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Jean-François Lacaze : témoignage

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Academic year: 2022

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Jean-François Lacaze : témoignage

Jean-Francois Lacaze, Christian Galant

To cite this version:

Jean-Francois Lacaze, Christian Galant. Jean-François Lacaze : témoignage. Archorales : chercheurs

en forêts, 16, Editions INRA, 196 p., 2015, Archorales, 9782738013712. �hal-02799369�

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ARCHORALES n° 16 >CHERCHEURS EN FORÊT 44

PRÉNOM NOM

Quels souvenirs de jeunesse marquants ont participé à votre formation d’ingénieur des Eaux et forêts et chercheur à l’Inra ? Je suis né en février 1929 à Ernée, petite ville de la Mayenne que j’ai quitté dix- huit mois plus tard. Sarthois, mon grand-père maternel exerçait le métier d’instituteur. Il fut tué sur le front en septembre 1914. Ma grand-mère, en grande difficulté, dut, pour faire vivre sa petite famille (trois enfants), créer et gérer une entreprise de blanchisse- rie au Mans. Mon grand-père pater- nel était auvergnat, originaire de la Châtaigneraie, petite région située au sud d’Aurillac. Comme beaucoup de ses compatriotes, à cette époque, il exerçait une double activité, à savoir dix-huit mois en Espagne en qualité de minotier près de Madrid, suivis de dix- huit mois en France comme agriculteur.

Son associé (cousin) prenait le relais.

Localement, ces « migrants » tempo- raires s’appelaient « les Espagnols ».

Cette pratique a disparu après la guerre civile de 1936-1939.

Mes parents bénéficièrent de « l’ascen- seur social » classique de l’époque : École normale d’instituteurs, puis École pri- maire supérieure débouchant sur le professorat d’EPS. L’enseignement secon- daire, jusqu’en 1942, comportait deux volets : les lycées accueillaient des élèves

issus des milieux aisés et les écoles pri- maires supérieures des jeunes, souvent boursiers, provenant de classes sociales plus modestes. Professeurs de sciences (terme de l’époque), mes parents ont toujours privilégié l’enseignement des sciences naturelles. Ils m’en ont fait large- ment profiter, ce qui peut expliquer mon choix de carrière ultérieur. Après Ernée, leur premier poste, ils furent nommés à Nogent-le-Rotrou (Eure-et-Loir), où j’ai fréquenté le collège de garçons de 1934 à 1945, et jusqu’à la classe de première.

Ma sœur, devenue professeur de français, maintenant retraitée, vit en Auvergne.

L’empreinte auvergnate a dominé. J’ai personnellement gardé la maison de mes parents, ainsi que les bois qui l’entourent que j’essaie de gérer au mieux.

Quels souvenirs avez-vous de la guerre ?

J’étais adolescent et je garde de cette période un très mauvais souvenir.

Mobilisé en 1939, démobilisé en 1940, mon père fut poursuivi par la police de Vichy. En 1942, révoqué et traqué, il dut se cacher dans son Auvergne natale. Ma mère dut également faire face à beau- coup de gros problèmes. Entre 1942 et 1944, ma vie fut donc très pertur- bée. Seule consolation, le souvenir de l’accueil chaleureux que réservèrent, à ma sœur et à moi-même, des paysans

JEANFRANÇOIS

LACAZE

D iplômé de l’Ina et de l’École nationale des eaux et forêts de Nancy. Après un séjour aux États-Unis et au Maroc, Jean-François Lacaze intègre l’Enef de Nancy, avant d’entrer à l’Inra, dans le tout nouveau département Recherches forestières.

Il est chargé de l’exploration de la variabilité infraspécifique des espèces forestières et responsable de l’amélioration d’espèces résineuses et du programme d’introduction d’espèces nouvelles.

Coloration au bleu d’aniline et observation sous UV de tubes polliniques de pollen de peuplier dans les tissus stigmatiques 4 heures après pollinisation. © Inra - M. Villar

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des eaux et forêts métropolitains, avec option de détachement auprès des affaires étrangères pour servir pendant cinq ans au Maroc. Je garde un excellent souvenir de ces deux années à Nancy.

L’enseignement de cette vénérable école fut ultérieurement l’objet de critiques car jugé passéiste. J’ose m’inscrire par- tiellement en faux contre cette accusa- tion, au risque d’être moi-même ringard.

Alternant cours en salle et tournées sur le terrain, avec un encadrement compétent, il visait à former des ingénieurs rapide- ment opérationnels. Outre des tournées hebdomadaires dans les forêts voisines (Lorraine, Vosges), nous participions à des voyages d’études prolongés dans les principales régions forestières du pays, au cours des troisièmes trimestres des deux années de scolarité. Parmi les acquis, je retiens plus particulièrement l’aptitude à l’analyse rapide des paysages fores- tiers, quelle que soit leur complexité.

Parachutés en n’importe quelle parcelle forestière, nous devions être capables de reconstituer les interventions du passé, l’état de l’écosystème, et de concevoir les diverses directions possibles de gestion.

À l’évidence, cela ne s’acquiert pas dans un amphithéâtre. Cette empreinte inesti- mable s’avère indélébile. 60 ans après, me amis. Ce fut ma toute première initia-

tion à l’agronomie. Et aussi quelques missions pour le maquis de Plainville, près de Nogent-le-Rotrou.

Vous êtes resté à Nogent-le-Rotrou jusqu’en 1945, à la fin de la guerre, et votre père est revenu à la vie civile.

Mon père put, dès la libération fin 1944, réintégrer son poste. Je quittai le petit (à l’époque) collège de Nogent-le-Rotrou à l’automne 1945, la classe de math élem.

ayant été supprimée faute de candidats en nombre suffisant. J’eus la chance d’être accueilli au collège Chaptal qui était, à l’époque, non pas un lycée mais un collège de la ville de Paris, accueil- lant majoritairement des élèves bour- siers ainsi que des élèves instituteurs.

Après math élem. (1945-1946) et la classe préparatoire à l’Agro (1946- 1947), j’intégrai le vénérable Institut national agronomique (Ina) à l’automne 1947. Pourquoi ce choix ? Je dois recon- naître que le domaine agronomique ne m’attirait guère, mon objectif étant, très clairement, la forêt, sans aucun doute influencé par mon père (fores- tier « manqué »). L’École nationale des eaux et forêts (Enef) de Nancy était une école d’application de Polytechnique et de l’Ina. Conscient de mes limites en maths, je choisis donc la deuxième solution. Elle accueillait des élèves fonc- tionnaires et des élèves libres.

Certains professeurs vous ont-ils marqué ?

Je garde un excellent souvenir des ensei- gnants de la préparation Agro de Chaptal.

Dévoués, très compétents, ils accom- pagnaient leurs élèves de manière fort efficace.

Je serai moins élogieux pour ce qui concerne l’Ina. Les commentaires qui vont suivre s’appliquent à une période lointaine (1947-1949), maintenant révolue. Le programme d’enseigne- ment consistait en une accumulation de cours, sur des sujets extrêmement divers, dispensés par des enseignants de niveau variable. Le contrôle des connaissances, très archaïque, se résu- mait au rituel d’une colle par semaine,

privilégiant la capacité de mémorisa- tion plutôt que l’aptitude à la réflexion.

Et puis, dois-je l’avouer, peu m’impor- tait de savoir comment on fabriquait les saucissons ou comment on analysait le taux d’azote d’un fourrage. Il fallait se soumettre, et donc bachoter, sachant que l’accès à l’Enef se limitait, selon les années, aux 10 à 15 premiers de la promotion.

Ce tableau peut sembler quelque peu pessimiste. Il y avait aussi d’excellents professeurs. Deux d’entre eux m’ont particulièrement marqué. D’abord, René Dumont, professeur d’agronomie comparée, à l’époque (il a bien changé ultérieurement), agronome très pro- ductiviste comme le prouve son pre- mier livre Le problème agricole français, où il milite pour la mécanisation, l’em- ploi des engrais, le remembrement...

Son enthousiasme, ses visions à long terme, nous séduisaient. Au cours du stage obligatoire de deux mois, effec- tué durant l’été 1948 dans une ferme de Haute-Auvergne, j’eus la surprise de recevoir sa visite pendant deux jours (dont un dimanche !). Il a parcouru les parcelles (y compris l’estive), me mitraillant de questions auxquelles - heureusement - il répondait lui-même, qu’il s’agisse de la composition floris- tique des pâtures, du bilan économique de l’exploitation ou de toutes les caracté- ristiques de cette exploitation. Ma note de stage lui doit beaucoup ! Plus tard, en poste à Agadir, il me rendit visite pour analyser l’impact des travaux de res- tauration des sols entrepris par le ser- vice forestier. Ce fut pour moi un vrai régal. J’avais gardé quelques relations avec lui, mais il a, on le sait, manifes- tement évolué vers un autre monde...

J’eus également la chance de bénéfi- cier du premier cours de génétique dis- pensé à l’Agro par le professeur Joseph Lefèvre. Titulaire de la chaire d’agrono- mie générale, déjà âgé, il avait accepté cette nouvelle mission qu’il remplissait à merveille. Mon goût pour cette disci- pline lui doit beaucoup.

Comment vous présentiez-vous à l’École nationale des eaux et forêts de Nancy ?

À l’issue de la 2e année d’Agro, j’op- tai pour un poste d’ingénieur-élève Propos recueillis par

CHRISTIAN GALANT

Orléans, 25 septembre 2012

De gauche à droite : Pierre Méhaignerie, ministre de l’Agriculture, Jean-François Lacaze et Jean Gadant, chef de service des forêts lors de l’inauguration du centre d’Orléans, 1977.

© Inra

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offert par le Rotary Club de l’est de la France. À cette date, une telle opportu- nité n’était guère courante. D’où mon enthousiasme à l’accepter. Après un long voyage en bateau (l’avion était alors réservé aux personnalités ou aux personnes fortunées), puis en car, je débarquai à l’université de Berkeley (Californie) pour y effectuer un stage de longue durée dans le cadre du 3e cycle de la faculté forestière. Deux axes de tra- vail m’avaient été imposés par le service forestier marocain (mon futur point de chute) : les aménagements sylvopasto- raux en zone sèche et l’étude des espèces forestières du sud de la chaîne de mon- tagne côtière californienne, à l’époque peu connues hors zone d’origine.

Je fus accueilli très cordialement par un jeune enseignant qui, spontanément, m’appela par mon prénom (pratique inconnue en France à l’époque). J’en déduisis, un peu hâtivement, que la vie à Berkeley serait « cool », et, en bon et fier gaulois, j’imaginai que les quelques succès obtenus précédemment dans le prestigieux système éducatif français, m’autorisaient à une certaine condes- cendance vis-à-vis de celui de l’uni- versité américaine. Je dus rapidement réviser mon point de vue en recevant une leçon d’apprentissage de modes- tie fort appropriée. En effet, au cours de ce premier entretien, l’enseignant en cause me confia un certain nombre promenant en forêt, je ne peux m’empê-

cher de faire des hypothèses sur la gestion passée et d’envisager des plans d’action.

Cette réflexion est-elle dominée par l’objectif production de bois ? Oui et non. Certes, dans la plupart des cas, il s’agit de mettre à la disposition de la société du bois en quantité et qualité requises. Mais cette production ne peut conserver son caractère renouvelable que si l’on préserve la potentialité de l’éco- système, et cela, pratiquement sans ou avec très peu d’intrants. Dans leur jar- gon, les forestiers parlaient de « main- tien du rendement soutenu », véritable défi, sachant qu’en général, la forêt fut progressivement reléguée dans les sta- tions les moins fertiles des territoires.

Tel était l’objet de l’important cours de botanique et d’écologie forestière assumé par René Rol, lui-même élève et successeur du grand Philibert Guinier, ancien directeur de l’Enef, membre de l’Académie des sciences, initiateur de l’IUFRO, première organisation inter- nationale de coordination des stations de recherche forestière, animateur actif de la station de recherches fores- tières associée à l’école. C’est à Philibert Guinier que l’on doit le premier cours d’écologie dispensé en France, et cela au début du XXe siècle, à une époque où ce terme restait pratiquement inconnu

dans tous les milieux, y compris intel- lectuels. À l’époque, le terme « écolo- gie » se limitait à l’étude des relations des êtres vivants entre eux et avec le milieu. Son sens actuel est à l’évidence bien différent ! On notera que dans son cours de botanique, René Rol réservait une place très importante à l’analyse des exigences climatiques et édaphiques des essences décrites.

Je ne m’étendrai pas davantage sur l’en- seignement délivré à l’Enef - ce n’est pas l’objet principal de ce témoignage. Il intégrait en fait de très nombreuses dis- ciplines (pathologie, entomologie, pédo- logie, droit administratif et forestier...), ainsi que l’apprentissage de techniques diverses (sylviculture et aménagement des forêts tempérées et tropicales, tech- nologie du matériau bois, correction des torrents et restauration des sols en mon- tagne, construction des routes fores- tières, topographie...). L’objectif était de « fabriquer » des ingénieurs gestion- naires de forêts (surtout publiques) aussi performants que possible.

Au bout de deux années, vous êtes devenu ingénieur des eaux et forêts, vous avez quitté la Lorraine et traversé l’Atlantique pour aller aux États-Unis.

En fin de deuxième année, en juillet 1951, le directeur de l’Enef me proposa un stage de six mois aux États-Unis,

Vue aérienne du centre d’Orléans lors de sa construction au début des années 1970.

© Inra

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r(FTUJPOEFTGPSËUTFYJTUBOUFTÆEPNJ- nance arganeraie à basse altitude, thuyas (Callitris) à moyenne altitude, et pin d’Alep à partir de 1 500 m. Il s’agissait des opérations classiques : marquage des coupes, complément de régénération, ouverture de routes forestières, construction en rigide de maisons forestières, prévention et lutte contre les incendies... L’arganeraie béné- ficiait d’un statut spécial, bois et fruits étant délivrés gratuitement aux popula- tions locales (droits d’usage), de même que le pâturage en zone autorisée. Cette activité de gestion comportait, hélas, un volet répressif, malheureusement indispensable, pour limiter les empiè- tements par défrichages, vols de bois, pâturages en zones mises en défens (10 à 15 ans après coupe d’exploita- tion)... Un petit commentaire sur l’ar- ganier, arbre de vie, fort peu connu à l’époque, fournissant bois combustible (charbon de bois) et de construction, mais aussi pâturage pour les chèvres.

Les noix d’argan constituent la base de production de tourteaux (pulpe) et d’huile (noyaux). On ignorait encore l’usage noble qu’on réserve maintenant à cette huile pour la confection de cos- métiques de luxe, à grand renfort de publicité ;

r'JYBUJPOFUQMBOUBUJPOTEFTEVOFT côtières calcaires situées au nord et sur- tout au sud de l’Oued Souss, très enva- hissante et menaçant les riches terres arables voisines. La technique de fixa- tion adoptée s’inspirait de celle mise au point un siècle plus tôt en Aquitaine.

Boisée en Eucalyptus gomphocephala et Acacia cyanophylla (400 ha/an), ces dunes sont progressivement deve- nues des forêts assez productives et des zones d’accueil d’investissements divers (orientés en particulier vers le tourisme). La production des plants était assurée par une pépinière doma- niale moderne (production annuelle de l’ordre de 300 0000 à 400 000 plants en godets) ;

r"NÊMJPSBUJPOQBTUPSBMF+FVTMBêFSUÊ de créer une pépinière de 12 hectares de plantes fourragères, essentiellement des graminées locales ou introduites, généralement vivaces. L’objectif était d’améliorer la capacité fourragère des parcours forestiers, en enrichissant les zones provisoirement mises en défens d’articles, manuels, rapports, que j’étais

censé lire, pour les commenter devant lui quinze jours plus tard. Peu habi- tué à ce genre d’exercice, trop sûr de moi, j’avoue avoir parcouru fort super- ficiellement ces documents, ce dont ne fut pas dupe mon interlocuteur au cours de la rencontre suivante. Sa réac- tion fut sans appel : « John, je constate que vous n’avez pas vraiment lu la lit- térature que je vous ai confiée, d’où votre incapacité à la commenter. Par ailleurs, votre anglais est exécrable et vous séchez les cours d’anglais obli- gatoires pour étudiants étrangers. Ou bien vous changez radicalement d’at- titude, ou bien vous retournez chez vous. » J’ai choisi la première solution, non sans peine. Ce fut probablement la période la plus stressante de ma vie scolaire. Disposant de moyens matériels très confortables, notamment pour les déplacements (depuis Monterey au nord de San Francisco jusqu’à San Diego au sud, ainsi que dans le Colorado), je crois avoir pu remplir la mission qui m’était confiée : parcours dans les peuplements des espèces forestières ciblées, recueil d’informations précieuses sur les condi- tions de milieux de leurs aires, obten- tion de graines qui seront réservées aux arboretums du Maroc. Parallèlement, j’obtins des informations sur la concep- tion des aménagements sylvopastoraux, les rotations des troupeaux, et surtout sur les techniques d’amélioration des pâturages en zone semi-aride, notam- ment par installation d’espèces fourra- gères adaptées. Ceci me fut fort utile par la suite au Maroc.

Mais avant tout, ce long stage aux États-Unis m’a appris à fonctionner de manière autonome, ce qui contras- tait énormément avec le système que j’avais connu en France, où prévalait un encadrement permanent très paterna- liste et sécurisant.

Comment s’est passé votre service militaire ?

Revenu d’Amérique à la mi-1952, j’intégrai l’École d’officiers du génie d’Angers pour y effectuer un stage rela- tivement court de quatre mois, me per- mettant d’accéder au grade d’aspirant.

À mon grand étonnement, j’y retrou- vai, presque à l’identique, le système

d’enseignement des écoles que j’avais fréquentées précédemment en France : cours le matin, exercices l’après-midi, une colle chaque semaine... Affecté à la section mécanicien automobiliste (je me demande encore pourquoi), j’eus à me familiariser avec la conduite de toutes sortes d’engins (camion, bull- dozer, angledozer), expérience qui, elle aussi, me fut fort utile ultérieurement au Maroc. Un certain nombre d’offi- ciers instructeurs de formation ingé- nieur (Arts et Métiers, Polytechnique) délivraient un enseignement de qualité.

C’est à Angers que j’ai vraiment été ini- tié à la topographie.

Vous reveniez d’Amérique et enchaîniez avec le Maroc.

Pourquoi le Maroc ?

À l’issue de la Seconde Guerre mon- diale, les autorités responsables avaient décidé de procéder à une relève des per- sonnels forestiers restés, plus ou moins bloqués dans les territoires lointains, gérés à l’époque par la France, ceci étant valable en particulier pour l’Afrique du Nord. La quasi-totalité des élèves-ingé- nieurs de ma promotion furent affec- tés outremer.

Par ailleurs, le service forestier maro- cain jouissait d’un certain prestige (que j’ose prétendre assez justifié). Ce très beau pays exerçait un indéniable attrait, ce qui est d’ailleurs toujours le cas, me semble-t-il. Le maréchal Lyautey, né à Nancy, dans un immeuble dont les fenêtres donnaient directement sur la cour d’honneur de l’Enef, avait, dès avant la Première Guerre mon- diale, favorisé la création d’une admi- nistration forestière puissante, voire dominatrice.

Que vous a-t-on confié comme travail au Maroc ?

Arrivé au Maroc en décembre 1952, je fus immédiatement affecté à Agadir, en qualité de chef d’une circonscrip- tion forestière couvrant environ 180 000 hectares soumis au régime forestier, situés entre 0 et 1 700 m d’altitude.

Sans trop entrer dans les détails, je dis- tinguerai globalement quatre axes prin- cipaux de travail :

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l’aide très significative des écoles fores- tières françaises de Nancy et des Barres.

Il fallait faire vite car les départs vers la métropole des forestiers français se déroulaient à une cadence plus rapide que prévue.

Au bout d’un an de galère, j’eus la sur- prise d’être contacté par l’Enef de Nancy et j’acceptai immédiatement son offre d’accueil. Très compréhensif, le ministre marocain Si Abdeljelil me fit savoir qu’il comprenait ma décision. Ancien élève de l’École d’agriculture de Rennes (dans les années 1920), ami de René Dumont, issu d’une famille aristocratique de Fez, il avait été, de manière continue, un opposant au régime du protectorat, ce qui lui avait valu un certain nombre d’années d’emprisonnement. Grand sei- gneur, très cultivé, il n’affichait aucune rancœur.

La principale leçon que je devais tirer de cette expérience se résume en une phrase : ne plus jamais accepter ce genre de poste où l’on croit, à tort, exercer un certain pouvoir.

Seule conséquence heureuse de mon séjour à Rabat : j’y ai rencontré la jeune fille qui sera mon épouse. Quand je l’ai connue, elle travaillait dans une équipe d’amélioration de l’Inra Maroc. Elle ne souhaita pas poursuivre.

De retour à Nancy, quelles étaient vos nouvelles missions ?

Dans un premier temps, je suis chargé d’assurer le suivi des études et stages de après coupe, essentiellement dans

l’arganeraie ;

r%ÊGFOTFFUSFTUBVSBUJPOEFTTPMT %34 de bassins versants très érodés. Il s’agis- sait pour l’essentiel d’une activité de génie civil (clin d’œil à l’École du génie d’Angers) : ouverture de banquettes horizontales en travers des pentes, plan- tées le plus souvent en arbres fruitiers, correction de talwegs par des barrages de pierres sèches...

Tous ces travaux étaient strictement effectués en régie. Accessoirement, nous gérions localement un modeste réseau d’expérimentations très diverses (essais d’espèces forestières nouvelles, fertilisa- tion...) sous la houlette de la station de recherches forestières de Rabat, créée par M. Métro.

En dépit de la lourdeur des tâches, je garde un bon souvenir de ce séjour de trois ans et demi à Agadir. Il s’agissait, à l’époque, d’une petite ville (2 000 à 3 000 habitants) bénéficiant d’un cli- mat quasi paradisiaque (ce qui n’est pas le cas de l’intérieur des terres, soumis à des étés torrides). Les Soussis sont très sympathiques. Entreprenants, joviaux, on connaît leur sens des affaires. Ils émigraient déjà dans le monde entier.

Sait-on combien de cafés ou petites épi- ceries furent créés et sont encore gérés par des Soussis en France ? On a pu dire parfois que c’étaient les Auvergnats du Maroc (ou l’inverse) !

Je dois avouer qu’initier sa vie profes- sionnelle dans un tel lieu n’a pas que des

avantages. Toute autre résidence ne peut que paraître fort maussade.

Vous étiez muté à Rabat, au cabinet du ministre de l’Agriculture.

À la mi-juin 1956, alors que le Maroc accédait à l’indépendance, le directeur général du service forestier, M. Grimaldi d’Esdra, me fit savoir que je devais, dans les plus brefs délais, intégrer le cabi- net du nouveau ministre marocain de l’Agriculture, pour assurer la liai- son entre sa direction et le ministère à Rabat. Mon rôle consistait pour l’essen- tiel à faire la navette entre cette direction des forêts et le ministère (heureusement géographiquement peu éloignés), avec sous le bras, des dossiers fort divers que je devais commenter auprès des chefs de cabinet ou du ministre, souvent pour obtenir des signatures que je n’obtenais pas toujours, faute d’être suffisamment convainquant. J’eus donc le privilège de subir quotidiennement les récrimina- tions et les aigreurs des deux parties, me reprochant parfois mon incapacité à faire progresser les dossiers. En fait, il me semble que, globalement, l’adminis- tration française jouait le jeu mais les Marocains -on peut les comprendre - se méfiaient.

Je doute de l’efficacité réelle de mon acti- vité à ce poste, sauf peut-être pour ma contribution à la mise en place d’un sys- tème de formation ultra rapide de cadres forestiers marocains (ingénieurs, ingé- nieurs des travaux, techniciens), avec

Test de germination in vitro de grains de pollen de mélèze. Les grains gonflés sont viables et la cellule reproductrice est visible au centre des grains.

© Inra

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stabilisation. L’avatar le plus cocasse de cette épisode fut la convocation de tous les transférés (sauf trois), quel que soit leur âge, à subir les épreuves d’un concours de chargé de recherche, avec écrit et oral, pendant deux jours, s’ap- parentant plus à une sorte de bizutage qu’à un contrôle d’aptitude à l’activité de recherche. Démarche d’autant plus inutile que le nombre de postes dispo- nibles était égal au nombre de candi- dats, lesquels étaient arrivés avec leur poste budgétaire.

L’Inra voulait-il créer un département Recherches forestières ?

La question posait sans doute problème à l’Inra, fonctionnant sur la base de dépar- tements mono-disciplinaires. Fallait-il donner priorité à la discipline scienti- fique, ce qui aurait conduit à répartir les équipes entre les différents départe- ments existants concernés, ou bien don- ner priorité à la spécificité de la forêt ? Après une période de tutelle de plusieurs années, exercée par le directeur scien- tifique Gustave Drouineau, c’est la deu- xième option qui fut prise, la direction du département étant confiée à Pierre Bouvarel, homme de très grande qua- lité à tous points de vue. Exerçant une autorité sans faille, très cultivé dans un large spectre du domaine scientifique, il fut le véritable créateur du départe- ment. Jean Pardé, son contemporain, se vit confier le rôle d’administrateur du centre de Nancy, avec la très lourde responsabilité de construire le centre de Champenoux, à proximité de Nancy (l’Enef nous ayant abrités provisoire- ment pendant quelques années).

Pouviez-vous espérer de meilleures conditions de travail à l’Inra ? Il est difficile de répondre objectivement à cette question, ignorant ce qu’aurait pu devenir l’institut autonome envisagé pré- cédemment. En revanche, il est certain que, dans la phase de démarrage, l’Inra a indéniablement gâté les forestiers en leur octroyant des postes (scientifiques, ingénieurs, techniciens) et des crédits de construction. Très surprenant par rapport à la situation actuelle, le pro- blème était surtout de trouver des can- didats. Les jeunes diplômés de l’Enef l’ensemble des élèves et stagiaires étran-

gers, beaucoup d’entre eux provenant des anciennes colonies ou protectorats.

C’est ainsi que j’eus le plaisir de retrou- ver un certain nombre d’agents que j’avais recrutés précédemment à Rabat pour des formations rapides. Le pres- tige de l’Enef nous valait l’honneur d’ac- cueillir des élèves et stagiaires d’origines très diverses : Iraniens, Afghans, Turcs, Grecs, voire Américains, Canadiens, Allemands...

Parallèlement, on me confia la res- ponsabilité du cours de reboisement, et pour finir on m’affecta à la 3e section de la station de recherche et expériences forestières, axée sur le reboisement et l’amélioration génétique des arbres forestiers, dirigée par un homme remarquable, Pierre Bouvarel. Celui-ci me confia la responsabilité d’un pro- gramme axé sur l’exploration de la variabilité infraspécifique naturelle des principales essences autochtones ou introduites les plus représentées en France (à l’exception du pin mari- time, étudié par l’antenne de Bordeaux).

Je pris également en charge le réseau d’expérimentations de techniques de reboisement, surtout développé en zone méditerranéenne.

Je n’avais alors pas de relation avec l’Inra, sauf quelques contacts amicaux avec Yves Demarly et Max Rives, cama- rades de promotion de l’Agro.

Comment avez-vous vécu le rattachement à l’Inra ?

Au cours de l’année 1962, la direction des Eaux et forêts prit l’initiative de réfor- mer, de manière drastique, le secteur enseignement et recherche forestière, par la création d’un nouvel organisme indépendant, doté d’un nouveau statut, permettant, entre autres, de faciliter le recrutement d’enseignants et chercheurs non fonctionnaires de l’administration forestière, mais perpétuant le soutien financier très significatif du Fonds fores- tier national, ainsi que la disposition des revenus des forêts propriété de l’école.

Outre le centre de Nancy, pôle princi- pal, on prévoyait d’accélérer le déve- loppement des antennes de Bordeaux, Avignon, les Barres et Grenoble. Le pro- jet semblait se concrétiser, notamment par un certain nombre de nominations,

à savoir : un ingénieur général à Nancy, chargé de l’organisation générale du nou- veau système (Lachaussée), un res- ponsable de l’enseignement (Viney), un responsable de la recherche (Ayral), ainsi que les directeurs des antennes.

Pour couronner le tout, le ministre Edgar Pisani vint annoncer à Nancy, très offi- ciellement, sa décision de construire une nouvelle école forestière, à la périphérie de Nancy et à proximité des nouvelles implantations universitaires.

En 1963, pour des raisons qui m’échap- pent (diverses hypothèses plus ou moins fiables ont évidemment circulé), le mi- nistre fit volte-face. L’enseignement restera ce qu’il était, la recherche sera transférée à l’Inra. On notera que cette décision fut imposée par le haut, sans la moindre consultation de la base, à laquelle j’appartenais. Certains hauts personnages de l’Inra consentirent à nous consacrer quelques heures d’en- tretien, en vue de se faire une idée de notre activité, mais peut-être aussi pour nous évaluer ! La mesure prise par le ministre concernait également les recherches en pisciculture. Un an plus tôt, les vétérinaires avaient été l’objet du même « hold-up ». La vénérable administration forestière ne put réagir, pour la bonne raison qu’elle était en voie de disparition, ou plutôt de désintégra- tion : création de l’ONF pour la gestion des forêts domaniales et communales, du service des forêts pour l’activité de service public, de services techniques, ancêtres du Cemagref... Le transfert des recherches forestières intervint début 1964, un poste de détaché étant offert aux agents sélectionnés par l’Inra. Il convenait de maintenir un minimum de moyens en personnels à l’Enef pour répondre aux besoins de l’enseignement.

On notera au passage que, dans un pre- mier stade, ce transfert ne coûtait rien à l’Inra : transfert parallèle de postes budgétaires.

J’avoue avoir quelque peu hésité à sauter le pas. D’une part, une certaine tristesse de devoir quitter la famille forestière et d’autre part, l’attitude quelque peu désinvolte du puissant organisme qui nous absorbait. Mais, par ail- leurs, j’étais passionné par l’activité de recherche dans laquelle j’étais impli- qué. Ayant exercé précédemment des métiers divers, j’aspirais à une certaine

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ARCHORALES n° 16 >CHERCHEURS EN FORÊT 50

JEANFRANÇOIS LACAZE des régénérations artificielles (reboise-

ments, compléments de régénérations...) La mise en œuvre d’un tel programme impliquait la mobilisation d’équipes techniques acceptant des déplacements longs et lointains, parfois à l’étranger (récoltes de semences, élevage de plants, récolte des données). De réels progrès furent réalisés en matière de méthodo- logie de l’expérimentation (contribution significative de Michel Lemoine) et de traitement d’un très grand nombre de données (rôle majeur du service de bio- métrie : Richard Tomassonne, Claude Millier).

Nous dûmes, parallèlement, partici- per à l’élaboration d’une réglementa- tion au niveau français (via le CTPS), européen (directive bruxelloise) et mondial (OCDE), visant à mettre fin à l’anarchie qui régnait dans le com- merce des graines et plants d’arbres forestiers. Petite anecdote : nous avions introduit dans le projet de réglementa- tion français l’expression « matériels forestiers de reproduction », ce qui pro- voqua une réaction négative du Conseil d’État, la jugeant quelque peu porno- graphique ! Ce dernier volet d’activité relevait plus du service public que de la recherche (des dizaines de réunions à Paris, Bruxelles). Il me semblait néan- moins prioritaire.

Ce travail consistait à sélectionner les provenances les mieux adaptées.

Alliez-vous au-delà ?

Bien entendu. Le stade ultérieur consis- tait à sélectionner, dans les provenances les plus performantes, des individus qualifiés « arbres plus » dont on véri- fiait la supériorité génétique par des tests de descendances multistation- nels (encore un réseau expérimental sur le terrain). Les sujets retenus consti- tuaient la base de vergers à graines, pro- ducteurs des variétés dites améliorées (gérés à l’époque par le Cemagref). La méthodologie adoptée (génétique quan- titative, estimation de l’héritabilité des caractères...) présentait quelques simi- litudes avec celle des zootechniciens.

La création d’hybrides fut, dans un premier stade, réservée aux peupliers (Michel Lemoine) et aux mélèzes. La recherche de corrélation jeune/adulte constituait un souci majeur, avec des furent rarement intéressés, compte

tenu des écarts importants de rému- nération (en défaveur de l’Inra). À titre d’exemple, mon salaire de fonctionnaire détaché était inférieur à celui que j’au- rais reçu avant détachement (incidences des primes). Il paraît que c’était une pre- mière. Seule exception, concernant les personnels administratifs salariés de l’Enef, qui se virent offrir par l’Inra des rémunérations nettement supérieures.

Pour le fonctionnement, nous étions éga- lement à l’aise, le Fonds forestier national et les services forestiers de terrain conti- nuant à nous apporter une aide signifi- cative sous diverses formes. Il faut dire que de part et d’autre, c’étaient les mêmes hommes qui dialoguaient avant et après la réforme.

Quels étaient les premiers travaux que l’on vous a confiés au titre de l’Inra ?

Il n’y eut aucune rupture. On m’a sim- plement demandé de poursuivre le tra- vail engagé, en réduisant quelque peu les activités techniques de reboisement.

L’axe principal, je l’ai déjà mentionné, était l’exploration de la variabilité infra- spécifique des espèces forestières.

Contrairement au blé ou au maïs, les espèces forestières sont le plus sou- vent très proches de l’état sauvage et couvrent souvent des aires énormes, avec un important gradient de conditions de milieu (sol, climat...) À titre d’exemple, l’aire de l’épicéa, naturel dans le Jura et les Alpes, s’étend jusqu’au milieu de la

Russie. Bien qu’il s’agisse toujours de la même espèce décrite selon des carac- tères morphologiques, on peut donc soupçonner l’existence d’une variabi- lité infraspécifique concernant les carac- tères adaptatifs. Le problème devient important lorsqu’on procède à des reboi- sements artificiels. Il se pose d’ailleurs aussi bien pour les essences introduites que pour les indigènes. J’insiste aussi sur la différence fondamentale entre agro- nomie et sylviculture : pas ou très peu d’intrants (sauf pour la populiculture), des stations généralement difficiles (sols pauvres, pentes), long délai de croissance avec la certitude que tout arbre planté ou semé subira, avant d’être exploitable, des conditions sévères au cours d’an- nées dites exceptionnelles (vent, froid, sécheresse).

Certaines erreurs dans la politique d’approvisionnement en semences forestières ont coûté fort cher. À titre d’exemple, l’emploi généralisé de graines de pin maritime venant du Portugal, après les grands incendies des Landes survenus après la Seconde Guerre mon- diale. Cette provenance portugaise s’est révélée ultérieurement très sensible aux très basses températures survenues en 1956, d’où d’importantes mortalités sur des milliers d’hectares d’arbres encore jeunes. Sans entrer dans le détail, la méthodologie adoptée consistait à créer un réseau de plantations comparatives d’espèces, provenances, descendances, installées dans un certain nombre de stations représentatives des zones où les forestiers publics ou privés procédaient à

Régénération de plants de pin maritime et de pin sylvestre par embryogenèse somatique.

© Inra - Marie-Anne Lelu-Walter

Embryons somatiques germés de mélèze hybride variété INRA REVE-VERT.

© Inra - Marie-Anne Lelu-Walter

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ARCHORALES n° 16 >CHERCHEURS EN FORÊT 51

JEANFRANÇOIS LACAZE

de Nancy à vol d’oiseau, d’équipes alle- mandes performantes.

Dès le début des années 1970, le trans- fert en un autre lieu du secteur amélio- ration fut envisagé. Le Limousin me paraissait tout indiqué. En fait, per- sonne n’aurait accepté la résidence de Limoges (alors que la région nous offrait gratuitement un splendide domaine).

Gustave Drouineau partageait mon point de vue mais, selon lui, la créa- tion d’une nouvelle implantation sem- blait fort prématurée alors que celle de Champenoux venait à peine d’être achevée. Il me proposa, fin 1972, une mutation à la direction de Bordeaux- Pierroton, dont la zone d’action serait étendue à tout l’ouest du Massif cen- tral. C’était chose faite ; j’avais déjà pris une option pour l’achat d’un pavillon en périphérie de Bordeaux quand je fus convoqué en urgence par l’ami Jacques Poly. À peine entré dans son bureau, il me dit : « Eh bien Lacaze, tu ne t’imagines pas que nous allons te payer questions : peut-on prévoir la qualité

du bois d’un arbre adulte à partir de mesures effectuées sur un jeune sujet ? Est-ce que la densité du bois d’un plant âgé de quatre ans peut prédire celle du bois 50 ans plus tard ? Nous ne dispo- sions pas à l’époque d’outils d’analyse génomique performants, nous limitant dans les années 1990 à l’utilisation de l’outil enzymes pour apprécier la varia- bilité génétique. Ce domaine, ainsi que le perfectionnement des méthodes de reproduction végétative, étaient confiés aux physiologistes de la station.

Quelle était votre mission en tant que chargé de recherche à Nancy ? J’étais responsable de l’amélioration d’une dizaine d’espèces résineuses (à l’exception du pin maritime géré à Bordeaux-Pierroton) et du programme d’introduction d’espèces nouvelles, intensifié à partir des années 1970, en zone méditerranéenne, dans certaines zones d’altitude (Alpes, Massif cen- tral) et dans des zones soumises à pol- lution atmosphérique (pluies acides).

L’équipe s’est rapidement dévelop- pée avec l’arrivée de chercheurs de grande qualité : Michel Arbez, Yves Birot, Bernard Roman-Amat, Jean- Charles Bastien, pour ne citer que les plus anciens. D’autres équipes travail- laient sur la résistance aux insectes et maladies. Notre réseau expérimental restait à la disposition des entomolo- gistes et pathologistes forestiers.

Comment s’est poursuivie votre vie à Nancy ?

En tant que responsable de l’équipe

« résineux », je passais un bon tiers de mon temps hors de Nancy, sur le terrain ou en réunion. En paral- lèle, se trouvaient une équipe « feuil- lus » (Michel Lemoine, Eric Teissier du Cros, Jean Dufour) et une équipe physiologie (Marc Bonnet-Masimbert, Daniel Cornu). D’abord hébergés par l’Enef, nous fûmes ensuite transférés à Champenoux, à proximité d’un vieil arboretum de l’Enef.

Je pris la direction de la station d’amé- lioration des arbres forestiers en 1971, quand Pierre Bouvarel prit celle du département Recherches forestières.

À quel moment

vous a-t-on parlé d’Orléans ? Je vais révéler une petite tension interne due à ma vision, sans doute utopique à l’épreuve des faits, de l’évolution de l’Europe. Dans mon esprit, le dévelop- pement de la recherche forestière ne pouvait s’envisager qu’au niveau euro- péen. Restant isolée au niveau natio- nal, souvent jugée non prioritaire, elle ne pouvait, dans mon esprit, progresser correctement. Ceci me paraissait parti- culièrement vrai pour notre pays, carac- térisé par une variabilité des conditions de milieu inégalée en Europe (régions de plaine à climat atlantique, continental, altitude, sèches et humides, méditerra- néenne...) J’en concluais, qu’au moins pour l’amélioration des arbres fores- tiers, ce n’était pas à Nancy qu’il fal- lait concentrer les équipes de recherche (sacrilège !) mais plus à l’ouest, la spéci- ficité de la France étant sa zone atlan- tique et le Massif central. On ne pouvait ignorer l’existence, à moins de 150 km

© Inra - P. Frey

Plantation de peupliers euraméricains.

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JEANFRANÇOIS LACAZE un professeur très motivé pour diri-

ger la station d’entomologie forestière (Jean Lévieux).

Nous avons enfin bénéficié de la proxi- mité d’écoles régionales horticoles, tra- ditionnellement de bon niveau, pour le recrutement d’agents sur des postes que j’avais mis en réserve au cours des années précédant le transfert.

Le 16 avril 1977, le centre fut inauguré officiellement par le ministre Pierre Méhaignerie.

La cérémonie, présidée par le directeur général Raymond Février, s’est dérou- lée sans incident. Je n’en demandais pas plus. Une rumeur circulait selon laquelle Février n’appréciait guère les forestiers. En fait, il n’en était rien. On sait qu’il présidera le conseil d’admi- nistration de l’ONF.

J’eus la fierté d’accueillir, entre autres, diverses manifestations, par exemple la réunion des améliorateurs fores- tiers européens, ainsi qu’une visite du ministre de la Recherche, Jean-Pierre Chevènement. Les équipes recevaient de nombreux visiteurs ou stagiaires étran- gers. Des professeurs américains nous firent l’honneur de nous consacrer leur année sabbatique.

Vous faisiez de la gestion, de l’encadrement, de l’animation.

Début 1983, Jacques Poly me confia la direction du département. J’avais résisté à ses avances pendant plusieurs années, mais je finis par céder ; il n’était guère possible de lui résister.

L’exercice de ce nouveau métier ne m’at- tirait pas du tout. La définition des res- ponsabilités d’un chef de département me paraissait très floue, l’essentiel étant confié aux chefs de station et labora- toires pour le scientifique, et aux admi- nistrateurs (maintenant présidents de centre) pour l’administratif, la réparti- tion des moyens relevant des directeurs scientifiques. Restait la participation aux concours d’avancement, exercice que je n’appréciais guère pour des rai- sons diverses. Par ailleurs, le départe- ment en cause, très multidisciplinaire, se présentait comme une sorte de mini- Inra. L’évolution actuelle semble accen- tuer le phénomène (extension aux pour te dorer les... sur la plage d’Arca-

chon. Tu vas me construire un centre à Orléans ! Tu auras tous les crédits néces- saires. » Sur le dernier point, il s’avan- çait quelque peu. Je n’ai vraiment jamais su la ou les raisons qui l’avaient conduit à prendre cette décision. De retour à Nancy, j’éprouvai quelques difficultés à faire avaler la pilule à la famille qui, justement, aurait apprécié les plages d’Aquitaine.

On vous a donné carte blanche pour vous installer à Orléans et vous étiez le premier arrivé.

Pas tout à fait le premier. Yves Birot et quelques techniciens m’avaient précédé.

Nous étions abrités dans un bâtiment préfabriqué, à proximité du chan- tier de construction du futur centre.

Parallèlement, avec l’aide financière du Fonds forestier national, nous avons pu créer une pépinière moderne sur 10 hec- tares, dans des conditions infiniment meilleures que celles de la plaine lor- raine (sols plus légers). À l’exception d’un échelon resté à Champenoux, la plupart des agents de la station devaient rejoindre Orléans, sans difficulté ma- jeure. Arriveront ensuite les autres sta- tions : entomologie en provenance de Versailles, ainsi qu’une équipe multidis- ciplinaire sylviculture, environnement, sociologie et économie, dirigée par Noël Decourt. Plusieurs années après, nous avons accueilli une importante équipe sols agricoles relevant du département

Agronomie. La préfecture et la munici- palité d’Orléans nous aidèrent très effi- cacement, en particulier pour l’accès à des logements pour le personnel muté.

J’exerçais alors les fonctions d’adminis- trateur, ce qui m’a permis d’apprécier la réelle efficacité des services centraux de l’Inra, de même que la relative simpli- cité de leurs circuits (du moins à cette époque, ce qui n’était malheureuse- ment pas le cas de mon administra- tion d’origine).

Quel était le contexte scientifique ? Nous nous étions implantés à proxi- mité de la ville nouvelle qu’était Orléans - La Source, créée, entre autres, pour l’accueil d’activités tertiaires non pol- luantes, et plus particulièrement d’or- ganismes de recherche : université ressuscitée après avoir disparu pen- dant plusieurs siècles, BRGM, CNRS, laboratoires privés divers.

L’Inra avait fait l’acquisition de terrains situés dans un lotissement acheté par le département du Loiret. Il était prévu enfin que l’École forestière des Barres (près de Montargis) migre sur une par- celle voisine (projet ultérieurement et malheureusement abandonné par le ministère de l’Agriculture), car l’uni- versité d’Orléans aurait accepté de collaborer activement au programme d’enseignement de l’école. La proxi- mité géographique favorisa une cer- taine coopération de cette université qui mit gracieusement, à temps partiel,

Au premier plan, de droite à gauche : Raymond Février, directeur général de l’Inra, Pierre Méhaignerie, ministre de l’Agriculture, et Jean-François Lacaze lors de l’inauguration du centre d’Orléans en 1977.

© Inra

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Un bon chercheur doit être capable de sélectionner les innovations métho- dologiques les mieux adaptées à son activité. Mais c’est aussi le rôle de ses supérieurs hiérarchiques, de veiller à ce qu’il ne s’enlise pas dans une rou- tine improductive ou qu’il poursuive des recherches sur des sujets périmés.

Mais, je viens de le dire, les chercheurs, comme tous les humains, évoluent au cours de leur vie et en particulier leurs diverses aptitudes (créativité...). C’est encore « aux patrons » de veiller à assu- rer dans le temps une bonne adéquation entre les capacités du chercheur et l’acti- vité qui lui est confiée. J’ajouterais enfin, on l’oublie parfois, qu’un bon chercheur doit beaucoup travailler, tout au long de sa vie !

Aviez-vous connu des moments très heureux ?

S’agissant de mon activité profession- nelle, j’en sélectionnerai deux : les deux années passées à l’Enef dans une ambiance de camaraderie exception- nelle, et puis les trois à quatre années immédiatement après notre intégration à l’Inra, période pendant laquelle je pou- vais exclusivement me consacrer à une activité de recherche, sans contrainte administrative majeure.

Aviez-vous des passions et le temps de vous investir sur le plan personnel ?

Voilà une question presque indiscrète.

Dans ma jeunesse, ma mère, très musi- cienne, m’imposa l’apprentissage du violoncelle, sans résultat réel, étant fort peu doué. Ceci ne m’empêche pas d’être plutôt mélomane, avec des goûts très réactionnaires : au-delà de Beethoven, je n’éprouve aucun plaisir. Ma mère avait aussi des qualités indéniables d’aqua- relliste. Elle ne m’a pas transmis ces divers talents. La génétique ne marche pas toujours ! Mon père, très chasseur, me transmit le virus. Au Maroc, puis à Nancy, c’était ma distraction principale, avec une préférence pour le gros gibier (sangliers). À Orléans, l’ONF m’invi- tait à participer à des battues. Mais les méthodes de chasse actuelles consis- tant à attendre le gibier pendant des heures, derrière une botte de paille, ne

me séduisaient guère. J’ai donc laissé les ARCHORALES n° 16 >CHERCHEURS EN FORÊT 53

JEANFRANÇOIS LACAZE

prairies...) Son responsable ne pouvait, à l’évidence, prétendre une capacité d’ex- pertise dans tous les domaines concer- nés. C’est pourquoi, je m’employais à définir un certain nombre de grands programmes disciplinaires : sylvicul- ture, qualité du bois, écologie, amé- lioration génétique..., placés sous la houlette d’un chercheur senior, chaque programme étant soumis à un contrôle périodique exercé par un petit groupe d’experts extérieurs et toujours présidé par une personnalité externe.

Réalisant que divers organismes (CNRS, universités, organismes de développe- ment) abordaient ponctuellement des problèmes intéressant la forêt, je m’em- ployais à aider à la création de projets coo- pératifs (ex : Ecofor). En fait, mon emploi du temps fut très rapidement saturé par un nombre invraisemblable de réunions, malheureusement incontournables, ceci ayant partiellement pour cause la disper- sion des activités forêt du pays. La liste qui suit, de mes diverses interventions, n’est pas exhaustive :

Au niveau français, conseil scientifique de l’ONF (présidence), conseil d’admi- nistration de l’ONF, conseil scientifique de l’institut pour le développement forestier (présidence), conseil scien- tifique de l’association Forêt-Cellulose (présidence), sans compter les réunions de la maison mère. Parmi celles-ci, je donnais une certaine priorité aux réu- nions plénières d’administrateurs, sou- vent et par nature plus près des réalités régionales que celles des chefs de dépar- tement. C’était en particulier pour moi l’occasion de nouer des contacts avec ceux dont les centres ne disposaient pas de chercheurs forestiers, mais qui, par leurs contacts locaux, recevaient des informations sur les besoins en recherches forestières de leur région.

Au niveau international, les sollicita- tions ne manquaient pas : réunions périodiques bruxelloises (CEE) à la DG6 Recherche, la DG4 Agriculture (j’y repré- sentais l’Inra pendant plusieurs années), Cost européen (présidence du secteur forêt), Banque mondiale, IUFRO, groupes de travail FAO, congrès divers...

Pour tout arranger, je dus prendre la direction du département Forêts du Cemagref. C’était une décision, comme toujours irrévocable, de Jacques Poly, qui utilisa sa méthode habituelle :

« Lacaze, tu vas prendre le Cemagref Forêts, j’y tiens. Pour t’aider on va t’af- fecter une voiture (sic) ». Effectivement, quelque temps après, je vis arriver à Orléans une vieille Renault, plutôt pous- sive, quasi inutilisable. En fait, j’avoue avoir apprécié de renouer le contact avec l’ingénierie forestière et de m’impli- quer dans divers programmes appli- qués, parfois à court terme, allant de la cartographie écologique des stations à la conception d’outils montés sur des engins de récolte de bois. Cette acti- vité à multiples facettes eût été impos- sible à conduire sans l’appui efficace et permanent d’un secrétariat assuré par Colette Defer, laquelle avait été recrutée par l’Enef avant notre passage à l’Inra.

Finalement, vous avez eu deux vies de chercheur : forestier à Nancy hors Inra, puis forestier Inra. Aujourd’hui, quel regard portez-vous sur l’organisation de la recherche ? Le côté matriciel du département Recherches forestières vous convenait-il ?

Je suis tenté de répondre positivement, mais je suis persuadé que l’on pourrait simplifier le système recherche/dévelop- pement forestier que nous connaissons.

Je me réjouis de constater l’essor actuel de grands projets coopératifs interna- tionaux et surtout européens, favori- sant les synergies entre organismes de recherches forestières.

Pour vous, qu’est-ce qu’un bon chercheur ou ingénieur de recherche à l’Inra ?

Une telle question mériterait une longue réponse. S’agissant du secteur forêt, je crois à la nécessité d’une double forma- tion initiale (sous des formes diverses), concernant la discipline scientifique choisie mais aussi la foresterie (au sens large). Il m’apparaît indispensable que tout chercheur, même très spécialisé dans des secteurs pointus, ait une cer- taine connaissance des problèmes posés par la gestion des forêts, de l’utilisation de leurs produits, et de ceux qui en sont responsables. Ultérieurement, on sait que les individus évoluent, de même que le contexte social et économique, tandis qu’apparaissent sans cesse de nouvelles techniques, méthodologies...

(12)

fusils au râtelier. Il n’est pas mauvais, non plus, de réserver les dimanches à sa famille. Nous avons deux fils, l’un architecte à Strasbourg, l’autre infor- maticien à Montpellier, qui me donnent toute satisfaction.

Avez-vous des regrets

sur les choses que vous avez faites ? Il serait outrecuidant de ma part de répondre par la négative. J’ai précé- demment évoqué le mauvais souvenir laissé par mon expérience peu concluante dans un cabinet ministériel au Maroc.

Revenant à ma carrière de chercheur, je regrette un certain retard (heureu- sement rattrapé depuis) dans l’utilisa- tion de nouvelles méthodes d’analyse génomique accessibles à la fin du siècle dernier. Je reconnais aussi n’avoir pas suffisamment pressenti l’importance croissante des effets du changement cli- matique probable (quelle que soit la cause du phénomène) sur nos écosystèmes

forestiers, ce qui impliquerait la nécessité impérative d’infléchir de nombreux pro- grammes d’amélioration pour intégrer cette préoccupation. Concernant l’amé- lioration génétique, de nouvelles pistes s’imposent, telles que : appréciation de la capacité d’évolution des populations d’es- sences naturelles (chêne, hêtre) soumises à ces nouvelles conditions de milieu ; accompagnement de cette évolution par sélection de génotypes résistants ; introduction d’espèces et provenances nouvelles... Il en est de même pour les problèmes liés aux ravageurs (champi- gnons et insectes). Toutes les disciplines de la recherche forestière me semblent concernées par cette menace d’évolu- tion du climat.

Et les pluies acides ?

Dans les années 1970, un chercheur allemand fit savoir que, soumises à des pluies acides meurtrières, les forêts françaises disparaîtraient dans un délai

de 20 ans ! La presse écrite ou télévi- sée accorda une place de choix à cette information, au point d’inquiéter la direction de l’Inra. On sollicita l’inter- vention d’un professeur du Collège de France (Pierre Joliot, fils du grand phy- sicien) qui fut chargé de superviser les activités du département Recherches forestières dans ce domaine, lesquelles étaient confiées à mon collègue Maurice Bonneau. Ce dernier, en excellente intel- ligence avec Pierre Joliot, et grâce aux études originales de dendrochrono- logie de Michel Becker à Nancy, put dégonfler le ballon. Il fut démontré que, sauf en quelques points très limi- tés dans l’espace (par exemple, péri- phérie de Rouen), les pluies acides n’expliquaient pas les dépérissements observés sur certaines espèces (surtout chêne pédonculé). La cause principale en revenait à des déficits de précipita- tions intervenus deux ou trois ans avant les manifestations du phénomène. Des crises identiques, survenues au XIXe

ARCHORALES n° 16 >CHERCHEURS EN FORÊT

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JEANFRANÇOIS LACAZE

Défrichage de ce qui deviendra le centre d’Orléans, début des années 1970.

© Inra

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siècle, furent détectées grâce à l’outil dendrochronologie.

Cette péripétie contribua à cultiver chez moi une certaine méfiance vis-à-vis des alertes tapageuses amplifiées par les médias, ce qui peut expliquer mon attitude quelque peu sceptique lorsqu’on commença à évoquer les risques de changement climatique. On sait main- tenant qu’ils existent réellement.

Ayant pris votre retraite, vous avez accepté le statut d’éméritat. Le regrettez-vous ? Non, même si je ne suis pas sûr d’avoir été vraiment utile. Sous prétexte que la vigne est une plante ligneuse, la direc- tion de l’Inra me demanda d’analyser ce vaste secteur dévolu à la vigne et au vin.

Il fallait, paraît-il, l’intervention d’un naïf pour assumer cette tâche : c’était vraiment le cas. À l’issue de nombreuses visites de laboratoires, d’entretiens avec diverses personnalités, j’ai rédigé un rapport qui ne dut pas faire beaucoup progresser la situation. J’ai mesuré alors

que, faute de connaître dans toute sa complexité le milieu dans lequel s’exerce une activité de recherche, il était quasi impossible de procéder à une analyse sérieuse, débouchant sur des proposi- tions d’orientations constructives.

Beaucoup plus intéressante fut ma participation à l’étude prospective de la filière forêt-bois, dirigée par le pro- fesseur Michel Sebillotte, assisté par Bernard Cristofini, Antoine Messéan et Dominique Normandin. Mon rôle consistait pour l’essentiel à faciliter les contacts avec divers représentants de cette filière (depuis la forêt jusqu’à l’industrie) et d’apporter le maximum d’informations sur les problèmes exa- minés. Un tel exercice impliquait de nombreuses réunions et entrevues dans des lieux divers. Il en résulta un très gros rapport, très documenté, qui suscita un certain intérêt. J’en veux pour preuve la demande qui me fut faite, dans certaines régions (par exemple, en Aquitaine) de venir le déco- der devant des organisations profes- sionnelles locales. Pour être utile, une

étude prospective de cette ampleur doit être revue et corrigée périodiquement (validation des scénarios, évolution des contextes). J’ignore si c’est le cas.

En résumé, une activité d’éméritat à l’Inra peut se justifier à condition de définir avec précision les missions et de s’assurer que l’intéressé dispose des qualités requises pour chacune d’elles.

Dans notre exercice de mémoire, revenir sur votre travail vous a-t-il coûté sur le plan personnel ? Pas vraiment, mais ma mémoire est sans doute sélective. Des événements ont pu ou dû m’échapper. Il s’avère assez difficile de faire un tri rationnel entre les informations intéressantes et celles qui le sont moins. Au lecteur de juger.

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JEANFRANÇOIS LACAZE

Enef/Maroc/arganier/Agadir/Rabat/

Champenoux/mélèze/reboisement/

variabilité infraspécifique/peuplier/

Orléans La Source/Gip Ecofor/système Cost/filière forêt-bois

ITEMS

Observation en microscopie optique d’une coupe transversale de tige de bois de peuplier, colorée au bleu astra/safranine.

© Inra - F. Laurans

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