3.Propriétés thermotropes
Fig. 3.6 – Maille élémentaire de la phase SmG/H du composé 5c. a =4.75 Å , b = 8.78 Å , c = 29.5 Å , α=93˚, β= 89˚ et γ= 102˚
à 77
◦C. La texture observée est dite en mosaïque, et est caractéristique des phases smectiques possédant un ordre de position élevé comme la SmF [78]. La structure en mosaïque présente de larges domaines optiquement uni- formes, séparés par des joints de grains. Dans cette image, on constate aussi de larges trous qui résultent du démouillage dû à la fluidité du système, ce qui confirme que nous sommes en présence d’une phase cristal liquide (phase biréfringente et fluide).
Une étude de diffraction des RX a été menée sur ce composé 5c dans
cette phase SmF. La figure 3.5 (courbe rouge) est le diffractogramme obtenu
à 77
◦C. Cette phase présente un ordre de position moins important que
la SmG/H (voir figure 1.21) ; on s’attend donc à trouver moins de pics de
diffraction. Les pics correspondant aux plus petites distances ont tendance à
disparaître ou du moins à être moins bien résolus, un pic plus large signifiant
un ordre plus faible [77]. Pour cette phase, la distance interplan calculée à
partir du pic (001) est de 29.9 Å, les deux pics suivants correspondent aux
ordres deux et trois. La valeur de cette distance nous permet de déduire que la molécule est inclinée au sein des couches smectiques mais moins que dans le cas de la phase SmG/H, l’angle d’inclinaison apparent est de 33˚.
La troisième et dernière phase cristal liquide se trouve dans un domaine de température allant de 85
◦C à 90
◦C. On se trouve en présence d’une phase SmC. Dans ce cas, les molécules n’ont pas d’ordre de position au sein des plans smectiques. La figure 3.4(c) a été relevée par microscopie en lumière polarisée à 87
◦C, on peut observer le début de la formation des domaines cristal liquides. La texture est appelée texture de Schlieren et est caractéristique des phases SmC et SmA [78].
Cette phase a ensuite été étudiée par diffraction des RX ; vu le peu d’ordre au sein des plans smectiques, on s’attend à ne pas observer de pics aux grands angles. On observe juste le pic correspondant à la distance interplan à 33.1 Å, et les ordres 2 et 3 de cette réflexion. De nouveau, la molécule est inclinée dans le plan mais nettement moins que dans les deux autres types de phases cristal liquides SmG/H et SmF, l’angle d’inclinaison apparent est de 21˚. On observe aussi le halo, dû aux chaînes alkyles, situé aux grands angles.
3.2.2 Discussion
Nous discutons, ci-dessous, des propriétés thermotropes en fonction des paramètres structuraux des molécules, à savoir : la longueur des chaînes al- kyles, la présence de branchements et la dissymétrisation des molécules.
Pour commencer intéressons-nous aux températures de transition et, dans
un premier temps plus particulièrement aux molécules 5a à 5d, dont les
chaînes alkyles sont linéaires. Les températures de transitions sont reprises
dans le graphique 3.7. On constate que pour chaque carbone supplémentaire
sur la chaîne alkyle, il y a globalement une augmentation des températures
de transition. Cette observation peut être mise en parallèle avec l’évolution des températures de transition des alcanes. Pour ces derniers, chaque CH
2supplémentaire provoque l’augmentation de la températures de fusion (voir fi- gure 3.2). Cependant, la température de la transition SmG/H vers SmF baisse de 10˚C entre le 5,5"-diheptylterthiophène 5b et le 5,5"-dioctylterthiophène 5c, ce qui est contraire aux observations pour les autres transitions. Aucune explication à cette différence n’a pu être trouvée.
Fig. 3.7 – Graphique des températures de transition pour chaque dialkylter- thiophène 5a-d en fonction du nombre de carbones par chaîne alkyle greffée.
Les enthalpies de transition montrent une tendance à augmenter avec le
nombre d’atomes de carbone (graphique 3.8). L’enthalpie de la transition
entre la phase cristalline et la première phase smectique (SmG/H ou SmF)
prend des valeurs entre 13.6 et 29.3 kJmol
−1. Par contre les enthalpies de
Fig. 3.8 – Graphique des enthalpies de transition des composés 5a-d en fonction du nombre de carbones par chaîne alkyle greffée.
transition entre phases smectiques sont de l’ordre de quelques kJmol
−1, de même que pour l’enthalpie associée à l’isotropisation ( voir tableaux 3.3).
Ces résultats s’alignent sur ceux de la littérature pour d’autres mésogènes calamitiques formant des phases smectiques [73].
Les entropies ont été calculées à partir des enthalpies et des températures
de transitions (voir tableau 3.3 et figure 3.9). Nous pouvons regrouper les
transitions en trois catégories en fonction de la valeur de leur entropie. La
transition entre la phase cristalline et la première phase smectique apparais-
sant en augmentant la température présente une entropie de transition entre
42.2 et 86.2 Jmol
−1K
−1. L’entropie des transitions entre phases smectiques
varie entre 2.2 et 9.4 Jmol
−1K
−1. La transition conduisant à une phase iso-
Fig. 3.9 – Graphique des entropies de transition des composés 5a-d en fonc- tion du nombre de carbones par chaîne alkyle greffée.
trope présente une entropie entre 14.9 et 32.0 Jmol
−1K
−1. La somme des entropies des transitions conduisant de la phase cristalline à la phase iso- trope augmente logiquement avec le nombre d’atomes de carbone par chaîne alkyle latérale. Elle est respectivement de 74.0, 85.3, 93.9 et 119.6 Jmol
−1K
−1pour les composés 5a-d. Il n’y a apparemment pas de relation mathématique simple entre ces deux paramètres.
Le nombre de transitions étant un facteur important, nous allons nous
intéresser à son évolution en fonction de la longueur de la chaîne alkyle
(voir tableau 3.3). Pour les composés possédant des chaînes alkyles courtes
comme le 5,5”-dihexylterthiophène 5a, la fluidité apportée par la présence
des chaînes alkyles est assez restreinte, la seule phase cristal liquide obser-
vée pour ce composé est une phase smectique G/H aussi appelée “cristal G/H”, ce type de phase est très proche d’une phase cristalline (voir figure 1.21). Lorsque l’on passe à des longueurs de chaînes plus élevées comme pour le 5,5"-dinonylterthiophène 5d, il y a disparition de la phase SmG/H, la première phase cristal liquide est une smectique F dont l’ordre au sein des plans smectiques est plus faible que pour la SmG/H. Plus on augmente la longueur des chaînes plus le système sera fluide et donc il est logique d’ob- server la disparition de phases très organisées telle que la SmG/H. De plus, pour ces composés 5b-d, on observe la présence d’une phase cristal liquide smectique pour laquelle les molécules ne possèdent plus d’ordre de position au sein des plans smectiques ; il s’agit de la phase SmC (voir figure 1.21).
Le raisonnement inverse peut être fait, pour les phases les moins organisées, pour le 5,5"-dihexylterthiophène 5a, les phases SmC et SmF sont absentes, la longueur des chaînes greffées étant trop courte (6 carbones), la fluidité du système est fortement réduite.
Jusqu’ici, il n’a été question que de l’évolution des propriétés thermo- tropes en fonction du nombre d’atomes de carbone dans les chaînes alkyles latérales. Intéressons-nous maintenant à la présence de chaînes alkyles bran- chées par des méthyles. Selon les résultats décrits pour les alcanes, la pré- sence de branchement(s) a pour effet de diminuer la température de fu- sion (voir graphique 3.2)
4. Les résultats obtenus pour les composés 5,5"- di(2-méthylhexyl)terthiophène 5f et 5,5"-di(3,7-diméthyloctyl)terthiophène 5e concordent avec ceux des alcanes. On constate une diminution nette des
4
La tendance générale à une diminution du point de fusion des alcanes avec la présence
de branchements illustrée dans le graphique 3.2 et commentée par Israelachvili dans la
référence [121], souffre néanmoins d’exceptions notables. Un exemple flagrant est constaté
en comparant le point de fusion du n-octane (−57
◦C), avec celui de l’hexaméthyléthane qui
ne fond qu’à 94 −97
◦C. De toute évidence, la tendance générale observée de l’abaissement
du point de fusion ne s’applique qu’à des alcanes dont le nombre de branchements reste
modeste par rapport aux nombre de carbones en chaîne linéaire.
températures d’isotropisation. L’introduction d’un méthyle en position 5 des chaînes latérales du composé 5f induit une diminution modeste de la tempé- rature d’isotropisation , 3
◦C, par rapport au composé 5a pris comme réfé- rence. La présence de deux méthyles en positions 3 et 7 des chaînes latérales du composé 5e induit une dépression sensible de la température d’isotropi- sation, par rapport au composé 5c.
Une partie de l’effet marqué du méthyle en position 3 dans le cas de 5e provient du fait que ce composé est un mélange de trois stéréoisomères (voir figure 3.10). Vu que les centres stéréogéniques sont éloignés, il est raisonnable de penser que la composition de 5e est statistique : meso 50%, R,R 25%, S,S 25%.
Fig. 3.10 – Stéréoisomères du composé 5e : 5e S,R ou R,S est un composé méso optiquement inactif, 5e S,S ou R,R sont des énantiomères.
Il est surprenant de constater que la modification structurale relativement
modeste qu’est l’introduction d’un ou deux méthyles sur les chaînes alkyles des composés 5e-f induit la disparition des phases cristal liquides. Nous n’avons pas d’explication à ce phénomène. D’autant plus que rien parmi les valeurs des enthalpies et entropies de transition ne permet de vraiment différencier les composés 5a-d et 5e-f.
Par rapport aux molécules 5a-f, les molécules 7a-c présentent en plus une dissymétrie qui est responsable de la diminution des températures de transition. L’évolution des enthalpies et des entropies de transition pour les composés dissymétriques semble beaucoup plus difficile à rationaliser. Com- parons dans un premier temps des molécules qui possèdent le même nombre d’atomes de carbone dans les chaînes alkyles, c’est-à-dire 5b et 7a (14 atomes de carbone) et 5d et 7c (18 atomes de carbone). Nous constatons une di- minution de la température d’isotropisation de 14
◦C pour 7a par rapport à 5b. Par contre l’apparition de la première phase cristal liquide se produit à la même température de 52
◦C. Il est à noter que 7a et 5b ont le même nombre de carbones moyens par chaînes alkyles mais ces composés diffèrent par leur symétrie. Il en va de même pour 7c et 5d qui en plus se caracté- risent par des chaînes latérales de volume différent à température ambiante V
3= 300Å
3et V
4= 244Å
3pour 7c et V
5= 271Å
3pour 5d (voir figure 3.11)
5
. La température d’isotropisation et la température d’apparition de la pre- mière phase cristal liquide sont notoirement plus basses pour 7c que pour 5d.
5