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Université de Paris M1 S2 Études cinématographiques 2020-2021 Aspects du classicisme hollywoodien Séminaire animé par Mme Jacqueline Nacache Étudiant : Olivier Cuny

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Université de Paris

M1 S2 Études cinématographiques 2020-2021 Aspects du classicisme hollywoodien

Séminaire animé par Mme Jacqueline Nacache Étudiant : Olivier Cuny

Le 28 mars 2021

La persona de Claudette Colbert, dans la séquence d’ouverture de La Huitième Femme de Barbe-Bleue, de Ernst Lubitsch (1938),

et dans New York-Miami, de Frank Capra (1934)

Claudette Colbert est une actrice américaine d'origine française, née en 1903 et décédé en 1996. Elle est une actrice majeure du cinéma des studios.

Elle a fait l'essentiel de sa carrière aux États-Unis et a gagné, en 1935, l'Oscar de la meilleure actrice pour son rôle dans le film New York Miami, de Frank Capra, dans lequel elle partage la vedette avec Clark Gable. Cette rencontre exceptionnelle n’a pu avoir lieu que grâce à un concours de circonstances favorables. Claudette Colbert avait décidé d’utiliser le droit de tirage prévu par son contrat avec Paramount consistant à pouvoir faire un film par an avec un autre studio, et Clark Gable avait été sanctionné par la MGM avec laquelle il était sous contrat, parce qu’il avait refusé de faire un film dans lequel le studio lui avait demandé de jouer. C’est ainsi que Frank Capra et Columbia ont pu réunir les deux acteurs pour jouer dans New York-Miami.

Claudette Colbert, rapidement devenue une star du cinéma hollywoodien classique, a, comme nombre d’acteurs et d’actrices des années 1930, commencé par être actrice de théâtre à Broadway. Pendant cinq ans, de 1924 à 1929, elle a interprété, dans une dizaine de spectacles, essentiellement des rôles d’ingénues. Elle a ensuite signé un contrat de sept ans avec la Paramount Pictures et a joué dans de nombreux films.

Sa petite taille, sa faible corpulence, son visage fin et son air malicieux la prédestinait, sans doute, à jouer des ingénues ou fausses ingénues. Sa persona d’enfant attardé, animé d’une sincérité innocente et naïve, correspondait bien à ce type d’emploi. Sa personnalité réelle, dans la vie normale, était naturellement en phase avec les rôles qu’elle jouait le plus souvent, mais l’inverse était aussi vrai et c’était ce qui faisait sa force et constituait sa persona. Claudette Colbert est un excellent archétype d’actrice du cinéma classique hollywoodien. Elle incarne au cinéma pratiquement le même rôle qu’elle joue dans la vraie vie. Ce sont cette continuité, cette fluidité, cette communication naturelle entre la sphère privée et la sphère publique - le cinéma, le sentiment de sincérité et de

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spontanéité que l’actrice dégage par son jeu qui produisent une impression de proximité chez le spectateur et suscite l’empathie réciproque.

Dans la comédie La Huitième Femme de Barbe-Bleue, Claudette Colbert incarne une jeune aristocrate française désargenté et Gary Cooper un millionnaire sept fois divorcé. Pendant tout le film, les deux personnages sont placés dans des situations cocasses. La scène d'ouverture donne le ton. Les deux personnages se rencontrent pour la première fois dans un grand magasin sur la Riviera française. Gary Cooper veut acheter un pyjama, mais ne veut payer que le haut du pyjama, parce qu'il ne met pas de bas. Surpris par une telle demande, les vendeurs du magasin sont obligés d'en référer à leur supérieur hiérarchique et la question remonte jusqu'au président de la société qui, lui- même, doit sortir de son lit pour répondre au téléphone et montre qu'il ne porte qu'un haut de pyjama. Le comique de situation est déjà bien installé quand intervient, sortie de nulle part (le hors champ), Claudette Colbert qui propose à Gary Cooper de prendre le bas et de partager le prix en marchandant. Après le propos du vendeur qui insiste sur l’égalité entre les hommes et les femmes, les répliques comiques de Claudette Colbert s’enchaînent (« Vous avez une tête à rayures », « Ce n’est pas la faute du pyjama si vous dormez mal », « Essayez la méthode Urganzeff », « Désolé de dissiper vos illusions, je ne suis pas mariée ») et le jeu des acteurs concourent à faire monter le plaisir des spectateurs avide de la bonne histoire qui s’annonce.

Dans New York-Miami, sorti quatre ans plus tôt, la répartition des rôles entre les deux acteurs principaux, Claudette Colbert et Clark Gable, est inversée, mais la construction du film est assez semblable. Et Claudette Colbert peut mettre en valeur les spécificités de sa persona qui font qu’elle est une actrice assez familière et très proche du public de l’époque de l’âge d’or hollywoodien.

Dans ces deux films, mais aussi dans bien d'autres, ressortant d’autres genres, comme dans le film historique Cléopâtre, de Cecil B. DeMille, Claudette Colbert excelle, notamment, dans les duels verbaux avec ses opposants- complices masculins. Elle y joue de ses charmes mutins, de sa spontanéité et de sa fraîcheur. Elle n'est jamais impressionnée par la différence de taille avec ses partenaires masculins, particulièrement grands dans ces deux films de Lubitsch et Capra. Claudette Colbert montre, en permanence, un goût évident pour la vie et une force toujours présente - qui surprend justement au regard de sa petite taille, dans l'échange, dans la confrontation voire dans l'affrontement. Elle se présente comme un « petit bout de femme », frêle et menue, mais au fort caractère et qui ne s'en laisse pas compter. Elle est toujours pleine de vie et fait preuve d’un bon sens populaire. Elle adore les joutes verbales et sait être persuasive, enjouée, insoumise, séductrice, tentatrice, pleine d'humour. Elle aime jouer des tours et des détours. C'est une reine du déplacement qui surprend et interroge. Elle peut donner l'impression d'être primaire, mais n’est jamais premier degré. Elle peut être manipulatrice, effrontée, libre, révolutionnaire et peu respectueuse des convenances. Elle adore jouer la fausse faible et se faire David contre Goliath pour toujours rebondir et arriver à ses fins. Bien que jouant des

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rôles où elle est insérée dans la société, elle peut être marginale, à sa façon, par exemple pour remettre, sans gêne, en cause le patriarcat (où faire semblant de le remettre en cause, peut-être pour mieux le conforter). Elle peut faire preuve de fausse ingénuité, être instable où versatile et changer facilement d'avis, en un instant, selon les circonstances et l'avantage qu’elle peut tirer de ses revirements de position. Elle sait chercher sa voie et, dans cet esprit, être égoïste, duplice, agressive, douce. Elle sait être féminine, jouer de ses charmes, dure, réversible, épidermique, caméléon, tactique, stratégique. Elle joue sur tous les tableaux et les registres et elle fait preuve d'une grande capacité d'adaptation à l'environnement. Elle sait, tour à tour, être amoureuse, sensuelle, charmeuse, éclatante, tentatrice voire sexy et lascive (dans Cléopâtre, par exemple), fausse, menteuse, manipulatrice, souple, calculatrice, transgressive. Elle est capable de bassesses et, comme une anguille ou un serpent, elle sait tourner autour de sa proie ou, comme un pêcheur, ferrer le poisson, le gogo. Elle sait flairer la bonne affaire, faire preuve de discernement et de bon sens populaire, ce qui fait écho chez les spectateurs. Elle joue également très bien les scènes dans lesquelles elle joue un bon tour à des personnages plus importants où appartenant à des classes supérieures ou plus riches et cela réjouit le public. Elle est un Janus à forme humaine. Elle sait se faire mi-ange mi-démon, mais sans vraiment dépasser les bornes, toujours dans un bon esprit, avec esprit et malice. Elle est la reine des affects et des émotions et elle sait les transmettre, simplement, sans affectation, avec sincérité et naturel au public. Elle est ambivalente, à géométrie variable, comme tout être humain. Elle sait être flamboyante, rayonnante, émouvante et transmettre sa joie de jouer, ainsi que son euphorie communicative. Elle est l'incarnation de la joie et du bonheur à partager, dans sa vie comme à l'écran. Elle se donne en spectacle. En jouant, elle s’amuse et apporte détente et amusements aux spectateurs. Elle joue avec son partenaire, comme deux galopins qui se jouent des tours. Elle donne au spectateur le sentiment d'importer dans le film la vraie vie, sa vraie vie, celle que la spectatrice ou le spectateur aimerait avoir. Comme une petite fille, elle est espiègle et elle nous ramène en enfance. Elle joue comme elle jouait enfant et, ce faisant, elle nous rappelle, nous replonge dans notre propre enfance. Mais elle sait aussi se comporter comme une bonne mère, être maternelle, rassurante. Elle s’émeut volontiers et peut faire preuve, aisément, de compréhension, d’empathie ou de compassion lorsque son partenaire est confronté à des difficultés. Et comme sa persona à l'écran est le reflet de sa personnalité dans la vraie vie, les spectateurs peuvent encore plus facilement s'identifier à la star, mais la star simple, directe, proche du public et populaire, la femme, avant l’actrice, Claudette Colbert.

Observatrice, experte en relations humaines, elle nous apprend les ficelles de la vie et comment procéder dans toute situation. Elle trouve toujours la solution pour se sortir de l'embarras, grâce à son sens de la répartie et ses capacités d'improvisation. Elle sait faire preuve d'une sensibilité à fleur de peau, de réactivité, de subtilité et de justesse dans l’action. Elle peut aussi être fantasque, extravertie, excessive, délurée, impulsive, mais toujours intelligente, rusée, complexe, insaisissable, sans peur, drôle, sympathique. Elle peut être subtile, maligne, résistante, désobéissante, décidée, obstinée, prête à tout, exaltée, révoltée, brûlante, vibrante, remuante. Mais elle est intelligente, avisée, le plus

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souvent ironique, pince-sans-rire et souriante. Elle n'est pas parfaite ; elle a des défauts. Elle incarne, dans les deux films, une femme de caractère, malicieuse, sournoise, désarmante, aguicheuse, qui n’est pas impressionnable, n'a pas froid aux yeux et ne s'en laisse pas compter. Son jeu, très riche, mobilise toute la palette des sentiments. Il s’intègre parfaitement dans la mise en scène qui est réglée comme dans une chorégraphie de comédie musicale. Elle est rapide, et incarne, à la perfection, le discours des joutes verbales plus ou moins loufoques de comédies, aux frontières poreuses avec la screwball comedy. Le sentiment de jouissance qui s’exprime dans le jeu de Claudette Colbert, dans son corps et sa corporéité, se transmet aux spectateurs, lesquels sont ébloui et se réjouissent d’une telle performance accomplie dans une apparente spontanéité et facilité.

Claudette Colbert est une icône d’actrice caméléon à forme humaine,

« atteignable ». A la fois femme et enfant, forte et faible, elle réunit la versatilité et toute la complexité humaine. Son essence apparaît sympathique. Elle joue et elle est, ensemble, l'incarnation d'une femme du peuple et une figure de la réussite, un modèle de spontanéité, de liberté, ainsi que de succès dans la société libérale américaine et dans le système très concurrentiel des studios Hollywoodiens. Elle est en même temps le miroir et le reflet du spectateur populaire et, au-delà, des différents publics de cinéma d’alors. Elle semble représenter, « dans sa personne », toutes les facettes de l’âme humaine, et aussi incarner et exprimer toutes les qualités et les défauts de l’être humain, dans lesquels les différents publics de spectateurs peuvent s’identifier et se retrouver.

C’est bien ce qui fait de Claudette Colbert une actrice si remarquable et représentative des stars de l’âge d’or, à la fois exceptionnelles et donnant le sentiment au public d’être proches de lui et accessibles.

Ainsi, simplement, le glamour mutin de Claudette Colbert peut être partagé avec le public, touché par la communion de destins qui se forme dans la salle de projection, durant le film, mais qui se prolonge et perdure à l’extérieur de la salle.

Alors, une proximité et une familiarité du public des spectateurs avec l’actrice se crée et se développe. Cela permet de maintenir le lien avec le spectateur et de lui donner envie de revenir voir l’actrice dans son prochain film.

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