• Aucun résultat trouvé

Perfection versus imperfection

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Perfection versus imperfection"

Copied!
1
0
0

Texte intégral

(1)

REVUE MÉDICALE SUISSE

WWW.REVMED.CH 3 février 2016

288

Perfection versus imperfection

Quelque chose ressemblant à l’intri- cation structurale entre Bien et Mal se passe dans la confrontation entre perfec- tion et imperfection. En effet, afin de pouvoir donner un statut à la notion de Bien, il faut mettre à jour aussi celle pa- rallèle de Mal. De même, comment parler de la perfection, et cela dans n’importe quel domaine, si l’on n’a pas en tête l’idée de sa contrepartie, l’imperfection ?

Tout d’abord, il est difficile d’établir si un état présumé de perfection – ou presque – serait le plus proche de la no- tion de normalité ou si, au contraire, il faudrait se référer plutôt à la représenta- tion de l’imperfection dans

toutes ses formes afin d’y appuyer un état courant et concret s’approchant d’une normalité telle que nous la concevons en pratique.

D’autre part, la notion de perfection pour rait aussi aller de pair avec l’idée de quel que chose d’achevé, autrement dit d’une complétude, qui à son tour équivaudrait à tout ce qui coïnciderait avec une entité devenue statique, et par là non renouvelable. Alors qu’à

l’opposé, l’idée d’imperfection nous amè ne à une entité qui nécessite, elle, un achè- vement ultérieur de quelque chose, en somme, qui nous oblige à aller plus loin, à nous poser des questions quant à un possible perfectionnement qui, à ce mo- ment-là, n’est certes pas encore réalisé.

D’ailleurs, la notion de perfection peut, tant bien que mal, coïncider avec une forme d’idéal d’un ensemble de facteurs s’intriquant justement d’une manière im- peccable qui ne demande rien de plus, rien de mieux, rien de nouveau. Alors que l’imperfection sollicite un avancement, une réflexion sur les moyens possibles d’être davantage satisfait, qu’il s’agisse d’un ouvrage ou d’une intention opéra- tionnelle quelle qu’elle soit.

L’homme parfait – ou supposé tel – n’a pas, si l’on y pense sérieusement, la possi- bilité de progresser, car chaque pas vers l’avant risquerait de mettre en péril son état, réputé en principe non modifiable, ne pouvant en principe pas être dépassé.

En d’autres termes, toute personne qui se con cevrait comme ayant atteint un état de

quasi-perfection n’aurait plus d’avenir ou, pire, aurait d’avance détruit l’essentiel de ses perspectives futures.

Dans la concrétude de la vie courante, il semble très improbable que quelqu’un se considère d’emblée comme parfait, ce qui signifierait pour cette personne qu’elle serait inimitable. Quelqu’un qui alors s’auto-condamnerait à l’isolement et à l’incompréhension. Hélas, le fait de se considérer comme parfait ou s’en rap- prochant se produit certainement lors de la prise de pouvoir d’un dictateur. Il n’est même pas impossible que, d’une autre ma- nière, certains états de folie puissent en- gendrer l’idée délirante d’une perfection inattaquable.

D’un côté purement émo- tion nel, l’ambition même de viser la perfection coupe la perspective de l’espoir, de l’enthousiasme visant une amé- lioration, un pas ultérieur vers l’inconnu et le surprenant.

Dans le cadre de la géo- logie existent des prévisions de ce que notre planète serait censée devenir dans des cen- taines, voire des millions d’an- nées : s’agirait-il dans ce cas d’une prétention futurologique visant de quelque manière une idée de toute-puis- sance magique se superposant à l’idée d’une perfection appliquée scientifique- ment ?

Pour nous limiter maintenant au do- mai ne médical, l’idée d’une santé parfaite équi valant à une spiritualité fonctionnelle ne comporterait-elle pas un danger par rapport même à l’existence de la médecine en tant que telle ? En effet, la médecine est née surtout pour soigner, réparer, com- battre les différentes maladies, et non pour con server déjà au départ une santé présumée optimale en soi. Toute maladie remet en cause un état de santé préalable qui, par le fait même d’avoir débouché dans une perturbation, n’était pas à consi- dérer comme parfaite. En y ajoutant l’idée – pas du tout absurde – que la sortie d’un état de maladie pourrait à son tour repré- senter la perspective de la recherche d’un nouvel équilibre organique. Un nouvel équilibre susceptible d’être plus perfor- mant, en tenant compte aussi du vieillisse- ment du sujet en question. Pourquoi pas

aussi l’aboutissement par la guérison à un meilleur usage de la santé tout court, faite entre autres d’une cohésion plus efficace entre douleur et plaisir, et cela à tous points de vue, en ce qui concerne d’une manière spécifique l’alimentation, le som- meil, la sexualité et l’activité physique en général.

L’imperfection, au fond, ouvre beaucoup de portes qui étaient peut-être jus qu’à un certain moment fermées et verrouillées.

Des portes sur une meilleure autopercep- tion, une meilleure attitude relationnelle et con ceptuelle. Vers l’inconnu, vers la nouveauté en tout cas. Un meilleur usage, peut-être aussi, de la technologie actuelle, en la personnalisant chacun davantage au lieu d’en faire un simple outil pour s’isoler plutôt que de réellement communiquer.

Quand on souligne la possibilité d’une meilleure autoperception, on se réfère surtout à un rapport plus adéquat avec son propre corps, fait d’une évaluation qui, tout en étant spontanée, est aussi modifiable et peut devenir surprenante. Autrement dit, qui ne verse pas dans l’hypocondrie, ni dans l’obsession de l’hygiène, et ne signi- fie pas non plus une fuite vis-à-vis de ses propres insuffisances.

L’imperfection, il faut y insister, finit par relier tout perfectionnement, toute progres sion à une plus pertinente posses- sion perceptive de son propre corps, qu’il se trouve dans un état de santé, de vaillance, ou dans un état de maladie, de souffrance.

Et il n’est même pas dit que la vision d’une perfection atteignable dans le futur puisse avoir un sens positif et prometteur : si cela est vrai, il s’ensuit plutôt que c’est l’idée d’imperfection qui, de nouveau, nous sti- mule et nous maintient conscient sur ce que notre corps, notre personne devient dans le temps qui passe. Pas en tant que résultat de l’adéquation à un modèle pré- établi, mais bien davantage comme le fruit d’un incessant renouvellement.

la médecine est née surtout pour soigner,

réparer, combattre les

différentes maladies, et non pour conserver déjà

au départ une santé présumée optimale en soi

pr georges abraham Avenue Krieg 13 1208 Genève

points de vue

48.indd 288 01.02.16 12:19

Références

Documents relatifs

- Pourtant, avant ça ne te dérangeais pas de le dire, même si le mec était pris, rajouta Alecto, en faisant référence à la fois où Charlotte avait eu une affaire avec un ancien

Le design oculaire exclusif des lu- nettes de visée Leica assure une pupille de sortie jusqu'à 50 % plus importante, en comparaison avec des lunettes de visée de

[r]

James Leslie privilégie pour sa part l’argent massif, et achète un ensemble d’origine londonienne – également d’esprit néo-classique – réalisé dans l’atelier de Charles Price

Lorsque vous sélectionnez l'option Changer de profil dans le MENU AFFECTATION DES BOUTONS, un sous-menu vous permet de choisir le profil que vous souhaitez

Les tissus DELINIGHT sont disponibles dans des nuances finement sélectionnées, l’avant et l’arrière du tissu sont identiques.. Même la nuance la plus claire occulte à 100% et

Donnez une nouvelle dimension à vos impressions avec une imprimante professionnelle A3+ pour des tirages parfaits.. Donnez une nouvelle dimension à vos impressions avec une

Evaluation langage d’évocation : Petit poisson blanc de Guido Van Genechten La maîtresse me pose des questions sur une