A NNALES DE L ’ UNIVERSITÉ DE G RENOBLE
J EAN D IEUDONNÉ
Sur le théorème de Lebesgue-Nikodym (III)
Annales de l’université de Grenoble, tome 23 (1947-1948), p. 25-53
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Sur
le théorème de Lebesgue-Nikodym (III)
par Jean DIEUDONNÉ
(Nancy
etSão-Paulo).
1. Introduction
(’~.
Le
sujet
de ce travail diffèrequelque
peu de celui des deux articles antérieurs que nous avonspubliés
sous le même titre{2~.
Nous yconsidérions exclusivement des fonctions à valeurs
réelles,
ou des élémentsd’espaces
vectoriels réticulés(((
espaces de Riesz») qui
lesgénéralisaient ;
au contraire, nous nous occupons dans ce travail de fonctionsprenant leurs
valeurs dans un espacevectoriel topologique F,
et «
intégrables ))
en un certain sens. Onpeut
alors chercher àgénéraliser
le théorème deLebesgue-Nikodym classique
de deuxmanières différentes. Ce dernier montre en effet essentiellement que
toute fonction linéaire continue dans un espace
L
à valeursréelles,
est de la forme
f > f qf dja, où g
est une fonction à valeursréelles,
mesurable et bornée.
Lorsqu’il s’agit
de fonctions à valeurs vecto-rielles,
leproduit gf
d’une tellefonction f
et d’une fonctionréelle g
est
intégrable lorsque f
estintégrable, g
mesurable etbornée,
oulorsque g
estintégrable,
et f « bornée » en un certain sens que nouspréciserons ;
dans lepremier cas, g f dy
est fonction linéaire de la fonctionintégrable fà
valeursvectorielles,
dans lesecond,
fonctionlinéaire de la fonction
intégrable g
à valeurs réelles(les
valeurs del’intégrale
étanttoujours
dansF) ;
nous sommes donc conduits à étudier les fonctions linéairescontinues,
à valeurs dans F, etdéfinies,
soit dans un espace L’ de fonctions à valeursréelles,
soit dans un espace de fonctionsintégrables
à valeurs dans F. Dans lepremier
(1) Les numéros entre crochets renvoient à la bibliographie placée à la fin de cet article.
(2) Voir [51 et [6].
cas, nous obtiendrons une
généralisation
du théorème deLebesgue- Nikodym
pour la notiond’intégrale
laplus étendue
de toutes cellesdonnées jusqu’ici,
celle de Gelfand-Dunford(3) (cette généralisation
a d’ailleurs
déjà
étédonnée,
avec deshypothèses plus
restrictivessur F et sur la mesure
considérée,
par Gelfand(~)
et Dunford-Pettis
pour
lagénéralisation
du secondtype (qui,
à ce que nouscroyons, est
nouvelle),
nous sommesobligés,
aucontraire,
de nous restreindre àl’intégrale
deBochner (6).
Le théorème de
Lebesgue-Nikodym
pourl’intégrale
de Gelfand-Dunford nous
permettra
enfin d’aborder d’une autre manière leproblème
de la «décomposition
des mesures o, ou, comme nousdirons
plutôt,
leproblème
des « mesuresquotients
o, abordé récem-ment par P. Halmos
(’)
par une méthodedirecte ; malheureusement,
le résultat fondamental deHalmos,
basé sur un lemme erroné deDoob,
est lui-mêmeinexact,
tout au moins si on ne restreint pasdavantage
les conditions de sonénoncé ;
nous verrons comment onpeut
modifier cet énoncé defaçon qu’il
devienne correct etpuisse
même s’étendre à des cas
plus généraux ;
d’autrepart,
en restantau même
point
de vue que P.Halmos,
nous donnerons des condi- tions suffisantesqui
assurent aussi l’exactitude de son résultat.2. L’espace de Kakutani.
L’instrument essentiel dont nous allons nous servir est la
repré-
sentation très commode d’un espace LI de fonctions
sommables,
imaginée
par S.Kakutani (g) ; rappelons
brièvement enquoi
elleconsiste. Soit E un ensemble
quelconque, ~.
une mesure définie surune tribu ’6 de
parties
deE,
telle que E soit mesurable et de mesurefinie (9) ;
alors les ensemblesmesurables, pris
modulo les ensembles (3) Voir (io] et [8].(’~) Voir [10].
(5) Voir [g], p. 344, theorem a. I. I.
(6) Pour la définition et les propriétés de cette intégrale, voir [3].
(7) Voir [il] et [I2].
(8) Voir [13], p. 532-534.
(9) Il serait facile, en suivant Kakutani, d’associer un espace localement compact et tota- lement discontinu à un ensemble E muni d’une mesure pour laquelle E est mesurable mais de mesure infinie; nous laissons au lecteur le soin d’étendre à ce cas les résultats dé- montrés ci-dessous.
Pour les notions de la théorie de l’Intégration dont nous faisons usage dans ce travail,
voir [16], chap. 11.
de mesure nulle (ou, ce
qui
revient aumême,
les classes de fonctionscaractéristiques
d’ensembles mesurables, où deux fonctions appar- tiennent à une même classelorsqu’elles
sontclaies
presquepartout
et dans ce cas
seulement)
forment uneulgéGre
booléienne a. ; à cettealgèbre,
un théorème de Stone faitcorrespondre
d’unefaçon
biendéterminée un espace E
compact
et totalementdiscontinu,
tel que cx soitisomorphe
àl’algèbre
booléienne des ensembles àlafois
ouvertset
fermés
deE
nous dirons quel’espace compact É
estl’espace
deKakutani attaché à l’ensemble E et à la mesure y, sur E. A toute
classe de fonctions
caractéristiques
d’ensembles mesurables dans Ecorrespond
ainsi une fonctioncaractéristique
d’un ensemble à la foisouvert et fermé dans E ; on étend aussitôt cette
correspondance
auxcombinaisons linéaires de fonctions
caractéristiques
d’ensembles mesurables(fonctions étagées
sur la tribu ’6 où est définieet
onobtient ainsi un
isomorphisme
u ~ iz de l’anneau des classes de fonc- tionsétagées
sur’5,
sur l’anneau des fonctionsnumériques
continuesdans E et ne
prenant qu’un
nombre fini de valeurs ; en outre, on a~ ~ rz ~ ~~
_11 a I,
le second membredésignant
comme d’ordinaire la bornesupérieure
dansE
des valeurs delai.
Cette dernière relationpermet
deprolonger
par continuitél’isomorphisme
a > iz en unisomorphisme
de l’anneauLOO (E, ~.)
de toutes les classes de fonctions mesurables et bornées surE,
sur l’anneauC(E)
des fonctions continues dansE ;
on notera que cetisomorphisme
conserve l’ordre(autrement dit,
siu
o presquepartout,
on aû ~
opartout
dansE).
Si on pose
alors û d ad[-,t,
on définit une mesure de Radonli-
surE,
etchaque
espaceLP(E, .)
estisomorphe
àl’espace
corres-pondant LP(Ê, v) ( 1 C p C+ oo).
Mais en outre, pour tout ensemble A mesurable dansE,
il existe un ensemble B à la fois ouvert etfermé et dont la « différence
symétrique »
avec A(ensemble
despoints appartenant
à l’un des deux ensembles A, B, sansappartenir
à
l’autre)
est de mesure nulle(10).
Tout ensemble ouvert non videdans E
est de mesure > o ; on en déduit que si un ensemblefermé
dans
E
est de mesure nulle, soncomplémentaire
est un ensembleouvert
partout
dense etréciproquement.
Pour toute fonctionf
mesu-rable dans
E
et « essentiellement bornée »(c’est-à-dire
dont lemaximum et le minimum en mesure sont
finis)
il existe une fonc-(10) Li3~, p. 533, note 12.
28
tion continue dans
E, égale à j
presquepartout.
On en déduit aisé-ment que si
f
est une fonction mesurable finie presquepartout
dans
É,
il existe une fonction biendéterminée, égale
presquepartout
à
f,
et continue dans un ensemble ouvertpartout dense,
dont lecomplémentaire
est de mesure nulle(").
Tant
qu’on
ne fait pas de distinction entre des fonctionségales
presque
partout,
onpeut
donc aussi bien raisonner sur la mesure;1
que sur la mesure ~. initiale donnée dans E. Par
exemple, l’espace
,
de Kakutani
permet
de donner uneinterprétation simple
del’espace
dual de
L°°(E, ~~) ;
ce dernier étantisomorphe
àl’espace C(E)
desfonctions continues sur
E,
on voit que son dual estisomorphe
àl’espace
de toutes les mesures de Radon surl’espace compact E, qui
est dual de
C(E) ;
cela fait aussitôtapparaître
que, siE
n’est pasdénombrable, l’espace
Li(E, ~.)
n’est pas réflexif.3. Fonctions vectorielles faiblement sommables.
Les
hypothèses
sur Eet .
étant les mêmes queci-dessus,
soient Fet FI deux espaces vectoriels sur le corps R des nombres
réels,
~x, x’~
une forme bilinéaire surF > F’ qui
définisse sur chacund’eux une
topologie
faibleséparée,
de sorte que F et FI soient endualité faible
C2).
On diraqu’une
fonctionf définie
dansE,
à valeurs dansF,
estfaiblement
sommablesi,
pour tout élémentaEF’,
lafonction numérique
t~ ~ f(t), a’~ (que
nousdésignerons simplement
par
(f, a’~)
estsommable ;’l’application x’ f (f, x’)d
de FI dans R est alors une formelinéaire,
maisqui
n’est pas nécessairement continue pour latopologie
faible surFI ;
elle est donc de la forme XI -~-(c, x’) ,
mais onpeut
seulement dire engénéral
que cappartient
au dual
algébrique
deFI, qui
n’est autre que lecomplété
F de F : onpose e
f [d,,j.,
et on dit que cet élément de F estl’intégrale
def
dans
E ;
on a doncidentiquement f (f,a’.= . f d a’
pourtout
a’EFI C3).
~ " ’Cette définition entraîne immédiatement que pour toute fonction (11) Il suffit de considérer f comme l’enveloppe supérieure des fonctions sup ( f, n) (lorsque f ~ o).
(12) Pour les notions dont nous faisons usage ici, voir par exemple [~J.
(13) Cette notion d’intégrale est identique à celles de Gelfand (io) et de Dunford [8]
lorsque F est un espace norme, F~ un sous-espace du dual fort F* de F.
numérique g
mesurable etbornée,
leproduit g f
est faiblementsommable ;
enparticulier,
pour tout ensemble mesurableA, Af
estfaiblement
sommable ;
on poseJ ~ uA f d = J!, A f d (intégrale
éten-due à
A).
Nous utiliserons le lemme suivant :LEMME i. - Soit an
filtre
sur l’ensemble desfonctions faiblement
sommables dans
E, qui (pour
latopologie
faible surF)
converge uni-formément
vers unefonction
f; alors
f estfaiblement
sommable et on af d = lim g~..
.En
effet, l’hypothèse signifie
que pour touta’EF’, l’image
de 4)par
l’application
~ ~~g, a’~
est une base de filtre dans l’ensemble des fonctionsnumériques sommables, qui
converge uniformément dans E vers la fonction(f, a~) ;
; commeE
estfinie,
la fonctionf, a’~
est sommable etf f, a’>d
--lim g, a’)d,,j.,
, cequi
montre que f est faiblement
sommable,
etque
gdw.
converge(pour
latopologie
faible surF)
versf f d j.
suivant le filtre 4).On dit
qu’une
fonction faiblement somrnable f estéquivalente
à osi pour tout
a’EF’, f, a’~
est nulle presquepartout.
Il est bienconnu
(")
que fpeut
êtreéquivalente
à o sans être nulle en aucunpoint
deE ; toutefois,
s’il existe dans F’ une famille dénombrable(a~)
telle que les relationsx, an j -
o pour tout n entraînent x - 0dans
F,
alors les seules fonctions faiblement sommableséquivalentes
à o sont les fonctions nulles presque
partout,
car chacune des rela-tions ~ ~ f (t), a’> n ~ dp.
= o entraîne que~ f (t), a ~~
est nulle sauf dans~
un ensemble
Hn
de mesurenulle ;
ces relations ont donc lieusimultanément dans le
complémentaire
de la réunion H desH,,,
cequi
prouvequ’on
af (t)
-- o dans lecomplémentaire
de l’ensemblede mesure nulle H.
4. Première généralisation du théorème
de Lebesgue-Nikodym.
Étant
donnée une fonction faiblement sommablef,
définie dans Eet à valeurs dans
F,
nous dirons que f estfaiblement
bornée si pour (1ft) Voir un exemple de ce fait dans [2], p. 3~6, exemple 3.tout aF’, la fonction
numérique (f, a’~
est essentiellement bornée.Pour une telle
fonction,
et pour toute fonctionnumérique
som-mable g
dansE,
il est immédiat quegf est
faiblementsommable,
etque pour tout
a’EF’,
il existe un nombrem(a’) >
o tel queOn
peut
dire encore que gj- g f du
est uneapplication
linéairecontinue de
l’espace L’(E, dans l’espace topologique
F(muni
dela
topologie
faible définie parFI)
si E estl’espace
de Kakutani(n° 2)
attaché à
E,
nous avons vuqu’on peut
identifier les espacesLBE, ~.)
et
L’(E, t,~) ;
onpeut
donc aussiconsidérer g
-~-gf dy
comme uneapplication
linéaire continue deLI(E, û)
dans F. C’est la caractéri- sation de toutes lesapplications
de cette naturequi
va constituer lapremière généralisation
du théorème deLebesgue-Nikodym :
THÉORÈME i. -- Toute
application
linéaire continue deL’(E, -,) dans
F est de la
forme
gf gf d,
, oiaf
est unefonction faiblement
som-mable
etfaiblement bornée, définie
dansÉ
et à valeurs dans-F.
Nous
désignerons par 2
l’ensemble despartitions
-a --(AL) ~ E
i ~ nde
E
en un nombre fini d’ensembles à la fois ouverts et fermés, etnous ordonnerons cet ensemble en convenant, comme d’ordinaire,
qu’une partition
est moinsfine qu’une partition ~’ lorsque
toutensemble de est contenu dans un ensemble
de ;
pour cette rela- tiond’ordre,
l’ensemble ~est filtrant,
car si i==(Ai)
et ~r’ :==(Bj)
sontdeux
partitions quelconques appartenant
à~,
ceux des ensemblesAi Bj qui
ne sont pas vides sont à la fois ouverts et fermés etforment une
partition
~’plus
fine que ~r et ~’. Soitalors g
-~-U(g)
une
application
continue de LI dansF.
Pour toutepartition (Ai)
de
~,
prenonsf~(t)=
pour toutpoint IEAI;
nous allonsmontrer que, suivant l’ensemble filtrant ~, les
fonctions f
conver-gent uniformément
dansE
vers une fonction faiblementsommable f
(à
valeurs dansF),
etqu’on
aU(g)
==f gf dît
pour toute fonctionnumérique
sommable ~~. Eneffet,
soienta1,(i i C
i~, p)
un nombrefini
quelconque
d’éléments deF’ ;
pourchaque
indice~,
on a parhypothèse 1 ~U(g), a~) ~ C m(a’. ,~ ~ ~ I g 1 dp.
;d’après
le théorème deLebesgue-Nikodym,
il existe une fonctionnumérique hi,
sommableet bornée
dans E,
telle que(U(g), a~~
-fg hid,,!
pour toute fonctiongEL!
et pour i~ i C
p ; en outre, commehi
n’est définiequ’à
uneéqui-
-valence
près,
onpeut
supposerque hi
est continue dansÉ. Étant
donnéun nombre £ > o arbitraire, il existe donc une
partition
m --(Bj)
appartenant à ~,
telle que, dans chacun desB~,
l’oscillation de chacune deshi soit CE.
Soit alors=(Ck)
unepartition appartenant
à ~,plus
fine que ; toutCk
est donc contenu dans unBj ;
soit unedes valeurs de
hi
dansBj;
pour touttECk,
on a d’unepart
d’autre
part,
on a de mêmeavec encore - 2
C
el 2 ;d’où
résulte aussitôt que, pour touttEE
et pour tout indice i, on a
Comme F est
complet,
on déduit aussitôt de ce résultat que lesf~
convergent
uniformément dansE
vers une fonction f, et le lemme 1montre que f est faiblement sommable. Démontrons enfin que
U(g) _ ~’ gfd,,j.
pour toute fonctiongEL‘ ;
comme les fonctionsétagées
sontpartout
denses dansLB
il suffit de démontrer la propo- sition pour une tellefonction,
et par suite pour une fonction carac-téristique
~~A d’un ensemble ouvert et fermé dans E. Or, pour toutepartition =:(Ai) plus
fine que lapartition (A, CA),
on ala somme étant étendue aux indices i tels que
Ai c A ;
or, on aU()
~f
VA, doncU«.5 i A)
=f A f,,dfi.
L/A Commef
tend unifor-mément vers
f dans A,
il résulte du lemme 1 quece
qui
achève la démonstration. Lafonction f
est déterminée à uneéquivalence près.
Eneffet,
si h est une fonction faiblement sommable et faiblement bornée telle queghd
-- o pour toute fonctionnumérique
sommable g, on a nécessairementj~ (h, a’d= o,
pour tout a’EF’ : car cette relation
peut
s’écrireghdv , a’, = o,
avec
g -- sgn (h, a’),
et g est sommable parhypothèse.
5. - Relations entre fonctions faiblement sommables définies dans E, et fonctions faiblement sommables définies dans
E.
Le théorème i
permet
tout d’abord d’étendre aux fonctions faible-ment sommables et
faiblement
bornées définies dans E(et
à valeursdans
F)
lacorrespondance
définie au n° 2 entre fonctions sommablesnumériques
définies dans E et fonctions sommablesnumériques
définies dans
l’espace
de KakutaniE
attaché à E. Eneffet, si f
estune fonction faiblement sommable et faiblement
bornée,
définie dans E et à valeurs dansF, l’application
g --~-g fd
est uneapplication
linéaire continue de
L’(E, y.~
dans F ; il existe donc une fonction faiblement sommable~,
définie dansE,
à valeurs dansF,
et définieà une
équivalence près,
tellequ’on
aitidentiquement
pour toute fonction sommable
numérique 9
définie dans E. La démonstration du th. 1 montre en outre que l’onpeut supposer f
continue dans
É (pour
latopologie
faible surF) ;
avec cette conditionsupplémentaire, ;
est alors bien déterminée par la donnée def
à uneéquivalence près ;
en effet,comme (~, a’~
est alors une fonctionnumérique
continue dansE
pour toutaEF’,
cette fonction nepeut
être nulle presque
partout
que si elle estidentiquement nulle,
etcomme cela a lieu pour tout
a’, doit
êtreidentiquement
nulle.Il n’est pas évident que
l’application
f --af ainsi
définie pour les fonc- tionsf
faiblementbornées, puisse
s’étendre aux fonctions faiblementsommables
quelconques :
c’est là unpoint qui
reste à élucider dans lecas
général.
D’autrepart,
on est naturellement amené à se demander si(comme
pour les fonctionsnumériques),
à toute fonction continueh définie dans
E,
à valeurs dansF (nécessairement
faiblementbornée) correspond
une fonction faiblement sommable f définie dansE,
et telle quef = h.
Nous allons voir seulement que lesréponses
à ces deuxquestions
sont affirmatives dans le casparticulier
considéré par Dunford-Pettis
(’),
cequi
nous donnera entre autresune nouvelle démonstration du théorème de ces auteurs cité
plus
haut.Ce cas est celui où F’ est un espace de Banach «
séparable » (c’est-
à-dire contenant une
partie
dénombrablepartout
dense pour latopologie forte),
et où F est le dualfort (12)
de F.Alors,
on a lelemme fondamental suivant, dû à N.
Dunford (1’) :
:LEMME 2. - Si f est
faiblement
sommable et à valeurs dansF,
l’intégrale fdu prend
ses valeurs dans F(et
nonplus
seulementdans
F).
Cela étant, soit
d’abord f
une fonction faiblement sommable etfortement
bornée dans E(c’est-à-dire
telle que~~ f(t) ~~ -
m pour touttEE) ;
pour tout aEF’ ettoute partie
mesurable A deE,
on a alors~ ~f> a’ > d ~ ~ w C m a’ll,,j.A, et par
suitef f dv. , y C jn A.
La démons-tration du th.
i, jointe
au fait que dans F laboule rn
estfaiblement
complète C6),
prouve que lafonction
continue dansE, qui correspond
à f,prend
elle aussi ses valeurs dansF,
et est telleque f(t) ~ ~ m
dans E.En second
lieu, soit f
une fonction faiblement sommablequel-
conque définie dans
E,
à valeurs dans F. Pour touttEE,
on a( f(t) = sup f(t), a, ~,
oùan parcourt
un ensemble dénombrable depoints
dense dans laboule jjx
i dansFI
; les fonctionsnumériques (y, an
étant sommables, lafonction f(t)
est mesurabledans E. Comme elle est
partout finie,
on voit que, siHn
est l’en-semble des tEE
où f(t) (
n, lesHn
forment une suite décroissante d’ensembles mesurables dont l’intersection estvide ;
leur mesuretend donc vers o avec T ln.
(’’) [8J, p. 334, theorem 43 (’~) voir (4),p 1 28, tl~. zz.
3
34
Au
complémentaire
deRn correspond
dansE
un ensemble ouvertet fermé
An
la réunion de la suite croissante(An)
étant un ensembleouvert A
partout
dense dansE (et
dont lecomplémentaire
est doncde mesure
nulle).
Comme larestriction fn
def
aucomplémentaire
de
H,,
est fortementbornée,
il luicorrespond,
par leth. i,
unefonction fn
continue et fortement bornée dansAn,
et il est clair que pour mC n, in
est leprolongement de fm
àA,n ;
toutes ces fonctions° sont donc les restrictions d’une
fonction f
continue(mais
non forte-ment
bornée)
dans l’ensemble ouvert A. Reste à voir que pour toute fonctionnumérique
/-) mesurable ,-)~~. « etbornée g
on ag fd ~
_g fdv
;or, on a
gfn du , - - f f fn d ,
pour tout n;9fn
tendpresque partout
vers
gf,
et pour touta’EF’,
on a(g fn, a’~ C g f, a’) (en
convenantde
prendre fn
nulle auxpoints
deHn) ;
le théorème deLebesgue
montre donc que
fgfn, a’>d[.L
tend versgf, a>dfi. ;
en raisonnantde même dans
Ê,
on voit quef ,qf, a’~ dj. _ ~~g f, a’~ d,
pour touta’EF’,
cequi
achève notre démonstration.Passons au
problème inverse,
et considérons d’abord une fonction continue et fortement bornée h définie dans E. Parhypothèse,
ilexiste dans F’ une suite
(a)
depoints
linéairementindépendants,
tel que le sous-espace
engendré
par cette suite soitpartout
densedans F’
(pour
latopologie forte).
Posonshn=~h, a’>; ; hn
est unefonction
numérique
continue dansE,
donc il existe une fonction mesurable etbornée fn
définie dansE,
telle quef~
--hn.
Pour toutecombinaison linéaire a’ _
~, rhak
desak
à coefficientsrationnels,
la fonctionnumérique
on a
donc ( f
et par suite il existe un ensembleH(a’),
de mesure nulle dansE,
tel que dans lecomplémentaire
deH(a’)
on aitf’(t, a’) C sup h(x), a’C m a’ ( ,
endésignant
parxEE
m la borne
supérieure de ())
dansÈ.
Or les combinaisons linéaires desak à
coefficients rationnels forment un ensemble dénom- brableD, partout
dense dans F’ ; il existe donc un ensemble demesure nulle H dans E tel
que,
dans lecomplémentaire
deH,
on aiten tout
point
1,~ f(’l, a’) ~
irtII a’ Il
pour tout ’E 1). Pour tout t fixe dans lecomplémentaire
de 11, la fonction a’ -~-~f’( f., a’
est donc uni- formément continue dans 1), et seprolonge
par suite en une forme linéaire continue dansF~, qu’on peut
donc noter f( t), al),
où’()
)est un élément bien déterminé du dual F de F’. En outre, pour tout
a’EF’,
il existe une suite(bn) d’éléments
de Dqui
converge fortementvers
a’,
donc(f(t), bn~
convergeuniformément
versf(t), a’)
dans lecomplémentaire
deH,
cequi
prouve que(f(~), a’)
estsommable,
etcorrespond à
la fonction continue(h, a’~
dansE ;
il en résulte que pour toute fonctionnumérique
sommable et bornée g,gf, a’~
cor-respond
àg(h, a’~,
et par suite f est faiblement sommable etf =
h.En raisonnant comme dans le
premier problème,
il serait facile de voirqu’à
toute fonction h faiblement sommable définie dansE,
àvaleurs dans
F, correspond
unefonction f
faiblement sommable définie dans E(à
uneéquivalence près)
et telle quef .- h ; mais
nous n’utiliserons pas ce résultat.
Cela étant,, le théorème de Dunford-Pettis
précité correspond
aucas où F satisfait aux
hypothèses précédentes,
et où on cherche lesapplications
linéaires continues deL1(E, y.)
dans F, ce dernier espace étant muni de satopologie forte ;
une telleapplication
U satisfait donc à larelation U(g m J’I .
Le th. i montre donc queU(g) == f gfdp., où f
est faiblement sommable dansE ;
mais enoutre ici f
prend
ses valeurs dans la bouleS : 1 x --
m deF,
et nonplus
seulement dansF :
en effet, la démonstration du th. i montreque f est limite uniforme
(pour
latopologie
faiblec(F, F’))
d’unfiltre de fonctions
prenant
leurs valeurs dansS ;
comme Sest faible-
ment
complète (16)
lapropriété
énoncée en résulte, et f est fortementbornée. On
peut alors,
comme on l’a vuplus
haut, identifier f àune fonction faiblement sommable et fortement bornée
définie
dansE,
et écrireU(g)
_fgfdtL:
: c’est le théorème de Dunford-Pettis.6. - Seconde généralisation du théorème de Lebesgue-Nikodym.
Nous allons nous
placer
dans les mêmeshypothèses
que dans lenO 5, en
supposant
deplus
que le dual F de F’ est lui-même unespace
séparable (ce qui
suffit d’ailleors pourimpliquer
que F’ l’estaussi
(’’)). Alors,
comme E est de mesurefinie,
un résultat dePettis
(18)
montre que toute fonction faiblement sommable dans E(à
valeurs dansF)
etfortement
bornée, est aussifôrtement
sommable(c’est-à-dire
limite presquepartout
pour latopologie
forte d’une suite de fonctionsétagées fn,
lasuite ~ f))d
tendant vers o, et lafonction
numérique ))f()j) étant
sommable("» .
Nousdésignerons
par
‘~’ (E, F) l’espace
vectoriel des fonctions fortementsommables,
définies dans E et à
valeurs
dansF,
cet espace étant muni de lanorme f=f).
. On sait que’i (E, F)
estcomplet et qu’on a
pour toute fonction fortementsommablef;
;en outre,
si g
est une fonctionnumérique
mesurable etbornée, gf
est aussi fortement sommable
(2°).
Le sous-ensemble‘~~° (E, F)
desfonctions fortement sommables et fortement bornées dans E est un
espace
vectoriel ;
si ondésigne
parIl f
le maximum en mesure def(t) ~ dans E, f
est une norme sur!’~° (E, F),
et muni de cettenorme, ~~ (E, F)
est encore un espacecomplet.
THÉORÈME 2. - Si F est dual
fort
d’un espace de BanachF,
etest
séparable,
touteapplication
linéaire continue de~’‘ (E, F)
dans Fest de
la forme
f-f T( ’t)dt,,
où T est uneapplication
linéaire continue de’-~’(E, F)
danslui-rnênze,
telle queT(gf)
--gT(f)
presquepartout
pour toute
fonction numérique
sommable et bornée g.Par
hypothèse,
il existe dans F une suite(an)
depoints
linéaire-ment
indépendants,
tels que le sous-espace H deF,
formé descombinaisons linéaires des ~n, soit
partout
dense(pour
latopologie forte)
dans F. On en déduit aussitôt que l’ensemble des combinaisons linéairesag;,
où gj est une fonctionnumérique
sommablequel-
conque, est un sous-espace
partout
denseL0
de‘P’ (E, F).
Soit alorsU une
application
linéaire continue de~1 (E, F)
dansF ;
on a doncoù m est un nombre
appartient
â~’o,
onpeut
J
(i-’) [i], p. 189, th. 12.
(18) Voir I4, p. 2~8, theorem i. I.
(19) Cette notion d’intégrale est celle de Bochner (voir ( 3~).
(’-") [31, P. ~A65.
37
écrire
U( f)_-- ~ IJ(a) ; ; lorsdue g parcourt l’espace L’(E), l’appli-
cation g
-U(ag)
_-__U( y)
est uneapplication
linéaire deL’(E)
dansF,
etd’après (i),
on a autrementdit, U~
est uneapplication
linéaire deL1(E)
dans F,quand
on munit Fde la
topologie forte ;
le théorème de Dunford-Pettis est doncappli-
cable ici et donne
U(g)
~~~ g fd., f~
étant une fonction faiblement sommable et fortementbornée,
à valeurs dansF : f
est doncforte-
ment sommable. Pour toute fonction
f - ~
ag de~o,
posonsV~ - .7
T ( f) _ fg ; T( f)
est une fonction fortement sommable dansE,
- ~
T est une
application
....linéaire deL0,
dans~‘( E, F)
et on a évidemmentT(gf)
=gT(f)
pour toute fonctionf Eo
ettoute
fonctionnumérique
sommable et
bornée g; enfin,
on a par définitionL’ ( f ) - T ( f)d.
pour toute fonction
fEo.
‘
Cela étant, nous allons montrer que T est continue dans
~~’o.
D’après (i),
on a pour toute fonc-tion
fELo
et toute fonctionnumérique g
sommable et bornée. On endéduit que, pour tout a’EF’ tel que
jj a
i,Fixons la fonction
f ELo ,
et posons h --T(f).
Comme F estséparable,
pour tout entier n > o, il existe une suite
(akn)
k~ 1 d’éléments de F telle que toutpoint
xEF soit contenu dans une boule ouverte decentre l’un des akn et de rayon
y!n.
SoitA,kn
l’ensemble des tEE telsque h(t) - ak,
nAkn
est mesurablepuisque
h est fortementsommable;
siBkn
est l’ensemble despoints
deAkn qui n’appar-
tiennent pas aux
Ain
d’indice i Ck, Bkn
est mesurable et lesBk,~
forment une
partition
de E.Or,
pourchaque
k, il existeaknEF’
telque )) akn 11 --1,
etakn, aknl /n ;
on en déduit aussitôt que, dansBkn,
onI ~h(t), akn - h(t) 3n. Appliquant
alors(2)
en
remplaçant g
par la fonctioncaractéristique
deBlm’
il vient38
d’où,
en sommant parrapport
à ket comme n est
arbitraire,
on a bience
qui
démontre la continuité de T danso. Comme ~£,
estpartout
dense dans
l’espace complet (E, F),
T seprolonge
en uneappli-
cation linéaire continue de
‘~1(E, F)
dans lui-mêmequi
satisfait àU( f)
_f T ( f)d (par prolongement
desidentités) ;
pour la mêmeraison,
on aT(gf)
--gT( f)
presquepartout
pour toute fonctionnumérique g
sommable etbornée,
d’où le théorème.Par des méthodes
analogues
à celles du théorème 2, nous allons démontrer le résultat suivant :THÉORÉME 3. - Si F est un espace de Banach dont le dual
fort
F*est
séparable,
ledual fort
del’espace
deBanach L1(E, F)
estisomorphe
à
l’espace
.f’(E, F*)
defaçon précise,
touteforme
linéaire continuesur
~1(E, F) peut
s’écrire u -~u,
où est unefonction
àvaleurs dans
F*, fortement
sommable etfortement bornée,
et la normede cette
forme
linéaire estégale
cc~~ ’ 1,,c, -
Soit e une forme linéaire continue sur
~’(E, F) ;
on a donc~ 6(u) ~ C
m avec m > o ; pour tout vecteurxEF, 8(gx), où g
est une fonctionnumérique
sommablequelconque,
est uneforme linéaire sur
Li(E, donc, d’après
le théorème deLebesgue- Nikodym,
il existe une fonction sommable et bornéew(x), dépendant
linéairement de x, telle que
8(gx) _
; on a en outrew x du. C m x du. l’application l’application
x -~ X >rest donc c x du.
est doncune forme linéaire continue sur
F,
autrement dit un élément deF*,
que nousdésignerons
parV(g) .
.On
peut
doncécrire gw(x)d
_~x, V(g)~,
et on al’inégalité V(g) C
m .I g du V
est donc uneapplication
linéaire continue deLi(E)
dansF*,
et comme F* est un espaceséparable,
le th. deDunford-Pettis est
applicable
et donney(g)= gu’d.
oùul,
étantfaiblement sommable et fortement bornée, est fortement
sommable ;
en outre, on a