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La diffusion de la lumière et les forces intramoléculaires
Gr. Landsberg
To cite this version:
LE
JOURNAL
DE
PHYSIQUE
ETLE
RADIUM
LA DIFFUSION DE LA
LUMIÈRE
ET LES FORCESINTRAMOLÉCULAIRES
Par M. GR. LANDSBERG.
Moscou.
Sommaire. 2014 Conférence faite devant la Société française de Physique, et où sont exposés
d’impor-tants travaux effectués au Laboratoire d’Optique de l’Institut de Physique de l’Académie des Sciences de l’U. R. S. S., depuis 1937, sur la diffusion moléculaire de la lumière. Poursuivis par le professeur Landsberg, Mme Landsberg, MM. S. Ukholine, Jacowlew et V. Malychew, ils concernent surtout les
spectres de diffusion de composés hydroxylés (eau, alcool méthylique, hydroxydes métalliques, phénols
et crésols) comparés dans différents états physiques (vapeur, état critique, liquide, solution dans divers
solvants, solides). Les spectres obtenus permettent de déceler l’influence de la liaison hydrogène, et d’en préciser la nature.
SÉRIE ~~.II. - TOME VI. N° 12. DÉCEMBRE 19~5.
1. Introduction. - C’est
avec un
plaisir
toutpar-ticulier
que
je
faisaujourd’hui
ma conférenceconcer-nant nos recherches sur la diffusion de la
lumière, ici,
en
France,
où, il y a trente ans, M. Cabannes avaitfondé,
par ses brillants travaux, lapremière
base del’étude
expérimentale
duphénomène
de la diffusion moléculaire de la lumière et où - àpartir
de cetteépoque
- les recherches decette nature furent
poursuivies
avec un succès constant par de nombreuxsavants.
Parmi les diverses études sur la diffusion
molécu-laire de la
lumière,
effectuées dans le laboratoired’Optique
de l’Institut dePhysique
de l’Académiedes Sciences de
l’U. R. S. S.,
je
choisiraiquelques
applications
duphénomène
de la diffusion de combi-naison de lalumière,
phénomène
bien connu sousle nom
d’eflet
Raman. On sait que l’effetRaman,
commel’absorption
infrarouge,
constitue un moyenpuissant
pour l’étude de ladynamique
moléculaire,
c’est-à-dire de la
grandeur
et du caractère des forces unissant les atomes dans les molécules. Ladétermi-nation des
fréquences
des oscillations propres desmolécules,
les mesures de lapolarisation
des raieset
quelquefois
de leurs intensités ontapporté
desdonnées innombrables pour la résolution des divers
problèmes posés
par la structure des molécules. Maisl’effet Raman se
prête
moins aisément à l’étude desactions des forces
intermoléculaires,
beaucoup
plus
faibles que celles
qui
s’exercent entre les atomes d’unemême molécule. C’est
pourquoi
les actionsréci-proques des molécules dans les états condensés de
la matière n’ont
qu’une
influence faible et assez maldéfinie sur les
fréquences
propres des molécules.Seul,
le cas des cristauxorganiques
offre unexemple
ou les actions intermoléculaires sont bien mises enévidence par l’effet
Raman,
comme entémoignent
les travaux de M. Gross à
Léningrad
et ceux deM. Rousset en France.
2. Phénomènes observés par diminution de
la densité. - L’interaction des molécules
a été
beaucoup
moins étudiée dans le cas desliquides.
Cependant,
dès lespremières
recherches,
on savaitdéjà
que lespectre
de diffusion de l’eauliquide,
ainsi que celui de laglace,
sont caractérisés par unebande
large
etdiffuse,
tandis quel’eau,
à l’état devapeur, révèle une raie
fine,
toute semblable auxraies observées dans la
plupart
des substances. Làfréquence (ou plutôt
le nombre d’ondes parcenti-mètre)
de cette raie pour l’eau à l’état de vapeur et v = 3650 cm-B
alors que la bande de l’eauliquide
a unelargeur
atteignant
600 cm-i, le maximumprincipal
de l’intensité de cette bande se trouvantdéplacé
vers les bassesfréquences
de 200 cm-1(ce
qui
le situe vers 345o
cm-1).
L’existence d’une bandelarge
dans lespectre
de diffusion de l’eauliquide
306
montre que de fortes
perturbations
déforment les oscillations propresharmoniques qui
seraient celles d’une molécule isolée de vapeur d’eau. Comme ils’agit
de l’oscillation du groupeoxhydrile
OH,
on
peut
supposer que la causeprincipale
de cesperturbations
est la liaisonhydrogène,
qui joue,
comme il est bien connu, un rôle
important
dansles
phénomènes
d’associationmoléculaire,
pour neciter que cet
exemple.
En
effet,
par nospremières
études,
nous avonsdéjà
pu nous
persuader
que desphénomènes
semblablesont lieu pour les alcools et les
phénols,
c’est-à-direpour des molécules
qui
contiennent,
ellesaussi,
legroupe
hydroxyle.
L’alcoolméthylique,
parexemple,
à l’état de vapeur,présente,
dans le domaine des oscillations du groupeoxhydrile,
une raie fine defréquence )
=3 670
cm-’ et, à l’étatliquide,
une bande
large (jusqu’à
4oo
cm-’ delargeur)
dont le maximum d’intensité se situe
près
de 34oo
cm -1.T.BRLEAl 1. -
1/lfllle/lce
sur le spectre declé~’ecsion
de l’eau et de alcoolmétlt}’lique,
de la ternpérature ~t j et de la densité (8~.l~aies excitatrices : vi = 27388 cm-,., V2 == 27353 cm-’, V3 == 27291 cn1-1.
-La transition de l’état
liquide
à l’état de vapeurentraîne l’écartement des molécules les unes des
autres,
grâce
àquoi
l’actionperturbatrice
desmolé-cules voisines
disparaît.
La voie bien naturellequi
se
présente
pourexplorer
cephénomène
consiste àétudier la transition du
liquide
à la vapeur par dimi-nutiongraduelle
de ladensité,
enpassant
par l’étatcritique.
De tellesexpériences
ont été effectuées parun de mes
élèves,
M. Ukholin[1], qui
réussit à faireune étude
complète
de l’eau et de l’alcoolméthy-lique.
Ne nous attardant pas à ladescription
de la méthodeemployée,
nous noterons seulement que leliquide
étudié étaitplacé
dans des tubescapillaires
de
quartz
àparois épaisses,
permettant
d’obtenir despressions jusqu’à 250 kgjcm2,
etd’observer,
parconséquent,
tous les stades de la transition de laphase liquide
à laphase
vapeur, l’étatcritique
ycompris.
Il va sansdire,
qu’au
cours desexpé-riences,
quelques explosions
eurent lieu.Néanmoins,
M. Ukholin renouvela ses
appareils
et, au bout ducompte,
se trouva avoir étudié lesphénomènes
dans tous les détails.Or,
ses résultats ontplus
de valeurque ceux des auteurs américains
[2], qui
ne réussirentpas à franchir l’état
critique
ayant
été arrêtés parune
explosion.
Les difficultés considérables de l’étude dans les tubes étroits
(lumière
diffusée par lesparois)
étaient surmontées à l’aide de filtresconvenables,
dontl’usage
était rendu facile par lagrande
fréquence
del’oscillation du groupe
oxhydrile, grâce
àquoi
la bande étudiée se trouve assezéloignée
des raiesexcitatrices. Les raies excitatrices utilisées furent les raies brillantes d’un arc à mercure,
)’1
= 3 650z,
î,2 = 3
655~,
1’3
=3 663 À. Pour laphase
liquide,
les bandes
provenant
de ces trois raies se fondenten une seule bande très
large.
Mais,
dans laphase
vapeur, on
peut
voir nettement trois raiesséparées
provenant
de chacune des trois raiesexcitatrices,
ce
qui
donne une méthode bien commode pourappré-cier la netteté
parfaite
des raies de diffusion. Le307
avec les variations de la densité. On
aperçoit
quele
changement,
assez faibled’abord,
seproduit
brus-quement
pour l’eau à la densité 0,1 à peuprès
etpour l’alcool à la densité o,5 environ.
Par
conséquent,
la diminution de la densité(l’augmentation
des distances entre lesmolécules)
n’entraîne pas la transitiongraduelle
et continue de la bande à laraie,
bienqu’on
observe un certain rétrécissement de la bande et sondéplacement
dansla direction de la raie. Il
n’y
a pas de transitionlente,
il y a un saut, un bond 1 Pour une certaine densité(différente
d’ailleurs pour l’eau et pourl’alcool
méthylique),
onpeut
observer la bande et la raie simultanémen~. Cette coexistence de la bandeet de la raie montre,
qu’à
la densitéconvenable,
unepartie
des molécules est associée encomplexes,
mais que des molécules isolées existent elles aussi : labande doit son
origine
à l’interaction forte desmolé-cules
associées,
tandis que les molécules isolées donnent naissance à la raie fine. Au fur et à mesureque la densité de la substance
diminue,
laproportion
des molécules isoléesaugmente,
l’intensité de la raieaugmente
d’une manièrecorrespondante,
tandis quel’intensité de la bande diminue. On
peut
caractériserce processus par la chaleur de dissociation,
d’après
les
règles thermodynamiques..
~~1~. I,
Or, nous avons constaté deux effets dus à
l’interac-tion des groupes
oxhydriles
voisins :l’estompement
de la raie
caractéristique
de l’oscillation propre dugroupe OH et le
déplacement
du maximum de labande par
rapport
à la raie. Lagrandeur
de cedéplacement
doitdépendre
de la distance moyenne entre lesmolécules,
c’est-à-dire de la densité de lasubstance. La
grandeur
del’élargissement
est définiepar la variation des forces
perturbatrices,
due,
pro-bablement,
à la fluctuation des distances mutuelles. En d’autres termes, laposition
du maximumdépend
de la densité et la
largeur
de la bande est définie par la fluctuation de ladensité,
c’est-à-dire par latempé-rature absolue. Se laissant
guider
par cetteidée,
~1. Jacowlew
entreprit
desexpériences
à bassetempérature
(air liquide)
avec l’alcool dans les étatsvitreux et cristallin. Il aboutit à montrer,
qu’à
basse
température,
la bande devient deplus
enplus
étroite
(la
fluctuation de la densité estplus petite),
tandis que la
position
du maximum resteprati-quement
la même. Lafigure
1 donne la vuegéné-rale de tous ces
changements, d’après
les mesuresd’Ukholin et de Jacowlew pour l’alcool. Le
petit
tableau à droite montre le
changement
dans lalargeur
de la bande avec latempérature.
L’inter-prétation
donnée de l’influence de latempérature
aun caractère
purement qualitati f .
Il aurait fallu continuer ces recherches pour unetempérature
beaucoup plus
basse(hélium liquide),
mais la guerreinterrompit
ce travail et nous ne l’avons pas encorerepris.
3. Phénomènes observés en solution. -- La méthode du
changement
de la densité est uneméthode
qui
donne lesrenseignements
lesplus
Fig. 3.
en
préparant
des solutions à faible concentration dans un solvantconvenable,
comme le tétrachlorurede
carbone,
lechloroforme,
lebenzol,
l’hexane etd’autres
hydrocarbures.
Lafigure
2 donne lespectre
de l’alcool
méthylique
pur(une
bandelarge)
etcelui d’une solution
(à
I pour100)
dans letétra-chlorure de carbone
(une
raiefine), parfaitement
semblable à celle de l’alcool à l’état de vapeur;la raie sur le cliché est
triple,
parce que la lumière excitatrice esttoujours
letriplet
du mercure, quej’ai
déjà
mentionnéplus
haut. Lafigure
3 montreque, à concentration moyenne
(5
à 10 pour100),
exac-308
tement comme nous l’avons vue pour l’alcool sous
faible densité. En d’autres termes, à la concentration moyenne, nous obtenons à la fois des molécules
isolées et des molécules associées. En abaissant la
concentration,
nousaugmentons
laproportion
despremières
parrapport
auxsecondes,
cequi
provoquel’augmentation
relative de l’intensité de la raie.En même
temps,
cesexpériences
montrentqu’aucune
action
perturbatrice
des molécules du solvantindiqué
plus
haut n’est décelable : ni le tétrachlorure decarbone,
ni leshydrocarbures
neperturbent
prati-quement
les oscillations du groupeoxhydrile.
TABLEAU II.
Mais la situation
change
brusquement
si nouschoisissons un autre
solvant,
comme le dioxane oul’acétone,
parexemple.
Dans ces cas, la bandelarge
persiste
même à la concentration laplus
basse.Fig. 4.
La
figure 4 représente
lespectre
à la concentration1o pour oo ; on observe le même
aspect
pour lesconcentrations
beaucoup
moinsgrandes.
Celasignifie
que les molécules du solvant elles-mêmesproduisent
une
perturbation
considérable des oscillations dugroupe
hydroxyle.
Le Tableau II révèle que les molécules d’un solvant contenant des atomesd’oxygène
ou d’azoteperturbent,
d’une manièreforte,
des oscillations du groupeoxhydrile, quelle
que soit la nature de ces molécules
(éther,
acétone,
dioxane).
Nous pouvons affirmerqu’une
tellepertur-bation des oscillations propres de
l’oxliydrile
a lieuchaque
foisqu’un oxhydrile
se trouve dans leFig. 5.
voisinage
d’un autreoxhydrile,
ou d’un atomed’oxy-gène
ou d’azote. Cesperturbations
sont liées auxassociations moléculaires
qui
seproduisent d’après
des schémas tels que ceux de la
figure
5.4.
Évaluation
del’énergie
de la liaison-Le caractère sélectif des atomes
qui
sontcapables
deproduire
lesperturbations
des oscillationsmolécu-laires
plaide,
d’une manière assez convaincante,pour une
représentation
de la liaisonhydrogène
conforme aux schémas
précédemment indiqués.
Onpeut
rendre cette conclusion encoreplus
certaine enévaluant la chaleur de dissociation et en la
compa-rant avec la chaleur de la liaison
hydrogène. D’après
des considérations
thermodynamiques,
la chaleur dedissociation
peut
être déterminée par l’étude duchangement
de la constante del’équilibre
avec latempérature.
L’équation
de Van’tHoff :donne la solution du
problème.
Ici K estla constante de
l’équilibre
etQ
la chaleur de disso-ciation. En mesurant lechangement
de l’intensité relative de la bande et de la raie avec latempé-rature, c’est-à-dire le
changement
de la constanteK,
nous pouvons évaluer la chaleur de dissociation
Q.
La
figure
6 vous montre que l’intensité relative dela raie par
rapport
à la bande croît considérablementquand
latempérature augmente
de 60 Cj~.sq~.’â
6~~ C.F~9.
6.z
L’évaluation
quantitative
de la chaleurQ
à l’aide de tels clichés nepeut
être faitequ’assez
grossiè-rement : d’un
côté,
les mesuresphotométriques
nesont pas très
précises
à cause du. fond desclichés;
d’autre
part,
le calculthéorique
de ce cascompliqué
d’équilibre
n’est pas tout à fait sûr.Néanmoins,
en
partant
de ces mesures, onpeut
évaluer la chaleurde la liaison de 5 à I o
kcaljmol,
tandis que la chaleurde la liaison
hydrogène
(mesurée
d’après
la disso-ciation de l’acideacétique,
parexemple)
est estimée à 8l(cal/mol.
Nousvoyons
que cette évaluationoblige,
elleaussi,
à reconnaître que l’actioninter-moléculaire mise en évidence dans ces
expériences
porte
la marque de la liaisonhydrogène.
Faute de
place
je
ne m’arrête pas sur laconception
de la liaisonhydrogène
admise dans lachimie-physique
contemporaine.
Je voudrais seulementrappeler
que la liaisonhydrogène
résulte de l’insertiond’un
proton
(H+)
entre deuxoxygènes (ou
entre unoxygène
et unazote).
Lapolarisation
des nuagesélectroniques
desoxygènes
accroît leur attraction mutuelle. On nepeut
cependant
pas considérer laliaison
hydrogène
comme une interactionpurement
électrostatique.
Il faut croirequ’une partie
de cette actionprovient
de la formation de structures telles que 0-H ... 0 et 0 ... H-0 . L’ eff et de laréso-nance entre ces structures
apporte
uneénergie
complémentaire
à la liaison. Une conditionnéces-saire,
à défaut delaquelle
la formation de la liaisonFig. 7.
hydrogène
n’est paspossible,
est uneproximité
suffi-sante des deux
oxygènes
entrelesquels
seplace
unproton.
La distance entre lesoxygènes
ne doit passurpasser
2,7-3
À,
comme le montre la diffraction des électrons et desrayons X
dansquelques
cristauxet surtout dans les dimères de l’acide
acétique, .
exemple classique
de la liaisonhydrogène ( fig. 7).
Fig. 8.
Pour le cas de l’alcool
méthylique
à l’étatliquide,
forméd’après
le schéma(fig. 8),
la distance moyenneentre les
oxygènes
est à peuprès égale
à2,5-3
Àenviron.
Ainsi,
la liaisonhydrogène
paraît
possible.
Pour les solutions à concentration 5-1 o pour oo,la distance moyenne entre les molécules est de deux à trois fois
plus grande;
celadonnerait,
pour ladistance entre deux
oxygènes,
de 5 à9 Â
et rendraitimpossible
la liaisonhydrogène,
qui,
néanmoins,
semanifeste assez nettement comme nous l’avons vu
à
partir
de nos mesuresspectroscopiques.
Mais il estclair
qu’il
est sanssignification
d’introduire la distancemoyenne dans ce cas. Car le
phénomène
d’associationque nous étudions se manifeste
justement
par laformation d’associations d’une densité
supérieure à
celle
qui
correspondrait
aux distances moyennes.Au fur et à mesure que la concentration
diminue,
la
probabilité
de l’existence decomplexes
semblablesdécroît
(phénomène
de ladissociation). L’application
deconceptions
analogues
au cas de la dilatationthermique
nous conduit àquelques
conclusionsintéressantes,
qui
peuvent
être étudiées310
5.
Étude
deshydroxydes métallique. -
Toutce que
je
viens de dire montre que l’action de la liaisonhydrogène
se manifeste très nettement, dansles
spectres
de diffusion des substances contenant desgroupes
oxhydriles, chaque
fois que les moléculessusceptibles
d’interaction ne sont pastrop
séparées
les unes des autres.L’eau,
les alcools ainsi que lesphénols,
à l’état de vapeur de fortedensité,
dans lessolutions
concentrées,
à l’étatliquide
ou solide- - cristallisé
ou vitreux --- montrent
toujours
undéplacement
et unélargissement
considérable de labande,
correspondant
à l’oscillation propre del’oxhydrile.
Ce
déplacement
et cetélargissement
sont desmanifestations évidentes de la liaison
hydrogène,
qui représente
une des formes des forcesintermolé-culaires.
Il est fort intéressant
d’étudier,
de cepoint
de vue,les
propriétés
de l’eau de cristallisation. Le matérielexpérimental
actuel est encore loin d’êtrecomplet.
Les données assez
nombreuses,
obtenues par MM. Canal etPeyrot
[4],
nepermettent
pas de tirerdes conclusions définitives
quoiqu’on puisse
endégager
l’indication que des cristaux avec peu demolécules d’eau donnent des bandes moins
estom-pées.
Mais l’on nepeut
pas encorepréciser
le rôle du nombre des moléculesd’eau,
nonplus
que lerôle des atomes constituants des
cristaux,
dans laformation de la liaison
hydrogène,
comme cela fut fait pour le cas des solutions. Il semble que lessubstances étudiées n’aient pas encore été
suffi-samment variées. La cause en
réside, évidemment,
dans les difficultés que l’on rencontre à travailler
sur des cristaux excessivement
petits,
comme ilarrive ordinairement. C’est
pourquoi
la méthodenouvelle,
trèsingénieuse,
mise aupoint
parMM.
Cabannes,
Lennuier et Mlle Harrand pour l’étude despoudres
très finesprésente
4in intérêtparticulier.
De notre côté
également,
M-eLandsberg
etmoi,
nous avons élaboré une méthode de
poudres
destinéeà l’étude des oscillations du groupe
oxhydrile,
c’est-à-dire pour un domaine situé assez loin de la
raie excitatrice. Cette circonstance rend
plus
facilel’usage
des filtrescomplémentaires.
Comme le domainespectral
étudié estéloigné
de la raie exci-tatrice deplus
de 5ooA,
onpeut
se contenter d’un seul filtre sur le faisceauprimaire,
filtre laissant bien passer la raie excitatrice et arrêtantcomplè-tement le fond continu de la
lampe
à une distance dequelques
centainesd’angstroms.
La difficulté laplus importante
àlaquelle
il faut faireface,
quand
on travaille avec des
poudres
fines,
c’est leuropacité,
à cause delaquelle
la lumière nepeut
nipénétrer
dans les couches
profondes
d’unepoudre
ni enpro-venir. C’est pour cela
qu’on
est forcé de n’utiliser que des couches très minces. Leprocédé
leplus
efficace pour l’utilisationcomplète
de laprofon-deur
jusqu’à laquelle
la lumièrepeut
pénétrer
est la méthode deréflexion, par
laquelle
on observe lalumière diffusée du côté des rayons
primaires,
maissous un
angle
diff érent del’angle
de la réflexionrégu-lière. On obtient un
dispositif
telle que celuiqui
estreprésenté
sur lafigure
0.Fig. 9.
Par cette
méthode,
toutel’épaisseur
danslaquelle
la lumière
pénètre
se trouve utilisée d’une manièreautomatique.
Elle nous a donné des résultats trèsencourageants
pourl’exploration
des oscillations dugroupe
oxhydrile.
Nous avons pul’employer
pour~
1 ig. 10.
les matériaux
complètement
opaques, tels que leshydroxydes métalliques,
Me(0H),,,
et nous avonscommencé par ces corps. La
figure
1 o nous donnela
reproduction
duspectre
d’oscillation du groupeoxhydrile
dans la soudecaustique (Na
OH).
Letriplet
excitateur esttoujours
le même : les raies 365o,
3655,
3 663 .~. On voit bien dans lespectre
dediffusion les trois satellites
(marqués
par uneflèche)
correspondant
aux trois raiesexcitatrices,
cequi
prouve que le
spectre
de diffusion est constitué parune raie
fine
et non par une bande. Ce fait sembleêtre assez
inattendu,
car, comme nous l’avons ditplusieurs
foisdéjà,
laglace
et les alcools cristallisés donnenttoujours
des bandes fortestompées.
Lesmesures effectuées sur le cliché montrèrent que la
fréquence
de la raieoxhydrile
dans la soudecaus-tique
correspond
à v = 3 63ocm-1,
c’est-à-direvapeur : v = 3 645 cm-1. Le Tableau III montre que
nous avons obtenu les mêmes valeurs = 3 63o cm-1
pour LiOH et Ca
(OH)2
c’est-à-dire pour tous leshydroxydes métalliques
étudiésjusqu’à
présent, qui
ne contiennent pas d’eau de cristallisation. Dans
tous les cas où nous avons eu des
hydroxydes
métal-liques
contenant de l’eau decristallisation,
nous avons constaté que lafréquence
était fortdéplacée
et
lorsque
le nombre de molécules d’eau estgrand
comme dans Ba
(OH)2’ ~H~ 0,
parexemple,
la raie se transformait en bande. Encomparant
lesspectres
de LiOH et deLiOH,
11,
0,
nous constatonsque, dans le second cas, il
n’y
a pas trace de la raieprimitive
deL10H, ,J
= 3630;
l’eau decristalli-sation
entre,
évidemment,
dans le réseau cristallinet nous obtenons un
système
modifié,
avec uneautre
fréquence
d’oscillation v =3 570
cm-l.’1 11.
En ce
qui
concerne lapotasse
caustique
KOH,
nousavons obtenu un résultat
douteux, j
= 3 53o cm-1 etla raie
correspondante
estbeaucoup
moins nette ettend à devenir une bande. Nous devons soupçonner
que nos échantillons de
potasse
caustique
n’étaient pascomplètement
anhydres
et cette étude doit êtrereprise.
Vous voyez que
quelques
lois commencent à semanifester,
quoique
tout leproblème
soit encore loind’être résolu. Notre attention a été attirée par le
fait que, dans le cas de la soude
caustique,
de trèsbeaux
spectres
ont pu être obtenus avec untemps
d’exposition
beaucoup
plus
court(pour
lesplaques
sensibles,
moins d’unedemi-heure)
que pour lesautres
hydroxydes.
Nous ne pouvons pas encoredonner une
explication
satisfaisante de ce fait. Une des causespossibles
et mêmeprobables
est la formation d’une couche mince de carbonates à la surface deshydroxydes
autres que la soudecaus-tique.
En étudiant notrepréparation
sous la formed’un coin à
pente
trèsdouce,
nous avons pu tirerla conclusion que
l’épaisseur
de la couchequi
tra-vaille,
nedépasse
pas1/1008
oua/iooe
de millimètre(0,01-0,02 mm),
cequi signifie qu’une
couchesuper-ficielle très mince d’une substance
étrangère
peut
changer
très sensiblement les conditionsd’expéri-mentation.
La
question
fondamentalequi
se pose, est desavoir
pourquoi
les cristaux dutype
Me{0~),~
donnent unspectre
de diffusion avec une raiefine,
ne manifestant pas l’influence de la liaison
hydrogène
entre ces
oxhydriles,
comme cela atoujours
lieu pour laglace
ou les alcools cristallisés. Une desdifférences entre ces deux
espèces
de corps est le caractèreionique
bienprononcé
del’oxhydrile
dansle cas des
hydroxydes métalliques.
Cette différence dans la structure de
l’oxhydrile
peut-elle
provoquer la différence dans la structuredes
spectres ?
Pour éclaircir cettequestion,
nous avons étudié lesspectres
de diffusion de solutionstrès
concentrées,
deshydroxydes
desodium,
potas-sium,
rubidium et bariumcaustiques.
On constateque, dans ces
spectres,
en dehors de la bande trèsforte, appartenant
àl’eau,
apparaît
une raie finecorrespondant
â v = 3 63o cm-1, c’est-à-dire une raiede même
fréquence
que celle de la soude cristallisée.Il est bien naturel d’attribuer cette raie à l’ion OH
et de l’identifier avec celle de
l’oxhydrile
de lasoude
caustique, qui
a la mêmefréquence.
6.
Études
de laliaison
hydrogène
intra-moléculaire. - Les recherches dont
je
viens d’ex-poser lesprincipaux
résultats montrent quel’oscil-lation du
groupe
oxhydrile
peut
subir unepertur-bation
considérable
de lapart
des molécules voisinesFis. 1 1.
si leur distance moyenne est assez réduite. On
pour-rait s’attendre à ce
qu’une pareille
actionpertur-batrice soit exercée par des atomes
voisins,
appar-tenant à la même
molécule,
si ladisposition
géomé-trique
de ces atomes et du groupeoxhydrile
estfavorable. Il est évident que les molécules telles que
des
phénols
substituésprésentent
un intérêtparti-culier de ce
point
de vue. Eneffet,
l’étude desspectres
d’absorption infrarouges
montrait unediffé-rence
caractéristique
dans lesspectres
del’ortho-oxybenzaldéhyde (l’aldéhyde salicylique)
et du para(ou
méta)
oxybenzaldéhyde,
encorrespondance
avecleur structure
( fig. 11).
.
Dans les
spectres
d’absorption
de la forme ortho,> la
fréquence caractéristique
du groupeoxhydrile
étaitabsent,
tandis que cettefréquence
était bienpro-. noncée pour les formes para ou méta. Cette
312
auteurs américains
[5].
D’après
ces auteurs, l’in-teraction entre OH et0,
assezrapprochés,
forme un anneau secondaire ou intérieur(chélation),
cequi
fait
disparaître
l’oscillation propre du groupe OHpour la forme ortho. Cet
indice,
purement négatif
- l’absence d’une
fréquence d’oxhydrile
- futadopté
comme un indicecaractéristique
pour laformation de l’anneau
intérieur,
bien que le sensthéorique
de cettedisparition
restât fort douteux.Néanmoins,
cet indice fut utilisé dansplusieurs
travaux[6]
comme une preuve définitive que lescomposés
tels quel’ortho-chloro-phénol
oul’ortho-bromo-phénol
nef ormertt
pas d’anneauxintérieurs,
car la
fréquence
caractéristique
de l’oscillation del’oxhydrile
se manifeste dans cescomposés.
De telles conclusions basées sur un indice
négatif
nous
parurent
peu convaincantes et M. Batouieffet moi
[7]
entreprîmes
une étude desspectres
dediffusion des molécules
correspondantes.
Fig. 11. e
Nous avons montré que la bande
caractéristique
deoxhydrile
se conserve dans lespectre
de diffu-sion duparachlorophénol
où elle est tout à faitanalogue à
la bande duphénol,
de l’eau ou del’alcool,
mais
l’orthochlorophénol
donne une bandebeau-coup
plus
étroite et sensiblementdéplacée ( f g.
12).
~
Fig. i 3.
Des
expériences
de contrôle montrèrent que lesspectres
des para et ortho-crésols sontparfaitement
identiques
entre eux(fin. 12)
et que, parconséquent,
la
singularité
duspectre
del’orthochlorophénol
est bien due à l’action du chlore enposition
ortho etn’est pas liée à la forme ortho elle-même.
Le
diagramme
suivant( fig. ~ 13) explique
tous lesfaits observés. Il montre que, dans
l’orthochloro-phénol
où le chlore etl’hydrogène
sont assezrap-prochés,
il seforme, par leur interaction,
un anneauintérieur,
cequi
protège
l’oxhydrile
de l’actionperturbatrice
des molécules voisines. Cette modifi-cationprotectrice
n’est paspossible
pour le para oule méta
chlorophénol,
car, dans ces cas, le chlore esttrop éloigné
du groupeoxhydrile;
quant
auxcrésols,
l’interaction entre OH et
CH3
est, en tout cas,trop
faible pourpouvoir protéger l’oxhydrile
del’action des molécules voisines. Voilà
pourquoi,
dans tous les cas, sauf celui de
l’orthochlorophénol,
nous avons
toujours
la bandelarge
et fortdéplacée
del’oxhydrile,
due à la liaisonhydrogène
entre les molécules voisines. Lesexpériences
sur les solutionsde ces substances dans le tétrachlorure de
carbone,
dont
je n’expose
pas les résultats(faute
deplace),
confirment ces conclusions. La considération des
formes
géométriques
des moléculesexplique
aussi,
d’une manière
satisfaisante,
la différence entrel’ortho et le para
(ou méta)
chlorophénols.
Eneffet,
la distancehydrogène-chlore :
~
Fig. 1 4.
L’action fortement
protectrice
du chlorepeut
êtreexpliquée
par interactionélectrostatique
entre le chlore .etl’oxhydrile.
Mais les recherches sur lessolutions,
exposées
dans la deuxièmepartie
de maconférence,
montrèrent que l’actionintermolécu-Fig. J 5n
laire de
l’oxygène (solvant :
acétone, par
exemple)
estbeaucoup
plus
f orte
que celle du chlore(solvant :
tétrachlorure de
carbone).
C’est pour cela que nous avonssupposé
que, dans le cas de l’interactioninfra-moléculaire,
comme celui del’orthochlorophénol,
nous obtiendrions des résultats encore
plus prononcés,
aulien de l’orthochlorophénol d’après le schéma(fig. 1 .5).
Mais cette
hypothèse
ne fut pas confirmée parl’expérience.
Dans le cas dugaïacol,
l’interaction intramoléculaire est très nette, mais nous ne pouvonspas afflrmer
qu’elle
estplus prononcée
que dans le casFig. I 6. Fig. 17.
de
l’orthochlorophénol.
Lesspectres
des deuxsubs-tances
montrent,
pour la bande del’oxhydrile,
unestructure à peu
près identique
commeposition
etcomme
largeur ( fig. 16).
Desexpériences
avec lessolutions du
gaïacol
dans l’acétone de concentrations différentesmontrèrent,
ellesaussi,
quel’oxygène
des molécules voisinesproduit
uneaction plus
forte quel’oxygène
interne dugaïacol (fil. 17).
Dans lessolu-tions,
la liaison interne serompt
et cède laplace
àune liaison avec les molécules voisines
d’après
le schéma(fin. 18).
Je ne
puis
pas, actuellement donner uneinterpré-tation
complète
de toutes cescomplications
etje
crois que les recherches
expérimentales
dans cedomaine doivent être
poursuivies.
Fig. 18.
Conclusions. -- Ce court
exposé
d’un groupe denos travaux vous aura
montré,
je l’espère,
que laméthode de la diffusion de la lumière
peut apporter
une contribution intéressante au
problème
de l’action intermoléculaire. Laplupart
des études dontje
viens de vous faire
part
constituent un travailqui
est loin d’être
terminé,
j’en
suispersuadé.
Je mesuis
permis,
néanmoins,
del’exposer
devant vous,car
je
pense que traiter dequestions
encorecontro-versées
peut
quelquefois
êtreplus
fécondqu’une
conférence sur dessujets complètement
éclaircis. Je vous demande de ne pas considérer monexposé
comme une
conférence
spectaculaire,
maisplutôt
comme une communication adressée aux
collègues
et aux amis
séparés
de nous, savantssoviétiques,
par de vastes
distances,
mais toutproches
par lessympathies
et par l’intérêtporté
en commun auxrecherches
scientifiques.
"Manuscrit reçu le 20 décembre ~gl~~.
BIBLIOGRAPHIE.
[1] S. UKHOLINE, C. R. Acad. Sc. de l’U. R. S. S., 1937, 16,
p. 395. 2014 G. LANDSBERG et S. UKHOLINE, C. R. Acad. Sc. de l’U. R. S. S., 1937, 16, p. 391.
[2] P. C. CROSS, J. BURNHAM et Ph. A. LEIGHTON, J. Am.
Chem. Soc., 1937, 59, p. 1137.
[3] G. LANDSBERG, Bull. Acad. Sc, ser, phys., 1938, 3, p. 373
(russe). 2014 G. LANDSBERG et V.
MALYCHEW, C. R.
Acad. Sc. de l’U. R. S. S., 1938, 18, no 8. 2014 V.
MALY-CHEW, C. R. Acad. Sc. de l’U. R. S. S., 1938, 29, nos 7-8. Ibid., 1939, 24, n° 7.
[4] CANAL et PEYROT, C. R.
[51 HILBERT, WULF, HENDRICKS, LIDDEL, Nature, 1935, 135,
p. 147; J. Am. Soc., 1936, 58, p. 548.
[6] ERRERA et MOLLET, J. Phys. et Rad., 1935, 6, p. 281. 2014 M. FREYMANN et R. FREYMANN, J. Phys. et Rad.,