cas de divorce26•

Il englobe entre autres l'assistance appropriée de chaque époux à son conjoint afin de permettre à celui-ci d'accomplir ses devoirs envers ses enfants. La loi le prévoit expressément à l'article 278 al. 2 CC pour l'entretien des enfants nés avant le mariage.

Le Tribunal fédéral a reconnu qu'un tel devoir pouvait également être directement déduit de l'article 159 al. 3 CC pour l'entretien des enfants conçus avec un tiers durant le mariage". Nous y reviendrons (cf. infra III. 3).

L'obligation du beau-parent doit être appréciée en équité, sur la base des faits et intérêts en présence (art. 4 CC) ". En vertu du principe de proportionnalité, il faut en particulier tenir compte de façon appropriée de la capacité contributive du beau- parent29

Le devoir d'assistance ne confère aucun droit direct à un tiers. L'enfant n'a ainsi aucune prétention à faire valoir envers le beau-parent30Il s'agit d'un devoir subsidiaire.

Il suppose que le conjoint a fait tout ce qui pouvait être exigé de lui pour assumer seul ses obligations31De plus, il n'existe que dans la mesure où les ressources de l'enfant et les droits qu'il peut faire valoir envers ses parents et des tiers ne suffisent pas à son entretien32Il n'est en outre dU que s'il reste au beau-parent les moyens nécessaires à son propre entretien et à celui de ses enfants33

Le devoir d'assistance a pour but de couvrir une éventuelle différence entre la contribution d'entretien insuffisante du conjoint parent de l'enfant et les besoins de celui-ci, voire aller au-delà de ce seuil34L'exécution de son devoir, par le beau-parent, permet ainsi aussi de supporter les risques liés à l'encaissement des contributions dues par l'autre parent".

L'accomplissement du devoir d'assistance peut entraîner une augmentation ou une modification du partage des tâches au sein de la famille. Le beau-parent peut devoir contribuer de manière plus importante - en nature, notamment lorsque le ménage où vit l'enfant est tenu par lui ou eUe, ou en espèces - à l'entretien de la famille. Excep- tionnellement et lorsque cela apparaît proportionné, le devoir d'assistance peut même imposer à un conjoint de reprendre une activité lucrative ou de l'étendre, et ce indé- pendamment du fait que l'enfant habite ou non dans la famille du parent concerné".

2S HENRI DESCliENAUxfPAUL-HENRI STE1NAUERfMARGARETA BADDELEY, Les effets du mariage, Berne 2000, n'" S6 ss.

16 P,CHONNAZ (n. 4). p.170.

21 ATF 127 IIl7!. CYRIL HEGNAUER, Der Unterhalt des Stiefkindes nach sch ... eizerischem Recht, in Fest- schrjft für Wolfram Müller-Freienfels, Baden-Baden 1986, pp. 271 5S, 272, 274.

28 TuoRISœNYOERIScHMID/Ru~{Q-JUNGO (n. 10), pp. 410 s.

2"1 PICHONNAZ (n.17), p. 30.

JO HEGN"AUER (n. 27), p.274. Les prétentions découlant du droit à l'assistance du parent de l'enfant peuvent toutefois être saisies sur demande d'un créancier de ce parenl. Cf. FRANZ WERRO. Le temps des familles recomposées, PJA 1994, pp. 847 ss,851. Pour les conditions de la saisissabîlité: ATF 109 III 102.

II Ce n'était pas le cas dans l'ATF 1151IJ 103 pour un père qui ne travaillait pas et avait pour cela écopé d'une peine de 6 mois de prison pour violation de son devoir d'entretien (art. 119 CP).

32 ATF 5C.5312005 du 31 mai 2005, cons. 4.1 ; AfF 5C82f2004 du 14.7.2004, cons. 3.2.1.; ATF 72 If 165: cf.

également ATF 120 II 288.

3J BRErrsClfMID (n. 5), n° 8 ad art. 278.

J.I Cf. ATF 120 11285; voir aussi infra 111.1.

" Pour des détails selon les différentes situations de vie,cf. HEGNAUER (n. 27), pp. 276 S5.

" ATF 12711I 68,72. ME,ERiSTETfLE' (n. 9), n° 510.

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Lorsque les circonstances financières le permettent, le couple peut tout.efois aussi choi- sir de se contenter d'un train de vie plus modeste afin de permettre au parent débiteur de consacrer une partie plus importante de ses revenus à l'entretien de }'enfant37

Ces principes sont applicables également aux partenaires enregistrés. La loi régissant leur partenariat ancre en effet expressément à son article 27 un devoir d'assistance réciproque des partenaires38. Le texte ne fait pas de distinction entre les enfants conçus avant et ceux conçus après la conclusion du partenariat enregistré. Il parle simplement des «enfants» du partenaire. Le message accompagnant le projet de loi spécifie que les devoirs des partenaires en la matière ne sauraient excéder les devoirs d'un époux39•

Comme nous le verrons les devoirs des époux en la matière n'ont quoi qu'il en soit. pas de raison d'être différents dans leur principe selon que l'enfant est né avant le mariage ou qu'il est le fruit d'une relation extra-conjugale (cf. infra 1lI. 3).

Un devoir d'assistance n'est pas expressément imposé par la loi aux concubins,le législateur ayant renoncé à régler spécifiquement leur union".

ffi. Questions choisies

La portée du devoir d'assistance des époux est parfois difficile à délimiter. li nous paraît intéressant. de mettre ceci en évidence au travers de quelques questions choisies:

- Quelle est l'importance, pour J'entretien de l'enfant non commun, du niveau de vie plus élevé du ménage que le parent débiteur forme avec le beau-parent?

- Quelle est l'inJluence de l'existence d'un ménage commun entre enfants n'ayant pas les mêmes parents?

- Le fait que l'enfant ait été conçu avec un tiers durant le mariage doit-il avoir une influence sur l'existence ou l'étendue du devoir d'assistance?

"

PICHONNAZ (n. 17), p. 30. Solution préconisée par RUMo-JUNGO (n. 17), pp. 31 ss toutefois uniquement

pour le cas de J'enfant extra -con jugal.

Loi fédérale sur le partenariat enregistré entre personnes du même sexe (LPart) du 18.6.2004, qui entrera en vigueur le 1.1.2007.

Cf paragraphe 2.3.3. du Message CFF 2003, p.1245).

Sous réserve des droits propres que la mère non mariée peut éventuellement faire valoir en vertu de ('art. 295 CC A pr0IX'lS du droit durable de la mère non mariée à J'entretien dans la législation alle- mande, cf. RU~tO·JUNGO (n. 17), pp. 16, 28. Critique par rapport à la situation juridique, en 1994 déjà, vu la stabilité de nombreux concubinages: WERRO (n. 30), pp. 855 s. Cene position paraît d'autant plus fondée aujourd'hui que la loi sur le partenariat soumet les partenaires enregistrés aux mêmes devoirs que les époux en\'ers les enfants non communs. Cf. aussi A TF 129 1 1, opposant les droits découlant de t'arl. 278 al. 2 CC aux droits en matière de prestations sociales, sur la base du droit public cantonal.

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1. Quelle est l'importance, pour l'entretien de l'enfant non commun, du niveau de vie plus élevé du ménage que le parent débiteur forme avec le beau-parent?

Nous avons vu qu'en principe le devoir du beau-parent se limite à couvrir une éven- tuelle différence entre la contribution d'entretien insuffisante du père ou de la mère de l'enfant et les besoins de celui-ci, et à supporter les risques liés à l'encaissement des contributions dues par l'autre parent (cf. supra II. 3). Il est intéressant de s'interroger sur l'étendue du devoir d'assistance lorsque les besoins minima de l'enfant sont bel et bien couverts mais que le niveau de vie du nouveau ménage - celui formê par le parent et le beau-parenl - permet de lui assurer un entretien supérieur à ce que les seules ressources des parents pourraient lui offrir. Aut.rement dit, est-ce que le niveau de vie plus élevé du nouveau ménage exerce une influence, directe ou indirecte, sur les pres- tations d'entretien à l'enfant?

Il faut éviter de répondre à cette question par le biais d'un raisonnement emprunté au droit de la responsabilité civile et de s'appuyer sur une idée de dommage négatif. Il ne s'agit pas de replacer le lésé - c'est-à-dire l'enfant - dans la situation qui aurait été la sienne si la cause du dommage - in casu le mariage avec le beau-parent - ne s'était pas produite'l. Il s'agit d'apprécier les ressources des parents en particulier celles du parent faisant ménage commun avec le beau-parent et les besoins de l'enfant, sur la base de l'ensemble des circonstances. A cet égard, il convient de tenir compte du fait que les époux sont libres d'organiser le partage des tâches au sein de la famille comme ils "entendent42

Lorsque l'enfant vit avec un parent, dont le niveau de vie est élevé grâce aux revenus du beau-parent, lt:S besoins de l'enfant doivent être ajustés en conséquence43Si le cou- ple fait de coûteuses vacances au bord de la mer, l'enfant en bénéficiera. S'ils habitent un logement haut standing, il y résidera. Si les conjoints se nourrissent d'aliments par- ticulièrement chers ou sortent souvent au restaurant, l'enfant n'en sera pas exclu. De fait, l'entretien de l'enfant est donc ajusté vers le hau~. C'est le revenu du beau-parent qui contribue indirectement à l'augmentation du niveau de vie de l'enfant.

L'enfant n'a en revanche aucune prétention au maintien de ce niveau de vie. Si les époux -soit le parent et le beau-parent - choisissent de réduire leur train de vie, l'enfant verra son propre niveau de vie ajusté vers le bas. Pour les mêmes raisons, il n'a aucune prétention à ce que le beau-parent élève (encore) le niveau de vie du ménage, par exemple en augmentant son taux d'activité professionnelle.

Cf. ATF 5C.82f2004 du 14.7.2004, cons. 3.2.1. HEGNAUER (n. 27), p. 272.

Dans la mesure toutefois où les moyens à disposition sont suffisants (cf. également supra 11.3).

BREITSCHMID (n. 5), n° 10 ad art. 278; HEINZ HAUSHEERIRUTH REUSSERfTHOMAS GEISER, Berner Kom- mentar, Das Pamilienrecht, vol. II/ll2, 1999, n" 42 ad art. 159; VERENA BRAM, Zürcher Kommentar, Das FamHienrecht, val.U! c, Zurich 1998,.n"'143 s. ad art 15get 0"61 ad art. 163; HEGNAUER (n. 6), n" 14ad art. 278. Cel auteur exclut le devoir d'assistance à l'égard de l'enfant adultérin, même s'il viten ménage commun, souligoant cependant que la capacité de l'époux parent à contribuer à l'entretien du ménage (art. 163) s'en trouvera néanmoins influencée (HEGNAUER ln. 6], n° 60 ad art. 278).

PlCHONNAl (n. 4), p. 167; DESCHENAUxJSTElNAUERlBADDELEY (n. 25), n'" 464 ss, notamment 467 S.;

HEQt';AUER (n. 27), pp. 279 S., 280, parle d'une selbsliindige uislulIg des Sriefvarers / der Stiefmuner.

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Qu'en est-il lorsque l'enfant ne fait pas ménage commun avec le parent et le beau- parent? Les principes doivent être les mêmes. S'il est vrai que les besoins de l'enfant soot fixés en tenant compte des ressources des parents uniquement, sans inclure celles du ou des beau-parents, l'enfant ne doit pas être limité à la situation qui serait la sienne sans Je mariage de son parent avec le beau-parent; il doit pouvoir bénéficier dans une mesure appropriée de l'actuel bien-être du parent.

Or - dans notre hypothèse - ce dernier a désormais un niveau de vie considérable- ment plus élevé grâce aux revenus du beau·parent. Cela doit à notre avis être pris en compte dans la détermination de ses ressources afin de déterminer la contribution d'entretien due à l'enfant.Ainsi,lorsque les moyens du beau-parent assurent au couple un niveau de vie plus élevé que celui auquel le parent débiteur peut prétendre par ses seuls revenus, l'enfant bénéficie indirectement, grâce au beau-parent, d'une contribu- tion plus importante. Cela revient à une extension du devoir d'assistance du beau- parent4S

Ce résultat semble d'autant plus juste que si un divorce devait intervenir, la capa- cité contributive du parent en question devrait être appréciée en tenant compte de la contribution d'entretien qu'il reçoit de son ex-conjoinr1ll et donc, selon les circonstances., sur la base du niveau de vie du couple pendant le mariage". Le fait que l'enfant ait fait ou non ménage commun avec le beau-parent avant le divorce n'aura à cel égard aucune incidence sur le calcul de la contribution d'entretien. Il n'y a aucune raison de calculer différemment la contribution d'entretien de l'enfant pendant la durée du ma- riage avec le beau-parent.

2. QueUe est l'influence de l'existence d'un ménage commun entre enfants n'ayant pas les mêmes parents?

Lorsque les enfants n'ayant pas les mêmes parents habitent dans un même ménage, le principe de J'égalité de traitement trouve appJication en matière d'entretien ordinaire.

Dans la mesure où les circonstances économiques le permettent, les enfants doivent pouvoir disposer au quotidien d'un même niveau de Vie43. Une différence de traitement qui dépasse l'ordinaire doit reposer sur un motif approprié.

Lorsque les enfants d'un même ménage ont des parents dont les ressources sont différentes, se pose la question de savoir comment il est possible de tenir compte du principe ùe l'égalité de traitement cntre eux. Les dépenses ordinaires pour l'entretien sont en effet en règle générale ajustées sur le niveau de vie que le groupe des enfants a cbez le parent gardien (habillement, logement, nourriture, vacances)".

4S BREITSCHMID (n. 5), n° 6 ad art. 278.

016 Cf. RUMO-JUNGO (n.17). pp. 10 ss.

47 ATF SC.25f2004 du 17.6.2004, cons. 2.2.; ATF 129 III 7, cons. 3.1.1.

48 A propos de l'égalité de traitement entre les enfants d'un même débiteur, cf. ATF 126 III 353, cons.

2b/bb.

49 ATF 126 111353, cons. 4a. DESOl"ENAUxlSTE1NAUERl'BADOELEY (n. 25), n° 467; HEGNAUER (n. 27). pp. 277, 279.

(10)

On peut distinguer à ce propos entre les deux situations suivantes: 1) un niveau de vie plus bas, ou 2) un niveau de vie plus élevé dans le ménage du parent gardien.

1) Le niveau de vie plus bas du parent gardien (et du beau-parent) de l'enfant ne saurait en principe conduire à une réduction de la contribution d'entretien due par le parent dont les circonstances économiques sont plus favorables. Les besoins de l'enfant sont en effet fixés sur la base des ressources des deux parents; l'enfant a donc droit à ce que le niveau de vie plus élevé d'un de ses parents soit pris en compte dans la fixation de sa contribution d'entretien"'. Il a également droit au respect de l'égalité de traitement par rapport aux autres enfants du parent débiteur". Cela impliquera que cet enfant disposera d'un entretien, donc de moyens, supérieur à celui des autres enfants du mé- nage. Si par exemple les revenus du parent non gardien permettaient de financer des études dans une école spécialisée (pour enfant surdoué), il n'y aurait pas de raison de nier ce droit à l'enfant, même si les autres enfants du ménage ne pouvaient pas bénéfi- cier d'un tel avantage. Des motifs pédagogiques peuvent toutefois, à titre exceptionnel, justifier une certaine retenue lorsque Je ou les parents d'un des enfants permet à celui- ci un niveau de vie particulièrement élev&l.En outre, l'égalité de traitement des enfants du même ménage peut commander de ne pas mettre (trop) en évidence la situation plus confortable d'un des enfants. Lorsque les besoins de l'enfant mieux loti peuvent être couverts intégralement par des montants inférieurs à ceux effectivement versés par le parent non gardien, on attendra du parent gardien qu'il retienne le surplus. JI pourra constituer des réserves destinées à l'imprévu et à des charges supplémentaires prévisibles, notamment par exemple en matière scolaire ou de formation profession- nelle".

2) La contribution due par l'un des parents est fonction de celle fournie par l'autre et des besoins de l'enfant. Lorsque le parent gardien se trouve dans une situation éco- nomique plus favorable que le parent non gardien, il contribuera plus à l'entretien de l'enfant, en nature et en espèces. Le fait toutefois que l'un des parents puisse subvenir totalement aux besoins de l'enfant ne libère pas l'autre de son obligation", sous ré- serve bien entendu du cas dans lequel'edlt parent n'arrive pas à couvrir son minimum vital. Chacun doit en effet contribuer selon ses facultés à l'entretien de l'enfant et, à cet égard, on mettra en balance les efforts fournis tant par l'un que par l'autre.

Après avoir examiné l'étendue de l'obligation d'entretien du parent dans les situa- tions susmentionnées, il nous paraît intéressant de les reprendre et d'examiner l'in- fluence du ménage commun entre enfants de lits différents sur le devoir d'assistance du conjoint. En limitant notre réflexion à ['hypothèse dans laquelle le beau-parent dispose de ressources supérieures à celle de son conjoint, nous ferons la distinction entre les cas suivants: a) l'enfant ne fait pas ménage commun avec ce beau-parent, mais vit dans la famille de l'autre beau-parent, avec des enfants, issus d'un autre lit, dont le

"

ATF 5C.8212004 du 14.7.2004, cons. 3.2.1.; ATF 127 UI 68. Tumt/SCHNYDERISolMIDI RUMO-]UKGO

(no 10), p. 416; BREITSCHMID (no 5). n° 17 ad art. 285.

ATF SC.8212004 du 14.7.2004. cons. 3.4;ATF SC.9512OO2 du 31.5.2002. cons. 2.2.; ATF 127 1lI68.

cons. 2.

ATF 120 Il 285; TUORIScHNYDERISCHMIDlRuMO-JUNGO (n.lO),p.416.

ATF 120 11285,291 5.; MElERlSTEITtER (n. 9), n° 539.

ATF 5C.S312005 du 31.5.2005, cons. 4.1.

183

'!

(11)

niveau de vie est plus bas; b) J'enfant vit dans le ménage du parent gardien et du beau- parent économiquement mieux situé, avec des enfants de celui-ci.

a) A notre avis. bien que le devoir d'assistance du beau-parent soit indirect. il n'y a en principe pas de raison de faire de différence avec la solution qui prévaut lorsque les ressources sont le fruit des propres revenus du parent, sans l'aide du conjoint (cf. supra point 1). L'enfant reste à la charge de son parent; le budget familial doit en tenir compte, de même que la répartition entre épou.x des prestations mutuelles. Une autre solution aurait pour effet de priver l'enfant de son droit de participer à la prospérité du parent non-gardien en libérant ce dernier, et son conjoint, de leur obligation, ce qui paraît insatisfaisant.

b) Dans ceUe hypothèse, le niveau de vie de l'enfant sera plus élevé que celui auquel

il pourrait prétendre sur la base des seules ressources des père et mère. Ce résultat est

conforme au principe de l'égalité de traitement entre enfants d'un même ménage (cf supra question choisie 2 ab initio). Il est aussi juste pour des raisons pédagogiques. Il est en effet impossible d'expliquer à un enfant qu'il ne peut pas bénéficier au quotidien des mêmes dépenses d'entretien que les autres enfants du ménage. Il est toutefois pos- sible qu'exceptionnellement l'enfant ne bénéficie néanmoins pas d'une prestation que le beau-parent offre à un de ses propres enfants. On peut par exemple penser au cas d'un souvenir de famille, par exemple un bijou, à une hospitalisation à l'étranger dans une clinique renommée, à une formation onéreuse ou à un cours de musique d'été pour l'enfant qui présente des prédispositions. L'égalité de traitement entre les enfants n'est ici pas affectée dans la mesure où il s'agit de prestations allant au-delà de l'entretien ordinaire de la famille.

3. Le fait que l'enfant ait été conçu avec un tiers durant le

mariage doit-il avoir une influence sur l'existence ou l'étendue du devoir d'assistance?

CeUe question a occupé la justice de nombreuses fois". Le Tribunal fédéral y a ré- pondu par un non et un oui. Tout en niant, comme le préconise le texte légal, le devoir d'assistance du beau-parent de l'art. 278 al. 2 CC, il a toujours admis que ce dernier devait soutenir son conjoint dans l'accomplissement de ses devoirs de parent sur la base de l'art. 159 al. 3 Cc. Bien qu'on puisse douter de l'utilité de ceUe construction", elle aboutit néanmoins à une solution juste en assurant à l'époux part:nL le droit à l'assis- tance de son conjoint, ce qui lui permettra d'accomplir ses devoirs d'entretien.

Pourquoi cette solution nous paraît-elle juste? La réponse se doit d'être fonction du droit, et non des conceptions philosophiques de celui qui donne la réponse.

Le mariage est conçu, en droit suisse, comme une relation monogame qui repose, en principe, sur un lien affectif entre les époux. Chacun d'eux doit pouvoir faire confiance au conjoint sur ce point (art. 159 al. 2 CC). Entretenir des relations sexuelles avec des tiers constitue un violation des devoirs conjugaux, mais le droit du mariage ne

" Cf. p.ex. ATF 129/l1 417 ;ATF 5P.142/2003 du 9.7.2003 ;ATF 127 III 68 ;ATF 5P.26/2000 du 10A.2000.

5{i Cf. dernier paragraphe de ce chapitre.

(12)

prévoit pas de sanction autre que le droit pour l'époux trompé de vivre séparé du conjoint (art. 175 CC) ou d'intenter le divorceS? La violation des devoirs conjugaux ne fait pas non plus cesser les devoirs conjugaux58De ce fait, même un époux qui n'a pas respecté les devoirs découlant du droit du mariage peut obtenir une contribution d'en- tretien de la part de son conjoint, que ce soit en cas de vie séparée - au titre de mesure protectrice de l'union conjugale ou de mesure provisoire en vue du divorce - ou après le divorce. La faute de l'époux créancier, qu'elle ait été causale pour la rupture du lien conjugal ou non, n'est pas prise en compte pour la décision du juge relative au divorce;

elle ne peut pas, à elle seule,justifier la réduction ou la suppression de la contribution d'entretien dû par un époux à l'autre pendant et même après le mariage59

Cette approche est le fruit d'un développement de la pensée juridique de la deuxiè- me moitié du 20e siècle. Elle se répercute également sur les relations entre l'enfant et ses parents, voire avec des tiers:l'enfant ne saurait pâtir du comportement de ses parents, en particulier de celui de sa mère.

Depuis 1976, le droit de la famille, jusque-là fortement conçu autour de l'idée de la faute et du dommage en résultant en matière de filiation (illégitime) et par rapport au divorce (causes et entretien post-divorce), tente par les réformes successIves de dépas- ser cette notion et de construire le droit de la famille autour de divers principes, notam- ment d'égalité, de proportionnalité, de solidarité, respectivement de clean break

Il convient de tenir compte de cette (r)évolution également dans l'interprétation de l'art. 159 CC, voire dans l'application de l'art. 278 al. 2 CC, et d'éviter les raisonnements trouvant leur fondement dans la faute du conjoint et parent, ce qui aurait comme consé- quence de stigmatiser et de pénaliser l'enfant. Ce constat mène logiquement à un autre:

admettre un devoir d'assistance du conjoint même en cas d'adultère de l'époux parent sur la base de l'art. 278 al. 2 CC ne contrevient pas à la morale. En effet, le devoir de loyauté et d'assistance entre époux inclut le soutien matériel d'un époux par l'autre aussi dans des circonstances peu agréables pour celui qui fournit l'assistance: crime, vie déshonorante, liaisons extra-conjugales, caractère irrascible du conjoint61Les droits découlant du mariage reposent sur les besoins des époux en première ligne, pas sur la morale.

La réalité de la situation affective et familiale dans laquelle les intéressés se trouvent et les efforts qu'ils consentent peuvent être pris en considération toutefois, au travers notamment du principe de la proportionnalité62En effet, tous les facteurs influençant la situation doivent être pris en compte, à savoir, à côté des éléments objectifs comme les revenus réels et hypothétiques des époux, l'âge de l'époux créancier, le mode de

HEGNAUER (n. 6), n° S6 ad art. 278.

~8 ATF SP.14212003 du 9.7.2003, cons.. 2.3.3. Sous réserve de l'abus de droit, p.ex. lorsque l'un des époux dans un mariage en blanc fait valoir des droits découlant du mariage. L'abus de droit n'a pas été admis.

et par conséquent, les droits conjugaux reconnus, dans l'ATF SP.142/2OO3 du 9.7.2003, cons. 2 à 2.3.2.

ATF SC.23212004 du 10.2.2005, cons. 2,ATF 127 III 65, cons.. 2. INGEBORG SCHWENZER, Scheidung. Fam- Komm Scheidung, Berne 200S. n° 98 ad art. 125.

"

60 Pour des détails concernant le processus et les conséquences de ce développement cf. MÉLA .... IE BRO ...

Les contributions d'entretien entre époux divorcés de 1907 à nos jours, Influence réciproque du droit du mariage, du droit du divorce et du principe d'égalité, Grandson 2005, pp. 31 ss, 119 ss.

ATF 5C.23212004 du 10.2.2005; voir aussi ATF 127 III 65, ainsi que les décisions des Tribunaux cantonaux thurgovien et fribourgeois, FamPra.ch 312001, Nr. 61, et 64.

62 Cf. WERRO (n. 30), p. 852.

185

(13)

l" '

prise en charge de l'enfant, etc., également la situation affective du couple et l'effort que l'on peut raisonnablement attendre de chaque époux et en particulier de l'époux non fautif dans ce cas-là63En cas d'adultère, on ne peut ignorer notamment l'attitude et les caractères des deux époux, l'évolution de leur relation et l'élément temps. Cette évaluation déterminera l'étendue des droits et devoirs réciproques des époux. Pour le devoir d'assistance de l'époux en matière d'entretien d'un enfant non commun, même d'un enfant adultérin, le soutien financier à l'époux en faute dépendra du résultat de cette évaluation. Nier d'emblée le devoir d'assistance en faveur de l'époux parent en raison de l'adultère est contraire aux principes de base des droits de la filiation, du mariage et du divorce actuels. Seulement dans la mesure où l'ensemble des circonstan- ces justifierait une réduction ou une suppression du droit à l'entretien après divorce de l'époux infidèle, le devoir d'assistance de l'époux trompé peut être réduit ou suppri- mé.

Il faut d'ailleurs bien réaliser que si le devoir d'assistance de l'art. 159 al. 3 CC ap- paraît selon les circonstances Hmité - a fortiori, si le devoir d'assistance sur ]a base de l'art. 278 al. 2 CC est exclu -, la charge supplémentaire en résultant pour le parent adultère affectera nécessairement sa capacité à contribuer à J'entretien du couple ou de la famille. Dans les cas de couples disposant de moyens limités, l'époux non fautif devra nécessairement fournir une contribution plus importante6-l. La distinction ne fait donc de sens que dans les ménages où le conjoint peut économiser ce qu'il ne donne pas au titre du devoir d'assistance; elle ne sert à rien si retenir ces montants sur la base des art. 278 al. 2 et 159 al. 3 CC revient à les donner au titre des art. 159 al. 2 et 163 Cc.

4. Conclusion

Les familles recomposées sont une réalité. Les enfants vivent de plus en plus souvent avec un beau~père ou une belle-mère et font ménage commun avec des enfants issus d'un autre iiI. De leur côté, les époux entrent fréquemment dans l'union en ayant déjà des enfants à leurs côtés; parfois, ils les font apparaître en cours de route. Cela vaudra certainement aussi pour les partenaires enregistrés. Cette situation pose des défis im- portants à notre ordre juridique, qui se doit d'y répondre avec des solutions équita- bles.

Le point de départ découle, à notre avis, du but des dispositions légales concernant l'entretien de l'enfant: garantir les moyens nécessaires à la couverture des besoins de ce dernier. Ce but est atteint, principalement, par le biais du devoîr d'entretien qui est à la charge des parents, en vertu des articles 276 et 285 CC et, subsidiairement, par une obligation indirecte du beau-parent, découlant de l'art. 278 al. 2 ou de l'art. 159 al. 3 Cc.

L'entretien doit être octroyé aux enfants sans référence à J'état civil des parents, mais

6J Dans ce cas, il n'y a pas, à notre a\'is, Beisrand În der Untreue (cf. RUMO-JUNGO [no 17], p. 32), mais Bels/and nac!! Umreue. Pour une distinction entre les situations de vie qui influencent ou non le droit à l'assistance, cf. RUMo-JUNGO (n.17), pp. 28 SS, 35, avec toutefois, des conséquences dans l'application qui ne diffèrent pas significativement de notre opinion.

64 Dans ce sens également BREITSCHMID (n. 5), n'" 1 ss ad art. 278.

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en tenant compte du niveau de vie effectif de ceux·ci, en respectant l'égalité de traite- ment des enfants d'un même débiteur et celle des enfants vivant ensemble dans le même ménage, comme nous l'avons démontré. L'art. 278 al. 2 CC pennet d'égaliser la situation des enfants, qu'ils habitent avec le parent dont le conjoint est financièrement mieux situé ou dans le ménage de l'autre parent et de son conjoint. Le domicile de l'enfant auprès de l'un ou de l'autre ne doit pas être le critère pour augmenter ou diminuer le devoir d'assistance du conjoint. L'insuffisance des moyens du beau-parent qui doit en priorité veiller à son propre entretien et à celui de ses enfants constitue la limite de la solidarité entre époux. C'est dans cette optique qu'il convient d'interpréter l'art. 278 al. 2 CC

Il n'y a pas lieu de distinguer, à notre avis, entre enfants nés avant le mariage et enfants nés hors mariage sous peine de réintroduire la notion de faute qui a été éliminée par la révision du droit de la filiation dans les années 1970 déjà et celle du droit du di- vorce il y a quelques années à peine, au profit des principes de proportionnalité, de solidarité, d'égalité de traitement ou, selon les circonstances, de clean break. Ecarter le devoir d'assistance du beau-parent sur la base de l'art. 278 al. 2 CC au profit du devoir d'assistance du conjoint, selon l'art. 159 al. 3 CC, mène d'ailleurs à la même solution, mais ne paraît pas nécessaire. La nouvelle Loi sur le partenariat enregistré montre, à cet égard, le bon exemple.

Le droit à l'entretien égal des enfants vivant dans le même foyer ou dépendant du même débiteur, éventuellement nuancé selon les circonstances du cas d'espèce, comme nous l'avons indiqué, procède de motivations pédagogiques et d'équité. L'approche préconisée relative à l'enfant né hors mariage pennet de prendre en compte la situation affective de la famille dans la détermination de l'étendue de l'assistance due. Ces solu- tions se justifient également, à notre avis, par la multitude des formes de famille pré-

sente~ dans la société actuelle.

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