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À propos de la vérité historiquepp. 96-102.

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Rev. hist. archéol. afr., GODO GODO, N° 20 - 2010

© EDUCI 2010

A PROPOS DE LA VERITE HISTORIQUE

Professeur ALLOU Kouamé René

Maître de Conférences Université de Cocody-Abidjan Filière des Sciences Historiques

RÉSUMÉ

Certes, l’histoire tout comme les autres sciences même celles considérées exactes, ne peut se prévaloir d’énoncer des vérités absolues. Ses vérités sont relatives, mais validées par la méthodologie historique qui elle repose sur des fondements scientifiques.

Pour utiliser au mieux cette méthodologie, l’historien doit se munir d’une honnêteté intellectuelle à toute épreuve et n’être guidé que par la seule recherche de la vérité historique.

La critique objective et constante de la connaissance des faits passés que permet l’épistémologie historique, créée sans aucun doute les conditions d’une évolution plus grande vers la vérité historique absolue.

Mots-clés: Histoire-Vérité absolue-Vérité relative- Epistémologie historique.

SUMMARY

Certainly, history like the others sciences can not pretend state absolute truths nor those look on as accurates. His truths are relatives, but validated by historical methology who, set on scientific bases.

To use at best this methodology, historian must supply with intellectual honesty at all trial and be guide only by the research of historical truth.

The objective and constant critical of the facts of past knowledges that give historical epistemology may without any doubt conditions of more great evolu- tion towards absolute historical truth.

Key-words: History-Absolute truth-Relative truth-Historical epistemology.

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Répondant à une question d’un journaliste sur le caractère scientifique de l’histoire, le professeur Baba Kaké disait ceci: “Il faut d’abord souligner un fait.

L’histoire n’est jamais objective même si elle a la prétention d’être scientifique.

Car l’histoire est d’un milieu, d’une époque, d’une culture… Il est difficile de se défaire de cette culture, de cette formation1“.

Pour illustrer sa pensée, le professeur Baba Kaké ajoute que pendant la période coloniale, il y a eu des ouvrages consacrés à l’Afrique et son histoire.

Quand on lit ces livres, on se rend compte des préoccupations de leurs auteurs:

c’est peut-être de justifier la colonisation ; même si les arguments qu’ils avancent sont en apparence objectifs2. Cet article qui voudrait poser le problème de l’objectivité de la discipline historique est inspiré de cette interview. Il s’articule de la façon suivante: dans un premier temps, il soutient qu’aucune science même dite exacte ne peut se prévaloir d’une objectivité absolue. Celle-ci est l’idéal vers laquelle tendent toutes les disciplines scientifiques y compris l’histoire.

Dans un deuxième temps, il définit la mauvaise histoire et enfin explique comment l’histoire, la bonne, doit tendre vers l’objectivité absolue.

I-L’OBJECTIVITÉ ABSOLUE: UN IDÉAL SCIENTIFIQUE 1-L’OBJECTIVITÉ SCIENTIFIQUE

Etre objectif, c’est être impartial. L’objectivité a un lien étroit avec la vérité qui elle-même est la qualité de ce qui dit, est conforme à la réalité. Ici, ce qui est dit est en conformité avec ce qui est. Une idée vraie, doit-être en principe la copie conforme de la réalité correspondante.

Or aucune science ne peut atteindre l’objectivité absolue. Mais à quel moment, peut-on affirmer que l’on s’est rapproché le plus possible de l’objectivité absolue en Histoire ? C’est au moment où les historiens sont unanimes sur les aspects majeurs d’un fait historique. Cette unanimité repose évidemment sur une analyse sans équivoque de la documentation et sur une critique solide.

La part de subjectivité n’intervient que sur des questions mineures d’un fait historique où l’historien fait intervenir des points de vue particuliers pour aiguiser des aspects de la lumière générale qui est le reflet de l’unanimité.

Voici un exemple qui illustre cette assertion. Si l’on affirme que Samory Touré fut un bâtisseur d’empire africain, cela est une vérité en adéquation avec la réalité. Mais à la question qu’elles sont les raisons pour lesquelles il a détruit Kong ? Chaque historien peut avancer des idées logiques pour répondre à cette question, mais qui ne seront pas forcément en conformité avec les motivations

1 Ivoir’Soir Mercredi 21 Février 1990. Interview du Professeur Ibrahim BABA KAKE accordée à Sanogo Abdoul Bakary dans la Rubrique Tête-à-tête. p.11.

2 Ibid .

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émanant du “soi“3 de Samory Touré lui-même au moment où il se propose de raser Kong.

Il est inexact d’affirmer que l’histoire n’est jamais objective car si le contraire était vrai, alors cela serait valable pour toutes les autres disciplines scientifiques même celles dites exactes pour la bonne raison que toutes tendent vers la vérité absolue qui est l’idéal mais qui n’est jamais atteint. Cependant, elles cherchent à s’y rapprocher par le canal d’une objectivité relative qui s’appuie sur les méthodes définies par chacune d’elle.

2-L’OBJECTIVITÉ RELATIVE HONNÊTE

L’objectivité scientifique est par essence une objectivité relative. Elle repose avant tout sur la logique que Robert Blanché définit comme “l’étude des raisonne- ments ou inférences considérés du point de vue de leur validité“4. En matière de logique, il faut distinguer la validité de la vérité. La validité d’un raisonnement est purement formelle, elle n’est pas forcément en accord avec la vérité matérielle.

Pendant longtemps, les mathématiciens en démontrant des “propositions vraies“, croyaient qu’ils énonçaient des vérités absolues. cela va changer de sens avec l’apparition des géométries non-euclidiennes5. Les axiomes du mathématicien ne sont plus considérés que comme des hypothèses. Les vérités mathématiques sont désormais vues comme des vérités de l’esprit sans forcément être en concordance avec la réalité des objets de la nature.

A l’instar des mathématiques, toutes les sciences s’appuient sur la logique, qui est un critère de vérité, une moyenne de vérité, car elle tient d’un raisonnement juste. De sorte que toute démonstration logique sur une question historique doit être retenue comme une parcelle de la vérité historique, donc une vérité relative.

Comme l’écrit E. Kant, la connaissance peut être conforme à la logique, et en désaccord avec l’objet. “En effet une connaissance a beau être tout à fait conforme à la forme logique, c’est -à -dire ne pas se contredire elle-même, il se peut toujours qu’elle ne soit pas d’accord avec l’objet“6. Est-ce à dire que dans ce cas, cette connaissance logique doit être systématiquement rejetée ? Kant estime que la logique en exposant des règles de l’entendement, fournit des critères de la vérité. Mais ces critères ne concernent que la forme de la vérité et ne sont pas suffisants à ses yeux, car“, la vérité est l’accord de la connaissance avec son objet“7. Cela est d’autant plus vrai pour l’histoire, qui, repose sur des faits historiques concrets.

Même en histoire, les vérités logiques qui ne sont pas en accord avec la réalité historique, doivent être acceptées, validées en tant que telles si et seu-

3 Il faut ici entendre par le “soi“, la pensée profonde de Samory Touré.

4 Robert BLANCHE. Introduction à la logique contemporaine. Paris, A. Colin 1975. p.9.

5 N. BOUKARI.Eléments d’histoire des mathématiques. Paris, Hermann 1960. pp.21-23.

6 E. KANT. Critique de a raison pure. Deuxième partie. Introduction., Paris, J.Gibert 1946. Trad. J. Barni, Tome 1. pp. 96-98.

7 Idem.Ibid.

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lement si elles sont honnêtes, c’est-à-dire ne sont pas liées à une intention pre- mière de travestir la réalité historique sous un manteau d’idées en apparence logiques.

L’historien qui en dépit de la logique interne de son raisonnement à partir de la documentation dont il dispose passe malgré tout à côté de la réalité histori- que, est pardonnable s’il n’était guidé que par la recherche sincère de la vérité historique. Par contre, celui qui déforme délibérément la réalité historique sous un tissu de logiques pipées à la base est condamnable devant l’histoire.

En effet, la recherche obstinée, sincère et honnête de la vérité historique, des réalités historiques telles qu’elles se sont produites est un critère détermi- nant qui distingue le bon historien du mauvais.

II-LA MAUVAISE HISTOIRE

1-LA CONCLUSION PRÉCONÇUE

L’exemple choisi par le professeur Baba Kaké au sujet des ouvrages de la période coloniale consacrés à l’histoire de l’Afrique sont le prototype de la mauvaise histoire.

Ces ouvrages partent de conclusions conçues à l’avance sur lesquelles sont plaquées des idées logiques en apparence, mais en porte-à-faux avec la réalité historique. En fait, ces historiens colonialistes n’étaient pas des historiens au sens noble du terme8. Ils ne faisaient pas non plus de l’histoire parce qu’ils avaient des préjugés. Dans le cas d’espèce choisi, ils posaient le postulat selon lequel les peuples d’Afrique n’ont pas de culture partant, la domination européenne sur ceux-ci allait de soi. Ils cherchaient alors des éléments pour meubler la conclusion posée au départ. Or une conclusion ne précède jamais les idées, mais est la résultante des réflexions. En histoire, la conclusion est l’aboutissement d’une argumentation soutenue par des documents crédibles et par la critique historique.

Les historiens colonialistes transposaient en réalité leurs volontés dans des prétendus écrits historiques.

2-L’AFFECTIVITÉ DANS LES ÉCRITS HISTORIQUES

Les vérités de la volonté sont en fait assimilables à des désirs naturels9 comme le désir d’être heureux ou d’être fortuné. Ainsi, une œuvre historique dont les “vérités“ sont subordonnées à la volonté de son auteur n’est autre que l’expression d’un désir. Celui des historiens colonialistes était de justifier la domination des nations d’Europe sur les peuples d’Afrique.

8 L’historien est celui qui recherche obstinément dans un esprit d’honnêteté intellectuelle, la vérité historique pour elle-même à partir des méthodes de la science historique.

9 B. PASCAL.De l’esprit géométrique et de l’art de persuader. Paris Editions du Seuil 1963 Œuvres complè- tes pp.355-356.

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L’image de l’allégorie de la caverne10 s’applique tout à fait à l’historien qui laisse ses désirs prendre le pas sur la recherche des faits historiques. Un tel historien vit dans un monde de fantôme, (ici ses volontés et ses désirs propres) parce qu’il cherche, à assujettir la réalité historique à ses idées propres au lieu de faire la démarche inverse, autrement dit, laisser ses idées être assujetties à la réalité historique.

En effet, le bon historien est celui qui laisse la réalité historique s’imposer à lui.

Il est celui qui se libère de la caverne c’est-à-dire du flou historique pour découvrir l’éclat du soleil, la contemplation du vrai qui ici, n’est autre que la vérité de la réalité historique ; dont il devra se faire un devoir de rendre avec fidélité.

Le bon historien doit avoir les capacités de transcender les influences de son milieu, de ses désirs, de son époque, de sa culture, de ses origines pour se laisser guider par la seule recherche obstinée de la vérité historique. Le moyen dont il dispose pour atteindre ce but est une honnêteté intellectuelle sans faille et la mise en application de la méthodologie historique en tant que discipline scientifique.

III-LA BONNE HISTOIRE

1-LA MÉTHODOLOGIE HISTORIQUE

Le travail de l’historien consiste à reconstituer les faits historiques tels qu’ils se sont déroulés dans la réalité. Pour se faire, il doit s’appuyer sur une documentation la plus vaste possible en liaison avec son thème. Il ne doit négliger aucune source d’information et doit faire appel si possible à l’éclairage des sciences auxiliaires à l’histoire comme l’archéologie, la linguistique, l’ethnologie, l’anthropologie, l’onomastique etc.

A partir de ce large éventail documentaire, il doit faire des recoupements en recherchant les probabilités de faits les plus proches de la réalité des faits historiques en les démontrant grâce à une logique interne implacable.

La démonstration en question doit être étayée par une critique interne qui consiste à analyser les documents, d’en vérifier l’authenticité tout en confrontant leurs variantes et en s’attachant à déceler les contradictions que révèle la documentation. Quant à la critique externe, elle doit s’inspirer de l’apport des sciences auxiliaires à l’histoire mais aussi des travaux historiques qui traitant du même thème, ont précédé l’œuvre présente de l’historien.

Lorsque l’historien sur une question historique particulière donne son opinion, celle-ci doit être l’émanation d’une conviction profonde sans commune mesure avec des refoulements psychologiques (désirs dissimulés) qui le lient d’une façon directe ou indirecte, proche ou lointaine avec les faits historiques, même si comme le fait remarquer le professeur Baba Kaké, l’historien appartient à un milieu, à une époque et à une culture.

10 PLATON. La république, Livre VII Paris, Garnier-Flammarion 1966, trad. R. Baccou pp.273-275.

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La méthode historique même appliquée n’apporte qu’une vérité historique relative quand bien même elle donne la garantie d’une œuvre historique scien- tifiquement valable (concept de la validité scientifique en histoire).

Les vérifications constantes de travaux historiques par d’autres travaux historiques permettent un rapprochement plus grand vers la vérité historique absolue. C’est cela l’épistémologie historique.

2-L’ÉPISTÉMOLOGIE HISTORIQUE

La vérité parfaite comme l’a dit E. Husserl ne peut être atteinte du coup, elle apparaît graduellement11. Ainsi se présente la vérité historique. L’on tend vers l’objectivité absolue lorsque par le biais de l’épistémologie historique, la vérité sur une question historique se fait jour à la lumière de différents travaux qui la traite, tout en étant très critique les uns par rapport aux autres.

La vérité historique a donc des degrés de clartés qui évoluent positivement grâce à la critique de la connaissance. C’est le concept critique de la vérité historique.

L’épistémologie historique est le moyen qui concrétise cette vérité en devenir12, celle qui se rapproche de la vérité absolue.

Un travail historique qui traite un thème déjà abordé doit en principe être plus proche de la réalité historique et d’une plus grande précision parce qu’il est censé avoir pris en compte les aspects aussi bien positifs que négatifs des travaux qui le précèdent.

La science historique ne se rapproche de mieux en mieux de son objet donc de la réalité des faits historiques que par l’épistémologie historique, c’est-à-dire de critiques de travaux historiques en critiques de travaux historiques.

CONCLUSION

L’histoire est certes une science humaine. Elle ne peut pas à la différence des sciences exactes passer du monde des idées au monde de la réalité expérimentale. Cela n’est pas pour autant un handicap et même s’il en était un, il est lié à la nature même de l’histoire, parce que les faits historiques sont toujours passés et révolus.

L’histoire a une méthode qui lui est propre. Sa vérité est scientifique c’est-à- dire relative par essence13. L’historien pour l’atteindre doit mettre en application cette méthode tout en respectant sa déontologie qui est la recherche obstinée dans un esprit sincère de la vérité historique.

11 E. HUSSERL. Logique formelle et logique transcendantale. Paris, PUF 1965 trad. S. Bachelard. Pp.172-173.

12 Jean ULLMO. La pensée scientifique moderne Paris, Flammarion 1956 pp.186-189. Il soutient que la vérité scientifique est une vérité en devenir.

13 La science recommande l’humilité intellectuelle, de sorte que la vérité scientifique est toujours relative.

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L’historien doit s’élever au-dessus des contingences susceptibles de trahir sa rigueur scientifique. Il doit être humble en admettant à priori les limites de ses écrits historiques qui par l’épistémologie historique sont relevées par les œuvres d’autres historiens.

L’objectivité scientifique de l’histoire ne fait aucun doute, elle évolue vers la vérité absolue de critique en critique.

SOURCES ET BIBLIOGRAPHE SOURCE ORALE

Ivoir’Soir Mercredi 21 Février 1990. Interview du Professeur Ibrahim Baba Kaké accordée à Sa- nogo Abdoul Bakary dans la Rubrique Tête-à-tête. p.11.

OUVRAGES GÉNÉRAUX

BLANCHE (R.) Introduction à la logique contemporaine. Paris, A. Colin 1975.

BOUKARI (N.).Eléments d’histoire des mathématiques. Paris, Hermann 1960.

HUSSERL (E.). Logique formelle et logique transcendantale. Paris, PUF 1965 trad. S.

Bachelard.

KANT (E.). Critique de a raison pure. Deuxième partie. Introduction., Paris, J.Gibert 1946. Trad.

J. Barni, Tome 1.

PASCAL (B.).De l’esprit géométrique et de l’art de persuader. Paris Editions du Seuil 1963 Œuvres complètes

PLATON. La république, Livre VII Paris, Garnier-Flammarion 1966, trad. R. Baccou

ULLMO (J.). La pensée scientifique moderne Paris, Flammarion 1956 pp.186-189. Il soutient que la vérité scientifique est une vérité en devenir.

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