Examen, 13 d´ecembre 2007 Int´egration et th´eorie de la mesure LM363 Dur´ee 3 heures. Tous documents interdits.
Toute application d’un r´esultat prouv´e ou ´enonc´e pendant le cours doit ˆetre signal´ee et justifi´ee avec pr´ecision.
Exercice 1 SoitR+= [0,+∞[ et pour toutn ≥1 la fonctionfn :R×R+×R+7→C fn(t, x, y) :=e−(n+x)y¡
eiyt−1¢ . 1. Prouver que pour tout (t, x, y)∈R×R+×]0,+∞[
X
n≥1
|fn(t, x, y)| ≤ |t| y e−y 1−e−y et
f(t, x, y) := X
n≥1
fn(t, x, y) = e−xy ey −1
¡eiyt−1¢ .
2. Montrer que pour tout (t, x)∈R×R+ on a y7→f(t, x, y)∈L1(R+, λ) et Z +∞
0
f(t, x, y)dy=X
n≥1
it
(n+x−it)(n+x). 3. Soit pour tout (t, x, y)∈R×R+×R+
u(t, x, y) := e−xy
ey−1 sin(yt).
Prouver que pour tout (t, x)∈R×R+ on a y7→u(t, x, y)∈L1(R+, λ) et Z +∞
0
e−xy
ey−1 sin(yt)dy =X
n≥1
t
(n+x)2+t2. 4. Prouver que la fonction g :R×R+ 7→R
g(t, x) :=
Z +∞
0
e−xy
ey−1 sin(yt)dy
est de classe C2 surR×R+ et satisfait sur R×R+ l’´equation
∂2g
∂t2 + ∂2g
∂x2 = 0.
Exercice 2 Soit (X,A, µ) un espace mesur´e etp∈[1,+∞[. Soitf dansLp(X,R+), o`u R+= [0,+∞[.
1. Soit ϕ: R+ 7→[0,+∞] d´efinie par ϕ(t) :=µ(f > t). Montrer que ϕ(t)<+∞
pour tout t >0 `a l’aide de l’in´egalit´efp ≥tp·1{f >t}.
2. Montrer queϕest d´ecroissante, continue `a droite surR+ avec limt→+∞ϕ(t) = 0.
3. Pour tout k ∈ Z soit Ak :={t ∈R+ :µ(f > t)≤2k}. Montrer que pour tout k ∈Z on a Ak6=∅. Soit tk := infAk. Montrer que tk∈Ak.
4. Montrer que pour tout k∈Z on a Ak ⊆Ak+1 ettk≥tk+1.
5. Montrer que ]0,∞[⊆ ∪k∈ZAk et en d´eduire que tk →0 si k →+∞.
6. Montrer que la fonctionF :X×R+ 7→R+ d´efinie par F(x, t) := p tp−11{f(x)>t}
est A ⊗ B(R+) mesurable.
7. Montrer `a l’aide du Th´eor`eme de Fubini que Z
X×R+
F d(µ⊗λ1) =kfkpLp =p Z ∞
0
tp−1µ(f > t)dt.
8. Pour k ∈Z, on d´efinit ck := 2k/ptk. Montrer `a l’aide du Th´eor`eme de Fubini que
p Z ∞
0
tp−1
à X
k∈Z:tk>t
2k
!
dt =X
k∈Z
cpk.
9. Pour tout t > 0 soit k(t) := sup{k ∈ Z : tk > t} < +∞, avec sup∅ :=−∞.
Prouver que pour tout t >0
2k(t) ≤µ(f > t)≤2k(t)+1
et X
k∈Z:tk>t
2k= 2k(t)+1, o`u par convention 2−∞ := 0.
10. En d´eduire que pour tout t >0 1
2 X
k∈Z:tk>t
2k ≤µ(f > t)≤ X
k∈Z:tk>t
2k et que
kfkpLp ≤X
k∈Z
cpk ≤2kfkpLp.
Corrig´e (LM363, 13 d´ecembre 2007)
Correction de l’exercice 1 (8 points sur 20) 1. Pour tout n≥1 on a l’estimation
|fn(t, x, y)|=¯
¯e−(n+x)y¡
eiyt−1¢¯¯≤e−ny|t|y, y∈R+, car
|eiyt−1|2 = (cosyt−1)2+ sin2yt= 2(1−cosyt)≤(ty)2. On obtient pour tout (t, x, y)∈R×R+×R+
X
n≥1
|fn(t, x, y)| ≤ |t|yX
n≥1
e−ny =|t| y e−y 1−e−y.
La s´erie converge absolument pour tout (t, x, y)∈R×R+×]0,+∞[ et f(t, x, y) := X
n≥1
fn(t, x, y) = e−xy ey −1
¡eiyt−1¢ .
2. Pour tout (t, x)∈R×R+ on a Z +∞
0
|f(t, x, y)|dy≤ Z +∞
0
X
n≥1
|fn(t, x, y)|dy≤ |t|
Z +∞
0
y e−y
1−e−y dy <+∞.
Aussi on a Z +∞
0
|fn(t, x, y)|dy=|t|
Z +∞
0
y e−nydy= |t|
n2
et donc X
n≥1
kfn(t, x,·)kL1(R+,λ)<+∞.
On peut aussi remarquer que par le th´eor`eme de convergence monotone X
n≥1
Z +∞
0
|fn(t, x, y)|dy = Z +∞
0
X
n≥1
|fn(t, x, y)|dy ≤ Z +∞
0
|t| y e−y
1−e−y dy <+∞.
Par le th´eor`eme sur les s´eries absolument convergentes on trouve que Z +∞
0
f(t, x, y)dy=X
n≥1
Z ∞
0
fn(t, x, y)dy.
Or les fonctions y 7→ e−(n+x)yeiyt et y 7→ e−(n+x)y sont int´egrables sur R+ et on a Z ∞
0
fn(t, x, y)dy= Z ∞
0
e−(n+x)yeiytdy− Z ∞
0
e−(n+x)ydy
= 1
n+x−it − 1
n+x = it
(n+x−it)(n+x). 3. Il suffit de remarquer que pour tout (t, x, y)∈R×R+×R+
u(t, x, y) = e−xy
ey−1 sin(yt) = Imf(t, x, y), et donc ku(t, x,·)kL1(R+,λ)≤ kf(t, x,·)kL1(R+,λ) et
Z +∞
0
u(t, x, y)dy=X
n≥1
Im it
(n+x−it)(n+x). Or
it
(n+x−it)(n+x) = (n+x+it)it ((n+x)2+t2)(n+x)
=− t2
((n+x)2 +t2)(n+x) +i t
(n+x)2+t2.
4. Il est clair que u est de classe C∞ sur R×R+×]0,∞[7→R. Pour appliquer le th´eor`eme de d´erivabilit´e d’une int´egrale d´ependant d’un param`etre il suffit de trouver une fonction h∈L1(R+, λ) telle que
µ¯¯
¯¯∂u
∂t
¯¯
¯¯+
¯¯
¯¯∂u
∂x
¯¯
¯¯+
¯¯
¯¯∂2u
∂t2
¯¯
¯¯+
¯¯
¯¯ ∂2u
∂t∂x
¯¯
¯¯+
¯¯
¯¯∂2u
∂x2
¯¯
¯¯
¶
(t, x, y)≤h(y), pour tout (t, x, y)∈R×R+×]0,∞[. Des simples calculs montrent que
∂u
∂t(t, x, y) = e−xy
ey −1y cos(yt), ∂u
∂x(t, x, y) = −y e−xy
ey−1 sin(yt),
∂2u
∂t2(t, x, y) =− e−xy
ey −1y2 sin(yt), ∂2u
∂t∂x(t, x, y) = − e−xy
ey −1y2 cos(yt),
∂2u
∂x2(t, x, y) =y2 e−xy
ey−1 sin(yt).
Donc on peut choisir
h(y) = 3(y+y2) e−y
, y >0, khkL1(R ,λ) <+∞.
Donc g ∈C2(R×R+) et en particulier pour tout (t, x)∈R×R+ µ∂2g
∂t2 + ∂2g
∂x2
¶
(t, x) = Z +∞
0
µ∂2u
∂t2(t, x, y) + ∂2u
∂x2(t, x, y)
¶
dy = 0.
Correction de l’exercice 2 (14 points sur 20)
1. Si on int`egre par rapport `a µ les deux cˆot´es de l’in´egalit´efp ≥ tp·1{f >t} on trouve
ϕ(t) = µ(f > t)≤t−p Z
fpdµ < +∞, t >0.
On peut remarquer que en g´en´eral µ(f >0) pourrait ˆetre fini ou infini.
2. Si t ≤ s alors {f > s} ⊆ {f > t} et donc µ(f > s) ≤ µ(f > t). Si t ≥ 0 et εn ↓ 0 alors {f > t} = ∪n{f > t+εn}. Puisque {f > t+εn} est une suite croissante, on peut appliquer la continuit´e `a gauche des mesures et obtenir que ϕ(t+εn)↑ϕ(t).
Soit Mn une suite croissante qui tend vers +∞. Puisque∩n{f > Mn}={f = +∞}, µ(f = +∞) = 0, et µ(f > M1) < +∞, on peut alors appliquer la continuit´e `a droite des mesures sur les suites d´ecroissantes `a mesure finie et obtenir que limt→+∞ϕ(t) = 0.
On peut aussi remarquer que par la question pr´ec´edente : ϕ(t) =µ(f > t)≤t−p
Z
fpdµ→0, t →+∞.
3. Pour toutk∈Z soitAk :={t ∈R+:µ(f > t)≤2k}. Puisque limt→+∞ϕ(t) = 0 on a ϕ(t) ≤ 2k pour t assez grand. Soit tk := infAk. Il existe une suite (sn)⊂Ak telle que sn↓tk et par la continuit´e `a droite on trouve que ϕ(tk) = limnϕ(sn)≤2k; donc tk ∈Ak.
4. Si t ∈ Ak alors ϕ(t) ≤ 2k ≤ 2k+1 et donc t ∈ Ak+1. Puisque Ak ⊆ Ak+1 on a n´ecessairement infAk+1 ≤infAk.
5. Soitt >0 ; puisqueµ(f > t)<+∞ alors il existe k∈Z tel queµ(f > t)≤2k et t appartient alors `a Ak. Donc pour toutt >0 il existe k tel que t ≥tk ≥ti
pour touti≥k. Donctk →0 sik →+∞. On peut remarquer que 0∈ ∪k∈ZAk si et seulement si µ(f >0)<+∞.
6. La fonction f estA-mesurable ; l’´ev´enement {(x, t) :f(x)> t} s’´ecrit aussi {(x, t) :f(x)> t}=∪r∈Q+
³
{x:f(x)> r} ×[0, r]
´ ,
qui appartient `aA⊗B(R+). La fonctionR+ 3t7→p tp−1 estB(R+)-mesurable car continue, et donc la fonction R+×X 3 (t, x) 7→ p tp−1 est A ⊗ B(R+) mesurable. La fonction F est produit de deux fonctionsA ⊗ B(R+) mesurables donc mesurable.
7. Par le Th´eor`eme de Fubini Z
X×R+
F d(µ⊗λ1) = Z
X
dµ(x) Z
R+
p tp−11{f(x)>t}dt= Z
X
dµ(x) Z f(x)
0
p tp−1dt
= Z
X
dµ(x) (f(x))p =kfkpLp, Z
X×R+
F d(µ⊗λ1) = Z
R+
dt p tp−1 Z
X
dµ1{f(x)>t} =p Z ∞
0
tp−1µ(f > t)dt.
Il faudrait remarquer que le Th´eor`eme de Fubini en g´en´eral est vrai si µ est σ-finie, hypoth`ese qui n’a pas ´et´e sp´ecifi´ee ici. Mais si on se restreint `a ˜X :=
{f >0}, qui est mesurable, avec la tribu ˜A:={A∩X˜ :A∈ A}et on consid`ere µ restreinte `a ˜A, alors on voit facilement que ( ˜X,A, µ) est un espace˜ σ-fini ; en effet, ˜X =∪n{f >1/n}.
8. On consid`ere ici les espaces mesur´es (R+,B(R+), λ) et N avec la mesure de comptage ; les deux espaces ´etant σ-finis, on peut appliquer le Th´eor`eme de Fubini. Si on intervertit la somme et l’int´egrale, ce qui est possible car les termes sont tous positifs, on obtient
p Z ∞
0
tp−1
à X
k∈Z:tk>t
2k
!
dt=p Z ∞
0
tp−1 ÃX
k∈Z
1{tk>t}2k
! dt
=pX
k∈Z
2k Z ∞
0
tp−11{tk>t}dt =X
k∈Z
2kp Z tk
0
tp−1dt =X
k∈Z
2ktpk =X
k∈Z
cpk.
9. Si µ(f > t) = 0 alors t ∈ ∩kAk, donc {k ∈Z:tk > t}=∅ etk(t) =−∞. Par la convention on a 2k(t)= 2k(t)+1 = 0 et l’in´egalit´e cherch´ee est v´erifi´ee.
Soit maintenant t > 0 tel que µ(f > t) > 0. Puisque tk → 0 si k → +∞, pour t > 0 on a k(t) = max{k ∈ Z : tk > t} ∈]− ∞,+∞[. Donc tk(t) > t et tk(t)+1 ≤t, c’est `a dire t /∈Ak(t) mais t ∈Ak(t)+1, et en particulier
2k(t) < µ(f > t)≤2k(t)+1 par les d´efinitions de Ak(t) et Ak(t)+1. On voit aussi que
X
k∈Z:tk>t
2k = Xk(t)
k=−∞
2k= 2k(t) X∞
k=0
2−k = 2k(t)·2 = 2k(t)+1.
10. On a trouv´e que pour toutt >0 1
2 X
k∈Z:tk>t
2k= 2k(t) ≤µ(f > t)≤2k(t)+1 = X
k∈Z:tk>t
2k et donc par les questions 7 et 8
kfkpLp ≤X
k∈Z
cpk ≤2kfkpLp.