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L'avant-projet suisse de ratification de la convention sur les trusts

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L'avant-projet suisse de ratification de la convention sur les trusts

THÉVENOZ, Luc

THÉVENOZ, Luc. L'avant-projet suisse de ratification de la convention sur les trusts. In: Trust en droit international privé : perspectives suisses et étrangères : 17ème Journée de droit international privé . Zurich : Schulthess, 2005. p. 93-104

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:8252

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Luc Thévenoz

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L'avant-projet suisse de ratification de la convention sur les trusts

Le colloque d'aujourd'hui s'inscrit dans un contexte precIs pour la Suisse: le gouvernement a décidé de proposer au parlement d'autoriser la ratification de la convention relative à la loi applicable au trust et à sa recollllaissance du 1 cr juillet 1985, conclue sous les auspices de la Conférence de La Haye de droit international privé. En décembre 2003, l'Office fédéral de la justice avait mis en consultation un premier avant-projet. Les résultats de ce premier tour se reflètent dans un second avant-projet, mis en consultation en octobre 2004, sous la forme d'un projet d'arrêté fédéral et de son rapport explicatif daté du 16 septembre 2004.2 Les résultats de cette procédure ont récemment fait l'objet d'un rapport.3

Les remarques de M. Thomas Mayer, collaborateur scientifique de l'Office en charge de ce dossier et auteur d'une thèse remarquée sur les trusts,4 se rapportent au second avant-projet. Je prendrai ici position sur quelques aspects critiquables de ce même avant-projet. Mais je ne saurais émettre ces critiques avant d'affirmer, avec une très forte conviction, que le projet dans son ensemble est sur la bonne voie, qu'il est prêt à être soumis au législateur et qu'il est grand temps qu'il le soit. Après un long silence de presque quinze ans, voilà cinq ans que les autorités suisses, les praticiens et les auteurs de la doctrine discutent activement de l'opportunité d'une ratification.5 Celle-ci n'est contestée par personne. Tous les avis exprimés sou- lignent l'importance d'améliorer la sécurité juridique des rapports patrimoniaux et contractuels se rapportant à des trusts entrant en contact avec l'ordre juridique suisse. Tous relèvent qu'en dépit des limites inhérentes à tout instrument inter-

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Professeur à l'Université de Genève, directeur du Centre de droit bancaire et financier (www.unige.chlcdbt). vice-président du conseil de l'Institut suisse de droit comparé et membre de la Commission fédérale des banques. Sur mandat de l'Office fédéral de la justice, Luc Thévenoz a rédigé un rapport sur la ratification de la convention sur les trusts par la Suisse, rapport publié ultérieurement en français et en anglais sous le titre Trusts en Suisse: Adhésion à la Convention de La Haye sur les trusts et cvdification de la fiducie - Trusts in Switzerland: Ratification of The Hague COnJ'ention 011

Trusts and Codification ofFiduciury Transfers, Zurich: Schulthess, 200l.

Accessible sur www.ofj.admin.ch. rubrique Législation 1 Economie et commerce, sous Trust [30.06.2005].

Ibidem.

Die organisierte Vennôgenseinheit gemiiss Art. 150 des Bundesgesetzes über dus lmernationale Privatrecht: Un/er besonderer Beriicksichtigung des Trust, Bâle: Helbing & Lichtenhahn, 1998.

Pour la doctrine, cf. notamment MAYER T.M., «Das HaagerTrust-Übereinkomme.: Auswirkungen und Vorteile einer Ratifikation aus rechHicher Sichb), Pratique juridique actuelle 2004 p. 156-168; VOK OVERBECK A., «La ratification de la convention de La Haye sur le trust par les Pays-Bas: un cxemple pour la Suisse?», in Collisio Legum: Etudes de droit international privé pour Gerardo Broggini, Milan: Giuffrè, 1997, p. 367-380; THEVENOZ (n. 1), passim; SUPINO P.P., Rechtsgestaltung mil Trust aus Schweizerischer Sicht, St. Gall: Dike, 1994, p. 205-226; CRET] S., Les relations de trust el la fisca- lité suisse nationale et internationale, Bâle: Helbing & Lichtenhahn, 2001, p. 71-75; GUILLAUME F ..

«incompatibilité du trust avec le droit suisse? Un mythe s'effrite», Revue .\"!Iisse de droit international et européen 2000 p. 1-36; DUNAND J.P., Le transfert fiduciaire: «donner pour reprendre»: Analyse historique et comparatiste de la fiducie-gestion, thèse de Genève, Bâle: Helbing & Lichtenhahn, 2000, p.482-489.

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national, la convention de La Haye est le meilleur moyen pour améliorer cette sécurité juridique, dûment complétée par quelques ajustements de notre droit inteme.6 Des consultations étendues ont permis de constater que l'adhésion à cette convention ne met pas en péril les dispositifs de la lutte contre le blanchiment de l'argent du crime, qu'elle n'entraîne de soi aucune modification des régimes fiscaux cantonaux et fédéraux (qu'il convient cependant d'hamlOniser pour les rendre plus compétitifs en comparaison internationale) er qu'elle ne contrevient pas d'une autre manière aux valeurs fondamentales de l'ordre juridique suisse.7

En une phrase: il est grand temps de soumettre enfin à l'Assemblée fédérale la proposition de ratifier la convention de La Haye sur les trusts, maintenant que tous les travaux préparatoires utiles ont été dûment accomplis.

Il reste donc une dernière décision, qui appartient au Conseil fédéral, et qui porte sur le texte final des propositions qu'il entend soumettre au législateur. Cette brève contribution suggérera de corriger, sur trois points, l'avant-projet de sep- tembre 2004. TI convienr d'abord de renoncer à toute restriction concernant la reconnaissance des <drusts internes)) dont le seul élément d'extranéité est le choix d'un droit étranger connaissant le trust pour les régir (1.). Il faut ensuite permettre l'exécution forcée sur les biens en trust pour les dettes dont ces biens répondent sans passer par la voie de la faillite (II.), fondamentalement inadaptée à la réalité et au fonctionnement des trusts et qui ne permet pas une (éventuelle) coordination inter- nationale de l'exécution forcée. Il convient enfin de donner une base légale claire au droit des héritiers d'une succession soumise à la loi suisse d'obtenir des ren- seignements sur les libéralités faites au moyen de trusts qui seraient de nature à léser leur réserve légale (Hl.).

I. Renoncer à discriminer les «trusts internes))

La convention comprend un arsenal complet (el classique) de dispositions visant à protéger les intérêts essentiels de J'ordre juridique du juge saisi et d'éventuels autres ordres juridiques. Son anicle 18 réserve l'ordre public international du for. Son article 16 pennet de donner effet aux lois d'application immédiate du for (lois de police) et, exceptionnellement, à celles d'un autre Etat qui présente avec l'objet du litige un lien suffisarrunent étroit.s L'article 15 établit clairement que les dispositions de la convention ne font pas obstacle à l'application des dispositions de la loi désignées par les règles de conflit du for auxquelles il ne peut être dérogé par une manifestation de volonté. Cela garantit le plein effet des règles impératives appli- cables en matière notamment de droit des successions, de régime matrimonial, de protection des créanciers en cas d'insolvabilité, etc.

6 7

La Belgique a pris une option différeme en intégrant, aux an. 122 à 125 de sa loi du 16 juîllel 2004 portant le Code de droit international privé, des règles de conflits propres au)!; trusts.

Cf. surtout MARKUS A. el ul., Das Huager Trust-Obereinkommen und die Schweiz, Zurich: Schulthess, 2003.

L'art. 16 al. 3 de la convention permet d'écarter cette possibilite par une réserve que la Suisse ne fera pas des lors que ['art. 19 de la loi féd~ra[e sur le droit international privé du 18 décembre 1987 (ei- après LOIP) comient une regle substantiellement semblable.

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Ces précautions usuelles dans une convention de cette nature sont complétées par deux mesures de sauvegarde qui le sont moins. L'article 11(3)(d) soustrait à la loi du trust la responsabilité des tiers qui, telles les banques, détiennent (ho/d) des biens en trust.9 En outre, les rédacteurs de la convention ont jugé bon d'ajouter un article 13, qui dispose:

«Aucun Etat n'est tenu de reconnaître un trust dont les éléments significatifs, à l'exception du choix de la loi applicable, du lieu d'administration et de la rési- dence habitueUe du trustce, sont rattachés plus étroitement à des Etats qui nc connaissent pas l'institution du trust ou la catégorie de trust en cause."

Cette règle est un unicum: je ne crois pas qu'on la retrouve dans d'autres conven- tions de droit international privé. Elle fut adoptée pour rassurer les pays de droit civil qui craignaient que, dans une situation purement domestique, les parties ne se prévalent abusivement de la convention pour créer et faire reconnaître les effets d'un trust là où de tels effets ne pourraient être obtenus en utilisant les institutions de l'ordre juridique concerné. ID L'article 13 pennet de sanctionner ce qui, à certains ordres juridiques moins ouverts aux situations internationales que le droit suisse, apparaît comme une fonne defi<aus legis.

J'ai ailleurs démontré que, au bénéfice de toutes les autres clauses de sauvegarde, l'ordre juridique helvétique n'a pas besoin de J'article 13 pour se pré- server contre ce que les Italiens ont désormais convenus d'appeler les trusts internLll Notre droit international privé est extraordinairement libéral en matière de sociétés: dans une situation purement domestique, les parties sont autorisées à créer et utiliser une société constituée selon un droit étranger conformément à la théorie de l'incorporation.12 Le Tribunal fédéral a confirmé qu'il ne saurait être question de recourir à une exception générale de fraude à la loi pour refuser d'en reconnaître la validité ou les effets.lJ Ce qui vaut pour les sociétés vaut actuellement aussi pour les trusts. Dans l'état actuel du droit international privé suisse, en attendant la ratifi- cation de la convention sur les trusts, la plupart des trusts sont considérés comme des patrimoines organisés, que l'article 150 al. 1 LDIP assimile aux sociétés.14 De lege lata, la reconnaissance en Suisse des effets d'un trust étranger n'est donc soumise à aucune autre condition d'internationalité que le choix d'une loi étrangère pour régir le trust Appliquer l'article 13 de la convention constituerait donc un pas en arrière par rapport au caractère libéral de notre ordre juridique et aboutirait à traiter les trusts (par définition étrangers) plus défavorablement que les sociétés étrangères.

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Pour une analyse plus approfondie, cf. HARRIS J., The Hague Trusts Con .... ention: Scope, Application and Preliminary hsues, Oxford, Portland OR: Hart, 2002, p. 321-326.

VON OVERBECK A., «Rapport explicatif)), in Actes et documents de la Quinzième ses~·iun, l. Il: Tru.I·I - loi applicable et reconnaissance, La Hayc: Bureau pennanent de la Conférencç de droit internalional privé, 1985, p. 397-400 (paras. 122-133); HARRIS (n. 9), p. 341-353.

TUÉVENOZ (n. 1), p. 134-138. Sur les trusts in terni, voir ta contribution de LUPOI M. dans le présent ouvrage.

Art. 154 LOIP. Pour un exposé systématique de la matière, cf. GUILLAUME F., Lex societatis: Principes de rattachement des sociétés et correctifs institués au bénéfice des tiers en droit international pri!"/:

suisse, Zurich: Schulthess 2001.

ATF 117 11494, c. 6-7; critique: GU1LLAt:ME (n. 12), p. 245-346.

Tribunal fédéral, 3 septembre 1999, La Semainejlldiciaire (Genève) 19991269, Chiltern Trust Co Cf. déjà une décision du Tribunal du district de Zurich du ICI" février 1994 dans la faillite du financier W.K. Rey, Blatter for Ziircherische Rechtsprechung 98/1999 225 nO 52. ~ous 2.1.

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A juste titre donc, l'avant-projet préparé par ,'Office fédéral de la justice comprend une disposition qui tend à exclure l'application de l'article 13 de la convention.!5 Ce même avant-projet reflète cependant encore certains doutes quant au bien-fondé de cc choix et propose une «variante» ainsi fonnulée:

«Une élection de droit selon l'article 6 de la convention n'cst pas prise en compte si un droit étranger est désigné et qu'à l'exception de l'élection de droit, il n'existe aucun lien a\'ec l'étranger.»16

Le rapport ajoute que le lien requis avec l'étranger pourrait être considéré comme existant si l'un des lieux suivants se trouve à l'étranger:!7 le domicile, la résidence habituelle ou l'établissement d'un bénéficiaire ou d'un frustee, le lieu auquel le but du trust doit être réalisé, le lieu de situation des biens Ou de l'administration du trust.

Même dans cette fonne atténuée par rapport à l'article 13 de la convention, la proposition alternative figurant dans le rapport explicatif en présente tous les défauts et doit être résolument écartée.

D'abord, et principalement, on ne voit pas quelle règle ou quelle valeur

fondamentale de l'ordre juridique suisse serait susceptible d'être enfreinte ou compromise par la mise en œuvre d'un trust dans une situation par ailleurs purement interne (un «trust intemc»), règle ou valeur que la réserve des règles impératives applicables, des lois d'application immédiate et de l'ordre public international de la Suisse ne permettraient pas de faire respecter. lB La convention est munie d'un «dis- positif aoti-fraude)} complet et suffisant au regard des conceptions suisses en matière de droit international privé. En adoptant la théorie de l'incorporation, le législateur fédéral a notamment décidé de reconnaître de manière très libérale les sociétés étrangères, même lorsqu'elles ont été créées dans des rapports par ailleurs purement domestiques. Les sociétés de domicile sont une réalité reconnue.19 Leurs effets nuisibles sont adéquatement combattus, notamment par la réglementation fiscale et les règles sur la lutte contre le blanchiment. Les trusts volontaires (express trusts), actuellement assimilés aux sociétés au sens du chapitre IOde la loi sur le droit international privé, bénéficient depuis bientôt vingt ans du même libéralisme.20 Personne n'a démontré, ni même allégué, qu'il en résulterait des abus justifiant que l'on adopte une approche plus restrictive pour les trusts que pour les sociétés de domicile. On remarquera d'ailleurs que, dans les Etats ayant déjà ratifié la convention sur les trusts, le besoin de mettre en œuvre l'article 13 ne s'est pas avéré.

La variante restrictive proposée par l'Office fédéral de la justice présente en outre le même défaut que l'article 13 de la convention: elle crée une forte insécurité juridique. Comme les sociétés, les trusts sont constitués pour durer longtemps,

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Art. 149b al. 2 nouveau a insérer dans la LDlP: «Le droit applicable selon l'alinea 2 (qui renvoie li. la com'cntion] est egalemcnt dctcnnin:ml dans les cas ou l'Etal n'est pas tenu de reconnaître un trust, conformement â ranÎclc 13 de la con ... ·ention.» Pour reslt:r plus proche du texte de cene disposition cOR\'entionllelle, on pourrait preférer une formulation plus directe: «le tribunal I)t refusera pas de reconnaître un trust dans l'hypothèse visée â l'anicle 13 de la convention.»

Version française rectifiëe par l'auteur. Version allemande originale: «Eine Rechtswahl nach Artikel 6 des Übereinkommens ist unbeachllich, wenn ein ausllindisches Recht bczeichnet wird und ausser die- ser Rechtswahl kein weiterer Auslandsbezug bestehL»

Contrairement au français, la version allemande du rapport précise qu'il s'agit bien de l'un des lieux ênumérés. el non de l'ensemble de ces lieux.

Cf. art. 15, 16 et 18 de la cOl\vention.

Cf. supra note 13.

Cf. supra note 14.

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souvent plusieurs dizaines d'années. Il est essentiel que l'on puisse déterminer d'emblée si l'instrument juridique est valable et déploiera les effets que l'on en attend. Les «clauses de sauvegarde» telles l'article 13 de la convention ou la variante proposée dans l'avant-projet compromettent gravement cette attente légitime. En effet, elles sont par nature susceptibles d'être invoquées de nombreuses années après la constitution du trust et donc à un moment où celui-ci a déjà déployé des effets substantiels. Un bénéficiaire ou un tiers, insatisfait de son sort, pourrait invoquer comme anne de dernier recours une fonne de nullité fondée sur des critères relativement indéterminés et dont la réalisation évolue dans le temps (déplacement du lieu de l'administration, déménagements des bénéficiaires, transfert des actifs).

Alors qu 'un trust aurait été constitué et administré conformément au droit choisi par le constituant et dans toutes les règles de l'art, il serait exposé, dix, trente ou cinquante ans après sa constitution, au risque qu'une partie qui y a un intérêt s'op- pose à la reconnaissance de ses effets au prétexte que le trust ne présente pas (ou plus) des rattachements suffisants avec l'étranger. Les circonstances ont pu changer.

Les intentions des parties à l'origine peuvent être difficiles à reconstituer. Une disposition telle que celle qui est proposée donne une petite bombe nucléaire à celui qui s'avise de l'invoquer, qui peut être déclenchée alors même que le trust ne transgresse aucune règle impérative de la loi du for ou d'une autre loi applicable.

La variante proposée par l'Office fédéral de la justice présente donc les mêmes inconvénients que l'article 13 de la convention que ce même Office entend écarter:

elle est une mesure inutile pour sauvegarder les principes fondamentaux du droit suisse, qui le sont déjà par les autres clauses de la convention. Elle est d'application imprévisible et potentiellement capricieuse. Sans justification, elle affaiblit signifi- cativement la sécurité juridique que toute la démarche entend promouvoir.

On ajoutera enfin qu'une disposition telle que celle proposée aurait un autre effet exactement opposé à ceux que l'on peut attendre de la ratification de la convention: elle inciterait fortement les sett/ors à désigner des truslees hors de Suisse afin de créer le rattachement supplémentaire avec l'étranger que cette dis- position exigerait. Plutôt que de favoriser le développement des activités trustai es en Suisse,21 elle pourrait les handicaper sérieusement.

II. Désintéresser les «créanciers du trusb> autrement que par la voie de la faillite

L'un des aspects fondamentaux des trusts, reconnus comme tcl par la convention, est la séparation entre le fonds du trust (l'universalité juridique des biens constitués en trust) et le patrimoine personnel du Irustee qui en est le propriétaire.22 Le fonds du trust ne répond pas des dettes personnelles du trustee: les l1iens du trust sont inaccessibles aux créanciers communs du Iruslee. L'article Il, paragraphes 2, 3(a) ct 3(b), impose donc aux Etats parties de faire en sorte, dans la mesure où la loi applicable au trust le prévoit, ((que les créanciers personnels du trustee ne puissent

21 22

Cf. le chap. 4.3 ((Effets sur l'économie publique» du rapport du 16 septembre 2004 (n. 2).

Articles 2 (2)(a) de la convention.

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pas saisir les biens du trust» et que ceux-ci «soient séparés du patrimoine du truslee

en cas d'insolvabilité ou de faillite» du trnstee. Dans un ordre juridique moniste comme le droit suisse, cette disposition est d'application immédiate (self-executing) et n'a pas besoin d'une continuation législative. On peut néanmoins approuver l'avant-projet, qui prévoit de confinner la règle conventionnelle dans le chapitre sur la faillite de la loi sur la poursuile pour dettes el la faillile du 11 avril 1889."11 faul cependant regretter qu'il ne fasse pas de même pour le chapitre sur la saisie, comme si tous les truslees étaient soumis à la voie de la faillite, ce qui est inexact.24

Le fait que le fonds du Irust ne réponde pas des deites personnelles du trustee n'exclut pas cependant qu'il soit soumis à la mainmise des créanciers du trustee ès qualités, c'est-à-dire des titulaires de créances que le trllstee a assumées qualité de trust, dans les limites de ses pouvoirs (power) et sans violation de ses devoirs (pas de breach of trust). Par corrunodité, j'emploie ici l'expression «créancier du trust»

pour désigner un créancier du tl1.lslee qui, confonnêment à la loi applicable au trust, peut se désintéresser sur les biens en trust. Les cas et les conditions auxquels ces créanciers peuvent s'en prendre aux biens en tmst varient sensiblement selon le droit applicable au trust25. C'est une question préalable à toute mesure d'exécution forcée requise par un créancier sur le fonds du trust.

Si le droit suisse n'est pas compétent pour prescrire les conditions auxquelles un créancier du trustee peut s'en prendre au fonds du trust, il doit régler la procédure d'exécution forcée par laquelle une telle mainmise peut être exercée sur les biens en trust situés en Suisse lorsque la loi applicable au trust le pennet. La convention oc règle pas cette question. L'avant·projet que nous discutons ici orga- nise une telle procédure en prévoyant que ces créanciers doivent diriger leurs poursuites «contre un trustee en qualité de représentant du trust» et qu'elles se pour- suivent «par la voie de la faillite»), faillite cependant <<limitée au patrimoine du truSt.»2fi

Cette règle souffre de plusieurs défauts rédactionnels. En particulier, le trustee

0' est pas un représentant du trust, mais bien le propriétaire (éventuellement le co- propriétaire avec les autres lruslees) des biens constituant le trust. En outre, il man- que dans cette disposition l'énoncé des conditions de son application dans l'espace:

de telles poursuites peuvent-elles êtres diligentées en Suisse alors qu'aucun trusfee n'y aurait son domicile ou son établissement? Peuvent-elles viser des biens qui ne soient pas localisés en Suisse? La réponse à ces questions serait bienvenue.

La critique la plus grave porte cependant sur l'idée même que la poursuite qui vise à réaliser des biens en trust au profit des «(créanciers du trust» doit passer par

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Proposition d'un nou\·el an. 284b: «Dans la faillite d'un trustee, le paLrimoinc du lrust eSI diSlrait de la masse en faillile après déduclion des créances du trustcc contre ce patrimoine.»

Sur l'ensemble de la queslion, cf TutvENOz(n. 1), Jl. 65-91.

Comparer par exemple le régime anglais décrit dans le rapport Rights of Creditors Againsl Trustees and Trust Fllnds (1999) du Trust Law Committee anglais, www.kcLac.ukfdepstailaw/llc1rcportsfTLC CrcdRightsRcportI40499_l.pdf [10.08.2005], à des dispositions telles la section lOlO du UnifOTTll Trusl Code (2003), l'article 28 Trusts (Jersey) Law (1984 tcl qu'amendé en 1989) et la section 37 du Trusts (Guemsey) Law (1989). Les développements qui suivent empruntent certaines recherches au lra\"ail de Leonardo CASTELl.AN_\, La responsabililé aux de/les des In/sIs connectes à l'ordrejllridique suisse, Genève, inédit,juin 2005.

Proposition d'un nouvel an. 284a, al. 1 et 2, à introduire dans 13 loi sur la poursuite pour dettes et la faillite (ci-après LP).

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une procédure de faillite. Prévoir la voie de la faillite (concours de tous les créanciers) relève d'un défaut de conception et s'avérera bien plus difficile à mettre en œuvre que recourir à la voie de la saisie au profit des créanciers poursuivants.

Le prononcé d'une faillite sur le fonds d'un trust, par nécessité régi par une loi étrangère, contrevient d'abord à un principe fondamental du droit suisse, qui jusqu'ici ne donne compétence au juge suisse de prononcer la faillite que pour les sociétés créées selon le droit suisse et pour les patrimoines organisés selon le droit suisse. Selon les principes généralement admis en matière de compétence inter- nationale, une faillite prononcée en Suisse sur une société étrangère TI'est en prin- cipe pas susceptible d'être reconnue par le juge de l'Etat dont relève cette société (l'Etat d'incorporation). Elle contrevient au principe d'universalité de la faillite qui guide le droit suisse. C'est pourquoi les sociétés et patrimoines organisés étrangers sont, en Suisse, soumis à la poursuite spéciale, c'est-à-dire à la saisie. Les seules exceptions sont la succursale d'une société étrangère inscrite au registre suisse du commerce et la «mini-faillite)) prévue par le chapitre Il de la loi fédérale sur le droit international privé. Cette dernière est la décision d'un juge suisse qui reconnaît un jugement de faillite prononcé par le juge étranger compétent. Cette mini-faillite pennet de réaliser les biens situés en Suisse pour. en distribuer le produit d'abord aux créanciers gagistes quel que soit leur domicile et aux créanciers non-gagistes titulaires d'un privilège qui ont leur domicile en Suisse, le surplus étant remis à l'administration de la faillite au for de celle-ci.

L'avant-projet déroge aux principes jusqu'ici retenus par le droit suisse puisqu'il prévoit de prononcer en Suisse une faillite sur un patrimoine (trust) qui n'est ni organisé selon la loi suisse ni établi en Suisse27 , et ne relève donc pas de sa compétence. Un tel jugement de faillite, qui serait prononcé par un juge incompétent au regard des conceptions internationales généralement reconnues, ne serait pas susceptible d'être reconnu à l'étranger. Il ne déploierait ses effets que sur le terri- toire suisse et relativement aux actifs localisés en Suisse.

Ceux-ci doivent certainement pouvoir être appréhendés et réalisés au profit des créanciers auxquels la loi applicable au trust reconnaît une telle prérogative. Faut-il pour autant que cela se fasse par la voie d'une faillite prononcée en Suisse en l'ab- sence de toute décision semblable prise par le juge de l'Etat au droit duquel le trust est soumis? C'est extraordinairement douteux.

Une faillite en Suisse verrait ses effets limités aux actifs localisés en Suisse. En revanche, elle pennettrait à tous les créanciers du trnstee ès qualités de faire valoir leurs prétentions, quel que soit leur domicile. La procédure suisse concentrerait sur les biens localisés en Suisse les prétentions de tous les créanciers du trust, même si ces créances n'ont aucun rapport avec la Suisse. On ne voit aucune justification à cct effet de concentration, qui rendrait la place financière suisse extraordinairement peu attrayante pour le dépôt et l'administration des biens en trust.

De plus, même dans les pays dont le trust est natif, la faillite n'est géné- ralement pas utilisée pour désintéresser les créanciers du trustee ès qualités. 11 y a à cela deux raisons au moins.

27 Au sens de la Geschiiflsniederlassung visée à l'art. 50 al. 1 LP.

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D'abord, el contrairement à ce qui vaut pour les sociétés commerciales et les conunerçants, I~adminislration de la plupart des trusts ne donne pas naissance à de nombreuses dettes concernant un grand nombre de créanciers.2R A cet égard, la justi- ficatÎon énoncée par le rapport explicatif est contraire aux faits.29 Ainsi, un trust constitué dans le cadre d'une planification patrimoniale donne éventuellement lieu à un financement bancaire garanti par des biens du trust; il ne met pas en jeu un nombre significatif de créanciers chirographaires dont l'égalité de traitement doit être assurée. La raison d'être de la faillite ne trouve pas ici à s'appliquer. En outre, l'expérience montre qu'en matière de trusts, le surendetterncnt est une situation rarissime que la plupart des praticiens n'ont pas l'occasion de rencontrer dans leur carrière professionnelle.

Enfin, la faillite anéantit les effets d'un trust au-delà de ce qui est nécessaire pour désintéresser les créanciers qu'un truslee négligent ou mal intentioJUlé tarde à satisfaire. Conformément au but et à l'intention exprimée par le {rustee, un trust vise généralement à distribuer des biens sur une durée relativement longue. Supposons, ce qui est fréquent, un trust dont les premiers bénéficiaires sont les enfants du seulor et les bénéficiaires ultimes ses petits-enfants. Imaginons encore que, pour une dette de quelques milliers de francs restée impayée par la négligence d'un Imslee, le juge suÎsse prononce la faillite du trust dix ans après sa constitution. La faillite entraîne par nécessité la dissolution et la liquidation forcée du trust. Que faire du solde des biens une fois désintéressé le créancier poursuivant (et éventuellement quelques autres créanciers dont les créances auront été rendues exigibles par cette même faillitelO)? Dix, vingt voire même trente ans après la constitution du trust, il est vraisemblable que tous les petits-enfants du settlor ne soit pas encore nés. Il est tout aussi vraisemblable que la génération des enfants n'est pas encore éteinte. Comment l'administrateur de la faillite va-t-i1 donner effet aux clauses du trust qui s'en remettent il. la libre appréciation du trustee pour décider, année après année, des distributions aux bénéficiaires vivants conformément aux buts exprimés dans l'acte de trust? La seule façon de donner effet aux clauses du trust (liquidé par la faillite) pour les biens résiduels consisterait à créer un nouveau trust reprenant les mêmes clauses. C'est la preuve que - sauf l'hypothèse tout à fait exceptionnel de suren- dettement - la liquidation du patrimoine trustaI par voie de faillite est une mesure disproportionnée car elle n'est pas nécessaire à la protection des intérêts des créanciers, alors qu'elle cause un préjudice majeur à ces créanciers très particuliers que sont les bénéficiaires.

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Il faut cependant e:<c[ure de cette affirmation les trusts qui SOnt utilises comme special purpose

~·ehic1es pour êmcltrc des titres de dette, notamment dans les opër'dtions de titrisation (assel-backed .\·ecuriri.wHiofl, cf. LAI'ORTE C., La titrisation d'actifl' en Sui.~se, Zurich: Schulthess, 2005). La liquidation de ces véhicules à leur for naturel est le mode approprié de désinteresser les porteurs d'obligations, ce qu'ont montré deu;>:: ou trois cas e;>::ceptionnels. Une faillite prononcée en Suisse telle qu'envisagée par l'avant-projet ne ferait que créer une procédure concurrente perturbant un règlement ordonné des créanciers en fonction de leur rang.

Au chap. 2.4, ad art. 284a LP: «il convient, dans le contexte de ('exécution forcée dirigée contre des entités juridiques qui sont régulièrement opposées à une multitude de créanciers, d'éviter qu'un créan- cier devance lcs autres lors de l'e;>::écution de sa créance et se voit ainsi privilégié indùment.~) Art. 208 LP.

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Il convient donc de prévoir que la poursuite exercée sur les biens en trust par des créanciers auxquels la loi applicable au trust reconnaît ce droit s'opère. en Suisse et sur les biens localisés en Suisse, par lâ voie de la saisie.

III. Statuer clairement un droit d'information des héritiers réservataires

Lorsque s'ouvre en Suisse la succession d'une personne qui, de son vivant. a constitué un trust pour faire des libéralités, il est possible que la réserve d'un ou plusieurs héritiers soit entamée. La reconnaissance des trusts étrangers n'implique nullement que les ordres juridiques qui connaissent la réserve héréditaire y renon- cent. La convention prévoit expressément que ses dispositions ne font pas obstacle à l'application des règles sur la réserve de la loi désignée par les règles de eontlit du

fOr. 31 Dans la mesure où la loi successorale applicable prévoit, à certaines conditions, la réduction des libéralités faites entre vifs, ses effets peuvent s'étendre aux libéralités faites au moyen d'un trust inter vivos.32

La principale difficulté dans la mise en œuvre judiciaire de ces règles par les héritiers réservataires lésés tient à la difficulté de se procurer les informations nécessaires. Un trust a-t-il effectivement été constitué de son vivant par le de cujus?

Qui en sont les bénéficiaires? Quelle est la valeur des actifs concernés? Des distributions ont-elle déjà été faites par les trustees? Le sort de l'action en réduction dépend, de manière critique, de la réponse à ces questions. Ce sont précisément les questions auxquelles un trustee ne peut pas répondre, en tout cas lorsqu'elles sont posées par un héritier qui n'est pas lui-même bénéficiaire du trust. Les législations dans le domaine des trusts soumettent toutes le trustee à un strict secret profes- sionnel. Comme tout breach of trust, la violation de ce devoir peut entraîner la responsabilité du trustee à l'égard des bénéficiaires, et notamment l'obligation d'in- demniser le dommage causé au fonds du trust. Cette responsabilité est susceptible d'être excusée si le devoir de fournir des informations résulte d'un texte légal appli- cable au trustee - par exemple au lieu de son domicile ou de son établissement - ou si elle est statuée par un tribunal compétent, notamment sous la menace des peines de la loi.

Hormis l'inventaire requis par un héritier dans les trois mois de l'ouverture de la succession33 , le Code civil suisse ne statue pas expressément une obligation générale de renseigner à charge des tiers, des bénéficiaires de libéralités entre vifs ou des dépositaires de biens résultant d'une telle libération.34 La doctrine, qu'il convient d'approuver, considère que le droit des héritiers d'obtenir de tiers les ren- seignements nécessaires à faire valoir leurs droits successoraux est une conséquence

l i 12 33

]4

Article 15 (I)(c) de la convention.

Sur l'application du droit successoral à un tel trust, cf. THÊVENoz(n. 1), p. 44 ss, notamment p. 51·57.

{{Bénefice d'Înventaire)), art. 581 al. 2 CC. Cf. WISSMANN K., in Schweizerisches Zivilgeselzhuch Il. 2"

éd., Bâle: Helbing & Lichtenhahn, 2003, N. 21 ad art. 581 CC, citant un arrêt du Tribunal fédéral du 14 août 1992, trad. à la Revue du notariat et du registre foncier 75/1994 172.

Les art. 607 al. 3 et 610 al. 2 CC statuent une telle obligation à charge des héritiers seulement.

101

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THÉVENOZ

nécessaire de ceux~ci.35 La jurisprudence fédérale ne fournit malheureusement qu'un appui fragmentaire à cette affirmation large. Les arrêts usuellement cités peuvent tous être réduits à des situations particulières.J6 La jurisprudence cantonale est plus abondante et plus spécifique aux situations mettant en cause des trustS.37 Elle n'est cependant jamais publiée, ce qui suggère la volonté des juges cantonaux de ne pas en généraliser les principes. Elle met souvent en jeu les banques, comme dépo- sitaires des biens en trust. Dans la mesure limitée où l'auteur de ces lignes connaît cette jurisprudence, elle n'en est pas encore venue à reconnaître le droit d'un héritier réservataire d'obtenir d'un trus/ee des informations relatives à un trust dont le demandeur n'est pas le bénéficiaire, information qui lui serait nécessaire à faire valoir ses droits successoraux.

On relèvera encore la possibilité qu'un trustee, un protecteur (protector), voire un conseiller juridique ou financier du trust soit appelé à témoigner dans une action successorale. Comme on le sait, et tant que la procédure civile n'est pas unifiée en Suisse, l'étendue des dispenses de témoigner varie selon les législations cantonales régissant la procédure civile, faisant dépendre le sort de cette démarche du lieu où la succession est ouverte.

Ces réponses en demi-teintes sont profondément insatisfaisantes. Elles tiennent à l'insuffisance des bases légales en droit suisse des successions. Puisque certains craignent que des trusts ne soient mis en œuvre pour léser les intérêts des héritiers réservataires, il convient d'introduire, dans notre Code civil, un devoir de renseigner qui pennette à ces héritiers d'obtenir les renseignements nécessaires à faire valoir les droits que ce Code leur reconnaît. C'est pourquoi j'ai suggéré ailleurs d'introduire une base légale fonnelle clarifiant la situation des héritiers réservataires, qui pourrait être libellée ainsi:

«Lorsqu'un héritier réservataire rend vraisemblables des faits qui, s'ils étaient prouvés, fonderaient une action à l'encontre d'un trustee ou du bénéficiaire d'un trust, le jugc peut astreindre le trustee à fournir les renseignements utiles et à produire les pièces nécessaires. H peut faire de même à l'encontre des bénéficiaires ou des dépositaires des valeurs patrimoniales concemées.))38

Cc texte légal pourrait d'ailleurs être étendu pour couvrir d'autres véhicules successoraux (fondations, sociétés de domicile ... ) parfois employés pour éluder les droits des héritiers réservataires.

J5

36

37

Cf. notamment AUBERT M. et al., Le secret bancaÎre sUÎSse, 3e éd., Berne 1995, p. 323; SnlRùDER A., Jnformatjon.~pllichten im Erbrecht, Bâle: Hclbing & Lichtenhahn, 2000, qui résume la doctrine et pro- pose d'appliquer l'art. 170 al. 2 Cc.

Recueil officie! des arrêts du Tribunalfédéral suisse (A TF) 89 II 87: le droit de l'héritier dirigé contre la banquë peut s'expliquer par le fait que l'héritier remplace le de cujus dans le rapport contractuel, relation qui n'existe pas nécessairement entre le seulor et le trustee. ATF 90 11 365: demande de ren- seignement dirigée contre l'exécuteur testamentalre, investi d'une mission particulière dans l'admi- nistration et la liquidation de la succession. ATF 127 III 396: demande dirigée contre un autre héritier, cf. supra note 33. TF inédit du 3 juillet 2003, 5C.l412003 (www.bger.ch): demandc dirigée contre une société dont certains héritiers sont actionnaires; le sort dépend de J'existence d'un abus de droit (Dul'chgr!tfJ·

cr notamment CHAPPU1S 8., «L'utilisation de véhicules successoraux dans un cOnlexte international et la lésion de la réserve successorale}}, La Semaine judiciaire 2005 II p. 35; G. STA...'-HSLAS, «Ayant droit économique et droit civil: Lc dcvoir de renseignements de la banque», La Semainejudiciail'e 1999 Il p.413.

THEvENoz(n. 1), p. 60.

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IV. Remarques finales

11 faut se réjouir de la prochaine ratification. de la convention de la Haye sur les trusts. Les quelque vingt ans nécessaires à la Suisse pour y parvenir sont le reflet de son inertie législative en matière de droit privé, des craintes excessives exprimées à l'origine par les jurisconsultes des grandes banques suisses et du conservatisme inhérent à la profession juridique, mais aussi de la difficulté qu'ont les juristes de tradition civiliste de comprendre une institution profondément marquée par la tradition anglo-américaine. Il aura fallu que les banques et les praticiens du droit, juges compris, soient toujours plus souvent confrontés à des situations mettant en jeu des trusts pour que l'emporte la conviction que la sécurité du droit passe par l'adoption de règles de conflit propres à cet animal juridique qui ne figure pas dans notre ménagerie nationale. On peut espérer que cette longue période de couvaison aura permis d'envisager les principaux problèmes et de leur trouver des solutions satisfaisantes. Les trois contre-propositions développées plus haut espèrent encore y contribuer.

On peut aussi avoir le sentiment d'un rendez-vous manqué. Améliorer le droit international privé pour mieux régler des situations internationales est une nécessité qui ne remplace pas la rénovation du droit matériel nationaL Si le consensus s'est fait sur la légitimité du recours à des trusts soumis à un droit étranger, pourquoi ne pas développer et renforcer les institutions de notre droit domestique qui servent les mêmes fins? Sous l'impulsion avisée du conseiller national Schiesser, le droit des fondations vient de connaître des améliorations remarquables qui renforcent l'attrait de cette institution traditionnelle, notamment pour des fins d'utilité publique.39 Le développement des trusts continne le besoin des acteurs de la vie économique de disposer d'institutions juridiques pennettant d'affecter un patrimoine spécial au bénéfice - souvent différé dans le temps et soumis à des modalités fort diverses - de personnes déterminées, détenninables ou d'un but spécial. La fondation du droit suisse ne répond que partiellement à ce besoin. La fiducie du droit suisse, ignorée du Code civil, admise par la jurisprudence depui~ la fin du XIXc siècle, imparfaitement reconnue par le législateur dans certaines opérations (fonds de placement, opérations fiduciaires des banques et des négociants en valeurs mobilières, gestion collective des droits d'auteur), est une cendrillon qui attend toujours qu'on lui donne un statut et des atours à la mesure de son attrait, de ses qualités et des multiples usages auxquels elle peut se prêter.40

COest la voie qu·a choisie le Luxembourg. En 2003, le Grand-Duché a tout à la fois renforcé et codifié les règles sur la fiducie et ratifié la convention sur les trustS.41

39

40

41

Loi du 8 octobre 2004 modifiant le Code civil suisse, Feuille fédérale 2084 5095, pas encore en vigueur. Cf. LANDRY G., <<la révision du droit des fondations est sous toit», actualité n° 275 du lcr décembre 2004, www.unÎge.chlcdbf.

Cf. DUNAND (n. 5); WATTER R., «Die Treuhand im Sch\',:eizer Rechb>, Revue de droit suisse 1995 Il p. 179-252; L. TIIÉVENOZ, «La fiducie, cendrillon du droit suisse», ibidem, p.253-263; THÉVENOZ (n. 1), p. 141-165.

Loi du 27 juillet 2003 portant approbation de la Convention de La Haye [ ... ], portant nouvelle régle- mentation des contrats fiduciaires [ ... ], Mémorial-Journal Officiel du Grand-Duché de LtLrembourg, A_n° 124 du 3 septembre 2003; hup://observatoire.codeplafi.lu/fr/documents/document.hunl?

DOC ID=988&SOMM ID=541 [10.08.2005]. Cf. PRÛM A. & WITZ C. (éd.), Tmst & jiducie: La Convention de La Haye

el

la nouvelle législation luxembourgeoise, Paris: Montchrestien, 2005.

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THÉVENOZ

Soucieux de ne pas favoriser une expatriation des opérations fiduciaires, ce petit pays dont la place financière est l'une des concurrentes de la nôtre a décidé de déve- lopper la fiducie comme une alternative possible, mais non imposée, aux trusts. Une année après, il a d'ailleurs confinné cette approche en adoptant une loi sur la titrisation.42

Curieusement, alors que le barreau, les notaires et les milieux académiques suisses sont favorables à une codification renforçant la sécurité juridique, la flexi- bilité et la robustesse de la fiducie, le débat paraît presque éteint. L'administration et les banques semblent penser qu'il est préférable de ne pas solliciter le législateur sur ce point. Les craintes des effets d'une telle démarche paraissent confuses. Est-ce l'expression renouvelée de l'inertie de notre législateur - ou plutôt de ceux qui préparent son travail - en matière de droit privé ou la crainte que le parlement, plutôt que de favoriser l'extension de la fiducie, ne s'attache à lui rogner les ailes?

Rien ne s'écrit sur la chose, rien ne se dit dans les colloques. On ne peut que regret- ter que la plus grande ouverture à une institution étrangère que marque la ratification de la convention sur les trusts n'emporte pas avec elle la volonté d'assurer simul- tanément le développement naturel, souhaitable et maîtrisé de notre droit interne. Il y a là un appauvrissement de notre propre tradition juridique dont nous pourrions plus tard devoir payer le prix.

42 Loi du 22 mars 2004 relative à la titrisation, Mémorial - Journal Officiel du Grand-Duché de Luxem- bourg, A_n° 46 du 20 mars 2004;

http://obscrvaloire.codeplafi.lu/fr! documents/document.html'?DOC _1D=969&SOMM _ ID= 125 8 [10.08.2005].

Références

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48 Cf. 171 LDIP, in Commentaire romand – Poursuite et faillite, Dallèves L., Foëx B.. choix d’une loi étrangère pour régir le trust. L’Italie fut, avec le Luxembourg, le

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