296 | La Lettre du Neurologue • Vol. XX - n° 9 - novembre 2016
CAS CLINIQUE
Mots-clés
Neuropathie optique – Névrite optique – Neuropathie optique ischémique
Keywords
Optic neuropathy – Optic neuritis – Ischemic optic neuropathy
Une neuropathie optique : oui, mais laquelle ?
Optic neuropathy: yes, but which one?
V. Biousse*, N.J. Newman*
* Service de neuro-ophtalmologie, Emory Eye Center, Atlanta (États-Unis).
U ne femme, âgée de 47 ans, est adressée pour une névrite optique antérieure (avec œdème papillaire) unilatérale qui ne s’est pas améliorée malgré un traitement par corticoïdes intraveineux de 3 jours. Elle se plaint d’une baisse visuelle de l’œil gauche qui est apparue en quelques jours il y a 4 mois, et ne s’est pas améliorée. Elle décrit une “pression” périorbitaire sans véritable douleur. Une IRM cérébrale sans et avec produit de contraste avec IRM orbitaire montre un hypersignal périventriculaire sans prise de contraste, ni cérébrale ni du nerf optique. La ponction lombaire est normale. Les anticorps anti-NMO sont négatifs. Le diagnostic de sclérose en plaques est suggéré, et la patiente, très inquiète, demande un deuxième avis.
D i s c u s s i o n
Cette patiente est bien atteinte d’une neuropathie optique gauche, mais le diagnostic de névrite optique inflammatoire était erroné, car elle a une neuropathie optique ischémique antérieure aiguë (NOIAA).
Certaines caractérisques auraient dû faire douter du mécanisme inflammatoire : l’absence de douleur lors des mouvements oculaires, la relative bonne vision des couleurs, le déficit altitudinal du champ visuel (figure 2) et l’absence de prise de contraste du nerf optique sur l’IRM orbitaire à la phase aiguë sont inhabituels dans les névrites optiques inflammatoires (tableau) [1-3].
La présence d’un œdème papillaire avec un rapport excavation/
papille inférieur à 0,1 (figure 1) est compatible avec une NOIAA (2, 4). Le diagnostic de NOIAA est confirmé quelques semaines plus tard par la présence d’une atrophie optique en secteur (figure 3) et l’absence d’amélioration de l’acuité visuelle (2, 4). Il est essentiel de toujours essayer d’identifier correctement la cause de la neuropathie optique (1, 2, 5).
En effet, la présence d’une anomalie IRM chez cette patiente a conduit à un diagnostic erroné de sclérose en plaques possible, ce qui aurait eu des conséquences coûteuses si la patiente n’avait pas demandé un deuxième avis.
O b s e r v a t i o n
Au moment de la baisse visuelle, l’acuité visuelle était de 10/10 P1 à droite et de 5/10 P4 à gauche. La vision des couleurs était très modérément perturbée à gauche, avec 12 cartes d’Ishihara sur 14 vues correctement. Il y avait un déficit du réflexe pupillaire afférent gauche. Au fond d’œil, le rapport excavation/papille était inférieur à 0,1 dans les 2 yeux, et un œdème papillaire modéré était présent à gauche (figure 1). Le champ visuel montrait un déficit altitudinal inférieur à gauche (figure 2) et était normal à droite.
Quatre mois plus, tard, l’acuité visuelle est de 10/10 P1 à droite et de 6/10 P4 à gauche. La vision des couleurs est normale. Le déficit du réflexe pupillaire afférent gauche persiste. Au fond d’œil, le rapport excavation/papille est inférieur à 0,1 dans les 2 yeux, et il y a une pâleur du nerf optique en secteur (supérieure) à gauche, correspondant au déficit du champ visuel inférieur, qui est inchangé (figure 3).
L’IRM cérébrale et des orbites sans et avec produit de contraste
(figure 4), qui avait été réalisée quelques jours après la baisse
visuelle initiale, montre effectivement un hypersignal périventri-
culaire sans prise de contraste du nerf optique.
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A B
C
▲ Figure 3. Photographie couleur du fond d’œil gauche 6 semaines plus tard. A : l’œdème du nerf optique s’est résorbé et il existe une paleur segmentaire supérieure (soulignée dans B ) qui correspond au déficit altitudinal inférieur sur le champ visuel (C) .
▲ Figure 4. IRM cérébrale (coupe axiale en T2) montrant un hypersignal périventriculaire (flèche jaune).
A B
▲ Figure 1. Photographies couleur du fond d’œil : OD (A) et OG (B) . Le nerf optique droit est normal
avec un rapport excavation/papille de moins de 0,1. Le nerf optique gauche est œdémacié. ▲ Figure 2. Champ visuel œil gauche (Humphrey 30-2) montrant un déficit altitudinal inférieur (en noir).
Tableau. Comparaison des caractéristiques cliniques des neuropathies optiques inflammatoires isolées typiques (névrites optiques) avec les neuropathies ischémiques antérieures aiguës (NOIAA) non artéritiques.
Névrite optique NOIAA non artéritique
Âge Jeune (< 45 ans) Plus âgé (> 50 ans)
Perte visuelle Baisse d’acuité visuelle variable et
rapidement progressive sur 1 semaine
Baisse d’acuité variable aiguë avec aggravation sur quelques jours
Uni- ou bilatérale Unilatérale Unilatérale
Douleurs Fréquentes à la mobilisation du globe Non
Vision des couleurs Anormale (souvent très anormale même lorsque
l’acuité visuelle est bonne)
Souvent préservée si l’acuité visuelle est bonne
Champ visuel typique Scotome central Déficit altitudinal
Nerf optique (phase aiguë) Normal (2/3), œdème (1/3) Œdème (100 %), papille à risque*
Nerf optique (> 6 semaines après la baisse visuelle) Pâleur temporale Pâleur en secteur (supérieure ou inférieure) IRM orbitaire à la phase aiguë Prise de contraste du nerf optique dans la majorité
des cas Normale
Pronostic visuel Bon, avec amélioration majeure sans traitement Variable, avec parfois amélioration très modérée : 15 % de risque d’atteinte controlatérale à 5 ans
Maladies systémiques Risque de sclérose en plaques Hypertension, diabète.
Éliminer maladie de Horton
* Terme utilisé pour décrire une papille de petite taille avec un rapport excavation/papille petit (< 0,2) ; les papilles avec drusen sont également des papilles à risque.
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CAS CLINIQUE
1565365 ISBN 978-2-100-73855-7
psychiatrie et
Épilepsie et psychiatrie
Sous la direction dePierre Thomas • Arnaud BirabenÉpilepsie et psychiatrie
L’épilepsie est l’affection neurologique la plus fréquente après la migraine et concerne, en France près de un pour cent de la population. Des troubles psychiatriques précèdent, accompagnent ou compliquent les différentes formes d’épilepsie, à tous les âges de la vie.
Ils ont un impact considérable, non seulement en termes de souffrance psychique et de qualité de vie, mais également sur le contrôle des crises épileptiques et sur l’efficacité et la tolérance des traitements antiépilep- tiques. Or l’organisation actuelle des soins ne permet pas de le prendre en compte de manière appropriée.
L’élargissement des connaissances et des compétences est nécessaire pour espérer offrir une prise en charge globale multidisciplinaire optimale.
C’est l’objectif que s’est fixé cet ouvrage qui réunit des professionnels de différentes disciplines (psychiatres, neurologues, psychologues). Il va ainsi servir de base de travail et de réflexion à l’ensemble des professionnels de santé prenant en charge des patients souffrant d’épilepsie et de troubles psychiatriques.
Psychothérapies
Pierre ThomAs est professeur de psychiatrie au CHRU de Lille, et secrétaire général du CPNLF.
ArnAud BirABen est neurologue au CHU de Rennes et président de la Ligue française contre l’épilepsie (LFCE).
Avec F. Bartolomei • W. el hage • Adrien Gras • C. hingray • d. mastelli • J.-A. micoulaud-Franchi • P. Vidailhet • A. Yrondi Public : psychiatres, psychologues, neurologues, physiologistes, neuropé- diatres, pédopsychiatres, pédiatres et médecins généralistes
Sous la direction de
Pierre Thomas et Arnaud Biraben
rapport CPnLF 2015Épilepsie
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