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Instruments de politique environnementale en présence de comportements stratégiques des acteurs

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Academic year: 2021

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Submitted on 22 Jun 2017

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To cite this version:

Maia David. Instruments de politique environnementale en présence de comportements stratégiques

des acteurs. Economies et finances. Université Panthéon-Sorbonne (Paris I), 2013. �tel-01544979�

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Ann´ ee 2013 | | | | | | | | | | |

Habilitation ` a Diriger des Recherches

Discipline : Sciences Economiques

pr´ esent´ ee et soutenue publiquement le 09/07/2013 par

Maia DAVID

Titre : Instruments de politique environnementale en pr´ esence de comportements strat´ egiques des acteurs

Sous le parrainage de Madame Mireille Chiroleu-Assouline, Professeur ` a l’Universit´ e Paris I Panth´ eon-Sorbonne.

JURY :

– Mme Mireille Chiroleu-Assouline, Professeur ` a l’Universit´ e Paris I Panth´ eon- Sorbonne, Garante.

– Mr Matthieu Glachant, Professeur ` a Mines ParisTech.

– Mr Pierre-Andr´ e Jouvet, Professeur ` a l’Universit´ e Paris X Nanterre.

– Mme Katheline Schubert, Professeur ` a l’Universit´ e Paris I Panth´ eon-Sorbonne, Rapporteur.

– Mr Hubert Stahn, Professeur ` a l’Universit´ e Aix-Marseille, Rapporteur.

– Mme Sophie Thoyer, Professeur ` a SupAgro Montpellier, Rapporteur.

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Assouline qui a accept´ e, avec enthousiasme et encouragements, de me parrainer pour ce travail de synth` ese et de r´ eflexion de mes neuf derni` eres ann´ ees de re- cherche. Sa r´ eactivit´ e et le soin qu’elle a port´ e ` a la lecture de mon travail y sont pour beaucoup dans la possibilit´ e qui m’est offerte aujourd’hui de soutenir mes travaux en vue de l’obtention de l’Habilitation ` a Diriger des Recherches. Je lui en suis tr` es reconnaissante.

Je remercie tr` es sinc` erement les trois rapporteurs de ce m´ emoire d’HDR. Je remercie Katheline Schubert, qui d´ ej` a avait rapport´ e ma th` ese de doctorat, d’ˆ etre pr´ esente une fois encore pour juger mon travail et me conseiller. Je remercie Hubert Stahn, qui comme moi a travaill´ e sur les ´ eco-industries. J’avais connaissance de ses travaux sur ce sujet sans avoir pu encore ´ echanger directement avec lui et suis ravie que l’occasion se pr´ esente. Je remercie Sophie Thoyer, avec qui je partage mon int´ erˆ et pour les ench` eres de conservation. J’appr´ ecie sa large connaissance de cet instrument de politique agri-environnementale et suis heureuse qu’elle puisse juger ma contribution sur ce th` eme et d’autres th` emes connexes.

Je remercie Matthieu Glachant et Pierre-Andr´ e Jouvet d’avoir accept´ e de par- ticiper ` a ce jury et d’apporter leur regard expert sur mes travaux.

Je remercie, avec beaucoup d’amiti´ e, mes co-auteurs tant pour l’´ equipe ”´ eco- industrie” (Bernard Sinclair-Desgagn´ e, Alain-D´ esir´ e Numubona et Joan Canton) que pour l’´ equipe biodiversit´ e (Laure Bami` ere et Bruno Vermont). Je remercie enfin les membres et la direction de l’UMR Economie Publique, qui m’ont fourni un excellent environnement de travail depuis mon recrutement ` a AgroParisTech.

L’accueil dans cette ´ equipe m’a ` a la fois permis d’avoir suffisamment de flexibilit´ e

pour travailler sur des questions qui me tiennent ` a coeur tout en m’offrant la

possibilit´ e de collaborer avec des coll` egues comp´ etents, ce qui est grande source de

stimulation pour moi.

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Table des mati` eres

1 Introduction 9

2 Synth` ese des travaux de recherche 13

2.1 Eco-industries, politique environnementale et politique de la concur- rence . . . . 15 2.2 Politiques agri-environnementales pour pr´ eserver la biodiversit´ e en

asym´ etrie d’information avec pr´ eoccupations spatiales . . . . 33 2.3 Projets de recherche et travaux en cours . . . . 48 3 Activit´ es d’encadrement et d’animation de la recherche 57

4 Bilan et perspectives 61

5 R´ ef´ erences bibliographiques 63

6 Annexes 71

6.1 ANNEXE 1 - Curriculum Vitae d´ etaill´ e . . . . 71

6.2 ANNEXE 2 - Ensemble des travaux d´ efendus . . . . 78

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sa coh´ erence et son ´ evolution depuis la soutenance de ma th` ese de doctorat en juin 2004 jusqu’` a aujourd’hui. D` es mes premiers pas dans la recherche lors de mon m´ emoire de DEA, qui s’est d´ eroul´ e en 1999 au Minist` ere de l’Environnement, je me suis sp´ ecialis´ ee dans l’´ economie de l’environnement. Il s’agissait d´ ej` a pour moi d’apporter une aide ` a la d´ ecision publique en mati` ere de protection de l’environ- nement et, plus pr´ ecis´ ement, sur les instruments de politique environnementale.

Ces instruments sont nombreux (normes, quotas, taxes, subventions, march´ e de quotas ´ echangeables, responsabilit´ e civile des pollueurs, certifications environne- mentales,...) et une large litt´ erature cherche ` a les comparer et ` a informer sur leurs meilleures modalit´ es de mise en oeuvre.

Mon travail de doctorat, men´ e de septembre 2000 ` a juin 2004 au CREST - Laboratoire d’Economie Industrielle et au CECO - Laboratoire d’Econom´ etrie de l’Ecole Polytechnique, a port´ e sur l’´ evaluation des approches volontaires dans les politiques environnementales. De plus en plus d’entreprises polluantes adoptent volontairement des d´ emarches de protection de l’environnement ou de communi- cation de leurs performances environnementales. Elles le font pour am´ eliorer leur image, s’octroyer un avantage concurrentiel ou encore influencer la r´ eglementation.

Ces approches volontaires ont parfois ´ et´ e qualifi´ ees d’instruments de politique en- vironnementale de troisi` eme g´ en´ eration, aux cˆ ot´ es des instruments r´ eglementaires et des instruments ´ economiques. J’ai cherch´ e ` a ´ etudier dans quelle mesure ces d´ emarches pouvaient ˆ etre des compl´ ements ou des substituts aux instruments tra- ditionnels. Le principal angle d’attaque de cette probl´ ematique a ´ et´ e d’examiner les interactions entre la politique environnementale et la concurrence entre les en- treprises polluantes. Pour cela, je me suis appuy´ ee sur les outils m´ ethodologiques de l’´ economie publique, de la th´ eorie des jeux et de l’´ economie industrielle.

Suite ` a l’obtention de mon doctorat, j’ai ´ et´ e recrut´ ee en septembre 2004 en

tant que Maˆıtre de Conf´ erences ` a AgroParisTech (` a l’´ epoque l’INAP-G, Institut

National Agronomique de Paris-Grignon) et ai ´ et´ e accueillie au sein de l’UMR

Economie Publique commune ` a l’INRA et ` a AgroParisTech.

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Depuis, une partie de mes travaux s’est poursuivie dans le sillage de l’´ economie industrielle et de l’´ economie de l’environnement en ´ etudiant un secteur crucial dans la protection de l’environnement, les ´ eco-industries. Ces industries de l’envi- ronnement fournissent des biens et services de d´ epollution aux pollueurs confront´ es

`

a des contraintes environnementales. Elles occupent ` a pr´ esent une place centrale dans les mesures de d´ epollution. Dans mes travaux portant sur ce th` eme, nous avons observ´ e comment l’existence d’une ´ eco-industrie imparfaitement concurren- tielle pouvait affecter, d’une part, la comparaison des instruments de politique environnementale et, d’autre part, la fa¸con optimale de les mettre en place. Nous avons constat´ e que plusieurs r´ esultats fondamentaux en ´ economie de l’environ- nement pouvaient ˆ etre remis en cause, alors que la litt´ erature ´ economique avait pendant longtemps ignor´ e l’existence mˆ eme de ce secteur.

Une autre partie de mes contributions s’est orient´ ee, plus r´ ecemment, vers l’analyse de la pollution d’origine agricole et plus particuli` erement de la perte de biodiversit´ e en milieu rural. Une des principales causes de la perte de biodiver- sit´ e est la disparition ou d´ et´ erioration des habitats des esp` eces menac´ ees. Sur les terres agricoles, ce constat s’explique par les choix d’usage des sols et les pratiques adopt´ ees (intensification, recours aux produits phytosanitaires, agrandissement des parcelles). Je me suis interrog´ ee sur les instruments ad´ equats pour inciter ` a des comportements respectueux de l’habitat naturel lorsque les coˆ uts de pr´ eservation de cet habitat constituent une information priv´ ee des exploitants agricoles. L’as- pect novateur par rapport ` a la litt´ erature existante a ´ et´ e de prendre en compte l’importance de la disposition spatiale de l’habitat dans le r´ esultat environnemen- tal obtenu. En effet, comme cela est largement document´ e en ´ ecologie, un habitat agglom´ er´ e ne permet pas de pr´ eserver la biodiversit´ e de la mˆ eme mani` ere qu’un habitat dispers´ e 1 .

Les fruits des mes neuf derni` eres ann´ ees de recherche peuvent donc s’articuler autour de deux axes principaux. Le premier, qui porte sur les ´ eco-industries, est un approfondissement d’un th` eme amorc´ e lors de mon doctorat. Le second, qui

1. La pr´ ef´ erence pour le premier ou second cas de figure d´ epend d’ailleurs de l’esp` ece

consid´ er´ ee.

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traite de la pr´ eservation de la biodiversit´ e en milieu agricole, t´ emoigne d’un choix d’ouverture ` a un nouveau th` eme de recherche depuis environ quatre ans.

Si les deux axes de recherche pr´ esent´ es ici ont, par plusieurs aspects, une logique commune, il convient n´ eanmoins d’expliquer la coh´ erence du cheminement du pre- mier vers le second. Pr´ ecisons tout d’abord leurs points communs. Dans les deux cas, il s’agit d’examiner les instruments de politique environnementale en pr´ esence de comportements strat´ egiques des acteurs. Dans un premier cas, ce sont les entre- prises des ´ eco-industries qui adoptent un comportement strat´ egique ´ etant donn´ ee la structure de march´ e imparfaite de ce secteur. Cela engendre une sous-optimalit´ e des instruments traditionnels de protection de l’environnement et oblige ` a r´ eviser la comparaison d’instruments. Dans un second cas, ce sont les exploitants agricoles qui se comportent strat´ egiquement ´ etant donn´ ee l’asym´ etrie d’information dont ils b´ en´ eficient face au d´ ecideur public. Il convient alors de rechercher l’instrument adapt´ e pour minimiser les coˆ uts de la politique environnementale, sachant qu’ici un objectif spatial vient compl´ eter les objectifs environnementaux classiques.

Mon choix d’orienter mes recherches de la pollution d’origine industrielle - et du rˆ ole de la concurrence au sein des industries concern´ ees - vers la pollution d’ori- gine agricole - et la protection de la biodiversit´ e - s’explique tout d’abord par un int´ erˆ et personnel fort pour les questions li´ ees ` a la protection de la biodiversit´ e. De plus, tout en poursuivant les travaux th´ eoriques en ´ economie de l’environnement et ´ economie industrielle qui ´ etaient dans la continuit´ e logique des mes travaux de th` ese, j’avais le d´ esir d’aborder des probl´ ematiques plus pragmatiques et cibl´ ees.

Mon souhait ´ etait de continuer ` a mobiliser les outils conceptuels de l’´ economie de l’environnement et la mod´ elisation mais avec une finalit´ e plus concr` ete et imm´ ediate que ce que je n’avais fait auparavant. Lorsque l’on m’a propos´ e de m’ins´ erer dans un programme de recherche sur la biodiversit´ e en milieu agricole dans le cadre d’un financement de l’Agence Nationale de la Recherche (ANR Bio- divAgriM), j’ai saisi l’occasion de collaborer sur ces sujets qui m’int´ eressaient.

Investir un nouveau th` eme de recherche repr´ esente un coˆ ut non n´ egligeable :

coˆ ut de transition, coˆ ut d’entr´ ee. Il m’a fallu apprivoiser une nouvelle litt´ erature

(en ´ economie agricole et en ´ economie ´ ecologique) et de nouveaux outils (program-

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mation math´ ematique lin´ eaire) et amorcer de nouvelles collaborations dans un r´ eseau qui n’´ etait pas le mien. Je ne regrette pas ces efforts qui se sont av´ er´ es payants en termes de publication et qui m’offre aujourd’hui de nombreuses pers- pectives sur des sujets tr` es riches. En parall` ele, j’ai appr´ eci´ e de poursuivre sur mes th` emes pr´ ec´ edents (concurrence et politique environnementale) et j’ai toujours des projets en cours tr` es stimulants dans cet axe de recherche.

La pr´ esente note s’appuie sur la pr´ esentation de cinq articles publi´ es dans des revues internationales ` a comit´ e de lecture et d’un document de travail. Quelques travaux en cours sont ´ egalement ´ evoqu´ es dans la description de mes projets et perspectives de recherche. Plusieurs autres de mes articles de recherche ont ´ et´ e publi´ es dans des revues ` a comit´ e de lecture depuis ma soutenance de th` ese (voir le Curriculum Vitae en Annexe 1) mais ils ne sont pas pr´ esent´ es ici car ils avaient

´

et´ e r´ edig´ es lors de mon doctorat et portent sur les approches volontaires.

Nous r´ esumons ici les principaux r´ esultats obtenus et les liens qui existent entre les travaux d´ efendus. A chaque fois, nous aborderons les apports ` a la litt´ erature existante, les principales hypoth` eses pos´ ees, les r´ esultats les plus importants et les limites et extensions de notre travail. Nous avons volontairement choisi de ne pas d´ etailler les notations et la mod´ elisation utilis´ ee dans les articles car ceux-ci sont int´ egralement disponibles ` a la fin de ce document (Annexe 2) et la synth` ese propos´ ee ici se veut compl´ ementaire de la lecture des articles.

Dans un premier temps, ce document pr´ esente la synth` ese des travaux. Il aborde

tout d’abord l’axe des ´ eco-industries et de la r´ egulation environnementale (quatre

articles), puis l’axe des politiques agri-environnementales pour pr´ eserver la bio-

diversit´ e (un article), pour terminer sur les projets de recherche (un document

de travail et plusieurs travaux en cours). La section suivante traite des activit´ es

d’encadrement et d’animation de la recherche. Nous proposons ensuite un bilan

de notre travail. Viennent enfin les r´ ef´ erences bibliographiques et annexes, com-

prenant le Curriculum Vitae d´ etaill´ e et le texte int´ egral de l’ensemble des articles

d´ efendus ici.

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l’environnement. Ils ont pour finalit´ e d’aider ` a la d´ ecision publique en mati` ere de protection de l’environnement et traitent plus sp´ ecifiquement de la question des instruments de politique environnementale. Il s’agit de s’interroger d’une part sur le choix parmi divers instruments (taxes, normes, subventions, march´ es de quota, approches volontaires, ench` eres) et d’autre part sur leurs modalit´ es de mise en oeuvre (choix du taux de taxe, destinataires des subventions environnementales, combinaisons d’instruments, modes d’allocation de contrats environnementaux).

Le cadre d’analyse adopt´ e est celui de la micro´ economie n´ eo-classique, en

´ equilibre partiel, avec l’hypoth` ese d’agents rationnels qui maximisent un surplus (utilit´ e, profit, surplus collectif). Nous supposons le r´ egulateur public bienveillant et laissons de cˆ ot´ e les pr´ erogatives de l’´ economie politique. Nous supposons ´ egalement, le plus souvent, qu’il est possible d’avoir une estimation du dommage social pro- voqu´ e par la pollution. Les outils m´ ethodologiques mobilis´ es sont l’´ economie in- dustrielle, l’´ economie publique, la th´ eorie des jeux (dont la th´ eorie des ench` eres) et la mod´ elisation ` a l’aide de la programmation math´ ematique lin´ eaire.

Au sein de la tr` es large litt´ erature portant sur ces questions, les travaux expos´ es ici cherchent ` a introduire des contextes encore inexplor´ es (existence d’une industrie de l’environnement imparfaitement concurrentielle, choix d’usage des sols sur les terres agricoles au niveau de la parcelle) et qui permettent de se rapprocher, mˆ eme partiellement, d’un cadre plus r´ ealiste dans l’analyse des politiques publiques en- vironnementales. On cherche ainsi ` a affiner la mod´ elisation des acteurs concern´ es par la protection de l’environnement, qu’ils soient pollueurs ou d´ epollueurs, qu’ils soient industriels ou agricoles.

Les travaux men´ es depuis la fin de mon doctorat s’inscrivent autour de deux

axes principaux. Le premier se situe ` a la fronti` ere entre l’´ economie de l’environ-

nement et l’´ economie industrielle. Il permet d’examiner le rˆ ole des ´ eco-industries

dans l’analyse des politiques environnementales. L’´ el´ ement crucial est ici la prise en

compte du comportement strat´ egique de ces entreprises de d´ epollution, qui affecte

directement l’optimalit´ e de la politique environnementale et le choix d’instrument.

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Le second axe traite des politiques agri-environnementales pour pr´ eserver la biodiversit´ e en milieu rural lorsqu’il existe des asym´ etries d’information sur les caract´ eristiques des exploitants agricoles. L’apport ` a la litt´ erature provient ici du choix de mod´ eliser les d´ ecisions des exploitants agricoles ` a un niveau g´ eographique tr` es fin, ce qui permet de prendre en compte les aspects spatiaux dans la pr´ eservation des habitats naturels. Divers m´ ecanismes incitatifs sont compar´ es dans ce cadre.

Ces deux axes, relativement diff´ erents ` a premi` ere vue, ont pour point commun l’analyse des instruments de politique environnementale en pr´ esence de comporte- ments strat´ egiques des acteurs, dus soit ` a une imperfection de la concurrence, soit

`

a une asym´ etrie d’information entre r´ egulateur public et acteurs priv´ es.

Le cheminement de mon travail du premier axe vers le second s’explique tout d’abord par un int´ erˆ et prononc´ e pour les questions li´ ees ` a la protection des esp` eces menac´ ees et un d´ esir de mobiliser mes comp´ etences d’´ economiste pour traiter de questions plus concr` etes et cibl´ ees que ce que je n’avais fait dans mes recherches pr´ ec´ edentes. En abordant ce second axe au moment o` u d´ ebutait un programme de recherche sur le sujet (ANR BiodivAgriM), l’opportunit´ e m’a ´ et´ e donn´ ee de m’investir sur des questions qui me tiennent ` a coeur, tout en conservant un socle solide d’´ economie th´ eorique. Combiner le recours ` a une formalisation rigoureuse en ´ economie et la tentative de r´ epondre ` a des questions tr` es appliqu´ ees est une tˆ ache difficile. L’´ ecart est souvent important entre le mod` ele sch´ ematis´ e, sur lequel s’appuie le chercheur, et les faits r´ eels. Je pense n´ eanmoins que c’est une des missions de tout bon chercheur ´ economiste de trouver des passerelles entre les deux. Plusieurs options existent pour cela parmi lesquelles le recours ` a des donn´ ees et outils ´ econom´ etriques pour tester les mod` eles th´ eoriques, ou l’utilisation de mod` eles de programmation math´ ematique lin´ eaire qui permettent de complexifier les maquettes th´ eoriques initiales et d’y introduire des donn´ ees r´ eelles. C’est cette derni` ere voie que j’ai choisie. Ce choix m’a ´ egalement permis de travailler en ´ equipe au sein de l’UMR Economie Publique, point tr` es appr´ eciable ` a mes yeux. D´ etaillons

`

a pr´ esent les deux principaux axes de recherche.

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2.1 Eco-industries, politique environnementale et politique de la concurrence

En cette p´ eriode de crise ´ economique et de fortes pressions sur les ´ ecosyst` emes, une question jaillit r´ eguli` erement des d´ ebats publics : comment concilier croissance

´ economique et respect de notre environnement ? Sous les termes de d´ eveloppement durable ou, plus r´ ecemment, de croissance verte, la question se fait de plus en plus pressante. Il apparait ` a pr´ esent comme une ´ evidence que les r´ eglementations de protection de l’environnement ne pourront progresser efficacement qu’en trouvant les moyens de pr´ eserver parall` element la comp´ etitivit´ e de nos industries, l’emploi et le pouvoir d’achat des consommateurs. Sans cela, les probl` emes d’acceptabilit´ e politique risquent de paralyser l’avanc´ ee des mesures environnementales, comme cela a pu ˆ etre observ´ e ` a plusieurs reprises dans les pays d´ evelopp´ es.

Comme le faisait remarquer r´ ecemment M´ aire Geoghegan-Quinn - Commissaire

`

a la Commission Europ´ eenne pour la Recherche, l’Innovation et la Science - les industries de l’environnement, aussi appel´ ees ´ eco-industries, pourraient bien jouer

”un rˆ ole pivot pour r´ econcilier comp´ etitivit´ e et durabilit´ e” (discours d’ouverture d’une conf´ erence sur les ´ eco-industries ` a la Commission Europ´ eenne, 2012). Dans quelle mesure ces industries peuvent-elles apporter des solutions au dilemme pos´ e ? Apr` es avoir pr´ esent´ e bri` evement les ´ eco-industries et les ´ evolutions de ce sec- teur, nous exposerons l’analyse des ´ economistes sur ces acteurs de la protection de l’environnement. Nous d´ ecrirons la litt´ erature acad´ emique naissante sur ce su- jet et montrerons ses limites. Nous pr´ esenterons alors nos principaux r´ esultats qui s’articulent autour de quatre articles de recherche sur les interactions entre

´ eco-industrie, politique environnementale et politique de la concurrence.

D´ efinition et pr´ esentation des ´ eco-industries

Devant une prise de conscience du grand public des probl` emes ´ ecologiques,

accompagn´ ee de r´ eglementations de plus en plus contraignantes dans les pays

d´ evelopp´ es, les pollueurs ont consacr´ e, depuis une quinzaine d’ann´ ees, des montants

croissants ` a la r´ eduction des nuisances qu’ils g´ en` erent (SOeS, 2009). Parall` element,

ils ont de plus en plus d´ el´ egu´ e leurs activit´ es de d´ epollution. Ainsi, de nouvelles

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industries sp´ ecialis´ ees sont n´ ees pour fournir aux pollueurs des biens et services de d´ epollution, ce sont les ´ eco-industries. Ces industries ont connu une croissance rapide depuis les ann´ ees 1990 et jouent ` a pr´ esent un rˆ ole central dans la protection de l’environnement.

Selon le rapport d’un groupe de travail de l’OCDE et de l’office statistique Eurostat (OECD/Eurostat 1999), l’´ eco-industrie se d´ efinit comme ” les activit´ es qui produisent des biens et services servant ` a mesurer, pr´ evenir, limiter, r´ eduire au minimum ou corriger les atteintes ` a l’environnement, telles que la pollution de l’eau, de l’air et du sol, ainsi que les probl` emes li´ es aux d´ echets, au bruit et aux

´

ecosyst` emes. Cette industrie comprend les technologies, produits et services moins polluants, qui r´ eduisent les risques pour l’environnement, minimisent la pollution et ´ economisent les ressources.”

On distingue trois segments au sein des ´ eco-industries, cit´ es ici par ordre d´ ecroissant d’importance en termes de taille du march´ e :

1. R´ eduction des pollutions : Ce segment comprend tous les biens et services de lutte anti-pollution et de mesure de la pollution. Cela inclut par exemple les

´

equipements de lutte contre la pollution atmosph´ erique (filtres, catalyseurs) ; la gestion des eaux us´ ees ; la gestion des d´ echets toxiques ; la gestion des d´ echets d’emballages m´ enagers ; l’assainissement des sols contamin´ es ; la lutte contre le bruit, les odeurs et les vibrations ; la surveillance et la mesure des

´

emissions. Il s’agit ici de d´ epollution en bout de chaˆıne (dite end-of-pipe).

2. Gestion des ressources : Ce segment comprend les biens et services en lien avec l’utilisation des ressources et leur gestion ´ econome. Cela inclut les

´

economies d’utilisation d’eau et d’´ energie, dont les ´ energies renouvelables, ainsi que le recyclage des mati` eres.

3. Technologies propres et ´ eco-conception : Il s’agit ici de toutes les activit´ es qui permettent une r´ eduction de la pollution ` a la source : R&D, innovations vertes,... Le recueil de statistiques sur ce segment est d´ elicat et une ma- jeure partie de ces activit´ es est effectu´ ee en interne par les pollueurs. C’est pour le moment le segment le moins d´ evelopp´ e des ´ eco-industries mais c’est

´

egalement celui qui a le plus de perspectives d’avenir. En effet, la tendance

(18)

actuelle des r´ eglementations environnementales est d’encourager la r´ eduction de la pollution ` a la source.

En 2008, les fili` eres ´ eco-industrielles g´ en´ eraient en France 27 milliards d’euros d’activit´ e et employaient 200 000 personnes. Selon les pr´ evisions, elles pourraient y repr´ esenter 50 milliards d’euros et 400 000 emplois en 2020 (Cahiers Industrie, 2009). Au niveau mondial, le march´ e s’´ evalue ` a environ 550 milliards d’euros par an et plus de 5 millions d’emplois. Par ailleurs, depuis les ann´ ees 1990, ce secteur connait une croissance nettement plus rapide que la moyenne des autres secteurs, avec une croissance annuelle de 4 ` a 10% par an selon les pays et les segments.

Les perspectives de croissance restent soutenues pour ces activit´ es. Cela s’ex- plique, d’une part, par une tendance vers des r´ eglementations environnementales de plus en plus strictes et, d’autre part, par l’´ emergence de nouveaux march´ es de taille tr` es importante en Europe de l’Est, en Chine ou en Inde. Le commerce international est aussi tr` es dynamique dans le domaine. On y observe une hausse des ´ echanges deux fois plus rapide que dans la moyenne des autres secteurs entre les ann´ ees 1990 et aujourd’hui (Sinclair-Desgagn´ e 2008).

Pour terminer la description des ´ eco-industries, il est important de remarquer que ce secteur est caract´ eris´ e par un mode de concurrence imparfait. La plupart des segments sont domin´ es par un petit nombre d’entreprises de grande taille.

En France, par exemple, le march´ e est domin´ e par les deux g´ eants que sont Veo- lia Environnement et GDF-Suez. Les infrastructures coˆ uteuses et les barri` eres ` a l’entr´ ee expliquent cette structure de march´ e. Les modes de concurrence les plus fr´ equents au sein des ´ eco-industries sont donc l’oligopole (souvent duopole) et le monopole avec une frange concurrentielle 2 . De plus, le secteur de l’environnement a connu r´ ecemment un mouvement de concentration puisque de nombreuses fu- sions et acquisitions ont ´ et´ e enregistr´ ees (ex : BASF et Engelhard en 2007 ; Blue Water Technologies Inc. et Applied Process Technologies Inc. en 2006).

A premi` ere vue, le secteur des ´ eco-industries semble dynamique, g´ en´ erateur de croissance et d’emploi et compatible avec les pr´ eoccupations environnementales.

2. Le secteur du conseil en environnement connaˆıt, en revanche, une concurrence bien plus

forte avec l’entr´ ee r´ ecente sur le march´ e de nombreux petits cabinets de conseil.

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Voyons ` a pr´ esent comment les ´ economistes de l’environnement permettent d’affiner l’analyse de ce secteur et de ses interactions avec la politique environnementale.

L’analyse ´ economique des ´ eco-industries

Il existe de nombreux rapports institutionnels et plusieurs ´ etudes de cabinets de conseils sur les ´ eco-industries (OCDE 1992, 1996, OCDE/Eurostat 1999, Commis- sion Europ´ eenne 1999, US International Trade Commission 2005, Environmental Business International 2006, Ernst and Young 2006). La litt´ erature acad´ emique sur ce sujet est, en revanche, peu d´ evelopp´ ee. Dans la grande majorit´ e de leurs travaux, les ´ economistes de l’environnement adoptent une mod´ elisation o` u les pollueurs d´ epolluent eux-mˆ emes et sont confront´ es ` a des coˆ uts de d´ epollution consid´ er´ es comme exog` enes. L’´ eco-industrie est alors ignor´ ee.

Comme le signale Bernard Sinclair-Desgagn´ e dans un article de synth` ese sur ce secteur (Sinclair-Desgagn´ e 2008), il existe plusieurs raisons importantes pour lesquelles les ´ economistes devraient s’int´ eresser davantage aux ´ eco-industries.

Tout d’abord, cela permet de comprendre la formation des coˆ uts de d´ epollution ou des coˆ uts de mise en conformit´ e environnementale des pollueurs, qui constituent des ´ el´ ements essentiels pour l’internalisation des externalit´ es environnementales.

Ces coˆ uts d´ ependent de l’´ etat des technologies mais ´ egalement des prix des biens et services de d´ epollution. Or ces prix sont d´ etermin´ es par le comportement des entreprises ´ eco-industrielles et le mode de concurrence qui les relie.

Ensuite, l’´ etude des ´ eco-industries permet de mieux conseiller la d´ ecision pu-

blique. La r´ egulation environnementale est en effet le principal d´ eclencheur de la

demande qui s’adresse aux ´ eco-industries. Nous verrons que chaque instrument

de politique (taxe, norme, quota, approche volontaire, subvention) a un impact

particulier sur la demande de biens et services environnementaux, ce qui affecte

le march´ e de l’environnement, le nombre de firmes qui le constitue et le niveau de

ses prix. Cela affecte au final le niveau de d´ epollution atteint dans l’´ economie et

les coˆ uts totaux de d´ epollution. Ces effets, via l’´ eco-industrie, doivent ˆ etre pris en

compte dans la comparaison d’instruments et dans le niveau de mise en oeuvre de

ces instruments.

(20)

Enfin, l’analyse des ´ eco-industries peut aider ` a comprendre les efforts de R&D pour les technologies propres et les innovations vertes, cruciales dans la protection de l’environnement.

Baumol (1995) et Feess et Muehlheusser (1999, 2002) sont les premiers ` a int´ egrer explicitement dans leur mod´ elisation des entreprises en charge de la d´ epollution.

Ils observent principalement les cons´ equences de leur existence sur le commerce en ´ economie ouverte. Cependant, ces auteurs supposent une concurrence pure et parfaite au sein de l’industrie de d´ epollution. Il n’y a dans ce cas pas de comporte- ment strat´ egique des d´ epollueurs et le prix pratiqu´ e est ´ egal aux coˆ uts marginaux de production (i.e. aux coˆ uts marginaux r´ eels de d´ epollution). La situation est alors similaire, par plusieurs aspects, au cas o` u les pollueurs d´ epollueraient par eux-mˆ emes et certains faits stylis´ es importants sont n´ eglig´ es.

Dans nos travaux, nous introduisons pour la premi` ere fois une industrie de l’en- vironnement imparfaitement concurrentielle. Nous ouvrons alors la ”boˆıte noire”

des coˆ uts de d´ epollution auxquels sont confront´ es les pollueurs en montrant com- ment ils sont d´ etermin´ es par le comportement de l’´ eco-industrie et son pouvoir de march´ e. Nous observons comment certains r´ esultats fondamentaux en ´ economie de l’environnement - portant par exemple sur la comparaison d’instruments, le taux de taxe optimal ou l’´ evaluation des subventions environnementales - sont affect´ es dans ce contexte (David and Sinclair-Desgagn´ e 2005, 2010). Plusieurs travaux ont poursuivi dans cette voie en examinant d’autres instruments ou d’autres contextes en pr´ esence d’une ´ eco-industrie oligopolistique (Nimubona and Sinclair-Desgagn´ e 2005, Canton et al. 2008, Schwartz and Stahn 2010, David et al. 2011, Canton et al. 2012).

Peu apr` es - ou parall` element ` a - la diffusion de ces premiers travaux, la litt´ erature

a continu´ e ` a int´ egrer l’imperfection de la concurrence au sein des ´ eco-industries,

mais sur des th´ ematiques diff´ erentes des nˆ otres. Requate (2005) a examin´ e une

situation o` u une ´ eco-industrie en monopole procure de nouvelles technologies aux

pollueurs (il s’int´ eresse donc au troisi` eme segment des ´ eco-industries, intitul´ e ”Tech-

nologies propres et ´ eco-conception”). Dans ce cadre, il observe les impacts respectifs

d’une taxe environnementale et d’un march´ e de permis d’´ emissions sur la diffusion

(21)

de nouvelles technologies, montrant que le march´ e de permis comporte un risque de manipulation des prix du permis par l’´ eco-industrie. Copeland (2005), Greaker and Rosendhal (2006), Canton (2006) et Nimubona (2007) se sont int´ eress´ es aux effets de la lib´ eralisation des ´ echanges internationaux dans le secteur de l’environ- nement i) sur la politique nationale optimale et/ou ii) sur l’efficacit´ e de l’industrie de l’environnement et ses prix. Voyons maintenant le d´ etail de notre apport ` a la litt´ erature sur les ´ eco-industries et les politiques environnementales.

Taxe optimale, quota de pollution, norme de proc´ ed´ e et approche volontaire en pr´ esence d’une ´ eco-industrie oligopolistique ou monopo- listique

Le travail d´ ecrit ici a donn´ e lieu ` a la publication d’un article, en collabora- tion avec Bernard Sinclair-Desgagn´ e, intitul´ e ”Environmental Regulation and the Eco-industry” (Journal of Regulatory Economics, 28(2) : 141-155, 2005). Cette r´ eflexion a ´ et´ e amorc´ ee lors de la fin de mon doctorat mais la majeure partie de ce travail a ´ et´ e murie et finalis´ ee apr` es la soutenance de la th` ese.

Cette contribution analyse les interactions entre la r´ egulation environnementale et l’´ eco-industrie lorsque cette derni` ere est en oligopole ou monopole. Nous mon- trons qu’il existe un double lien de causalit´ e entre la politique environnementale et le comportement de l’´ eco-industrie. Tout d’abord, le niveau de la politique mise en place et le choix de l’instrument affectent non seulement la taille de la demande de biens et services environnementaux mais aussi la sensibilit´ e de cette demande au prix (i.e. l’´ elasticit´ e-prix de la demande de d´ epollution). La capacit´ e de l’´ eco- industrie ` a s’accorder une marge ´ elev´ ee, autrement dit son pouvoir de march´ e, sont ainsi directement affect´ es par la d´ ecision publique. En retour, le comportement de l’´ eco-industrie et son mode de concurrence modifient le niveau optimal de l’inter- vention publique (par exemple le taux de taxe optimal) et affectent la comparaison d’instruments.

Pour explorer ces interactions, on se situe dans un cadre th´ eorique tr` es ´ epur´ e.

On consid` ere une industrie polluante parfaitement concurrentielle qui produit un

bien de consommation final. Ses ´ emissions polluantes augmentent avec la quantit´ e

(22)

produite et diminuent avec le niveau de d´ epollution. Cette d´ epollution se traduit par la consommation, de la part de l’entreprise polluante, de biens ou services procur´ es par l’´ eco-industrie. L’´ eco-industrie est repr´ esent´ ee par un oligopole de Cournot sym´ etrique.

Nous montrons facilement que la marge pratiqu´ ee par l’´ eco-industrie est in- versement proportionnelle au nombre de firmes composant l’´ eco-industrie et ` a l’´ elasticit´ e-prix de la demande pour les biens environnementaux. Ce r´ esultat est classique pour un oligopole de Cournot. L’´ el´ ement nouveau ici est que diff´ erents instruments de politique environnementale engendrent une ´ elasticit´ e-prix de la de- mande de d´ epollution diff´ erente.

Nous ´ etudions dans un premier temps une taxe par unit´ e d’´ emissions polluantes.

En observant le comportement du pollueur, on constate que l’´ elasticit´ e-prix de sa demande pour les biens et services de d´ epollution est d´ ecroissante du taux de la taxe. Nous maximisons alors la fonction de surplus collectif afin de rechercher le taux de taxe optimal. Notre principal r´ esultat, quelque peu contre-intuitif, est que le taux optimal de la taxe environnementale est sup´ erieur au dommage marginal de la pollution, i.e. au taux pigouvien 3 . Nous retrouvons n´ eanmoins la pr´ econisation de Pigou lorsque le nombre de firmes dans l’´ eco-industrie tend vers l’infini et donc quand cette industrie devient parfaitement concurrentielle.

Ce r´ esultat est important car il est in´ edit et va ` a l’encontre du r´ esultat lar- gement r´ epandu selon lequel dans un cadre de concurrence imparfaite - mais du cˆ ot´ e des pollueurs cette fois - la taxe par unit´ e de pollution doit ˆ etre appliqu´ ee en dessous du taux pigouvien (Buchanan 1969, Barnett 1980, Katsoulacos and Xepapadeas 1995). Ici, c’est l’´ eco-industrie qui est en concurrence imparfaite et le r´ esultat est invers´ e. Voyons l’intuition sous-jacente. En maximisant le surplus col- lectif, le d´ ecideur public cherche ` a atteindre un niveau de d´ epollution qui d´ ecoule d’un arbitrage entre les b´ en´ efices marginaux de la d´ epollution (li´ es au dommage so- cial de la pollution) et les coˆ uts marginaux de cette d´ epollution. Dans cet arbitrage, ce sont les coˆ uts r´ eels de d´ epollution qui sont pertinents, c’est-` a-dire ceux encourus par l’´ eco-industrie. Or le pollueur, lui, est confront´ e ` a un prix de la d´ epollution

3. La formule d´ etaill´ ee du taux optimal est donn´ ee dans l’article.

(23)

sup´ erieur aux coˆ uts r´ eels de d´ epollution, ´ etant donn´ e la marge positive de l’´ eco- industrie. Par cons´ equent, pour l’inciter ` a d´ epolluer suffisamment par rapport ` a ce qui est socialement optimal, il faut que la taxe soit sup´ erieure au dommage marginal de la pollution 4 .

Dans ce cadre, l’application d’une taxe environnementale optimale de second rang engendre un niveau de d´ epollution insuffisant par rapport au niveau sociale- ment optimal et un niveau de production ´ egalement inf´ erieur au niveau socialement optimal. Nous d´ emontrons aussi que, dans ce contexte, un quota de pollution (non

´

echangeable) est parfaitement ´ equivalent ` a la taxe par unit´ e de pollution en termes de surplus collectif (mˆ eme niveau de production et de d´ epollution) 5 .

Nous nous int´ eressons ensuite ` a l’introduction d’une norme de proc´ ed´ e, c’est-

`

a-dire une norme portant sur le mode de production de l’entreprise polluante en imposant un ´ equipement particulier, tel un filtre sur les chemin´ ees des installa- tions. Analytiquement, cet instrument se traduit par une obligation pour le pol- lueur de consommer un niveau fix´ e du bien de d´ epollution. En supposant que des mesures de contrˆ ole et de sanctions fiables sont instaur´ ees pour que l’instrument soit respect´ e, on constate une ´ elasticit´ e-prix de la demande de bien environne- mental qui devient tr` es faible. Le pollueur est contraint de consommer le bien fourni par l’´ eco-industrie, quel qu’en soit le prix. L’´ eco-industrie pratique donc ici des prix extrˆ emement ´ elev´ es, dont l’unique limite est de conserver un profit non n´ egatif pour les pollueurs afin d’´ eviter leur sortie du march´ e (ce qui ferait perdre ` a l’´ eco-industrie la source de sa demande). Autrement dit, l’ensemble des profits des pollueurs est captur´ e par l’´ eco-industrie. Pour la clart´ e de l’analyse, l’´ eco-industrie est suppos´ ee en monopole dans cette section de l’article mais les r´ esultats restent valables dans le cas d’un oligopole.

4. Le fait que les pollueurs soient perdants et l’´ eco-industrie gagnante dans ce m´ ecanisme (i.e.

les effets redistributifs) ne sont pas pris en compte ici par le r´ egulateur car cela s’annule dans le surplus collectif.

5. Notons que la recette de la taxe est redistribu´ ee de mani` ere neutre dans l’´ economie. Dans

le surplus collectif, le paiement de la taxe par les pollueurs s’annule donc avec la redistribution

de ce montant. Par cons´ equent, seuls les niveaux de production et de d´ epollution atteints sont

d´ eterminants dans le niveau de surplus collectif atteint.

(24)

Nous imaginons ici tous les probl` emes d’acceptabilit´ e d’un instrument qui engendre des coˆ uts exorbitants pour les pollueurs, impliquant des cons´ equences

´ economiques d´ esastreuses sur la croissance, l’emploi et les d´ elocalisations de firmes.

Il faut donc ˆ etre prudent lorsqu’on ´ emet l’id´ ee selon laquelle les ´ eco-industries pour- raient r´ econcilier comp´ etitivit´ e et protection de l’environnement. La comp´ etitivit´ e des pollueurs risque ici d’ˆ etre grandement d´ et´ erior´ ee par la politique environne- mentale du fait du comportement strat´ egique de l’´ eco-industrie et la croissance g´ en´ er´ ee par les d´ epenses d’environnement est cantonn´ ee ` a un petit nombre, celui des entreprises ´ eco-industrielles.

Il apparait donc un nouveau crit` ere de choix d’instrument, celui de son impact sur le pouvoir de march´ e des ´ eco-industries. Un instrument qui ne laisse pas d’autre alternative aux pollueurs que de consommer les biens de d´ epollution engendre une faible ´ elasticit´ e-prix de la demande de ces biens et procure une marge importante aux ´ eco-industries au d´ etriment des coˆ uts subis par les pollueurs. Si l’on raisonne

`

a coˆ uts donn´ es, cela peut engendrer un r´ esultat environnemental d´ et´ erior´ e. A l’in- verse, un instrument plus flexible, qui permet aux pollueurs d’autres options que la consommation des biens ou services de d´ epollution, r´ eduit les coˆ uts de d´ epollution que doivent payer les pollueurs pour un mˆ eme r´ esultat environnemental et aug- mente ainsi l’acceptabilit´ e de la politique environnementale.

Ce m´ ecanisme est parfaitement illustr´ e par ce qui s’est pass´ e aux Etats-Unis

pour la r´ egulation des ´ emissions de SO 2 des centrales thermiques du Middle West

(Godard 1998). En 1977, une norme de proc´ ed´ e a ´ et´ e appliqu´ ee imposant la mise

en place de scrubbers (dispositifs de d´ esulfuration). On a alors constat´ e une hausse

importante des prix des scrubbers et les coˆ uts totaux de d´ epollution pour les cen-

trales ont ´ et´ e tr` es ´ elev´ es, engendrant de r´ eels probl` emes d’acceptabilit´ e. En 1990,

un amendement du Clean Air Act remplace la norme par un syst` eme de march´ e

de quota d’´ emissions de SO 2 . Les pollueurs ont alors la possibilit´ e d’acheter des

quotas de pollution lorsque le prix des scrubbers s’av` ere trop ´ elev´ e. Le bilan a ´ et´ e

tr` es positif : les scrubbers ont vu leur prix baisser et les coˆ uts totaux de d´ epollution

pour les centrales ont ´ et´ e r´ eduits d’au moins 30% (Ellerman et al. 1997), voire d’un

facteur 3 selon les estimations (Burtraw 1996). Le r´ esultat environnemental en a

(25)

´

et´ e largement am´ elior´ e.

Nous analysons enfin une forme d’approche volontaire inspir´ ee d’un instru- ment de politique mis en place notamment au Danemark pour la lutte contre le r´ echauffement climatique. Dans cette approche, les pouvoirs publics proposent aux pollueurs un niveau de d´ epollution ` a atteindre (i.e. un niveau de consommation du bien ou service de d´ epollution). Ceux-ci peuvent soit l’accepter - et signer l’ap- proche volontaire - soit le refuser, sachant que ceux qui le refusent doivent payer une taxe par unit´ e de pollution. Ce m´ ecanisme s’apparente ` a une r´ eglementation

`

a la carte o` u les pollueurs peuvent choisir entre une norme de proc´ ed´ e et une taxe.

Cette option laiss´ ee aux pollueurs leur permet de se diriger vers la taxe lorsque le prix du bien de d´ epollution devient trop ´ elev´ e avec la norme de proc´ ed´ e. Nous mon- trons alors que l’approche volontaire pourra ˆ etre sign´ ee d` es lors que l’´ eco-industrie y consent, et permettra aux pollueurs d’avoir un profit potentiellement positif.

Plusieurs limites de ce travail m´ eritent d’ˆ etre discut´ ees. Tout d’abord, nous avons consid´ er´ e que les pollueurs ´ etaient en concurrence pure et parfaite alors que les industries polluantes sont bien souvent caract´ eris´ ees, elles aussi, par une concurrence imparfaite. Suite ` a notre travail, Nimubona and Sinclair-Desgagn´ e (2005) et Canton et al. (2008) ont examin´ e le taux de taxe optimal lorsqu’` a la fois les pollueurs et les d´ epollueurs sont en concurrence imparfaite. L’imperfection de la concurrence du cˆ ot´ e des pollueurs va dans le sens d’une taxe inf´ erieure au taux pigouvien tandis que l’imperfection de la concurrence chez les d´ epollueurs, on l’a vu, va dans le sens inverse. Le taux optimal dans ce cadre d´ epend alors du poids respectif de ces deux distorsions.

Un autre point de discussion est la forme de la fonction d’´ emissions. Notre mod´ elisation s’appuie sur une fonction additivement s´ eparable, c’est-` a-dire que le niveau de d´ epollution n’affecte pas la quantit´ e de pollution ´ emise au cours du processus de production. Autrement dit, la d´ epollution intervient en bout de chaˆıne. Ce mod` ele est r´ ealiste pour le premier segment des ´ eco-industries, d´ enomm´ e

”R´ eduction des pollutions” qui est de loin le plus r´ epandu, mais ne s’applique pas

au segment ”Technologie propre” qui engendre une modification du processus de

production. Nous avons choisi d’´ etendre l’analyse ` a ce segment en adoptant une

(26)

forme plus g´ en´ erale pour la fonction d’´ emissions dans un de nos travaux d´ ecrits ci-dessous (Canton et al., 2012).

Taxe et subvention environnementales en pr´ esence d’une ´ eco-industrie L’article pr´ ec´ edent nous am` ene donc au constat que l’imperfection de la concur- rence au sein de l’´ eco-industrie peut augmenter les coˆ uts subis par les pollueurs et nuire au r´ esultat environnemental et ´ economique de la politique men´ ee. Il s’agit de s’interroger sur les moyens de r´ eduire le pouvoir de march´ e de l’´ eco-industrie ou d’inciter ` a une baisse des prix dans ce secteur. On se tourne alors vers la politique de la concurrence au sein de ces industries ou vers une am´ elioration des politiques environnementales. Les rˆ oles respectifs des entr´ ees de firmes sur ce march´ e et des fusions et acquisitions seront trait´ es ult´ erieurement. On s’int´ eresse tout d’abord ` a la mise en place d’une subvention pour r´ eduire les prix et/ou les coˆ uts subis par les pollueurs.

Ce travail a donn´ e lieu ` a un article en collaboration avec Bernard Sinclair- Desgagn´ e intitul´ e ”Pollution Abatement Subsidies and the Eco-Industry”

(Environmental and Resource Economics, 45(2) : 271-282, 2010). Il est souvent rappel´ e que le d´ ecideur public doit mettre en place le mˆ eme nombre d’ins- truments que de distorsions ` a corriger (Carraro and Metcalf 2001). On envisage donc ici la combinaison de deux instruments : i) une taxe par unit´ e de pollution pour corriger l’externalit´ e environnementale ; ii) une subvention pour corriger la sous-production (´ equivalente au probl` eme de prix excessifs) de la part de l’industrie de l’environnement. Dans cet article, on compare diff´ erentes formes de subventions pour venir compl´ eter la taxe environnementale. On introduit ensuite des coˆ uts de transfert des fonds publics, qui permettent de prendre en compte la hausse de coˆ uts administratifs qu’engendre une combinaison d’instruments. Comme dans l’article pr´ ec´ edent, on suppose que l’industrie polluante est en concurrence pure et parfaite et l’industrie de d´ epollution en oligopole de Cournot sym´ etrique.

Une premi` ere forme de subvention envisag´ ee est une subvention aux investisse-

ments propres, ou d´ epenses de d´ epollution, de la part des pollueurs. Cette forme de

subvention est, en effet, souvent discut´ ee dans les options de politiques publiques

(27)

et est relativement r´ epandue. Elle doit permettre de r´ eduire les coˆ uts subis par les pollueurs afin de pr´ eserver leur comp´ etitivit´ e tout en favorisant leurs incitations ` a r´ eduire la pollution.

Nous supposons que le pollueur re¸coit une subvention par unit´ e de d´ epollution consomm´ ee aupr` es des ´ eco-industries. Nous constatons que la combinaison d’une taxe au taux pigouvien et d’une subvention ´ egale ` a la diff´ erence entre le prix du bien de d´ epollution et le coˆ ut marginal r´ eel de d´ epollution (i.e. le coˆ ut marginal de production de l’´ eco-industrie) devrait a priori permettre d’atteindre l’optimum so- cial. N´ eanmoins, un raisonnement it´ eratif nous indique que lorsque l’´ eco-industrie prend en compte l’existence de cette subvention, elle choisit d’augmenter son prix.

En effet, cette subvention, directement proportionnelle au prix pratiqu´ e par l’´ eco- industrie, engendre une ´ elasticit´ e-prix de la demande de bien environnemental qui tend vers z´ ero (toute hausse du prix est compens´ ee par la subvention, le pol- lueur y est donc indiff´ erent). L’´ eco-industrie en profite pour pratiquer des prix extrˆ emement ´ elev´ es (i.e. qui tendent vers l’infini). On voit imm´ ediatement qu’une subvention ` a des niveaux exorbitants est difficilement applicable et il semble peu ac- ceptable que les contribuables alimentent ainsi le profit des ´ eco-industries. Dans ce cas, le niveau de la subvention serait plafonn´ e, engendrant un niveau de d´ epollution inf´ erieur au niveau optimal.

Consid´ erons ` a pr´ esent une subvention destin´ ee aux entreprises environnemen- tales. Chaque unit´ e produite par l’´ eco-industrie est r´ ecompens´ ee par une sub- vention. Cette subvention incite ` a une hausse de la production, qui engendre m´ ecaniquement une baisse des prix et r´ eduit la distorsion due ` a la concurrence imparfaite. On d´ emontre facilement que la combinaison d’une taxe pigouvienne et d’une subvention ´ egale ` a la marge de l’´ eco-industrie pour chaque unit´ e produite permet alors d’atteindre l’optimum social. On v´ erifie facilement que la valeur d’une telle subvention est finie ; ce type de combinaison semble donc applicable et sou- haitable. De plus, une subvention au secteur des ´ eco-industries peut apparaˆıtre plus acceptable qu’une subvention aux pollueurs du fait d’une activit´ e consid´ er´ ee d’int´ erˆ et g´ en´ eral dans le premier cas.

Supposons maintenant qu’il existe une distorsion associ´ ee ` a la collecte et au ver-

(28)

sement de fonds publics. Cette distorsion s’explique par exemple par des ´ el´ ements de gˆ achis et des inefficacit´ es administratives. Comme dans les travaux de Laffont et Tirole (1993), nous incluons un param` etre λ ∈ [0, 1] qui repr´ esente le coˆ ut social de transf´ erer des fonds publics. Ainsi, pour chaque montant M collect´ e, seul un montant (1 − λ)M peut ˆ etre revers´ e. Dans cette situation, la combinaison d’une taxe et d’une subvention n’est pas n´ ecessairement plus souhaitable qu’une taxe seule. Il s’agit de faire un arbitrage entre la possibilit´ e de corriger les deux distor- sions pr´ esentes dans l’´ economie et le fait de dupliquer les coˆ uts administratifs. Il apparaˆıt qu’on pr´ ef´ erera une taxe seule lorsque le dommage associ´ e ` a la pollution est ´ elev´ e et/ou le nombre de firmes dans l’´ eco-industrie est ´ elev´ e. En effet, pour un dommage environnemental tr` es ´ elev´ e toutes choses ´ egales par ailleurs, la distorsion due ` a la concurrence imparfaite au sein de l’´ eco-industrie devient n´ egligeable par rapport au probl` eme de pollution et on privil´ egie la taxe seule ´ etant donn´ e les coˆ uts d’introduire un deuxi` eme instrument. Il en va de mˆ eme lorsque le nombre de firmes ´ eco-industrielles devient ´ elev´ e toutes choses ´ egales par ailleurs.

Parmi les extensions envisageables pour ce travail, pour compl´ eter celles ´ evoqu´ ees pour l’article pr´ ec´ edent qui demeurent valables, il serait int´ eressant de se situer dans un contexte d’´ equilibre g´ en´ eral qui permettrait de mieux explorer les interac- tions entre les diff´ erents instruments lorsque ceux-ci sont combin´ es (recyclage de la recette de la taxe pour financer la subvention par exemple). Notons ´ egalement que dans un cadre d’´ economie ouverte avec accords commerciaux, les subventions aux industries nationales peuvent soulever des oppositions au sein de gouverne- ments ´ etrangers ou de l’Organisation Mondiale du Commerce. Remarquons enfin que nous avons pu v´ erifier que les r´ esultats obtenus dans cet article restent valables pour d’autres structures de march´ e de l’´ eco-industrie, telles que le monopole ou l’oligopole avec libre entr´ ee.

Taxe environnementale au sein d’une ´ eco-industrie avec libre-entr´ ee

Jusqu’` a pr´ esent, nous avons consid´ er´ e que la structure de march´ e de l’´ eco-

industrie ´ etait fix´ ee. Nous allons constater qu’en la rendant endog` ene en permet-

tant l’entr´ ee de firmes sur ce secteur, certains de nos r´ esultats sont modifi´ es. Cette

(29)

r´ eflexion a ´ et´ e men´ ee dans l’article ”Emission Taxes and the Market for Abatement Goods and Services” (Resource and Energy Economics, 33 : 179-191, 2011) ´ ecrit en collaboration avec Alain-D´ esir´ e Nimubona et Bernard Sinclair-Desgagn´ e. Cet article contient ` a la fois des apports ` a la litt´ erature en

´

economie de l’environnement et en ´ economie industrielle.

Nous consid´ erons une industrie polluante en concurrence pure et parfaite et une industrie de d´ epollution en oligopole de Cournot avec libre entr´ ee. Une taxe par unit´ e de pollution est appliqu´ ee pour corriger l’externalit´ e environnementale. Nous montrons qu’une hausse de la taxe engendre une entr´ ee de firmes sur le march´ e de l’environnement mais, de mani` ere plus surprenante, n’engendre pas n´ ecessairement une hausse du niveau total de d´ epollution vendue. En effet, dans certains cas parti- culier, lorsque les coˆ uts de production des ´ eco-industries (´ equivalent des coˆ uts r´ eels de d´ epollution) ont une forme concave - caract´ eristique de rendements d’´ echelle croissants - on peut observer une r´ eduction de l’offre totale de l’´ eco-industrie lors d’une hausse de la taxe. Ce r´ esultat apparemment contre-intuitif s’explique de la mani` ere suivante. Face ` a une hausse de la taxe, deux effets vont impacter l’´ equilibre sur le march´ e de la d´ epollution. Le premier est un effet demande : une taxe plus

´

elev´ ee engendre une demande plus forte de d´ epollution, ce qui va dans le sens d’une d´ epollution totale d’´ equilibre plus ´ elev´ ee. Le second est un effet pouvoir de march´ e : avec une taxe plus stricte, l’´ elasticit´ e-prix de la demande de d´ epollution diminue et le pouvoir de march´ e de l’´ eco-industrie augmente. Les entreprises de l’environ- nement augmentent alors strat´ egiquement leur prix en contractant leur offre. Si ce dernier effet l’emporte, on peut observer une r´ eduction de la d´ epollution vendue ` a l’´ equilibre.

Ce r´ esultat a des implications en termes de politiques environnementales car

il nous indique qu’une taxe environnementale peut, dans certains cas extrˆ emes,

aboutir au r´ esultat inverse de celui escompt´ e. La probabilit´ e de cet ´ ev` enement

particulier est difficile ` a estimer, mais il existe plusieurs segments ´ eco-industriels,

tels que le traitement des eaux us´ ees ou le traitement des d´ echets, pour lesquels

les ´ economies d’´ echelle sont importants et il ne semble pas exclu que cette situa-

(30)

tion ´ emerge 6 . On recommande donc au d´ ecideur public de ne pas se limiter ` a stimuler la demande de biens environnementaux mais ´ egalement de veiller ` a main- tenir une sensibilit´ e de cette demande par rapport au prix. Il s’agit pour cela, comme vu pr´ ec´ edemment, de favoriser l’existence d’alternatives pour les pollueurs

`

a la consommation de biens et services de d´ epollution, soit par un choix judicieux de l’instrument de politique environnementale soit en facilitant l’autonomie des pollueurs pour d´ epolluer en interne lorsque les ´ eco-industries pratiquent des prix excessifs.

Nous analysons ensuite le taux de taxe optimal dans ce cadre. On montre que la taxe optimale peut maintenant ˆ etre soit inf´ erieure, soit sup´ erieure, soit ´ egale au taux pigouvien. Une formule du taux optimal est donn´ ee dans l’article. Par rapport ` a la formule avec un nombre fixe d’entreprise ´ eco-industrielles, on observe un terme suppl´ ementaire qui diminue le taux de taxe pr´ econis´ e. Ceci est dˆ u au fait que, comme expliqu´ e dans Tirole (1988), dans un oligopole avec libre entr´ ee on peut observer une entr´ ee excessive de firmes par rapport au niveau socialement optimal (dˆ u aux coˆ uts d’installation qu’il n’est pas souhaitable de voir se multiplier). Une taxe ´ elev´ ee amplifie cette distorsion en favorisant l’entr´ ee de firmes, il est donc pr´ ef´ erable de revoir ` a la baisse son taux.

Au-del` a de ces r´ esultats en ´ economie de l’environnement, notre travail peut ˆ etre rapproch´ e de la litt´ erature en ´ economie industrielle sur les oligopoles avec libre entr´ ee. Premi` erement, nous ´ etudions ici l’impact final, sur les quantit´ es d’´ equilibre, de deux variations simultan´ ees de la fonction de demande : une variation de la taille du march´ e (translation parall` ele de la fonction inverse de demande dans le rep` ere (prix, quantit´ e)) et une variation de l’´ elasticit´ e-prix de la demande (rotation de la fonction de demande inverse) 7 . L’effet de ces variations de demande ont ´ et´ e examin´ e auparavant (Hamilton 1999) mais de mani` ere ind´ ependante et non lorsque ces deux variations ont lieu en mˆ eme temps. Or la taxe environnementale provoque ces deux effets simultan´ es et il est donc utile pour nous de connaˆıtre leur effet total.

Dans Hamilton (1999), l’effet taille engendre une hausse de la quantit´ e produite

6. Managi (2006), par exemple, apporte une preuve empirique de rendements d’´ echelle crois- sants de l’activit´ e de d´ epollution dans le secteur agricole.

7. Voir l’article pour une illustration graphique.

(31)

alors que l’effet ´ elasticit´ e-prix provoque une r´ eduction de cette quantit´ e. L’effet total est donc ambigu et nous avons analys´ e les conditions pr´ ecises sous lesquelles on observe une hausse ou une baisse de la quantit´ e d’´ equilibre.

Deuxi` emement, nous avons ´ et´ e amen´ es ` a nous interroger sur le rˆ ole de la forme de la fonction de coˆ ut de production dans l’impact d’une variation de la demande sur les quantit´ es d’´ equilibre. Nous d´ emontrons que lorsque les coˆ uts de produc- tion sont strictement concaves, les quantit´ es d’´ equilibre peuvent diminuer avec une hausse de la demande accompagn´ ee d’une r´ eduction de son ´ elasticit´ e-prix. Ce r´ esultat est en partie similaire ` a celui de Amir et Lambson (2000), qui nous in- dique que les quantit´ es d’´ equilibre peuvent diminuer avec une entr´ ee de firmes sur le march´ e lorsque l’on observe des rendements d’´ echelle croissants. Le cadre de la mod´ elisation et la m´ ethode employ´ ee sont n´ eanmoins diff´ erents 8 .

Nous montrons que nos principaux r´ esultats restent valables dans le cas d’une

´

eco-industrie en monopole ou monopolistique avec une frange concurrentielle. Une extension int´ eressante de ce travail consisterait ` a introduire d’autres instruments de politique. Il serait aussi souhaitable d’´ etendre ce mod` ele afin de laisser la possibilit´ e aux pollueurs de d´ epolluer en interne.

Taxe environnementale et r´ egulation des fusions au sein de l’´ eco- industrie

Cet article men´ e en collaboration avec Joan Canton et Bernard Sinclair-Desgang´ e et intitul´ e ”Environmental regulation and mergers within the eco-industry”

(Strategic Behavior and the Environment, 2(2) : 107-132, 2012), permet de prendre en compte le rˆ ole des fusions au sein des ´ eco-industries. Il permet aussi d’´ etudier les conflits de r´ egulation qui peuvent apparaˆıtre entre une autorit´ e de r´ egulation de la concurrence et un r´ egulateur bienveillant.

Nous nous situons dans le cas d’une ´ eco-industrie en oligopole de Cournot avec possibilit´ es de synergies permettant des r´ eductions de coˆ uts en cas de fusions de plusieurs entreprises. Un autre int´ erˆ et de la mod´ elisation ici par rapport aux ar-

8. Notamment, nous d´ emontrons notre r´ esultat de mani` ere analytique alors que Amir et

Lambson ont recours ` a des simulations.

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ticles pr´ ec´ edents est le choix d’une fonction d’´ emission non additivement s´ eparable, ce qui implique que l’activit´ e de d´ epollution peut maintenant affecter le processus de production 9 . L’industrie polluante est, une fois encore, en concurrence parfaite.

Les r´ esultats les plus utiles pour l’aide ` a la d´ ecision publique sont r´ esum´ es ici. Tout d’abord, nous montrons qu’une hausse d’une taxe par unit´ e de pollution r´ eduit les incitations ` a fusionner pour les entreprises ´ eco-industrielles. Cela nuance l’id´ ee selon laquelle une hausse de la taxe augmente le pouvoir de march´ e des entre- prises environnementales 10 . Nous examinons ensuite les effets sur le bien-ˆ etre social des fusions au sein des ´ eco-industries. Nous montrons qu’elles ont toujours un im- pact n´ egatif sur la qualit´ e de l’environnement ; qu’elles augmentent n´ ecessairement le profit de l’´ eco-industrie ; qu’elle peuvent, dans le cadre de notre mod´ elisation, avoir un impact positif sur le profit des pollueurs 11 ; l’impact sur les consomma- teurs finaux est en revanche toujours n´ egatif. L’effet total sur le surplus collectif est donc ambigu. Nous examinons la condition sous laquelle ces fusions sont b´ en´ efiques

`

a la soci´ et´ e et nous d´ emontrons que cet effet global est n´ egatif d` es lors que la taxe est appliqu´ ee au taux pigouvien.

Nous montrons aussi qu’il existe des cas o` u une autorit´ e de la concurrence peut approuver une fusion de l’´ eco-industrie alors que celle-ci r´ eduit le surplus collectif.

Cela provient de la fonction objectif de cette autorit´ e - inspir´ ee des objectifs effec- tivement affich´ es dans la pratique par des institutions telles que le Conseil de la Concurrence en France, la Commission Europ´ eenne ou la Federal Trade Commis- sion aux Etats-Unis - qui ne prend pas en compte la qualit´ e de l’environnement.

Une recommandation de politique publique qui d´ ecoule directement de ce r´ esultat est la collaboration entre les autorit´ es de la concurrence et les autres institutions comp´ etentes d` es qu’il s’agit de r´ eguler un secteur dont l’activit´ e impact le bien-ˆ etre collectif au-del` a de la somme des surplus des agents. Cela peut ˆ etre le cas pour les

9. Cela permet de prendre en compte les innovations vertes et le progr` es technologique, seg- ment prometteur des ´ eco-industries.

10. Pouvoir de march´ e et degr´ e de concentration ´ etant g´ en´ eralement positivement corr´ el´ es.

11. Ce r´ esultat qui peut sembler contre-intuitif provient du fait que la fusions dans l’´ eco-

industrie provoque une hausse des prix du bien de consommation final. Cet effet, proche d’un

effet collusion, peut faire augmenter le profit des pollueurs.

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questions environnementales, comme illustr´ e ici, mais ´ egalement dans le domaine de la sant´ e, de l’´ education, de l’´ energie et d’autres secteurs de service public.

Ce travail comporte plusieurs points d’am´ elioration possibles. Contrairement aux articles pr´ ec´ edents o` u les formes fonctionnelles restaient assez g´ en´ erales, nous avons choisi ici des formes sp´ ecifi´ ees pour la fonction de coˆ uts de production de l’´ eco-industrie et la fonction d’´ emissions des pollueurs. Cela nous a permis d’aller au bout des d´ emonstrations analytiques tout en ayant une forme non additive- ment s´ eparable pour la fonction d’´ emissions. Il pourrait donc ˆ etre utile de tester la robustesse des r´ esultats avec d’autres formes fonctionnelles. Notons n´ eanmoins que la forme fonctionnelle choisie pour les coˆ uts de production des ´ eco-industries, inspir´ ee de la mod´ elisation de McAfee and Williams (1992), est non triviale et non lin´ eaire, ce qui permet de prendre en compte les ”synergies” dans ce secteur. Une autre extension utile serait d’explorer le taux de taxe optimal dans ce contexte.

Remarquons, pour terminer, que nous avons pu v´ erifier que nos r´ esultats restent qualitativement valables lorsque les pollueurs sont en concurrence imparfaite (oli- gopole).

Pour clˆ oturer cette pr´ esentation de l’axe de mes recherches consacr´ e aux in- teractions entre les ´ eco-industries et la r´ egulation environnementale, il me parait important de revenir sur la question de la compatibilit´ e entre croissance et environ- nement. Il s’agit de recommander la prudence face ` a l’id´ ee avanc´ ee dans certains discours publics selon laquelle les industries de l’environnement permettent de r´ econcilier ces deux aspects. Le comportement strat´ egique des firmes au sein de cette industrie peut engendrer des hausses de coˆ uts de mise en conformit´ e des pol- lueurs aux contraintes environnementales, ce qui affecte l’acceptabilit´ e des mesures prises et potentiellement la croissance des secteurs polluants, donc le PIB des Etats, l’emploi et les pouvoirs d’achat. Les d´ ecisions publiques doivent ˆ etre adapt´ ees en cons´ equence et de nombreuses pistes de recherche restent ` a explorer dans ce sens.

Ces pistes, dont certaines ont ´ et´ e ´ evoqu´ ees dans les extensions propos´ ees ci-dessus

et que nous discutons dans la section sur les projets de recherche, comprennent

entre autres le rˆ ole des ´ eco-industries dans l’adoption de nouvelles technologies et

la R&D (voir notamment Requate (2005) et Heyes and Kapur (2011) pour une

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premi` ere approche de cette question) ; la question du choix pour les pollueurs de d´ epolluer en interne ou de faire appel aux ´ eco-industries ; les effets de sp´ ecialisation ou d’apprentissage que peuvent favoriser les ´ eco-industries ; l’´ evaluation d’autres instruments de politique publique en pr´ esence d’une ´ eco-industrie imparfaitement concurrentielle (voir Schwartz et Stahn (2010) pour une analyse des march´ es de permis d’´ emissions) ; les interactions et conflits potentiels entre politique environ- nementale et politique de la concurrence sur ce secteur.

2.2 Politiques agri-environnementales pour pr´ eserver la bio- diversit´ e en asym´ etrie d’information avec pr´ eoccupations spatiales

La protection de la biodiversit´ e est devenue l’une des principales pr´ eoccupations environnementales aux cˆ ot´ es de la lutte contre le changement climatique, de l’utili- sation raisonn´ ee des ressources en eau et en ´ energie ou de la gestion des d´ echets. Le rapport Chevassus-au-Louis (2009) en t´ emoigne, qui a cherch´ e ` a estimer la valeur mon´ etaire de la biodiversit´ e en France. La biodiversit´ e est ` a la fois support de pro- duction (nourriture, bois, textile) ; source de mati` eres indispensables ` a la science et notamment ` a la m´ edecine (70% des m´ edicaments sont issus de mol´ ecules bio- logiques) ; ` a la base de multiples services ´ ecosyst´ emiques indispensables ` a notre plan` ete (´ epuration de l’eau, de l’air, d´ egradation et recyclage de la mati` ere or- ganique, r´ egulation du climat, pollinisation) et support d’activit´ es r´ ecr´ eatives et touristiques. Les valeurs intrins` eque et patrimoniale de la biodiversit´ e ne doivent pas non plus ˆ etre oubli´ ees.

D’apr` es le Millenium Ecosystems Assessment (Evaluation des Ecosyst` emes pour le Mill´ enaire) initi´ e en 2001 par l’ONU, 60% des services ´ ecosyst´ emiques de la plan` ete sont actuellement d´ egrad´ es ou utilis´ es de mani` ere non durable (MA 2005).

Toujours d’apr` es ce rapport, l’activit´ e humaine a acc´ el´ er´ e le rythme d’extinction des esp` eces, le rendant au moins 100 fois sup´ erieur au rythme naturel d’extinction.

De mˆ eme, un bilan effectu´ e en 2011 par la Commission Europ´ eenne indique que

17% seulement des habitats et esp` eces et 11% des principaux ´ ecosyst` emes prot´ eg´ es

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